Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-PVI-207

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le présent rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 32 ans lors de son arrestation, le 10 août 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 10 août 2017, vers 19 h, la Police provinciale de l’Ontario (PPO) a informé l’UES de la blessure grave subie par le plaignant.

La PPO a indiqué que le 10 août 2017, vers 14 h, la répartitrice de la PPO a signalé par radio un véhicule (une Lamborghini) roulant à haute vitesse dans la région de Caledon. Un agent de police conduisant une autopatrouille identifiée a croisé la Lamborghini qui roulait en sens inverse, en direction sud, sur la route provinciale 10, et l’agent a fait un demi‐tour et a suivi le véhicule.

La Lamborghini a tourné en direction sud sur le chemin Old Base Line, et elle roulait à environ 160 km/h. Le policier a activé les feux d’urgence de son autopatrouille et a suivi la Lamborghini. La Lamborghini a tourné en direction sud sur le chemin McLaughlin. Lorsque le policier a tourné en direction sud sur le chemin McLaughlin, il a perdu de vue la Lamborghini. L’agent a alors immobilisé son autopatrouille sur l’accotement et est resté là pendant environ cinq minutes.

L’agent de police a ensuite repris la route et a continué de rouler en direction sud sur le chemin McLaughlin sur environ un kilomètre, lorsqu’il a vu que la Lamborghini s’était renversée.

Les deux passagers de la Lamborghini marchaient sur les lieux et ont tous deux été amenés à l’hôpital.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 6

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 2

Plaignant :

Homme de 32 ans interrogé; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1 A décliné l’entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

AT no 3 Notes examinées, entrevue jugée non nécessaire

AT no 4 A participé à une entrevue

AT no 5 Notes examinées, entrevue jugée non nécessaire

AT no 6 Notes examinées, entrevue jugée non nécessaire

AT no 7 Notes examinées, entrevue jugée non nécessaire

AT no 8 A participé à une entrevue

Les notes des AT nos 3 et 5 à 7 ont été examinées, et il a été déterminé que ces agents témoins étaient arrivés sur les lieux après que l’AI eût signalé par radio que la Lamborghini s’était écrasée.

Agents impliqués (AI)

AI no 1 A décliné l’entrevue et n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué, mais a rédigé un rapport d’incident renfermant sa déclaration écrite.

Description de l’incident

Le 10 août 2017, vers 13 h 45, le TC no 2 a appelé le service 9‐1‐1 pour signaler une Lamborghini de couleur noire [dont on sait maintenant qu’elle était conduite par le plaignant] qui roulait à une vitesse élevée en direction sud sur la route provinciale 10[1], dans la ville de Caledon. À peu près au même moment, l’AI circulait, par coïncidence, en direction nord sur la route 10 et a vu la Lamborghini croiser son chemin en sens inverse, roulant à une vitesse élevée.

L’AI a fait demi-tour afin d’effectuer un contrôle routier de la Lamborghini et a informé la répartitrice qu’il avait enregistré la vitesse de la Lamborghini à 120 km/h sur le radar. La Lamborghini a tourné en direction ouest sur le chemin Old Base Line[2], depuis la route 10, et l’AI l’a suivie.

Une fois sur le chemin Old Base Line, l’AI a constaté que la Lamborghini s’était éloignée et qu’elle se trouvait à présent à 400 mètres environ devant lui et qu’elle était sur le point de descendre la colline vers le chemin McLaughlin. L’AI a alors fait une deuxième lecture de la vitesse de la Lamborghini et l’a enregistrée à 162 km/h sur le radar. Lorsque le plaignant s’est approché de l’intersection des chemins Old Base Line et McLaughlin, il a tourné en direction sud sur le chemin McLaughlin sans s’arrêter. L’AI a également fait un virage en direction sud sur le chemin McLaughlin, mais il a perdu de vue la Lamborghini en raison de sa vitesse excessive. L’AI a alors arrêté son autopatrouille sur l’accotement et a informé la répartitrice qu’il ne suivait plus la Lamborghini.

Vers 13 h 53, l’AI a démarré son autopatrouille et a continué de rouler en direction sud sur le chemin McLaughlin, où il a constaté que la Lamborghini se trouvait dans le fossé, après avoir apparemment fait plusieurs tonneaux. Une femme [dont on sait maintenant qu’il s’agissait de la TC no 1] se tenait debout sur la route, près de la Lamborghini, alors que le plaignant était inconscient dans le siège du conducteur. Lorsque le plaignant a repris conscience, l’AI l’a arrêté pour conduite dangereuse et fuite de la police.

Le plaignant a été transporté à l’hôpital, où il a été examiné.

Nature des blessures et traitement

On a diagnostiqué au plaignant une fracture à la 9e côte gauche et une fracture au sternum.

Preuve

Les lieux de l’incident

Le 10 août 2017, les enquêteurs de l’UES se sont rendus au secteur des chemins McLaughlin Road et Boston Mills, dans la ville de Caledon. Le chemin McLaughlin était une route pavée à deux voies sur un axe nord‐sud. La limite de vitesse affichée était de 80 km/h. La chaussée était sèche à l’arrivée des enquêteurs de l’UES. La route n’avait pas d’accotement et il y avait un fossé délimité par de l’herbe des deux côtés du chemin. Le chemin Boston Mills était une route pavée à deux voies sur un axe est‐ouest.

Le véhicule du plaignant, qui était une Lamborghini de couleur noire, faisait face au nord‐est dans la voie en direction sud du chemin McLaughlin. Elle se trouvait à environ 200 mètres au sud du chemin Boston Mills. Il y avait des marques d’éraflure liées au véhicule du plaignant à environ 13 mètres au sud de l’intersection, sur les voies en direction sud du chemin McLaughlin. Il y avait des marques de pneu à environ 38 mètres au sud de l’intersection, sur la voie en direction sud du chemin McLaughlin, et ces marques continuaient jusqu’au fossé côté ouest. L’herbe haute du fossé était aplatie le long du chemin parcouru par le véhicule du plaignant.

La voiture du plaignant était très endommagée et couverte de boue et d’herbe. Les dommages portaient à croire que le véhicule avait fait plusieurs tonneaux avant de s’immobiliser.

Il n’y avait aucun indice portant à croire que le véhicule du plaignant et l’autopatrouille de l’AI aient jamais fait contact.

Photos de la Lamborghini endommagée sur les lieux

Photos de la Lamborghini endommagée sur les lieux

Photos de la Lamborghini endommagée sur les lieux

Photos de la Lamborghini endommagée sur les lieux

L’autopatrouille identifiée de l’AI se trouvait juste au nord du véhicule du plaignant, sur la voie en direction sud. Le moteur était coupé et les feux d’urgence étaient activés. Il n’y avait aucun signe de dommage sur la carrosserie de l’autopatrouille.

L’herbe haute sur le côté ouest du chemin McLaughlin était aplatie. Un relais de téléphone de Bell Canada se trouvait dans l’herbe et sectionné en deux.

Photos de la Lamborghini endommagée sur les lieux

Juste au sud du chemin Boston Mills, sur le chemin McLaughlin, il y avait des rainures sur la chaussée, près de la ligne jaune du centre. Il y avait des marques de pneu sur la voie de circulation en direction sud, et ces marques se dirigeaient plus ou moins en direction ouest, vers le champ.

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Preuve matérielle

Résumé des données du système AVL (Automatic Vehicle Locator) de localisation en temps réel du véhicule et des données du système de positionnement mondial GPS (Global Positioning System) pour l’autopatrouille de l’AI

Voici un résumé des données AVL et GPS extraites de l’autopatrouille de l’AI le 10 août 2017:

  • À 13 h 46, l’AI circulait en direction nord sur la route provinciale 10, juste au sud du chemin Old Base Line, à la vitesse de 87,41 km/h
  • À 13 h 47, l’AI s’est arrêté sur la route 10, au nord du chemin Old Base Line. Au même moment, le centre des communications de la PPO a diffusé par radio les renseignements obtenus de l’appel fait au 9‐1‐1 par le TC no
  • À 13 h 47, l’AI se déplaçait toujours sur la route 10, au nord du chemin Old Base Line, mais avait changé de direction et roulait maintenant en direction sud
  • À 13 h 47, l’AI roulait en direction sud sur la route 10, au nord du chemin Old Base Line, à une vitesse de 135 km/h
  • À 13 h 48, l’AI roulait en direction ouest sur le chemin Old Base Line, à la vitesse de 122 km/h
  • Entre 13 h 48 et 13 h 50, l’AI s’est arrêté sur le chemin McLaughlin Sud. À ce moment‐là, l’AI a fait rapport au centre des communications
  • Entre 13 h 50 et 13 h 52, l’AI a roulé en direction sud sur le chemin McLaughlin à une vitesse variant entre 36 et 74 km/h
  • Entre 13 h 52 et 14 h 29, l’AI était stationnaire sur le chemin McLaughlin, au sud du chemin Boston Mills

À partir des données AVL et GPS, les enquêteurs judiciaires de l’UES ont constaté que, pour les séquences 56, 57 et 58, l’autopatrouille se déplaçait, à 13 h 47, aux vitesses respectives de 37,23 km/h, 37,01 km/h et 37,23 km/h, mais que les données de longitude et de latitude pour ces séquences avaient chacune la même valeur.

De plus, les données AVL et GPS pour les séquences 63 et 64 montraient que l’autopatrouille de l’AI était en mouvement à 13 h 48, aux vitesses respectives de 123,53 km/h et 122,31 km/h, mais que les données longitudinales et latitudinales pour chacune de ces séquences étaient de la même valeur.

Un analyste technique de la PPO a expliqué qu’il se produit souvent de petites défaillances techniques lorsque les données provenant de l’autopatrouille sont envoyées au serveur (situé au quartier général de la PPO). Les données obtenues au niveau du serveur le sont à intervalle de dix minutes. Par conséquent, la meilleure façon d’obtenir des données avec le plus d’exactitude consiste à extraire les données de la tablette que chaque agent de police prend avec lui lorsqu’il conduit une autopatrouille. Cependant, les tablettes ne sont pas spécifiquement attribuées à un policier, et les données que renferme la tablette sont écrasées chaque fois que la tablette est utilisée par un agent de police. Dans cette affaire, comme l’UES n’a pas obtenu la tablette de l’AI au moment de l’incident, les données que renfermaient la tablette ne pouvaient plus être obtenues.

Preuve d’expert

Résumé du rapport de reconstitution de la PPO (examiné par des pairs de l’UES)

Le 23 novembre 2017, un reconstitutionniste de l’UES a obtenu et examine le rapport de reconstitution établi par la PPO. Voici un résumé de ce rapport :

  • Le chemin McLaughlin était une route droite qui ne nécessitait pas de la part d’un conducteur d’effectuer des virages serrés, de sorte qu’il serait difficile d’expliquer pourquoi un véhicule automobile aurait fait une sortie de route
  • Les larges traces fraîches d’éraflure sur la voie de circulation en direction sud, près de la ligne jaune du centre, à 14,7 mètres au sud de l’extrémité sud de l’intersection avec le chemin Boston Mills, correspondaient à une friction du plancher du véhicule du plaignant sur la chaussée avant de rebondir
  • À partir de l’extrémité sud de ces marques d’éraflure de 4,1 mètres de long, il y avait une série de marques de pneu intermittentes, qui suivaient une trajectoire vers le sud‐ouest sur une distance de 108,1 mètres
  • Les premières marques de pneu commençaient à 39,4 mètres au sud de l’extrémité sud de la chaussée du chemin Boston Mills, et elles traversaient les voies en direction nord et sud du chemin McLaughlin sur une distance de 9,2 mètres, en dessinant des « dentelures »[3]
  • Les pressions de pneu sur le véhicule du plaignant n’indiquaient pas de pneu crevé, de sorte qu’on a jugé que les marques ont été faites lorsque le conducteur a perdu le contrôle du véhicule, après que le plancher du véhicule eut « raclé » la chaussée avant de rebondir
  • Les marques de pneu suivantes commençaient à 56,6 mètres au sud du côté sud de la chaussée du chemin Boston Mills, et elles étaient situées au centre de la voie en direction sud du chemin McLaughlin et suivies d’une trajectoire en direction sud‐ouest jusqu’à la souche d’arbre dans le fossé côté ouest
  • Les marques coïncidaient avec un coup de volant donné à droite pour compenser le chevauchement de la ligne centrale du chemin McLaughlin
  • Les larges rainures sur la boue et l’aplatissement de l’herbe au sud de la souche d’arbre brisée dans le fossé côté ouest, ainsi que les dommages et la terre trouvée sur tous les côtés du véhicule du plaignant étaient compatibles avec un capotage (tonneaux) du véhicule du plaignant
  • L’analyse qui suit explique les raisons pour lesquelles les marques susmentionnées laissées sur la chaussée correspondaient au véhicule du plaignant roulant à haute vitesse en direction sud sur le chemin McLaughlin et omettant de faire un arrêt à l’intersection à quatre panneaux d’arrêt avec le chemin Boston Mills, puis continuant sa course en direction sud et finissant par faire une sortie de route où il a atterri dans le fossé côté ouest du chemin McLaughlin
  1. Le milieu de la chaussée du chemin Boston Mills était surélevé ou légèrement bombé pour faciliter le ruissellement des eaux de pluie
  2. Comme le chemin McLaughlin traversait le chemin Boston Mills, ce bombement, bien que marginal, avait un effet dynamique sur les véhicules franchissant l’intersection
  3. Cet effet dynamique est réduit lorsque l’arrêt à quatre sens est respecté, mais il est accentué lorsqu’une vitesse excessive est en cause
  4. Les mesures effectuées sur le chemin McLaughlin indiquaient que le bombement avait une largeur de 0,1 mètre sur 3,0 mètres de long, soit une pente de 0,33 % ou 1,9 degré
  5. On a supposé que le bombement sur le chemin Boston Mills était semblable à celui du chemin McLaughlin
  6. La vitesse précise du véhicule du plaignant lorsqu’il s’est engagé dans l’intersection à arrêt à quatre sens était inconnue, mais on a estimé qu’elle dépassait considérablement la limite de vitesse affichée de 80 km/h, cette vitesse excessive ayant fait « décoller » le véhicule après les marques de « friction » laissées sur la chaussée par le plancher du véhicule
  7. Selon l’information trouvée sur le site www.autoevolution.comcarsLamborghiniGallardo, la garde au sol de ce véhicule était de 11,4 cm
  8. En supposant que la hauteur de décollage était la même que la hauteur d’atterrissage, que l’angle de décollage était de 1,9 degré et que la distance de chute était de 11,4 cm (la garde au sol publiée de la Lamborghini), alors la vitesse calculée au moment où le véhicule du plaignant se trouvait au centre de la chaussée du chemin Boston Mills aurait été de 176 km/h
  9. Il y aurait eu très peu de perte de vitesse pendant l’« envol » partiel du véhicule du plaignant
  10. Après avoir raclé la chaussée sur une distance de 4,1 mètres, à 19,1 mètres au sud du centre du chemin Boston Mills, le véhicule du plaignant a continué sa course hors de contrôle pendant 108,1 mètres à une vitesse légère inférieure à 176 km/h. Comme le véhicule du plaignant n’était pas en mode de verrouillage intégral des roues pendant toute la distance de 108,1 mètres, on a présumé un coefficient de friction légèrement inférieur
  11. Il y a beaucoup de variables proches et raisonnables permettant d’indiquer la réduction de vitesse du véhicule du plaignant pendant ce mouvement de 108,1 mètres en direction sud-ouest sur le chemin McLaughlin, dont certaines sont une réduction de la vitesse de 170 km/h à 89 km/h avec un coefficient de friction de la surface de la chaussée de 0,76 en 3 secondes ou une réduction de la vitesse de 175 km/h à 113 km/h sur une distance de 108 mètres avec un coefficient de friction de la surface de route de 0,63 en 2,7 secondes
  12. L’intervalle de vitesse du véhicule du plaignant au début du capotage a été calculé comme étant de 89 à 113 km/h
  13. Bien que le véhicule du plaignant ait eu un taux d’accélération très élevé (8,37 m/s/s @ 0‐60.com), la vitesse la plus rapide qu’il aurait pu atteindre s’il avait effectué un arrêt est de 64 km/h en 20 mètres, ce qui rend improbable la création de marques de friction. De plus, il n’y avait pas de marques d’accélération au nord des marques de friction et/ou des marques de pneu qui auraient porté à croire que le véhicule du plaignant avait amorcé son accélération après avoir fait un arrêt à l’intersection du chemin Boston Mills
  • La preuve a permis de conclure que le plaignant roulait à haute vitesse en direction sud sur le chemin McLaughlin, qu’il a brûlé le panneau d’arrêt à l’intersection du chemin Boston Mills, qu’il a « raclé » la chaussée avec le plancher de son véhicule avant d’en perdre le contrôle sur la voie en direction nord, puis qu’il a serré à droite. Cette conclusion a été jugée conforme, mais pas nécessairement concluante, avec la tentative du plaignant de fuir quelque chose ou quelqu’un

Preuve vidéo/audio/photographique

Résumé vidéo de l’itinéraire produit par l’UES

Le 16 août 2017, vers 14 h 05, les enquêteurs judiciaires (EJ) de l’UES ont réalisé une vidéo du chemin parcouru par le véhicule du plaignant et le véhicule de l’AI. Les EJ se sont efforcés de reproduire les conditions les plus étroitement associées à l’incident initial, y compris l’heure de la journée et les conditions routières et météorologiques. Voici un résumé du trajet parcouru :

  • Vers 14 h 05, la vidéo a commencé lorsque le véhicule de l’UES a roulé en direction sud sur la route provinciale 10. La route 10 a une chaussée pavée à cinq voies. Deux voies étaient réservées à la circulation vers le nord et deux autres à la circulation en direction sud. Il y avait une voie pour tourner au milieu, entre les voies en direction nord et celles en direction sud. Sur les côtés de la chaussée, il y avait des champs et des arbres. Il n’y avait pas de trottoir. Il y avait quelques résidences et quelques bâtiments commerciaux. Il y avait une bretelle à droite, le long des voies en direction sud. La limite de vitesse affichée était de 80 km/h. La chaussée était relativement droite avec une certaine inclinaison. À cette heure de la journée, il y avait quelques véhicules circulant dans les deux directions, mais aucun piéton ne marchait sur la chaussée ou à côté de celle-ci
  • Environ 3,2 km plus tard, le véhicule de l’UES a fait un virage vers l’ouest sur le chemin Old Base Line. Ce chemin était une route pavée à deux voies. Une voie était pour la circulation vers l’ouest, et l’autre, vers l’est. La chaussée était bordée de champs herbeux et de terres rurales. Aucun trottoir n’a été observé d’un côté ou de l’autre de la chaussée, et on n’a pas vu de piéton sur ou à côté de la chaussée. La limite de vitesse affichée était de 60 km/h. Quelques voitures ont été observées circulant en direction est. Il y avait une inclinaison sur la chaussée. On s’approchait d’une intersection avec panneau d’arrêt dans les quatre sens et une limite de vitesse de 50 km/h
  • Le chemin McLaughlin en direction sud était une route pavée à deux voies sur un axe nord‐sud. Des champs herbeux bordaient la chaussée des deux côtés. La chaussée traversait quelques collines et était cahoteuse. La limite de vitesse affichée était de 60 km/h. Il y avait des bandes rugueuses transversales sur la chaussée à l’approche de l’intersection des chemins Boston Mills et McLaughlin. La route à l’approche de l’intersection était assez rugueuse et inégale. Au sud du chemin Boston Mills, la limite de vitesse affichée était de 80 km/h

Enregistrements des communications

Résumé des enregistrements de l’appel au 9‐1‐1 et des communications radio

Voici un résumé des enregistrements de l’appel au 9‐1‐1 et des communications radio du 10 août 2017 relatifs à cet incident :

  • À 13 h 45 m 57 s – Le TC no 2 a appelé le 9-1-1 pour signaler qu’une Ferrari ou une Lamborghini l’avait dépassé à une vitesse élevée sur la route provinciale 10 en direction sud, juste après l’intersection avec le chemin Escarpment. Le TC no 2 a indiqué qu’il circulait lui aussi en direction sud lorsque la Ferrari ou la Lamborghini l’a dépassé
  • À 13 h 47 m 36 s – L’AI a informé la répartitrice qu’il avait enregistré le véhicule automobile du plaignant comme roulant à 120 km/h [la limite de vitesse sur cette section de la route 10 est de 80 km/h]. L’AI a indiqué qu’il essayait de [traduction] « le rattraper » et que le véhicule du plaignant avait tourné en direction ouest sur le chemin Old Base Line
  • À 13 h 48 m 44 s – L’AI a indiqué que le véhicule du plaignant n’a pas respecté un panneau d’arrêt à l’intersection des Chemins McLaughlin et Old Base Line et a tourné en direction sud sur le chemin McLaughlin. L’AI a également indiqué qu’il était incapable de poursuivre à la vitesse du véhicule du plaignant et qu’il avait arrêté l’autopatrouille sur l’accotement, à l’intersection des chemins McLaughlin et Old Base Line, et il a déclaré [traduction] « abandon »
  • À 13 h 49 m 00 s – La répartitrice a demandé à l’AI s’il était en mode de poursuite
  • À 13 h 49 m 08 s – L’AI a indiqué : [traduction] « J’essayais juste de le rattraper. Je crois qu’il le savait. Il m’a vu faire demi-tour pour le suivre, et il s’est éloigné à une vitesse élevée. Je l’ai enregistré, alors qu’il descendait la colline, à une vitesse de 165 km/h, tandis qu’il s’éloignait de moi. Je ne pouvais pas suivre son rythme. »
  • À 13 h 49 m 26 s – L’AI a indiqué à la répartitrice : [traduction] « Vous pouvez changer cela pour une poursuite policière si vous voulez, même s’il était bien loin devant moi. » La répartitrice a pris note de cela et a demandé si les feux d’urgence de l’autopatrouille de l’AI étaient activés, mais l’AI n’a pas répondu
  • À 13 h 49 m 45 s – Un policier non identifié a demandé à l’AI si la dernière fois qu’il avait vu le plaignant, c’était en direction sud sur le chemin McLaughlin
  • À 13 h 51 m 07 s – L’AI a indiqué qu’il se dirigeait vers le sud sur le chemin McLaughlin, depuis le chemin Old Base Line, pour s’assurer que le plaignant ne s’était pas écrasé
  • À 13 h 51 m 53 s – L’AI a demandé l’aide du Service des incendies et des SMA parce que le véhicule du plaignant s’était renversé au milieu du chemin McLaughlin à la hauteur du chemin Boston Mills

Pendant les transmissions radio de l’AI à la répartitrice, aucune sirène n’a été entendue en arrière‐plan sonore avant l’arrivée de l’AI sur les lieux de la collision impliquant un seul véhicule automobile.

Preuve criminalistique

Aucun élément n’a été envoyé pour analyse au Centre des sciences judiciaires.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé à la PPO puis obtenu et examiné les éléments et documents suivants :

  • tableau des données AVL et GPS du véhicule de police impliqué
  • tableau des données I/CAD (système de répartition assistée par ordinateur d’Intergraph) du véhicule de police impliqué
  • chronologie des événements
  • enregistrement de l’appel au 9‐1‐1
  • enregistrement des transmissions radio de la police
  • coordonnées GPS du véhicule de police impliqué
  • notes des AT nos 1 à 8
  • photographies des lieux de l’incident prises par la PPO
  • rapport de reconstitution de collision de la PPO
  • dossier de la Couronne établi par la PPO
  • déclaration audio d’un témoin civil non désigné transcrite par la PPO
  • dépositions des TC nos 2 et 3 et d’un témoin civil non désigné prises par la PPO
  • détails communiqués par les témoins

L’UES a obtenu et examiné les éléments et documents suivants provenant d’autres sources :

  • dossiers médicaux du plaignant liés à cet incident
  • rapport des appels au Service d’ambulance (x2)

Dispositions législatives pertinentes

Articles 1 à 3 du Règlement de l’Ontario 266/10 (intitulé « Poursuites visant l’appréhension de suspects ») pris en vertu de la Loi sur les services policiers de l’Ontario

1. (1) Pour l’application du présent règlement, une poursuite visant l’appréhension de suspects a lieu lorsqu’un agent de police tente d’ordonner au conducteur d’un véhicule automobile de s’immobiliser, que le conducteur refuse d’obtempérer et que l’agent poursuit, en véhicule automobile, le véhicule en fuite afin de l’immobiliser ou de l’identifier ou d’identifier un particulier à bord du véhicule

(2) La poursuite visant l’appréhension de suspects est interrompue lorsque les agents de police ne poursuivent plus un véhicule automobile en fuite afin de l’immobiliser ou de l’identifier ou d’identifier un particulier à bord du véhicule.

2. (1) Un agent de police peut poursuivre ou continuer de poursuivre un véhicule automobile en fuite qui ne s’immobilise pas :

  1. soit s’il a des motifs de croire qu’une infraction criminelle a été commise ou est sur le point de l’être
  2. soit afin d’identifier le véhicule ou un particulier à bord du véhicule

(2) Avant d’amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects, un agent de police s’assure qu’il ne peut recourir à aucune des solutions de rechange prévues dans la procédure écrite, selon le cas :

  1. du corps de police de l’agent, établie en application du paragraphe 6 (1), si l’agent est membre d’un corps de police de l’Ontario au sens de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux
  2. d’un corps de police dont le commandant local a été avisé de la nomination de l’agent en vertu du paragraphe 6 (1) de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux, si l’agent a été nommé en vertu de la partie II de cette loi
  3. du corps de police local du commandant local qui a nommé l’agent en vertu du paragraphe 15 (1) de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux, si l’agent a été nommé en vertu de la partie III de cette loi

(3) Avant d’amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects, l’agent de police décide si, afin de protéger la sécurité publique, le besoin immédiat d’appréhender un particulier à bord du véhicule automobile en fuite ou le besoin d’identifier le véhicule ou le particulier l’emporte sur le risque que peut présenter la poursuite pour la sécurité publique.

(4) Pendant une poursuite visant l’appréhension de suspects, l’agent de police réévalue continuellement la décision prise aux termes du paragraphe (3) et interrompt la poursuite lorsque le risque que celle-ci peut présenter pour la sécurité publique l’emporte sur le risque pour la sécurité publique que peut présenter le fait de ne pas appréhender immédiatement un particulier à bord du véhicule automobile en fuite ou de ne pas identifier le véhicule ou le particulier.

(5) Nul agent de police ne doit amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects pour une infraction non criminelle si l’identité d’un particulier à bord du véhicule automobile en fuite est connue.

(6) L’agent de police qui entreprend une poursuite visant l’appréhension de suspects pour une infraction non criminelle interrompt la poursuite une fois que le véhicule automobile en fuite ou le particulier à bord du véhicule est identifié.

3. (1) Un agent de police avise un répartiteur lorsqu’il amorce une poursuite visant l’appréhension de suspects

(2) Le répartiteur avise un surveillant des communications ou un surveillant de la circulation, s’il y en a un de disponible, qu’une poursuite visant l’appréhension de suspects a été amorcée.

Article 249 du Code criminel – Conduite dangereuse causant ainsi des lésions corporelles ou la mort

(1) Commet une infraction quiconque conduit, selon le cas :

  1. un véhicule à moteur d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu; [...]

(2) Quiconque commet une infraction mentionnée au paragraphe (1) est coupable :

  1. soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans
  2. soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire

(3)Quiconque commet une infraction mentionnée au paragraphe (1) et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans

(4) Quiconque commet une infraction mentionnée au paragraphe (1) et cause ainsi la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans

Article 249.1 du Code criminel – Fuite de la police

249.1 (1) Commet une infraction quiconque conduisant un véhicule à moteur alors qu’il est poursuivi par un agent de la paix conduisant un véhicule à moteur, sans excuse raisonnable et dans le but de fuir, omet d’arrêter son véhicule dès que les circonstances le permettent.

(2) Quiconque commet une infraction visée au paragraphe (1) est coupable :

  1. soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans
  2. soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire

(3) Commet une infraction quiconque cause des lésions corporelles à une autre personne ou la mort d’une autre personne en conduisant un véhicule à moteur de la façon visée à l’alinéa 249(1)a) dans le cas où il est poursuivi par un agent de la paix conduisant un véhicule à moteur et, sans excuse raisonnable et dans le but de fuir, omet d’arrêter son véhicule dès que les circonstances le permettent.

(4) Quiconque commet une infraction visée au paragraphe (3) est coupable d’un acte criminel passible :

  1. s’il a causé des lésions corporelles à une autre personne, d’un emprisonnement maximal de quatorze ans
  2. s’il a causé la mort d’une autre personne, de l’emprisonnement à perpétuité

Paragraphe 216 (1) du Code de la route de l’Ontario – Pouvoir d’un agent de police

216 (1) Un agent de police, dans l’exercice légitime de ses fonctions, peut exiger du conducteur d’un véhicule, autre qu’une bicyclette, qu’il s’arrête. Si tel est le cas, à la suite d’une demande ou de signaux, le conducteur obéit immédiatement à la demande d’un agent de police identifiable à première vue comme tel

(2) Quiconque contrevient au paragraphe (1) est coupable d’une infraction et passible, sur déclaration de culpabilité, sous réserve du paragraphe (3), selon le cas :

  1. d’une amende d’au moins 1 000 $ et d’au plus 10 000 $
  2. d’un emprisonnement d’au plus six mois
  3. d’une amende et d’un emprisonnement

(3) Si une personne est reconnue coupable d’une infraction prévue au paragraphe (2) et que le tribunal est convaincu, sur l’ensemble de la preuve, que cette personne a continué volontairement de se soustraire à la police lorsqu’un agent de police la poursuivait :

  1. la personne est passible d’une amende d’au moins 5 000 $ et d’au plus 25 000 $, plutôt que l’amende indiquée à l’alinéa (2) a)
  2. le tribunal ordonne l’emprisonnement de la personne pendant une période d’au moins 14 jours et d’au plus six mois, plutôt que la période indiquée à l’alinéa (2) b)
  3. le tribunal ordonne la suspension du permis de conduire de la personne :
  1. pendant une période de cinq ans, sauf si le sous-alinéa (ii) s’applique
  2. pendant une période d’au moins 10 ans si le tribunal est convaincu, sur l’ensemble de la preuve, que les actes de la personne ou la poursuite ont causé la mort ou une blessure corporelle à quiconque

(4) L’ordonnance prévue au sous-alinéa (3) c) (ii) peut prévoir la suspension du permis de conduire de la personne pour le reste de sa vie.

Analyse et décision du directeur

Le 10 août 2017, vers 13 h 45 m 57 s, la PPO a reçu un appel dont l’auteur a indiqué qu’il avait vu une Ferrari ou une Lamborghini rouler en direction sud sur la route provinciale 10, juste après le chemin Escarpment, dans la ville de Caledon. L’appelant, le TC no 2, a indiqué qu’il roulait lui‐même en direction sud sur la route 10 lorsque la voiture sport l’a dépassé à une vitesse qu’il a qualifiée d’ [traduction] « effarante ». Lorsque la répartitrice a demandé à l’appelant s’il avait pu prendre note du numéro de la plaque d’immatriculation, celui‐ci a répondu que [traduction] « personne ne pourrait obtenir son numéro de plaque » et il a ajouté [traduction] « j’aimerais pas savoir à combien il allait. ». La répartitrice a dit à l’appelant qu’elle allait envoyer quelqu’un rechercher ce véhicule.

Dans le rapport d’incident qu’il a rédigé, l’AI a indiqué qu’il était en train de rouler en direction nord sur la route provinciale 10, juste au nord du chemin Old Base Line, lorsqu’une Lamborghini noire roulant en sens inverse à 120 km/h a croisé sa route. L’AI a alors fait demi-tour afin d’effectuer un contrôle routier et, au même moment, il a entendu la transmission radio émanant de la répartitrice. Cette preuve est confirmée par les données extraites de son autopatrouille ainsi que par les enregistrements des transmissions radio de la police.

Les données AVL et GPS provenant de l’autopatrouille de l’AI indiquaient qu’au moment où l’appel a été reçu, l’AI roulait en direction nord sur la route 10, juste au sud du chemin Old Base Line, à une vitesse de 87,41 km/h. La limite de vitesse dans cette zone est de 80 km/h zone.

À 13 h 47 m 36 s, la répartitrice a lancé un appel aux opérations à Caledon, à toutes les unités [traduction] « contrôle de la circulation et véhicules banalisés », afin qu’elles se rendent dans le secteur de la route 10, en direction sud à partir du chemin Escarpment, pour être à l’affût d’une Lamborghini noire qui avait [traduction] « la pédale au plancher »[4].

Selon les données extraites de son autopatrouille, l’AI s’est arrêté sur la route 10, au nord du chemin Old Base Line, au même moment où le centre des communications a diffusé le message par radio.

L’enregistrement des communications par radio confirme que l’AI a immédiatement répondu en indiquant qu’il venait tout juste d’enregistrer au radar la vitesse de ce véhicule à 120 km/h et qu’il essayait de [traduction] « de le rattraper ». L’AI a également indiqué que la Lamborghini avait tourné en direction ouest sur le chemin Old Base Line.

À 13 h 47, les données de la voiture de patrouille de l’AI indiquent qu’il était encore sur la route 10, au nord du chemin Old Base Line, mais qu’il avait changé de direction et roulait maintenant en direction sud, probablement pour suivre et intercepter la Lamborghini qui faisait des excès de vitesse. L’AI a alors augmenté sa vitesse jusqu’à 135 km/h, puis il a ralenti, à 13 h 48, à 122 km/h.

Dans le rapport d’incident, l’AI a indiqué qu’il a ensuite tourné sur le chemin Old Base Line et a roulé en direction ouest, et que c’est là qu’il a vu la Lamborghini à environ 400 mètres devant lui et sur le point de descendre une colline vers le chemin McLaughlin.

L’AI a indiqué que, pendant qu’il roulait en descendant la colline vers le chemin McLaughlin, il a activé ses feux d’urgence et a verrouillé la vitesse de la Lamborghini à 162 km/h dans une zone de 60 km/h. L’AI a vu la Lamborghini commencer à freiner à l’approche de l’intersection des chemins McLaughlin et Old Base et, à ce moment-là, il a enregistré au radar la vitesse de la Lamborghini comme étant de 136 km/h. L’AI a ensuite vu la Lamborghini ralentir à une vitesse d’environ 60 km/h tout en brûlant le panneau d’arrêt à l’intersection, puis accélérer de nouveau. L’AI a indiqué que lorsqu’il s’est lui-même approché de l’intersection, il a activé sa sirène puis a fait un arrêt complet au panneau d’arrêt. L’AI a ensuite tourné en direction sud sur le chemin McLaughlin, où il a vu qu’il y avait un peu plus loin une colline escarpée et qu’il ne voyait plus la Lamborghini.

Cette preuve est entièrement confirmée par l’enregistrement des communications qui, à 13 h 48 m 44 s, a enregistré une transmission radio de l’AI indiquant que la Lamborghini ne s’était pas arrêtée à un panneau d’arrêt situé à l’intersection des chemins McLaughlin et Old Base Line et qu’elle avait continué de rouler en direction sud sur le chemin McLaughlin. Dans l’enregistrement, on entend aussi l’AI indiquer qu’il était incapable de suivre le véhicule qui faisait de l’excès de vitesse et qu’il avait arrêté son autopatrouille sur l’accotement du McLaughlin à la hauteur du chemin Old Base Line. L’AI a ensuite transmis par radio qu’il « abandonnait », signifiant probablement par-là qu’il interrompait sa tentative de poursuite et d’interception de la Lamborghini.

Dans son rapport, l’AI a indiqué qu’il a alors rangé son autopatrouille sur le côté et a indiqué à la répartitrice qu’il n’était plus à la poursuite de la Lamborghini, car elle allait trop vite.

À 13 h 49 m 00 s, sur l’enregistrement, on entend la répartitrice demander à l’AI s’il était en mode de poursuite véhiculaire et l’AI répondre : [traduction] « J’essayais juste de le rattraper. Je crois qu’il le savait. Il m’a vu faire demi-tour pour le suivre, et il s’est éloigné à une vitesse élevée. Je l’ai enregistré roulant à 165 km/h, alors qu’il descendait la colline, en s’éloignant de moi. Je ne pouvais pas suivre son rythme. »

Les données extraites de l’autopatrouille de l’AI confirment que de 13 h 48 à 13 h 50, l’AI était stationnaire sur le chemin McLaughlin Sud. À 13 h 49 m 26 s, alors qu’il était encore arrêté sur le côté de la route, l’AI a de nouveau communiqué avec le centre des communications pour indiquer [traduction] « Vous pouvez changer cela pour une poursuite policière, si vous voulez, même s’il était bien loin devant moi. »

Dans son rapport, l’AI a indiqué qu’après environ deux minutes, il a informé la répartitrice qu’il allait continuer en direction sud sur le chemin McLaughlin à une vitesse d’environ 70 km/h pour s’assurer que la Lamborghini ne s’était pas écrasée ou n’avait pas été impliquée dans une collision.

L’enregistrement des communications radio confirme qu’à 13 h 51 m 07 s, l’AI a avisé la répartition qu’il allait rouler en direction sud sur le chemin McLaughlin, depuis le chemin Old Base Line, pour s’assurer que la Lamborghini ne s’était pas écrasée. Cela est confirmé par les données extraites de son véhicule, selon lesquelles il circulait en direction sud sur le chemin McLaughlin à des vitesses allant de 36 km/h à 74 km/h, entre 13 h 50 et 13 h 52.

À 13 h 51 m 53 s, on entend l’AI demander l’assistance du Service des incendies et des SMU parce que la Lamborghini, qui faisait de l’excès de vitesse, s’était renversée au milieu du chemin McLaughlin, à la hauteur du chemin Boston Mills. Les données tirées de l’autopatrouille de l’AI confirment qu’il a immobilisé son véhicule à 13 h 52, sur le chemin McLaughlin, au sud du chemin Boston Mills, et qu’il est demeuré stationnaire à cet endroit jusqu’à l’arrivée des enquêteurs de l’UES, qui ont photographié les lieux avec les deux voitures encore en place.

Pendant les transmissions radio de l’AI à la répartitrice, on n’entendait pas de sirènes en arrière‐plan sonore avant l’arrivée de l’AI sur les lieux.

Au vu de l’ensemble de la preuve, la version des événements donnée par l’AI est entièrement corroborée par les enregistrements des transmissions radio ainsi que par les données brutes extraites de l’autopatrouille qu’il conduisait. Ces faits confirmés ne peuvent être contestés.

Le plaignant, le chauffeur de la Lamborghini, a indiqué qu’il a d’abord croisé une autopatrouille qui roulait en sens inverse sur la route 10, et que, lorsqu’il a tourné sur le chemin Beechgrove (qui en fait était le chemin Old Base Line), il a vu l’autopatrouille faire demi‐tour, mais qu’à aucun moment il n’a de nouveau aperçu l’autopatrouille après s’être engagé sur le chemin Old Base Line et que les actions de l’AI n’ont aucunement influencé sa conduite, puisqu’il n’avait nullement conscience qu’un agent de police pouvait le suivre ou tenter de l’intercepter. Qui plus est, le plaignant a clairement indiqué que la collision dans laquelle il a été impliqué n’était absolument pas liée à toute action de l’AI.

Selon la déclaration même du plaignant, il est incontestable qu’il n’a jamais eu conscience que sa vitesse avait été enregistrée par le radar de l’AI ou que l’AI prenait des mesures pour intercepter la Lamborghini qu’il conduisait. Ainsi, il est évident que, du fait que le plaignant n’avait pas conscience de cela, la conduite de son véhicule a d’aucune façon été déclenchée, influencée ou exacerbée par les actions de l’AI et que sa façon de conduire était plutôt le résultat direct de sa propre volonté de conduire son véhicule à des vitesses excessives et sans respecter les panneaux de signalisation, que la collision et les graves blessures subies par le plaignant ont été le résultat direct des choix qu’il a faits quant à sa manière de conduire son véhicule et que lui seul est responsable des malheureuses conséquences. En résumé, il n’y a aucune preuve qui puisse de quelque façon que ce soit être interprétée comme établissant un lien causal entre la conduite de l’autopatrouille par l’AI et les blessures subies par le plaignant.

Bien que la déclaration du plaignant exonère complètement l’AI de toute responsabilité en lien avec la collision, je note que le témoignage de l’AI, tel qu’il est confirmé par les enregistrements des communications entre lui-même et le centre des communications ainsi que par les données AVL et GPS extraites de son autopatrouille corroborent pleinement le fait que l’AI n’était plus engagé dans une poursuite véhiculaire au moment de la collision impliquant un seul véhicule lors de laquelle le plaignant a été blessé, pas plus qu’il n’était en mode de poursuite immédiatement avant la collision, ayant abandonné ses tentatives d’appréhender le plaignant peu après s’être engagé sur le chemin McLaughlin et avoir perdu de vue le véhicule automobile du plaignant.

Compte tenu de l’ensemble de la preuve matérielle qui n’est pas contestée, il est clair que, bien que l’AI ait initialement tenté d’immobiliser le véhicule du plaignant, il n’avait pas réduit l’écart qui séparait son propre véhicule de celui du plaignant, et que, dès que le plaignant a brûlé le panneau d’arrêt à l’intersection des chemins McLaughlin et Old Base Line – panneau que l’AI a par contre respecté en faisant un arrêt complet à cette signalisation –, l’AI a perdu de vue le véhicule du plaignant et s’est alors rangé sur le côté, immobilisant son autopatrouille. Il est clair, d’après l’enregistrement des communications, que l’AI a ensuite mis la répartitrice au courant de la situation et lui a indiqué que [traduction] « J’essayais juste de le rattraper. Je crois qu’il le savait. Il m’a vu faire demi-tour pour le suivre et il s’est éloigné à une vitesse élevée. Je l’ai enregistré, alors qu’il descendait la colline, à une vitesse de 165 km/h, tandis qu’il s’éloignait de moi. Je ne pouvais pas suivre son rythme. » Il a ensuite précisé : [traduction] « Vous pouvez changer cela pour une poursuite policière si vous voulez, même s’il était bien loin devant moi. »

Entre le moment où l’AI s’est rangé sur le côté et a immobilisé son véhicule de patrouille et le moment où il a redémarré son autopatrouille pour commencer à chercher le véhicule du plaignant, son autopatrouille était demeurée stationnaire pendant deux minutes complètes avant qu’il ne mette de nouveau son véhicule en marche et se déplace le long du chemin McLaughlin à une vitesse sensiblement inférieure à la limite de vitesse. Une autre minute et 53 secondes se sont écoulées avant que l’AI arrive sur les lieux de l’accident.

En plus d’être confirmée par l’enregistrement des communications radio et par les données AVL et GPS, cette preuve est également corroborée par un témoin indépendant qui est arrivé sur les lieux de l’accident peu après qu’il se soit produit et qu’il a indiqué que le premier véhicule de police n’est arrivé qu’environ cinq minutes après l’accident. Également, lorsqu’il est arrivé sur les lieux, l’AI a dit au témoin qu’il avait vu la Lamborghini rouler à haute vitesse sur la route 10, mais qu’il l’avait perdue de vue sur le chemin Old Base Line.

Dans ce dossier, il est établi que le 10 août 2017, vers 14 h, le plaignant conduisait son véhicule à une vitesse extrêmement élevée lorsqu’il en a perdu le contrôle pour une raison quelconque, ce qui a fait faire à son véhicule plusieurs tonneaux et se renverser. De plus, le plaignant a indiqué que, hormis la fois où il a initialement vu l’AI faire un demi-tour sur la route 10, il n’avait nullement conscience d’une quelconque présence ou implication policière pendant qu’il conduisait son véhicule. Sur la foi de cette preuve, il est clair que la collision dans laquelle le plaignant a été blessé était entièrement son propre fait et qu’elle se serait produite que l’AI eût tenté ou non d’intercepter le plaignant, puisque le plaignant n’était apparemment pas au courant de la présence de l’AI ou de ses tentatives pour procéder à un contrôle routier de la Lamborghini.

Bien qu’il n’y ait pas de lien de cause à effet entre la collision et les blessures du plaignant, il convient de souligner que l’AI s’est entièrement conformé aux dispositions du Règlement de l’Ontario 266/10 (intitulé « Poursuites visant l’appréhension de suspects »), pris en vertu de la Loi sur les services policiers de l’Ontario, en ce que, dans les secondes qui ont suivi son demi‐tour pour poursuivre le véhicule du plaignant, il a avisé la répartitrice qu’il avait enregistré au radar la vitesse de la Lamborghini à 120 km/h et qu’il essayait de rattraper le conducteur de la Lamborghini. Il a ensuite continué de tenir la répartitrice au courant tant des vitesses et des mouvements de la Lamborghini, y compris son emplacement, que de ses propres actions à lui, il a informé la répartitrice de l’endroit où il avait vu la Lamborghini pour la dernière fois et a précisé qu’il s’était rangé sur le côté de la route et qu’il n’était plus en mode de poursuite; il a décidé si, afin de protéger la sécurité publique, le besoin immédiat d’appréhender un particulier à bord du véhicule automobile en fuite ou le besoin d’identifier le véhicule ou le particulier l’emportait sur le risque que pouvait présenter la poursuite pour la sécurité publique (paragraphe 2(3)) et, ayant réévalué la situation (ainsi qu’il avait l’obligation de le faire) en vertu du paragraphe (3), il a interrompu sa poursuite lorsque le risque que la poursuite pouvait poser pour la sécurité publique était supérieur au risque pour la sécurité publique qui pouvait se poser si un particulier à bord de son véhicule en fuite n’était pas immédiatement appréhendé (par. 2(4)).

La dernière question à trancher est de savoir s’il y a des motifs raisonnables de croire que l’AI, lorsqu’il s’est initialement lancé à la poursuite du plaignant, a commis une infraction criminelle, notamment, si en conduisant sa voiture de patrouille, il a élevé le niveau de danger et, par conséquent, contrevenu au paragraphe 249(1) du Code criminel.

Selon l’arrêt de la Cour suprême du Canada R.c. Beatty, [2008] 1 R.C.R. 49, pour que l’article 249 puisse être invoqué, il faut établir que la personne conduisait « d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment-là ou raisonnablement prévisible dans ce lieu » et que cette façon de conduire constituait « un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation que l’accusé. »

Après avoir examiné tous les éléments de preuve, je conclus qu’il n’y a aucune preuve que l’AI, en conduisant sa voiture de patrouille, a créé un danger pour les autres usagers de la route ou a, à quelque moment que ce soit, perturbé la circulation; en fait, hormis sa pointe de vitesse initiale alors qu’il tentait de rattraper le véhicule du plaignant, l’AI semble s’être pleinement conformé aux dispositions du Code de la route; en outre, les conditions météorologiques étaient bonnes et les chaussées étaient sèches.

Dans ce dossier, je conclus que selon la preuve relative à la façon de conduire de l’AI, le niveau n’a pas été élevé au point de constituer « un écart marqué par rapport à la norme », et que, comme je l’ai indiqué précédemment, il n’y a aucune preuve permettant d’établir l’existence d’un lien de causalité entre les actions de l’AI et la collision véhiculaire lors de laquelle le plaignant a été blessé. En fait, à l’examen de la preuve dans son intégralité, il est clair que non seulement l’AI est intervenu en pleine conformité avec le Code criminel, le Code de la route et la Loi sur les services policiers de l’Ontario, mais aussi qu’il s’est comporté en tout temps de façon professionnelle et prudente, et en faisant preuve de jugement. En conclusion, j’estime que la preuve qui m’a été présentée ne me donne pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis ici une infraction criminelle et, par conséquent, je conclus qu’il n’y a aucune raison de poser des accusations au criminel, et aucune accusation ne sera dont portée.

Date : 1er juin 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] La limite de vitesse sur la route provinciale 10 était de 80 km/h. [Retour au texte]
  • 2) [2] La limite de vitesse sur le chemin Old Base Line était de 60 km/h. [Retour au texte]
  • 3) [3] Des dentelures (ou rainures) sont des traces que font les pneus lorsqu’ils roulent sur leurs jantes, et cela se produit fréquemment lorsque le véhicule continue de rouler sur des pneus crevés. [Retour au texte]
  • 4) [4] « La pédale au plancher » est une expression imagée signifiant qu’on roule à une vitesse excessive en appuyant à fond sur la pédale d’accélération. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.