Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-PVI-254

Attention :

Cette page affiche un contenu graphique pouvant choquer, offenser et déranger.

Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Ce rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave subie par un homme âgé de 57 ans le 5 septembre 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 12 septembre 2017, à 12 h, un membre de la Police provinciale de l’Ontario (PPO) a informé l’UES de la blessure grave signalée par le plaignant, laquelle aurait été subie durant un accident automobile le 5 septembre 2017.

Le membre de la PPO a expliqué que le 5 septembre 2017, à 2 h 45, un patrouilleur avait tenté d’arrêter un véhicule qui avait commis une infraction au Code de la route. Le véhicule ne s’était pas arrêté, et l’agent avait entrepris une brève poursuite avant que le superviseur responsable des communications y mette fin. Quelques minutes plus tard, le répartiteur à la division des communications a diffusé un message concernant une collision impliquant deux véhicules à Wasaga Beach. Le plaignant était le conducteur de l’un des deux véhicules.

Des agents de police ont été envoyés sur les lieux et ont parlé au plaignant après leur arrivée. Il leur a dit que le véhicule qui était entré en collision avec lui par l’arrière avait pris la fuite. La description du véhicule qui avait quitté les lieux était identique à la description du véhicule pris en chasse précédemment. Le plaignant n’avait pas de blessure apparente au moment des faits, mais a informé la PPO une semaine plus tard qu’il avait reçu un diagnostic selon lequel il avait subi une commotion cérébrale.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 1

Plaignant :

Homme âgé de 57 ans; a participé à une entrevue; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC A participé à une entrevue

Agent impliqué (AI)

AI N’a pas participé à une entrevue et n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

L’agent impliqué était le seul agent de police de la PPO désigné au début de l’enquête. Toutefois, on a appris par la suite qu’un autre agent était arrivé sur les lieux de la collision, avait parlé brièvement avec le plaignant et puis était reparti pour essayer de trouver le véhicule suspect. Cet agent n’a pas été désigné en tant que témoin ou agent impliqué, du fait qu’il n’avait pas participé à la poursuite.

Description de l’incident

Le 5 septembre 2017, à 2 h 44, l’AI a tenté d’arrêter le TC parce qu’il avait commis une infraction au Code de la route. L’AI a signalé à son sergent responsable des communications que le véhicule du TC avait brûlé deux feux rouges et refusait de s’arrêter alors qu’il lui avait signalé de le faire. L’AI a allumé sa sirène et a suivi le TC. À 2 h 46, l’AI a indiqué que sa propre vitesse était de 120 km/h, mais qu’il avait décéléré à 80 km/h. L’AI a tourné sur un chemin différent et a indiqué qu’il n’y avait aucune circulation. À 2 h 47, l’AI a précisé que sa vitesse était de 75 km/h. Lorsque le sergent lui a demandé la raison de la poursuite, l’AI a répondu : [traduction] « La camionnette est sortie de la taverne Dart à très grande vitesse. Elle a brûlé le premier feu rouge et puis un second feu rouge. » Le sergent responsable des communications a confirmé qu’il n’y avait aucune preuve d’un comportement criminel et a dit à l’AI de mettre fin à la poursuite. À 2 h 48, l’AI a confirmé qu’il s’était rangé sur le côté de la route.

Il est allégué que le TC, peu après la fin de la poursuite, est entré en collision avec l’arrière du véhicule du plaignant et a causé une grave blessure à ce dernier.

Preuve

Enregistrements des communications

5 septembre 2017

  • (2 h 44) AI : Juste une vérification, s’il vous plaît (le numéro de la plaque d’immatriculation du TC). Il ne s’est pas arrêté jusqu’à présent. A brûlé deux feux rouges
  • (2 h 45) Répartiteur : 10-4. Le propriétaire enregistré est le TC. Endroit?
  • AI : (son de la sirène) (indique l’endroit)
  • Répartiteur : Vitesse?
  • (2 h 46) AI : 120. Maintenant, 80
  • Répartiteur : Endroit?
  • AI : (indique le nouvel endroit)
  • Répartiteur : Circulation?
  • AI : Aucune circulation
  • (2 h 47) Répartiteur : Vitesse?
  • AI : 75
  • Sergent responsable des communications : Raison de la poursuite, s’il vous plaît
  • AI : La camionnette est sortie de la taverne Dart à très grande vitesse. Elle a brûlé le premier feu rouge et puis un second feu rouge
  • Sergent responsable des communications : 10-4. Y a-t-il eu un comportement criminel?
  • AI : Juste l’omission de s’arrêter
  • Sergent responsable des communications : 10-4. Mettez fin à la poursuite, rangez‐vous au côté de la route et indiquez votre kilométrage
  • (2 h 48) AI : 10-4. 5 083. Je me suis rangé. (Aucun son de sirène) (Puis, l’AI décrit la camionnette et indique la direction dans laquelle elle se dirigeait la dernière fois qu’il l’a vue)

Cet échange a duré au total 5 minutes et 15 secondes.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a obtenu sur demande et a examiné les éléments et documents suivants fournis par le détachement de Huronia Ouest de la PPO :

  • rapport d’arrestation (TC)
  • données du Système de répartition assisté par ordinateur (RAO) concernant la voiture de patrouille de l’agent non désigné
  • données de localisation automatique du véhicule (LAV) de l’AI et de l’agent non désigné
  • carte de Google Earth montrant l’itinéraire de la poursuite
  • table des données GPS de l’AI et de l’agent non désigné
  • dossiers médicaux du plaignant
  • rapport d’accident de la route de la PPO
  • enregistrements des communications

Lois pertinentes

Section 249 du Code criminel, Conduite dangereuse - Véhicules à moteur, bateaux et aéronefs

(1) Commet une infraction quiconque conduit, selon le cas :

  1. un véhicule à moteur d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu

(3) Quiconque commet une infraction mentionnée au paragraphe (1) et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans.

Alinéa 128(13)b) du Code de la route de l’Ontario – Exemption de véhicules d’urgence aux limites de vitesse

128(13) Les limites de vitesse prescrites aux termes du présent article, d’un règlement ou d’un règlement municipal adopté en application du présent article ne s’appliquent pas aux véhicules suivants :

  1. au véhicule de pompiers qui se rend sur le lieu d’un incendie ou répond à une alerte ou autre urgence, à l’exclusion de son retour d’une alerte ou d’une autre urgence
  2. au véhicule de police utilisé par un agent de police dans l’exercice légitime de ses fonctions
  3. à l’ambulance qui répond à un appel d’urgence ou qui est utilisée pour le transport d’un malade ou d’un blessé dans un cas d’urgence

Analyse et décision du directeur

L’AI a entamé une courte poursuite visant l’appréhension d’un suspect au milieu de la nuit à Wasaga Beach. Peu de temps après la fin de la poursuite, le véhicule du TC aurait percuté l’arrière d’un autre véhicule et aurait causé de graves blessures au conducteur de celui-ci. L’AI a refusé de faire une déclaration aux enquêteurs de l’UES, et la seule information dont ceux‐ci disposaient au sujet du style de conduite de l’AI est fourni par l’enregistrement de ses communications radio et les données LAV/GPS provenant de son véhicule. Pour les raisons qui suivent, je n’ai pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle durant cet incident.

La seule accusation criminelle pertinente qui pourrait s’appliquer dans cette circonstance est la conduite dangereuse d’un véhicule ayant causé des lésions corporelles en contravention du par. 249(3) du Code criminel. Dans ce cas‐là, il y a un double critère à satisfaire, c’est-à-dire que la façon de conduire de l’accusé, examinée objectivement, doit avoir été « dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu » et que cette façon de conduire constituait « un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation que l’accusé » (R. c. Beatty, [2008] 1 R.C.S. 49). À la lumière de la preuve, je ne puis conclure que la conduite de l’AI était dangereuse, lorsqu’examinée objectivement. Tandis que la vitesse de l’AI a atteint 120 km/h dans une zone de 80 km/h, l’alinéa 128(13)b) du Code de la route permet aux agents de police de dépasser la limite de vitesse dans l’exécution légale de leurs fonctions. L’AI, plus tard durant la poursuite, a également ramené sa vitesse à 75 km/h. Compte tenu des circonstances de la poursuite, y compris l’heure de la nuit et l’absence de circulation, sa vitesse à elle seule serait insuffisante pour conclure qu’il y a eu conduite dangereuse. La conduite de l’AI ne constituait pas un écart par rapport à la norme de diligence que respecterait un agent de police raisonnable – et encore moins un écart important. L’AI agissait en conformité avec ses fonctions en tant qu’agent de police lorsqu’il a tenté d’arrêter le TC parce qu’il avait commis deux graves infractions au Code de la route et il s’est conformé à la politique de la PPO sur les poursuites visant l’appréhension de suspects et a mis fin à la poursuite dès que le sergent responsable des communications le lui a ordonné.

Par ailleurs, il n’y a absolument aucun élément de preuve que la conduite de l’AI a contribué à la collision et aux lésions corporelles qui en ont résulté. Les données LAV/GPS du véhicule de l’AI montrent qu’il se trouvait à 5,9 km de l’endroit de la collision, au moment où elle est survenue. Du fait que la poursuite avait pris fin depuis quelque temps et parce que le véhicule de l’AI se trouvait loin de l’endroit de la collision, je ne peux conclure que la poursuite a contribué de quelque façon que ce soit à la collision.

Étant donné qu’il n’y a aucune preuve que la conduite de l’AI, lorsqu’examinée objectivement, était dangereuse et constituait un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait un agent de police raisonnable ou que cette conduite a contribué aux blessures subies par le plaignant, je suis convaincu qu’il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction. Aucune accusation ne sera portée.

Date : 6 juillet 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.