Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-TVI-269

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Le présent rapport a trait à l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par une femme de 60 ans lors d’une collision automobile le 21 septembre 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Vers 17 h, le jeudi 21 septembre 2017, le Service de police de Toronto (SPT) a informé l’UES de la blessure subie par la plaignante. Le SPT a signalé que des agents de police surveillaient un véhicule dans lequel la plaignante était une passagère. Les agents ont tenté d’entourer le véhicule pour le coincer, et le véhicule a pris la fuite et est entré en collision avec un lampadaire. La plaignante a été blessée durant l’accident.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2 

Plaignante :

Femme de 60 ans, a refusé d’être interviewée et n’a pas consenti à la divulgation de ses dossiers médicaux.

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A refusé d’être interviewé sur les conseils d’un avocat

TC no 3 A refusé d’être interviewé sur les conseils d’un avocat

TC no 4 A refusé d’être interviewé sur les conseils d’un avocat

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 2 Notes examinées, entrevue jugée non nécessaire

AT no 3 Notes examinées, entrevue jugée non nécessaire

AT no 4 Notes examinées, entrevue jugée non nécessaire

AT no 5 Notes examinées, entrevue jugée non nécessaire

AT no 6 Notes examinées, entrevue jugée non nécessaire

AT no 7 Notes examinées, entrevue jugée non nécessaire

AT no 8 Notes examinées, entrevue jugée non nécessaire

Les enquêteurs ne se sont pas entretenus avec les AT nos 2‐7 puisque leur participation était limitée, mais ils ont examiné et résumé leurs notes. L’AT no 8, qui était l’auteur du rapport de reconstitution de la collision, n’a pas subi d’entretien, puisque ses observations sont contenues dans le rapport.

Agent impliqué (AI)

AI no 1 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

Description de l’incident

Le jeudi 21 septembre 2017, l’Unité de soutien mobile (USM) du SPT surveillait un véhicule Chevrolet Equinox de couleur or dans le secteur de l’avenue Eglinton Est et de l’avenue Bayview dans la ville de Toronto, dans le cadre d’une enquête sur un homicide. L’USM a procédé à l’immobilisation à haut risque du véhicule en l’entourant de véhicules de surveillance sur l’avenue Eglinton Est près de la promenade Laird. L’Equinox a réussi à s’échapper et s’est enfuie vers l’ouest sur l’avenue Eglinton Est et a heurté un lampadaire à l’intersection du chemin Rumsey et de l’avenue Eglinton Est. Le conducteur et un passager assis à l’arrière sont sortis du véhicule et ont fui les lieux. Le sac gonflable du côté passager avant s’est déployé et la plaignante, qui était assise à cet endroit, a été transportée à l’hôpital. Lorsque la police a suivi l’itinéraire des occupants ayant fui le véhicule automobile, elle a découvert une arme à feu jetée dans une benne à ordures à proximité.

Nature des blessures et traitement

La plaignante a été admise à l’hôpital, où elle est restée pendant un certain temps. En raison de son refus de consentir à la divulgation de ses dossiers médicaux ou de parler aux enquêteurs, ceux‐ci n’ont pas pu déterminer la nature de ses blessures ou du traitement subséquent.

Preuve

Les lieux de l’incident

La collision s’est produite au coin sud‐ouest de l’avenue Eglinton Est et du chemin Rumsey, à Toronto.

Les lieux de l’incident

Les lieux de l’incident

Les lieux de l’incident

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Éléments de preuve médico-légaux

Aucun document ou élément n’a été soumis au Centre des sciences judiciaires.

Témoignage d’expert

Voici les conclusions de l’évaluation de la collision par le spécialiste en reconstitution des accidents de l’UES.

  • d’après le rapport sur la collision du véhicule automobile, une personne inconnue conduisait une Chevrolet Equinox en direction ouest sur l’avenue Eglinton Est à Toronto, en Ontario. La plaignante, qui était âgée de 60 ans, était assise du côté passager avant, le TC no 3, âgé de 20 ans, était assis sur le siège arrière gauche et le TC no 2, âgé de 20 ans, était assis sur le siège arrière droit
  • il faisait chaud, le temps était clair, et les routes étaient sèches
  • la vitesse critique dans la courbe d’un véhicule automobile tournant vers la gauche à partir de la voie de dépassement en direction ouest de l’avenue Eglinton Est vers la voie en direction sud du chemin Rumsey Est de 37 à 42 km/h
  • on suppose que les deux traces de pneus qui commencent dans la voie du centre en direction est de l’avenue Eglinton Est et qui se courbent vers chaque véhicule étaient en fait des traces d’embardée[1]
  • tout en dépassant la vitesse critique de la courbe, le conducteur inconnu a tourné vers la gauche pour circuler en direction sud sur le chemin Rumsey, mais a perdu le contrôle de l’Equinox et a fait une embardée, est montée sur le trottoir ouest du chemin Rumsey, et puis l’avant du véhicule est venu se reposer contre le poteau d’un feu de circulation au côté ouest du chemin Rumsey, juste au sud de l’avenue Eglinton Est
  • les sacs gonflables à l’avant de la Chevrolet Equinox se sont déployés
  • le poteau du feu de circulation a été poussé vers le sud‐ouest
  • peu de temps après, un véhicule utilitaire sport (VUS) de marque Subaru, conduit par l’AI, a suivi un chemin similaire à la Chevrolet Equinox, en se déplaçant vers le sud à partir de la voie du centre en direction ouest de l’avenue Eglinton Est, et l’avant de son véhicule est entré en collision avec la portière arrière partiellement ouverte de la Chevrolet Equinox

Témoignage d’expert

  • la portière arrière droite de la Chevrolet Equinox a été ouverte davantage après l’impact initial
  • le pneu droit avant de la Subaru se trouvait contre le trottoir ouest sans être monté sur celui-ci

Témoignage d’expert

  • la plaignante a subi de graves blessures lorsque le parechoc avant et le capot de la Chevrolet Equinox sont entrés en collision avec le poteau du feu de circulation

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio et de photographies

L’UES a inspecté les lieux pour déterminer s’il y avait des enregistrements vidéo ou audio et des preuves photographiques, mais n’a pas réussi à en trouver.

Enregistrements des communications

En raison de la nature de la surveillance, les communications de la police n’ont pas été enregistrées.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPT les éléments et documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • rapport des détails de l’événement
  • rapport général d’incident
  • rapport sur un accident de la route
  • notes des AT nos 1-8 et de l’AI
  • photos des lieux de l’accident du SPT
  • procédure : Poursuites visant l’appréhension de suspects
  • notes ayant trait à la reconstitution de la collision prises sur place par l’AT no 8, membre du SPT

L’UES a obtenu et examiné les documents suivants provenant d’autres sources :

  • Rapport d’appel d’une ambulance du Service des ambulanciers paramédicaux de Toronto
  • Rapports d’incident des SMU de Toronto (x2)
  • Sommaire du rapport d’incident des SMU de Toronto

Dispositions législatives pertinentes

Articles 1-3, Règlement de l’Ontario 266/10, Loi sur les services policiers de l’Ontario – Poursuites visant l’appréhension de suspects

1. (1) Pour l’application du présent règlement, une poursuite visant l’appréhension de suspects a lieu lorsqu’un agent de police tente d’ordonner au conducteur d’un véhicule automobile de s’immobiliser, que le conducteur refuse d’obtempérer et que l’agent poursuit, en véhicule automobile, le véhicule en fuite afin de l’immobiliser ou de l’identifier ou d’identifier un particulier à bord du véhicule<

(2) La poursuite visant l’appréhension de suspects est interrompue lorsque les agents de police ne poursuivent plus un véhicule automobile en fuite afin de l’immobiliser ou de l’identifier ou d’identifier un particulier à bord du véhicule

2. (1) Un agent de police peut poursuivre ou continuer de poursuivre un véhicule automobile en fuite qui ne s’immobilise pas :

  1. soit s’il a des motifs de croire qu’une infraction criminelle a été commise ou est sur le point de l’être
  2. soit afin d’identifier le véhicule ou un particulier à bord du véhicule

(2) Avant d’amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects, un agent de police s’assure qu’il ne peut recourir à aucune des solutions de rechange prévues dans la procédure écrite, selon le cas :

  1. du corps de police de l’agent, établie en application du paragraphe 6 (1), si l’agent est membre d’un corps de police de l’Ontario au sens de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux
  2. d’un corps de police dont le commandant local a été avisé de la nomination de l’agent en vertu du paragraphe 6 (1) de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux, si l’agent a été nommé en vertu de la partie II de cette loi
  3. du corps de police local du commandant local qui a nommé l’agent en vertu du paragraphe 15 (1) de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux, si l’agent a été nommé en vertu de la partie III de cette loi

(3) Avant d’amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects, l’agent de police décide si, afin de protéger la sécurité publique, le besoin immédiat d’appréhender un particulier à bord du véhicule automobile en fuite ou le besoin d’identifier le véhicule ou le particulier l’emporte sur le risque que peut présenter la poursuite pour la sécurité publique

(4) Pendant une poursuite visant l’appréhension de suspects, l’agent de police réévalue continuellement la décision prise aux termes du paragraphe (3) et interrompt la poursuite lorsque le risque que celle-ci peut présenter pour la sécurité publique l’emporte sur le risque pour la sécurité publique que peut présenter le fait de ne pas appréhender immédiatement un particulier à bord du véhicule automobile en fuite ou de ne pas identifier le véhicule ou le particulier

(5) Nul agent de police ne doit amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects pour une infraction non criminelle si l’identité d’un particulier à bord du véhicule automobile en fuite est connue

(6) L’agent de police qui entreprend une poursuite visant l’appréhension de suspects pour une infraction non criminelle interrompt la poursuite une fois que le véhicule automobile en fuite ou le particulier à bord du véhicule est identifié

3. (1) Un agent de police avise un répartiteur lorsqu’il amorce une poursuite visant l’appréhension de suspects

(2) Le répartiteur avise un surveillant des communications ou un surveillant de la circulation, s’il y en a un de disponible, qu’une poursuite visant l’appréhension de suspects a été amorcée

Article 249 du Code criminel – Conduite dangereuse

249 (1) Commet une infraction quiconque conduit, selon le cas :

  1. un véhicule à moteur d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu; [...]

(3) Quiconque commet une infraction mentionnée au paragraphe (1) et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans

Analyse et décision du directeur

Le 21 septembre 2017, vers 12 h 20, des agents du Service de police de Toronto (SPT) rattachés à l’Unité de soutien mobile (USN) assuraient la surveillance d’un véhicule automobile, un VUS Chevrolet Equinox de couleur or ou bronze, qui, d’après la police, était relié à un homicide. On a demandé à l’équipe d’immobiliser le véhicule automobile et d’arrêter ses occupants pour meurtre et le chef de l’équipe, l’AT no 1, a ordonné l’immobilisation à risque élevé du véhicule dans le secteur de l’avenue Eglinton Est et de la promenade Laird, quand elle pouvait le faire sans danger.

Une fois que le véhicule concerné était arrêté à un feu rouge, l’équipe a entouré le véhicule avec ses véhicules de police, mais le véhicule a réussi à s’échapper et a accéléré en brûlant le feu rouge et a poursuivi son chemin vers l’ouest sur l’avenue Eglinton Est. Puis, l’Equinox est entré en collision avec un lampadaire, et le conducteur et un passager ont fui le véhicule tandis que la passagère assise à l’avant a été blessée, ayant possiblement subi une fracture à une vertèbre, et a été transportée à l’hôpital.

Toutes les personnes qui étaient à bord de l’Equinox ont refusé de fournir des déclarations aux enquêteurs de l’UES. De plus, la passagère avant, la plaignante, n’a pas consenti à ce que ses dossiers médicaux soient divulgués et, par conséquent, ses blessures médicales, quelles qu’elles soient, ne sont toujours pas confirmées.

Dans le courant de cette enquête, du fait que les occupants du véhicule automobile ont refusé de subir une entrevue, seulement un témoin civil a fourni une déclaration. Les enquêteurs se sont entretenus avec l’agent impliqué ainsi qu’avec un agent témoin, et les notes de chacun des neuf agents de police en cause leur ont été fournies pour examen. De plus, les enquêteurs avaient accès au rapport de l’accident automobile et à un rapport de reconstitution de la collision. Du fait que l’équipe menait une opération d’infiltration, les transmissions radio de la police ne se faisaient pas sur un canal enregistré.

Le TC no 1, un témoin civil indépendant qui se trouvait dans le secteur au moment de l’incident, a décrit la chaussée comme étant de niveau et droite, la circulation comme étant relativement dense et le temps comme étant chaud et ensoleillé.

Le TC no 1 a observé le VUS en question circuler en direction ouest sur l’avenue Eglinton Est et s’approcher de l’intersection avec la promenade Sutherland, où il a brûlé un feu rouge à une vitesse de plus de 110 km/h et a failli percuter un autre véhicule automobile qui se déplaçait vers le sud sur Sutherland. Puis, le TC no 1 a vu le VUS se faufiler dans la circulation et faire un virage large à gauche sur le chemin Rumsey à la même vitesse élevée, quand il a perdu de vue le véhicule. Le TC no 1 a indiqué qu’il était clair pour lui que ce VUS essayait de semer quelqu’un.

Environ 10 à 20 secondes après que le VUS avait traversé l’intersection, le TC no 1 a vu plus d’un véhicule se diriger vers l’ouest sur l’avenue Eglinton Est à une vitesse d’environ 80 à 90 km/h et traverser l’intersection alors que la lumière était verte, sans jamais rattraper d’autres véhicules. Le TC no 1 a indiqué qu’il supposait qu’il s’agissait de véhicules de police, même s’ils ne portaient pas de marques et que leurs feux ou sirènes n’étaient pas activés, et il pensait que ces véhicules « pourchassaient » ou poursuivaient le VUS; il a également perdu de vue ces véhicules. Il a seulement réussi à décrire un seul de ces véhicules, comme étant de couleur noire et peut‐être une camionnette ou une Ford Explorer.

L’AI a indiqué qu’après que le conducteur du VUS Equinox avait réussi à éviter d’être coincé par l’équipe de surveillance, l’AT no 1 avait dit à tous les membres de l’équipe de procéder à une vérification du périmètre pour essayer de retrouver l’Equinox. L’AI avait conduit son véhicule à l’intersection de l’avenue Eglinton et de la promenade Laird, où elle s’était arrêtée, et puis avait continué lorsque la voie était libre. Puis, elle avait continué sur l’avenue Eglinton, en parcourant du regard les rues transversales à la recherche de l’Equinox. Quand l’AI était arrivée au chemin Rumsey, elle avait constaté que le côté passager avant de l’Equinox était entré en collision avec un poteau et elle avait tourné vers le sud sur le chemin Rumsey. Alors qu’elle s’approchait de la scène de la collision, la portière arrière avait commencé à s’ouvrir et l’AI avait avancé son véhicule pour empêcher la portière de s’ouvrir davantage et éviter que le passager en sorte. L’avant du véhicule de l’AI était entré en contact avec la portière arrière du côté passager de l’Equinox. Puis, l’AI avait parqué son véhicule et ne l’avait plus bougé. L’AT no 4 et l’AT no 3 étaient arrivés et avaient sorti les passagers du véhicule.

L’AI estimait que 30 à 40 secondes s’étaient écoulées entre le moment où l’Equinox avait quitté l’intersection de la promenade Laird et de l’avenue Eglinton et le moment où elle avait commencé à se déplacer dans son véhicule pour essayer de trouver le VUS. L’AI a indiqué qu’elle n’avait pas poursuivi l’Equinox, mais qu’elle s’était approchée prudemment de l’intersection avec la promenade Laird et qu’elle l’avait traversée en essayant de trouver l’Equinox; elle estimait que sa vitesse était de 50 km/h ou moins. L’AI a indiqué que son intention était de retrouver l’Equinox et puis d’attendre de recevoir d’autres instructions de l’AT no 1.

L’AT no 1 a indiqué que dès que le VUS Equinox s’était échappé de son équipe et qu’il l’avait vu accélérer à partir de l’intersection avec la promenade Laird et se diriger vers l’est sur l’avenue Eglinton, il avait ordonné aux agents de police de le laisser partir et de ne pas le poursuivre. Puis, il avait vu tous les agents retourner à leurs véhicules et il leur avait dit une fois de plus, par la radio, qu’ils ne devaient pas entamer une poursuite, mais qu’ils devaient laisser l’Equinox partir; il leur a toutefois demandé de vérifier les rues transversales pour essayer de retrouver le véhicule.

L’AT no 1 a indiqué qu’à 12 h 26, il avait entendu l’AI dire par la radio qu’elle avait découvert que l’Equinox était entré en collision avec un poteau juste à l’est de l’avenue Eglinton Est au chemin Rumsey, et qu’il estimait que le lieu de l’accident se trouvait à environ un demi-kilomètre de l’endroit où ils avaient initialement essayé de coincer le véhicule. L’AT no 1 s’est alors rendu sur les lieux de la collision et a constaté que l’AI avait mis son véhicule contre la portière arrière du côté passager pour bloquer la sortie.

Selon les notes entrées dans les carnets par chacun des membres de l’USM participant à la surveillance, après l’immobilisation échouée de l’Equinox, ils étaient partis à la recherche du véhicule; aucun d’eux n’a indiqué qu’il avait participé d’une manière ou d’une autre à une poursuite.

Le rapport sur la reconstitution de l’accident concluait que la vitesse critique dans la courbe (la vitesse à laquelle un véhicule perdra le contrôle latéral dans un virage d’une route donnée) d’un véhicule automobile tournant à gauche à partir de la voie de dépassement en direction ouest de l’avenue Eglinton Est au chemin Rumsey en direction sud était de 37 à 42 km/h. Ayant dépassé cette vitesse, le conducteur de l’Equinox a perdu le contrôle du véhicule, est monté sur le trottoir ouest du chemin Rumsey et a percuté le poteau du feu de circulation.

La question à trancher est de savoir s’il y a des motifs raisonnables de croire que la manière de conduire de l’AI était telle qu’elle était dangereuse et, par conséquent, a contrevenu au paragraphe 249(1) du Code criminel et si ses actions ont été la cause des lésions corporelles subies par la plaignante, en contravention du paragraphe 249(3) du Code criminel.

La décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Beatty, [2008] 1 R.C.S. 49, précise que pour que l’article 249 puisse être invoqué, il faut établir que la personne conduisait « d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu » et que cette façon de conduire constituait « un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation que l’accusé ».

En l’absence d’éléments de preuve fournis par les différents occupants du VUS Equinox, je ne puis déterminer s’ils avaient même la conviction, erronée ou autre, que la police poursuivait leur véhicule automobile au moment où il a heurté le lampadaire. Même si le témoin civil indépendant, le TC no 1, a émis l’opinion que les véhicules de police non identifiés « pourchassaient » le VUS, je conclus que, sur la base de son témoignage, dans lequel il a indiqué que 10 à 20 secondes s’étaient écoulées entre le moment où il avait vu passer le VUS et le moment où il avait observé les véhicules de police se rendant dans la même direction à une vitesse moindre, je ne peux déterminer si le style de conduite observé par le TC no 1 précédait ou suivait la collision du VUS.

Bien que je n’aie aucune difficulté à accepter comme exacte l’affirmation faite par le TC no 1 qu’il avait vu un certain nombre de véhicules de police rouler à une vitesse élevée qu’il estimait à entre 80 et 90 km/h et dans la même direction que l’Equinox, je ne suis pas enclin à croire que ces véhicules comprenaient celui de l’AI, pour deux raisons : premièrement, parce que l’AI a indiqué, dans sa déclaration, qu’au moment où elle essayait de trouver l’Equinox, elle ne se déplaçait pas avec d’autres véhicules de police et qu’elle conduisait lentement, en s’arrêtant à chaque intersection pour regarder dans la rue transversale pour voir si l’Equinox s’y trouvait, et deuxièmement, en raison de l’observation du TC no 1, selon laquelle une camionnette ou un VUS de couleur noire « pourchassait » le VUS Equinox, description qui ne correspond pas au véhicule automobile conduit par l’AI, qui était au volant d’une Subaru bleue.

D’après la preuve, il semble que l’AI ait envoyé un message radio pour signaler qu’elle avait retrouvé l’Equinox après sa collision avec le lampadaire et que par la suite, de nombreux autres véhicules de police appartenant à son équipe étaient arrivés sur les lieux; je présumerais que ces agents étaient motivés par un certain sentiment d’urgence. Compte tenu de cette preuve, je suis enclin à accepter que les véhicules observés par le TC no 1 étaient ceux des AT nos 4 et 3, et peut‐être de l’AT no 1, qui se sont tous rendus à la scène de la collision après avoir été informés par la radio que l’AI avait trouvé le véhicule automobile, qui s’était écrasé.

Me basant sur la preuve limitée dont je dispose dans ce dossier, je ne peux trouver des motifs raisonnables de croire que l’AI a participé à quelque moment que ce soit à une poursuite du VUS Equinox, ni qu’il y avait un lien de cause à effet entre sa manière de conduire et la collision entre l’Equinox et le lampadaire. J’accepte entièrement le témoignage de l’AT no 1, qui va dans le sens du témoignage de l’AI et des entrées dans les calepins de tous les autres membres de l’équipe, à savoir que dès que l’Equinox s’était esquivé au moment des tentatives d’immobilisation de la police, il avait émis une directive claire selon laquelle aucun agent ne devait poursuivre le véhicule, mais devait plutôt continuer à le chercher.

Je souligne par ailleurs que l’AI a clairement indiqué lors de son témoignage qu’elle avait l’intention de trouver le véhicule automobile et puis d’attendre que l’AT no 1 lui donne d’autres instructions. Aucun élément de preuve ne contredit cette affirmation, et je n’ai aucune raison de ne pas la considérer comme exacte.

Je suis également enclin à conclure que l’AI n’avait pas entamé une poursuite de l’Equinox en raison des faits supplémentaires suivants :

  • l’AI a estimé qu’il y avait un écart de 30 à 40 secondes entre le moment où l’Equinox s’était enfui de l’intersection avec la promenade Laird et le moment où elle avait commencé à rouler pour essayer de le retrouver, ce qui semble avoir été le contraire d’une poursuite
  • lorsque l’AI est arrivée sur les lieux de l’accident, la collision s’était déjà produite et deux des occupants, dont le conducteur, avaient déjà eu suffisamment de temps pour fuir les lieux
  • le conducteur disposait de suffisamment de temps pour se rendre tellement loin que la police n’était pas en mesure de le trouver
  • l’un des occupants avait eu suffisamment de temps entre la collision et l’arrivée de l’AI pour se débarrasser d’une arme de poing de calibre 45 chargée, qui a été retrouvée plus tard par la police dans une poubelle le long de la route empruntée par les fugitifs
  • à son arrivée, l’AI a pu placer son véhicule automobile dans une position où il est entré en contact avec la portière arrière du côté passager déjà ouverte afin d’empêcher le passager de sortir du véhicule

Sur la foi de cette preuve, non seulement j’accepte que l’AI n’a pas poursuivi un véhicule, mais je ne peux pas non plus trouver des motifs raisonnables de croire que sa manière de conduire était dangereuse au sens où l’entend la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Beatty. Dans les circonstances décrites ici, il n’y a aucune preuve que la conduite de l’AI a nui à la circulation et la route et les conditions météorologiques étaient bonnes. De plus, son contact avec la portière du côté passager de l’Equinox semble avoir été une manœuvre contrôlée visant à empêcher que l’un ou l’autre des autres occupants du véhicule automobile ne s’échappent plutôt qu’une manœuvre qui lui aurait fait perdre le contrôle de son véhicule.

Même si j’acceptais que le véhicule automobile de l’AI était l’un des véhicules observés par le TC no 1 comme se déplaçant à une vitesse de 80 à 90 km/h dans la direction prise par l’Equinox, ce que je ne suis pas enclin à faire, à part leur vitesse, il n’y a aucune preuve que l’un ou l’autre de ces véhicules a été conduit d’une manière qui pourrait être décrite comme « un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation que l’accusé ».

Dans cette affaire, où la police avait des motifs raisonnables de croire que les occupants du véhicule en question pouvaient être arrêtés pour meurtre, il y avait manifestement une certaine urgence à immobiliser le véhicule. Il est toutefois clair qu’à part leur tentative de coincer le véhicule automobile afin de procéder à une arrestation, aucun des agents n’a poursuivi le véhicule ni ont‐ils conduit d’une manière dangereuse pour le public. L’AT no 1, qui avait en sa possession l’information nécessaire permettant à la police d’identifier le véhicule automobile, semble avoir agi calmement et logiquement en ordonnant à ses agents de ne pas entamer une poursuite, mais de continuer à essayer de trouver le véhicule automobile.

En fin de compte, je conclus que le conducteur du VUS Equinox a malheureusement décidé de tenter d’échapper à la police et qu’il l’aurait fait à tout prix afin d’éviter son appréhension et, ce faisant, s’est enfui à une vitesse dangereuse et a fait des manœuvres dangereuses sans égard aux autres personnes qui utilisaient la route ou à ses passagers. Selon la totalité de la preuve, le conducteur non identifié de l’Equinox a négocié le virage à l’intersection de l’avenue Eglinton Est et du chemin Rumsey à une vitesse trop élevée et a perdu le contrôle du véhicule, tout en essayant de s’échapper et il ou elle est le seul ou la seule responsable des blessures subies par la passagère.

En conclusion, rien ne me permet de conclure que l’AI ou n’importe quel autre agent de police ayant participé à la tentative d’immobiliser le VUS Equinox a conduit de façon dangereuse et il n’y a aucune preuve suggérant un lien de causalité entre la blessure subie par la passagère qui se trouvait à l’avant de l’Equinox et les actions de la police. Par conséquent, il n’y a aucune preuve me permettant de conclure qu’une infraction criminelle a été commise par un agent de police dans ces circonstances et aucune accusation ne sera portée.

Date : 12 juillet 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] Trace de pneu créée par une roue qui tourne et dérape simultanément : traces d’accélération, traces d’embardée, traces de pneu dégonflé. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.