Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OCI-280

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le présent rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave qu’aurait subie une femme âgée de 49 ans lors de son arrestation survenue le 17 septembre 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 29 septembre 2017, vers 11 h 10, le Service de police de North Bay (SPNB) a informé l’UES d’une blessure que la plaignante a subie lors de sa mise sous garde. Le SPNB a indiqué que la plaignante et le témoin civil (TC) no 1 avaient été arrêtés le 17 septembre 2017 et conjointement accusés de harcèlement criminel à la suite d’une interaction avec des voisins.

Le mercredi 27 septembre 2017, la plaignante, alors qu’elle se trouvait au quartier général du SPNB, s’est plainte à l’AT no 7 qu’elle avait été physiquement agressée par l’agent impliqué (AI) et l’agent témoin (AT) no 1 lors de son arrestation survenue le 17 septembre 2017. La plaignante a déclaré que, deux jours après son arrestation, elle s’est rendue à l’hôpital où on lui a diagnostiqué une légère commotion et des dommages aux tissus mous.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 0

Les enquêteurs se sont rendus sur les lieux de l’arrestation et ont examiné le voisinage. Ils ont visionné la séquence vidéo d’une caméra installée à une école située à proximité, et un communiqué de presse a été publié dans le journal local pour inviter d’éventuels témoins à se faire connaître.

Plaignante :

Femme âgée de 49 ans; a participé à une entrevue; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

TC no 5 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

AT no 3 Notes examinées, entrevue jugée non nécessaire

AT no 4 Notes examinées, entrevue jugée non nécessaire

AT no 5 Notes examinées, entrevue jugée non nécessaire

AT no 6 Notes examinées, entrevue jugée non nécessaire

AT no 7 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

Agents impliqués (AI)

AI no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

Description de l’incident

Le 17 septembre 2017, à la suite de plaintes de deux citoyens, l’AI et l’AT no 1 se sont rendus à l’adresse de la plaignante dans la ville de North Bay afin d’arrêter la plaignante et le TC no 1 pour une infraction de harcèlement criminel, en contravention de l’article 264 du Code criminel. Le TC no 1 a été arrêté sans incident. La plaignante, en revanche, a résisté à l’arrestation et une certaine force a été employée pour la maîtriser. Deux jours plus tard, le 19 septembre 2017, la plaignante s’est rendue à l’hôpital et a été examinée.

Les 26 et 27 septembre 2017, la plaignante se trouvait au poste de police pour une affaire sans lien avec la présente lorsqu’elle a avisé l’AT no 7 qu’elle avait subi une commotion et une fracture de vertèbres à la suite de son arrestation le 17 septembre 2017, et que ses blessures avaient été causées par l’emploi d’une force excessive par l’AI et l’AT no 1.

Nature des blessures et traitement

La plaignante a été examinée par un médecin deux jours après son arrestation. Ses dossiers médicaux indiquent que l’on n’a pas observé de contusion ou d’abrasion sur son cuir chevelu [traduction] « malgré le fait que l’événement ne datait que de deux jours », que ses pupilles étaient égales et réactives et que, sinon, tout semblait normal. Un balayage crânien (tomodensitogramme de la tête) n’a révélé aucun signe d’anomalie aiguë.

Des radiographies ont aussi été prises des vertèbres thoraciques, du rachis lombaire et du rachis cervical, et aucune anomalie, lésion ou fracture, ni enflure des tissus mous n’a été relevée.

Preuve

Les lieux de l’incident

Le lieu de l’arrestation de la plaignante a commencé sur le perron de sa résidence et a continué jusqu’à une clôture qui longeait sa propriété.

Preuve vidéo/audio/photographique

La plaignante a remis à l’UES des photographies non datées des blessures qui, selon ses dires, lui ont été causées le17 septembre 2017. Certaines des photographies étaient de très mauvaise qualité, tandis que d’autres montraient quelques petites éraflures et une cicatrice au milieu de son dos qui semblaient sans lien avec son arrestation.

Une séquence vidéo provenant d’une caméra de télévision en circuit fermé (TVCF) installée dans une école non loin de là et pertinente au chef d’accusation sous-jacent de harcèlement criminel a été obtenue et visionnée.

Enregistrements de communications

Les enregistrements des transmissions radio de la police ont été obtenus et écoutés.

Documents obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPNB, puis obtenu et examiné les éléments et documents suivants :

  • rapports d’arrestation de la plaignante et du TC no 1
  • chronologie des événements contextuels
  • enregistrements des communications par radio de la police
  • résumé du dossier du cas
  • rapport d’incident général
  • enregistrement vidéo provenant de la caméra à bord de l’autopatrouille transportant la plaignante
  • enregistrement vidéo de la plaignante alors qu’on lui faisait passer les formalités de mise en détention au poste de police
  • enregistrement vidéo de la cellule
  • enregistrement audio de l’interaction que l’AT no 6 a eue avec la plaignante dans la résidence de cette dernière, le 15 septembre 2017, au sujet d’un appel fait par la plaignante
  • résumés des entrevues avec quatre témoins au sujet de l’infraction initiale fournies par le SPNB
  • enregistrements vidéo et entrevues avec les quatre témoins au sujet de l’infraction initiale fournis par le SPNB
  • synopsis (fourni par le SPNB) de l’entrevue que l’AT no 7 a eue avec la plaignante, le 27 septembre 2017, au sujet des allégations que cette dernière avait faites à l’endroit de l’AI et de l’AT no 1 concernant les événements du 17 septembre 2017
  • entrevue que l’AT no 7 a eue avec la plaignante le 27 septembre 2017, fournie par le SPNB
  • notes de l’AT no 7 et de l’AI
  • résumés d’incident
  • profil de sujet – plaignante
  • déclaration écrite de l’AT no 6

L’UES a également obtenu et examiné les éléments et documents suivants provenant d’autres sources :

  • dossiers médicaux de la plaignante liés à cet incident
  • séquence vidéo de surveillance d’une caméra TVCF installée dans une école située à proximité de la résidence de la plaignante et pertinente au chef d’accusation sous‐jacent de harcèlement criminel
  • photographies non datées que la plaignante a fournies des blessures qu’elle allègue avoir subies

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 30 du Code criminel – Le fait d’empêcher une violation de la paix

30 Quiconque est témoin d’une violation de la paix est fondé à intervenir pour en empêcher la continuation ou le renouvellement et peut détenir toute personne qui commet cette violation ou se dispose à y prendre part ou à la renouveler, afin de la livrer entre les mains d’un agent de la paix, s’il n’a recours qu’à la force raisonnablement nécessaire pour empêcher la continuation ou le renouvellement de la violation de la paix, ou raisonnablement proportionnée au danger à craindre par suite de la continuation ou du renouvellement de cette violation.

Article 264 du Code criminel – Harcèlement criminel

264(1) Il est interdit, sauf autorisation légitime, d’agir à l’égard d’une personne sachant qu’elle se sent harcelée ou sans se soucier de ce qu’elle se sente harcelée si l’acte en question a pour effet de lui faire raisonnablement craindre – compte tenu du contexte – pour sa sécurité ou celle d’une de ses connaissances.

(2) Constitue un acte interdit aux termes du paragraphe (1), le fait, selon le cas, de :

  1. suivre cette personne ou une de ses connaissances de façon répétée
  2. communiquer de façon répétée, même indirectement, avec cette personne ou une de ses connaissances
  3. cerner ou surveiller sa maison d’habitation ou le lieu où cette personne ou une de ses connaissances réside, travaille, exerce son activité professionnelle ou se trouve
  4. se comporter d’une manière menaçante à l’égard de cette personne ou d’un membre de sa famille

(3) Quiconque commet une infraction au présent article est coupable :

  1. soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans
  2. soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaires

Analyse et décision du directeur

Le 17 septembre 2017, en réponse à un appel au 9-1-1 qui avait été reçu la veille au soir (alors que le Service de police de North Bay (SPNB) était débordé d’autres appels et ne pouvait répondre à celui-là), l’agent impliqué (AI) s’est rendu à la résidence de la témoin civile (TC) no 4 dans la ville de North Bay. La TC no 4 avait appelé la veille au soir pour signaler que la plaignante, sa voisine arrière, avait pénétré sur sa propriété alors qu’elle était en état d’intoxication et avait menacé de l’assommer. L’AI a parlé à la TC no 4 et lui a dit de communiquer avec la police si d’autres problèmes semblables survenaient. Il s’est ensuite rendu à la résidence de la plaignante et a parlé à cette dernière et à son ami, le TC no 1, au sujet de l’allégation. Les deux parties ont nié l’allégation de la TC no 4 mais ont accepté qu’à l’avenir ils promèneraient leur chien de l’autre côté de la rue pour éviter toute autre confrontation avec la TC no 4.

Le même jour, vers 16 h 30, l’AI a reçu un deuxième appel pour se rendre à la résidence de la plaignante. Ce deuxième appelant a indiqué que la plaignante criait après des enfants qui jouaient dans la rue et était en train de les photographier. Cet appel ne provenait pas de la TC no 4. L’AI est retourné à l’adresse et a vu la plaignante en train de filmer les enfants de l’autre côté de la rue avec son téléphone cellulaire. La plaignante a dit à l’AI que les enfants la harcelaient et qu’elle filmait leur comportement. Lorsque l’AI a demandé à voir l’enregistrement, la plaignante a refusé de le lui montrer. L’AI a observé le TC no 1 en train d’avoir des mots, de l’autre côté de la rue, avec un homme qui semblait être le père des enfants, et il a prévenu le TC no 1 de ne pas commencer une algarade devant lui. L’AI a remarqué alors que le TC no 1 ainsi que la plaignante semblaient en état d’intoxication et que leur comportement était sensiblement différent de celui qu’ils avaient lorsqu’il leur avait parlé plus tôt ce jour-là.

L’AI a alors traversé la rue pour aller parler aux enfants et à leur père. Les enfants ont dit à l’AI que la plaignante leur avait crié après et qu’elle leur avait fait des remarques désobligeantes et les avait insultés. L’un des enfants est alors rentré chez lui en courant et a prévenu son père. Un autre témoin a dit à l’AI qu’il avait vu la plaignante crier après les enfants à plusieurs reprises et que ce problème était récurrent. Sur la base des renseignements reçus, l’AI a jugé qu’il avait un motif raisonnable d’arrêter à la fois le TC no 1 et la plaignante pour harcèlement criminel à l’endroit des enfants, en contravention de l’article 264 du Code criminel.

C’est l’arrestation de la plaignante qui forme la base de cette enquête. Durant l’enquête, six TC, en plus de la plaignante, et quatre témoins de la police, y compris l’AI, ont été questionnés. Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, j’ai pu brosser un portrait assez précis de ce qui s’est produit lors de l’arrestation de la plaignante. Voici un résumé de ce qui s’est produit, corroboré par les éléments de preuve fiables et crédibles.

Le 17 septembre 2017, vers 14 h, l’AI est retourné à la résidence de la plaignante dans le but d’arrêter et la plaignante et le TC no 1. L’AI a appelé en renfort une unité supplémentaire pour procéder aux arrestations, et l’AT no 1 s’est rendue sur place et a été mise au courant de la situation par l’AI. Alors que les deux agents s’approchaient de la résidence, la plaignante est rapidement rentrée dans la maison, tandis que le TC no 1, qui était resté assis sur le perron, a été arrêté et mis sous garde. Le TC no 1 n’a pas opposé de résistance et a été placé sans incident sur la banquette arrière de l’autopatrouille de l’AI. Cela est confirmé par les quatre TC indépendants, ainsi que par le TC no 1 lui-même et la plaignante.

Après que TC no 1 fut arrêté, l’AI et l’AT no 1 ont ensuite voulu procéder à l’arrestation de la plaignante, mais cette dernière, qui se tenait sur le seuil de sa maison, a refusé de sortir. Selon l’un des TC, les deux agents de police ont passé au moins une heure et demie à convaincre la plaignante de sortir de chez elle.

À un moment donné, le chien de la plaignante est sorti de la maison et l’AT no 1 a mis le chien à l’intérieur de son autopatrouille. La plaignante criait et insultait les agents tout au long de l’incident. Peu de temps après, la plaignante est sortie de la maison et les deux policiers se sont dirigés vers elle pour la mettre en état d’arrestation.

C’est alors que la plaignante s’est mise à courir vers la clôture de sa propriété, et l’AI et l’AT no 1 l’ont suivie et l’ont coincée en l’encerclant. Bien qu’il y ait une certaine confusion entre les témoignages des différents témoins quant à savoir quel agent a effectivement mis la plaignante au sol, il est clair que la plaignante a été mise au sol, l’AI et l’AT no 1 indiquant tous deux que c’est l’AI qui a mis la plaignante au sol. Tous les TC qui étaient en position d’observer le geste, cependant, à l’exception du TC no 1 et de la plaignante, ont indiqué que lorsque la plaignante a été mise au sol, aucune partie de son corps n’a jamais fait contact avec la clôture. De plus, aucun des quatre TC indépendants n’a vu un agent de police donner un coup de poing ou un coup de pied à la plaignante ou employer une force excessive sur elle, l’un des TC décrivant les gestes des agents comme ayant été professionnels et empreints de patience, tandis qu’un autre a indiqué qu’il n’a pas vu de gestes de la part des policiers qui lui auraient suscité des préoccupations, et qu’un troisième a décrit les agents de police comme ayant traité la plaignante avec respect.

Tous les témoins indépendants ont indiqué que la plaignante ne coopérait pas avec la police et que, une fois qu’elle a été mise au sol, un agent a placé un genou sur son dos et a menottée la plaignante, l’a remise debout puis l’a placée à l’intérieur de l’autopatrouille.

Bien qu’il ait été allégué par le TC no 1 et la plaignante que la plaignante a été projetée contre la clôture de sa propriété et que sa tête a ensuite été poussée contre le sol, à la suite de quoi l’AI lui a donné un coup de pied ou a piétiné l’arrière de la tête de la plaignante, je ne puis accepter cette preuve, car elle est directement contredite par le témoignage des quatre TC indépendants et ne cadre pas avec la preuve médicale.

Je note que les dossiers médicaux indiquent que, bien que la plaignante se plaignait de douleurs sur tout le corps, il n’y avait pas de signes évidents d’éraflures ou d’enflures sur une articulation ou sur la surface de sa peau, et qu’il n’y avait pas d’abrasion sur son cuir chevelu, bien qu’elle ait été examinée par un médecin dans les deux jours de l’incident. De plus, toutes les radiographies de son corps ainsi que le tomodensitogramme de sa tête ont révélé des résultats normaux.

Il semble, d’après les dossiers médicaux, que le diagnostic d’une légère commotion reposait uniquement sur les symptômes que la plaignante avait elle-même déclarés, sans aucune indication physique à l’appui de ses plaintes. J’estime que la plaignante est peu crédible en ce que sa version des événements est directement contredite par tous les autres témoins, à l’exception du TC no 1 (son petit ami occasionnel), et je nourris de sérieux doutes sur l’existence réelle de toute blessure grave que la plaignante aurait subie lors de l’incident au vu du contenu des dossiers médicaux.

Manifestement, si les allégations faites par la plaignante et le TC no 1 s’étaient vérifiées, à savoir que la plaignante a été projetée contre une clôture, puis que son visage a été poussé sur le sol et que l’AI lui a donné un coup de pied à la tête ou l’a piétinée, alors qu’il portait ses bottes normales de policier, on pourrait s’attendre à ce que cela aurait causé des blessures graves ou, à tout le moins, des abrasions et des éraflures sur le corps de la plaignante; or rien de cela n’a été observé par le médecin, et aucune blessure n’a été documentée dans les dossiers médicaux, lesquels comprenaient un rapport de résultats des radiographies.

En outre, j’ai noté que la plaignante, le 27 septembre 2017, alors qu’elle se trouvait au poste de police pour déposer une plainte contre le TC no 1 qui l’aurait jetée en bas de l’escalier, s’est plainte à l’AT no 7 que, lors de son arrestation par l’AI et l’AT no 1, le 17 septembre 2017, les agents l’ont saisie au poignet et l’ont mise au sol, et que l’un des deux agents a alors placé son genou sur son dos, ce qui lui a causé une commotion et une fracture de vertèbres au dos. Je note que cette version des événements, qui omet de mentionner que la plaignante aurait été projetée contre la clôture ou qu’on lui aurait donné un coup de pied sur la tête ou qu’on l’aurait piétinée, corrobore la version des événements que les TC indépendants ont fournie aux policiers présents et n’étaye pas ses allégations ultérieures faites aux enquêteurs de l’UES. De plus, je note que son allégation de fracture de vertèbres au dos est contredite par ses dossiers médicaux, ce qui mine davantage encore sa crédibilité.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. En ce qui concerne tout d’abord la légalité de l’arrestation de la plaignante, il est clair, d’après les appels faits au 9-1-1, les observations que l’AI a faites au sujet de la plaignante qui photographiait les enfants et les entrevues auprès des enfants et de leur père, que l’AI avait une preuve amplement suffisante pour avoir des motifs raisonnables de croire que la plaignante harcelait les enfants. Également, la plaignante commettait manifestement l’infraction de violation de la paix, une violation dont on ne pouvait pas permettre la continuation. Par conséquent, l’appréhension et l’arrestation de la plaignante étaient légalement justifiées dans les circonstances.

En ce qui concerne le degré de force employé par les agents dans leurs tentatives d’arrêter la plaignante, je considère que leur comportement était plus que justifié dans les circonstances et qu’ils n’ont pas employé plus de force que nécessaire pour maîtriser la plaignante, laquelle était manifestement en état d’intoxication et avait un comportement abusif et qui faisait beaucoup d’effort pour faire échouer les intentions des agents de l’arrêter. J’accepte pleinement que l’AI a dû mettre la plaignante au sol pour procéder à son arrestation, et le faire rapidement, sans causer davantage de perturbations à l’ordre public dans le voisinage. Bien que je doute sérieusement que la plaignante ait subie quelque blessure que ce soit durant cette manœuvre, même si je concluais qu’elle a été blessée lorsque l’AI l’a mise au sol, je ne saurais en arriver à la conclusion qu’une force excessive a été employée alors. Dans ce dossier, il est clair que la force employée tant par l’AI que par l’AT no 1 a progressé de façon mesurée et proportionnée pour neutraliser et vaincre la résistance de la plaignante, laquelle était sans doute galvanisée par son état d’intoxication, et que cette force était dans les limites de ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour procéder à la mise en détention légale de la plaignante. Je suis conforté davantage dans cette conclusion par le fait que le TC no 1, qui n’a pas opposé de résistance, a été arrêté sans qu’il soit nécessaire de recourir à quelque force que ce soit.

Tandis que j’en arrive à cette conclusion, je garde à l’esprit la jurisprudence qui établit que l’on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention (R. c. Baxter (1975) 27 C.C.C. (2d) 96 (C. A. de l’Ont.)) et que l’on ne devrait pas davantage leur appliquer la norme de la perfection (R. c. Nasogaluak [2010] 1 R.C.S. 206).

En dernière analyse, je suis convaincu, pour les motifs précités, que la détention de la plaignante et la manière dont cela a été effectué étaient légales, nonobstant la blessure que la plaignante a pu subir, même si je devais en conclure que les agents lui avaient causé une blessure, ce que je ne suis pas enclin à faire. Je suis donc convaincu, pour des motifs raisonnables dans ce dossier, que les gestes posés par les agents étaient dans les limites prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a aucune raison de porter des accusations en l’espèce.

Date : 14 septembre 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.