Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OFD-379

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la mort par balles d’un homme de 35 ans (le plaignant) le 30 décembre 2017, lors d’une interaction avec la police.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 30 décembre 2017, vers 2 h 09 du matin, la Police régionale de Peel (PRP) a avisé l’UES du décès par arme à feu d’un homme à Mississauga. Au moment de la notification, l’homme n’avait pas encore été identifié[1].

La PRP a indiqué que vers 00 h 38, cette nuit-là, une plainte avait été reçue concernant un homme qui s’était approché d’une piétonne, alors qu’il était armé d’une machette. Des agents de police se sont rendus dans le secteur, mais n’ont pu initialement localiser l’homme. Des maîtres-chiens et des agents de police de l’unité tactique de la PRP ont alors été envoyés sur les lieux, avec un chien policier, pour chercher l’homme. Le chien a pu mener les policiers à une résidence située sur le croissant Torino, dans la ville de Mississauga, où les agents de police ont trouvé le plaignant.

La PRP a ajouté que l’homme a couru vers l’entrée d’une résidence et a donné des coups de pied sur la porte. L’un des policiers de l’unité tactique a utilisé une arme anti-émeute ARWEN [Anti-Riot Weapon Enfield), une arme « moins létale »], mais cela n’a pas été efficace. Un maître-chien de la police a ensuite fait feu avec son pistolet et l’homme a été touché. L’homme avait été transporté à l’hôpital St. Michael sans aucun signe vital.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 8

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 3

L’UES a immédiatement envoyé six enquêteurs et trois enquêteurs judiciaires pour qu’ils se rendent sur les lieux et à l’hôpital où le plaignant avait été emmené[2]. Plus tard ce jour-là, un enquêteur de l’UES qui parlait polonais a été ajouté à l’enquête pour assurer la liaison avec la famille du plaignant en Pologne, car ce dernier n’avait aucune famille au Canada[3].

Les enquêteurs de l’UES ont photographié et fait un enregistrement vidéo des lieux. Un appareil Total Station a été utilisé pour cartographier les lieux de façon judiciaire. Des éléments de preuve ont été recueillis sur les lieux.

Un enquêteur judiciaire de l’UES a pris possession de l’arme anti-émeute ARWEN qui avait été utilisée pendant l’incident et a également pris possession du pistolet et des munitions supplémentaires de l’agent impliqué (AI). Des photographies ont été prises de l’AI, en uniforme et avec tout son équipement, afin de documenter les options de recours à la force qu’il avait sur lui au moment de l’incident.

Le 31 décembre 2017, un pathologiste judiciaire a effectué une autopsie du plaignant dans les locaux du Service de pathologie judiciaire de l’Ontario, à Toronto. Il a été déterminé de façon préliminaire que la cause du décès était une blessure par balle à la poitrine du plaignant.

La confirmation de l’identité du plaignant a posé beaucoup de problèmes. Un nom avait été fourni par le locateur du plaignant, mais aucun document n’a été trouvé pour confirmer cette identité. L’UES a rencontré des représentants du Consulat général de la République de Pologne, à Toronto, et ont pu prendre des dispositions pour que la police locale en Pologne montre à la famille du plaignant une photographie de lui prise lors de l’autopsie. Le 8 janvier 2018, le Consulat de la Pologne a fourni par écrit à l’UES une confirmation que le plaignant avait été formellement identifié par deux de ses tantes, qui sont ses plus proches parents vivants.

La zone de la fusillade a été examinée à de nombreuses reprises pour qu’on repère d’éventuels témoins ou des dispositifs de surveillance vidéo.

Plaignant :

Homme de 35 ans, décédé

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

TC no 5 A participé à une entrevue

TC no 6 A participé à une entrevue

TC no 7 A participé à une entrevue

TC no 8 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT n° 1 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

AT no 2 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 3 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 4 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 5 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 6 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 7 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

AT no 8 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

AT no 9 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

AT no 10 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

AT no 11 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

AT no 12 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

AT no 13 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

AT no 14 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 15 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 16 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 17 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 18 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 19 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

L’UES a examiné les notes que tous les agents témoins désignés avaient consignées dans leur calepin de service. Toutefois, seuls les agents de police présents lors de l’incident ou ayant eu des rapports avec les policiers impliqués peu après ont été questionnés.

Agents impliqués (AI)

AI A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

Description de l’incident

Tard dans la soirée du 29 décembre 2017, le plaignant a été observé sur le sentier Willowbank, à Mississauga, une rue près de sa résidence, alors qu’il accostait plusieurs personnes en leur demandant où se trouvait « Ewa » (prononcé Eva en français). Le plaignant montrait un grand couteau/machette aux gens pendant qu’il leur parlait, et l’on a signalé qu’il avait tenté, avec le couteau, de taillader l’un des appelants du 9‐1‐1, lequel a réussi à éviter d’être coupé par l’arme. Au moins deux personnes ont appelé le 9‐1‐1 pour signaler la situation.

Le plaignant est ensuite retourné sur le croissant Torino, où il a confronté un voisin en lui disant qu’il avait consommé de la cocaïne ce soir-là.

Plusieurs agents de police sont intervenus dans le secteur et ont tenté d’établir un périmètre pour qu’un chien policier puisse être déployé afin de retrouver la trace du plaignant, que l’on n’avait pas encore été identifié. Deux maîtres-chiens de la police, un chien policier et deux agents de police de l’unité tactique se sont rendus sur les lieux et ont commencé à descendre le croissant Shelby, une rue qui croise le croissant Torino. Alors qu’ils s’approchaient du croissant Torino, les agents ont aperçu le plaignant, qui correspondait à la description fournie dans les appels au 9-1-1 comme étant l’homme à la machette, qui était debout devant une résidence sur le trottoir d’en face de sa résidence. L’un des agents de police a appelé le plaignant, qui a alors immédiatement traversé la rue en courant jusqu’à sa résidence.

On a vu le plaignant donner des coups de pied sur la porte d’entrée de la résidence, tandis que les quatre agents de police prenaient position au bout de l’entrée de cour. Le plaignant est alors sorti de la résidence par la porte principale et s’est dirigé vers l’entrée de cour. Tandis qu’il contournait l’arrière d’une voiture stationnée sur l’entrée de cour, le plaignant a levé l’arme qu’on l’avait vu brandir plus tôt, un couteau de type machette avec une lame de 12 pouces (30 centimètres). La police a immédiatement ordonné au plaignant de laisser tomber l’arme, mais au lieu de cela, le plaignant s’est dirigé vers les agents avec le couteau/machette à la main. Comme le plaignant s’approchait rapidement de l’AI, ce dernier, qui craignait pour sa vie et celle de ses collègues, a tiré feu avec son arme à feu. Au même moment, l’un des agents de police de l’unité tactique, qui était armé d’une arme anti-émeute ARWEN, a tiré un coup, atteignant le plaignant au bas de la jambe. Tandis que le projectile de l’arme anti-émeute touchait le plaignant au tibia, l’un des coups tirés par l’AI l’atteignait à la poitrine. Les agents se sont rapidement approchés pour prêter assistance au plaignant, lequel a été trouvé sans signe de vie. Peu de temps après, les ambulanciers médicaux sont arrivés et ont aussi tenté des techniques de réanimation sur le plaignant, à la suite de quoi il a été transporté à l’hôpital, où son décès a été constaté à 1 h 51, le 30 décembre 2017.

Cause du décès

Dans le rapport d’autopsie, que l’UES a reçu le 2 octobre 2018, il a été déterminé que la cause du décès était une blessure par balle sur le côté gauche de la poitrine.

Preuve

Les lieux de l’incident

L’école secondaire John-Cabot et l’école secondaire Saint-Vincent-de-Paul sont voisines l’une de l’autre à l’angle du sentier Willowbank et du chemin Rathburn Est, dans la ville de Mississauga. Derrière les écoles se trouvent les terrains et un petit espace vert appelé Parc Shelby. Une allée mène des terrains des écoles au boisé du Parc Shelby, qu’elle traverse, avant de déboucher sur le croissant Shelby.

Lorsqu’on marche en direction est sur le croissant Shelby à partir de l’allée, la première rue qu’on rencontre est le croissant Torino.

La résidence située sur le croissant Torino, où il a ultérieurement été déterminé que le plaignant résidait alors, se trouve à l’angle nord-ouest de l’intersection des croissants Torino et Shelby. Une entrée pavée mène à un garage simple à l’avant de la maison. Le passage qui mène à la porte avant de la résidence se trouve à la droite du garage.

Le 30 décembre 2018, il y avait des bancs de neige formés de la neige pelletée de chaque côté de l’entrée de cour, et une berline était stationnée sur le côté droit de l’entrée de cour, faisant face au garage, à l’extrémité de l’entrée, le plus loin de la rue. Sur la partie gauche de l’entrée de cour, à peu près au milieu à partir de la chaussée du croissant Torino, il y avait des débris médicaux et un grand couteau de style machette par terre.

Un projectile d’arme anti-émeute ARWEN était logé dans le banc de neige à la gauche du garage. La cartouche ARWEN utilisée a été trouvée sur le croissant Torino, à gauche de l’entrée de cour. On a aussi trouvé sur le croissant Torino, au bord de l’entrée de cour, trois douilles de cartouches utilisées d’un pistolet.

Au moment de son décès, le plaignant portait une veste grise, noire et blanche à motif de « camouflage urbain », un jean bleu délavé, des chaussures de sport Adidas noires avec semelles blanches, et un molleton à capuchon noir, sous lequel il portait une chemise boutonnée multicolore. On a trouvé une cannette de bière dans l’une des poches de sa veste.

Le couteau récupéré sur les lieux était un couteau Camillus « Carnivore X » de style machette[4] avec une lame de 12 pouces (30 centimètres). Le bord tranchant de la machette était affûté, et l’autre bord de la lame avait une arrête dentelée pour permettre le sciage. À l’extrémité de lame, il y avait une encoche pour le coupage de fil. La poignée de la machette était recouverte de ruban isolant noir.

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Éléments de preuve matériels

L’arme observée en la possession du plaignant

L’arme observée en la possession du plaignant

Éléments de preuve médicolégaux

Armes à feu et résultats d’examen du Centre des sciences judiciaires (CSJ)

L’UES a recueilli l’arme à feu de l’AI, un pistolet semi-automatique Smith and Wesson M&P de calibre 40, à la suite de l’incident. Un examen de l’arme à feu a révélé qu’il y avait dix cartouches dans le chargeur et une cartouche dans la chambre. Les chargeurs de rechange du pistolet de l’AI contenaient 14 cartouches.

Le pistolet et les munitions supplémentaires de l’AI ont été soumis au CSJ le 12 janvier 2018, aux fins de détermination de distances et d’autres analyses; ont aussi été soumis pour analyse au CSJ les vêtements externes portés par le plaignant.

Le 1er mai 2018, l’UES a reçu le rapport d’analyse d’armes à feu du CSJ. Le 11 juin 2018, une conférence de cas a été organisée avec le pathologiste, le coroner en chef régional, l’examinateur des armes à feu du CSJ, l’enquêteur principal de l’UES et l’enquêteur judiciaire principal de l’UES. À l’issue de cette conférence de cas, le CSJ a produit un rapport modifié d’analyse d’arme à feu afin d’expliquer plus clairement le positionnement des défauts causés par impact de balle. L’UES a reçu ce rapport modifié le 27 juillet 2018.

Il a été déterminé que le pistolet de l’AI fonctionnait correctement, et il a été confirmé que les trois douilles de cartouches de calibre 40 qui ont été retrouvées au début de l’entrée de cour provenaient de balles tirées par le pistolet de l’AI.

Étant donné que l’UES a trouvé 11 cartouches dans l’arme à feu de l’AI et que ses chargeurs de rechange contenaient 14 cartouches, il est probable que l’AI ait fait feu trois fois[5], ce qui correspond au nombre de douilles de cartouches utilisées qui ont été récupérées sur les lieux.

Une balle récupérée du côté droit du plaignant était logée dans le muscle du côté droit du dos du plaignant[6], et il a été déterminé que cette balle avait été tirée par le pistolet de l’AI. Un autre projectile a été récupéré dans le bras droit du plaignant, et il a été déterminé que ce projectile était compatible avec les munitions portées par l’AI, mais il n’y avait pas suffisamment de caractéristiques pour identifier formellement le projectile comme provenant du pistolet de l’AI.

Plusieurs défauts [soupçonnés] causés par impact de balle ont été observés dans la veste du plaignant. Il y avait une série de trois défauts qui pouvaient être associés à l’incident, deux dans la manche gauche de la veste du plaignant et un troisième sur le côté gauche du dos de la veste. Dans le rapport initial du CSJ, il a été conclu que si ces trois défauts avaient été causés par une seule balle, la balle aurait suivi une trajectoire de gauche à droite, pénétrant dans la partie extérieure de la manche gauche et sortant du côté intérieur de la manche, avant de pénétrer dans le côté gauche de la veste au niveau du torse. Toutefois, il se peut aussi que les défauts dans la manche et le défaut sur le côté de la veste aient pu être causés par deux projectiles distincts.

Lors de la conférence de cas du 11 juin 2018, il a été question des fragments de balle récupérés dans le coude gauche du plaignant, lesquels n’auraient pas pu provenir des balles essentiellement intactes qui ont été récupérées dans les muscles du dos du plaignant et dans son épaule. Par conséquent, les défauts dans la manche de sa veste étaient plus susceptibles d’avoir été causés par une balle différente de celle qui avait causé le défaut dans la partie arrière gauche de la veste au niveau du torse.

Il y avait un seul défaut dans la partie gauche de la veste du plaignant au niveau de la poitrine. Le CSJ a déterminé que si ce défaut avait été causé par une balle, la balle se serait déplacée de gauche à droite, pénétrant le côté gauche de la veste.

Il y avait un autre ensemble de défauts sur le côté droit de la veste du plaignant au niveau de la poitrine. Si ces défauts avaient été causés par une balle, le CSJ a conclu que la balle aurait eu une trajectoire de gauche à droite, entrant dans le côté droit de la veste au niveau de la poitrine.

Il n’y avait aucun résidu de décharge d’arme à feu à proximité des défauts trouvés sur la veste du plaignant, ce qui rendait impossible une analyse de distance. Cela dit, le type d’arme à feu portée par l’AI, un pistolet semi-automatique Smith and Wesson M&P de calibre 40, ne déposerait généralement pas de résidus de décharge à plus de 36 pouces de distance, selon l’opinion d’expert du CSJ. Cela donnerait à penser que la distance entre le plaignant et l’AI était d’au moins 36 pouces au moment où l’AI a fait feu avec son arme.

Éléments toxicologiques soumis au CSJ et résultats de leur examen

Le 12 janvier 2018, l’UES a soumis au CSJ, pour analyses toxicologiques, des échantillons biologiques prélevés du corps du plaignant lors de l’autopsie.

L’UES a reçu les résultats toxicologiques, avec le rapport d’autopsie, le 2 octobre 2018. Le rapport indiquait que le plaignant avait de la méthamphétamine dans son système, à une teneur compatible avec un usage récréatif de la drogue.

Échantillons d’ADN soumis pour analyse au CSJ et résultats de leur examen

Le 26 février 2018, l’UES a soumis au CSJ des échantillons (sur écouvillons) provenant du couteau/machette récupéré sur les lieux pour analyse de l’ADN. Le 26 mars 2018, le CSJ a indiqué qu’il n’y avait qu’un profil d’ADN développé à partir des échantillons sur écouvillons prélevés sur le couteau/machette et que cet ADN était celui du plaignant[7].

Témoignage d’expert

Constatations post-mortem

Le plaignant mesurait environ six pieds (183 centimètres) et pesait 195 livres (89 kilos). Il avait de multiples lacérations superficielles le long des deux avant-bras. Il y avait des lacérations sur le côté intérieur du mollet gauche et à la cuisse droite. Il n’existe aucune explication connue pour ces lacérations.

Il y avait un défaut d’impact de balle sur le côté externe du coude gauche du plaignant et un défaut d’impact de balle sur le côté intérieur de son coude. Des fragments de balle ont été récupérés à l’intérieur de son coude gauche.

Il y avait un défaut causé par un impact de balle sur la partie supérieure de ses côtes à gauche, au niveau de ses aisselles. La balle qui a causé cette blessure a été récupérée dans son côté droit.

Il y avait une blessure par balle sur le côté droit de sa poitrine, à mi-chemin entre la clavicule et le mamelon; on a trouvé dans cette plaie du tissu qui aurait été de l’isolant provenant de sa veste. Cette balle a été récupérée dans la partie supérieure de la zone de l’épaule et du bras droit.

Il y avait aussi une blessure de balle non pénétrante dans le milieu du sternum, entre ses deux mamelons. Le sternum était fracturé, mais pas perforé.

Sur le tibia droit du plaignant, il y avait une blessure superficielle causée par l’impact, qui était circulaire et d’environ 35 millimètres de diamètre, ce qui correspond à un impact de projectile d’arme anti-émeute ARWEN[8].

Dans le rapport d’autopsie, que l’UES a reçu le 2 octobre 2018, il est déterminé que la cause du décès était une blessure par balle sur le côté gauche de la poitrine. Dans le rapport toxicologique, il est constaté que de la méthamphétamine se trouvait dans le système du plaignant, à une teneur correspondant à un usage récréatif.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies

L’UES a examiné les alentours à la recherche d’éventuels enregistrements vidéo ou audio, mais elle n’en a pas trouvé. Les photographies prises par le TC no 4 ont été examinées, mais elles n’ont pas permis de faire avancer l’enquête, car elles ne révélaient pas l’incident qui avait eu lieu.

Enregistrements de communications

Enregistrements des communications par radio et rapport sur les données tirées du système de répartition assistée par ordinateur (RAO)

Un examen des enregistrements de la police a révélé ce qui suit :

À 00 h 37, un homme [le TC no 5] a appelé le 9-1-1 pour signaler qu’il avait été pourchassé par un homme d’âge moyen qui agitait un couteau dans sa direction. Le TC no 5 a dit à la préposée aux appels du service 9-1-1 que l’homme semblait très instable et qu’il avait à la main un grand couteau de cuisine et qu’il l’avait pourchassé en lui disant [traduction] « Tu veux ça? Tu veux ça? », tout en agitant le couteau dans sa direction.

Le TC no 5 a également déclaré que sa petite amie [la TC no 3] l’avait appelé plus tôt pour lui dire qu’elle était pourchassée par quelqu’un; tandis qu’elle parlait au TC no 5, on l’entendait crier [traduction] « Allez-vous‐en! Allez-vous‐en! »

Le TC no 5 a décrit l’homme avec le couteau comme étant de race blanche, mais ayant des traits et des cheveux foncés, et portant une veste noire et blanche à motif. Il portait aussi un chandail à capuchon, le capuchon étant relevé sur sa tête. Le TC no 5 a déclaré que l’homme ne semblait pas en état d’intoxication et qu’il avait tout simplement l’air d’un homme qui voulait blesser quelqu’un.

Le TC no 5 a expliqué qu’il avait crié « Police » pendant que l’homme l’attaquait, à la suite de quoi l’homme s’est enfui dans le boisé situé derrière l’école secondaire John-Cabot.

Le rapport sur les données du système et de RAO révèle qu’à 00 h 38 des agents de police ont été dépêchés dans le secteur pour enquêter sur un homme qui courait après des gens avec un grand couteau. Les agents de police qui sont intervenus ont été informés que le sujet avait couru entre les écoles, près de l’école secondaire John-Cabot. Le sujet a été décrit comme étant un homme blanc au teint basané, mesurant six pieds, dans la jeune trentaine, avec des cheveux noirs et des traits foncés, portant une veste noire et blanche à motifs mixtes. Les policiers ont été informés que la petite amie de l’appelant du 9‐1‐1 avait également été pourchassée par un homme armé d’un couteau.

Parmi les agents de police envoyés sur les lieux de l’incident se trouvaient deux maîtres‐chiens, l’AI et l’AT no 4, ainsi que des membres de l’unité tactique de la PRP, l’AT no 2 et l’AT no 3.

À 00 h 53, l’AT no 5 a déclaré qu’un témoin [le TC no 2] avait vu le sujet dans un champ derrière l’école secondaire John-Cabot, 15 ou 20 minutes plus tôt. L’équipe tactique des AT nos 2 et 3 et l’AI ont déclaré qu’ils étaient avec l’AT no 5. L’AT no 5 a demandé qu’un périmètre soit établi autour des écoles.

À 1 h 04, l’AI a déclaré que l’AT no 4 et lui suivaient une piste canine avec les agents de l’unité tactique.

À 1 h 09, l’AI a déclaré que le sujet avait couru en direction nord et qu’il était entré dans une maison.

Vingt-cinq secondes plus tard, l’AI a déclaré qu’on avait besoin d’une ambulance et que des coups de feu avaient été tirés.

À 1 h 12, l’AI a demandé qu’on envoie l’ambulance d’urgence, car le sujet ne réagissait pas.

À 1 h 13, l’AI a déclaré que des manœuvres de réanimation cardiorespiratoire étaient effectuées sur le plaignant.

À 1 h 51, le décès du plaignant a été prononcé à l’hôpital.

Éléments obtenus auprès du Service de police

Sur demande, l’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants de la PRP :

  • rapport de transcription de communications audio – appels téléphoniques au 9-1-1
  • rapport de transcription de communications audio – transmissions radio de la police
  • rapport sur la chronologie des événements (détails sur la répartition)
  • notes de service que les AT nos 1 à 19 ont consignées dans leur calepin
  • procédure générale de la PRP : Unité canine
  • dossiers de formation sur le recours à la force – l’AI

L’UES a obtenu et examiné les éléments et documents suivants provenant d’autres sources :

  • rapports d’incidents paramédicaux (x5)
  • rapports d’appel d’ambulance (x3) du Service médical d’urgence de Peel
  • rapport d’incident du Service d’incendie et d’urgence de Mississauga
  • rapport d’analyse d’ADN obtenu du CSJ
  • rapport sur les armes à feu obtenu du CSJ
  • rapport modifié sur les armes à feu obtenu du CSJ
  • rapport toxicologique obtenu du CSJ
  • résultats préliminaires de l’autopsie
  • rapport d’autopsie
  • photos des lieux prises par le TC no

Dispositions législatives pertinentes

Article 25 du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

25 (3) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), une personne n’est pas justifiée, pour l’application du paragraphe (1), d’employer la force avec l’intention de causer, ou de nature à causer la mort ou des lésions corporelles graves, à moins qu’elle n’estime, pour des motifs raisonnables, que cette force est nécessaire afin de se protéger elle-même ou de protéger toute autre personne sous sa protection, contre la mort ou contre des lésions corporelles graves.

Article 27 du Code criminel du Canada – Recours à la force pour empêcher la perpétration d’une infraction

27 Toute personne est fondée à employer la force raisonnablement nécessaire :

  1. pour empêcher la perpétration d’une infraction :
    1. d’une part, pour laquelle, si elle était commise, la personne qui la commet pourrait être arrêtée sans mandat
    2. d’autre part, qui serait de nature à causer des blessures immédiates et graves à la personne ou des dégâts immédiats et graves aux biens de toute personne
  2. pour empêcher l’accomplissement de tout acte qui, à son avis, basé sur des motifs raisonnables, constituerait une infraction mentionnée à l’alinéa a)

Article 34 du Code criminel – Défense de la personne – emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :

  1. croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
  2. commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger — ou de défendre ou de protéger une autre personne — contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
  3. agit de façon raisonnable dans les circonstances

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :

  1. la nature de la force ou de la menace
  2. la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
  3. le rôle joué par la personne lors de l’incident
  4. la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
  5. la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
  6. la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
    1. f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause
  7. la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
  8. la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime

Paragraphe 88(1) du Code criminel – Port d’arme dans un dessein dangereux

88 (1) Commet une infraction quiconque porte ou a en sa possession une arme, une imitation d’arme, un dispositif prohibé, des munitions ou des munitions prohibées dans un dessein dangereux pour la paix publique ou en vue de commettre une infraction.

Analyse et décision du directeur

L’incident

Aux petites heures du matin, le 30 décembre 2017, la TC no 3 promenait son chien alors qu’elle allait à la rencontre de son petit ami lorsqu’elle a remarqué un homme qui se tenait à environ cinq mètres d’elle alors qu’elle marchait sur le sentier Willowbank, en direction de l’école secondaire Saint-Vincent-de-Paul, dans la ville de Mississauga. La TC no 3 a remarqué que l’homme avait une démarche trébuchante et avait, à la main gauche, un objet noir d’environ six à huit pouces qu’il tenait baissé sur son côté. La TC no 3 a traversé la rue pour éviter l’homme, mais lorsqu’elle a regardé derrière elle, elle a remarqué qu’il l’avait suivie et qu’il avait commencé à la pourchasser. L’homme a alors commencé à faire des bruits d’aboiement, imitant le chien de la TC no 3. La TC no 3 est rentrée chez elle en courant, tout en appelant son petit ami, le TC no 5. En mettant fin à l’appel, la TC no 3 a remarqué que l’homme avait cessé de la suivre.

Le TC no 5 marchait sur la chaussée dans le secteur de l’école secondaire John-Cabot pour aller à la rencontre de la TC no 3 lorsqu’il a reçu son appel. Alors qu’il était au téléphone avec la TC no 3, le TC no 5 l’a entendue crier [traduction] « Laissez-moi tranquille! Qu’est‐ce que vous faites? » La TC no 3 a alors dit au TC no 5 qu’un homme l’a pourchassée et qu’elle retournait vite chez elle.

Le TC no 5 a alors vu une ombre à environ 500 mètres devant lui, sur le sentier Willowbank. Les deux hommes ont échangé un regard, à la suite de quoi l’homme a commencé à courir vers le TC no 5. Tandis que l’homme approchait, le TC no 5 a vu que l’homme tenait dans la main droite un couteau argenté d’une longueur d’environ de 12 à 14 pouces. L’homme s’est rué sur le TC no 5 et a crié [traduction] « Voulez-vous ça? Voulez-vous ça? »

Le TC no 5 a pris peur et a commencé à courir vers la maison de la TC no 3.Alors qu’il croisait en courant l’homme au couteau, il est tombé sur la chaussée et l’homme l’a rattrapé, alors qu’il était en train de se relever. L’homme a commencé à essayer de donner des coups au TC no 5 et de le lacérer, tout en continuant de lui demander [traduction] « Vous voulez ça? ». Le TC no 5 a réussi à éviter d’être lacéré ou poignardé en faisant un mouvement de recul et en s’éloignant de l’homme. Le TC no 5 a alors pu se remettre debout et, tandis qu’il se remettait à courir, il a dit à l’homme qu’il allait appeler la police; il semble que cela ait eu un effet dissuasif sur l’homme, qui s’est alors mis à courir en direction du terrain de l’école secondaire John-Cabot.

À 00 h 37, le TC no 5 a fait un appel au 9-1-1, reçu par le centre de communications de la Police régional de Peel (PRP). Dans l’enregistrement de cet appel, on entend le TC no 5 dire à la préposée aux appels au 9-1-1 qu’il était pourchassé par un homme d’âge moyen qui agitait un couteau dans sa direction. Le TC no 5 a ajouté que l’homme au couteau semblait très instable et commençait à le prendre en chasse, tout en lui demandant constamment [traduction] « Vous voulez ça? Vous voulez ça? », en agitant vers lui un grand couteau de cuisine. Le TC no 5 a également déclaré que sa petite amie, la TC no 3, l’avait appelé pour lui dire qu’elle avait été pourchassée par quelqu’un et qu’il l’avait entendue crier au téléphone [traduction] « Allez-vous-en! Allez-vous-en! »

Le TC no 5 a ensuite fourni une description assez détaillée de l’homme, y compris ses traits et les vêtements qu’il portait. Le TC no 5 a déclaré à la préposée des appels au 9‐1‐1 que l’homme ne semblait pas ivre, mais qu’il avait plutôt l’air de quelqu’un qui avait l’intention d’infliger des blessures à des gens. Le TC no 5 a indiqué que, lorsqu’il a crié « Police! », l’homme s’est enfui en courant à travers le boisé situé en lisière des terrains de l’école secondaire John-Cabot

À 00 h 38, le répartiteur de la police a avisé les agents en uniforme de l’incident, en fournissant la description de l’homme ainsi que la direction qu’il avait prise.

Environ trois minutes après que la TC no 3 eut parlé une première fois au TC no 5, ce dernier l’a rappelée pour lui dire que lui aussi avait eu une altercation avec l’homme au couteau et qu’il avait communiqué avec la police et que la police allait intervenir. La TC no 3 est ensuite retournée à l’endroit où se trouvait le TC no 5, et elle l’a vu en train de parler à la police. Le TC no 5 a observé qu’il avait alors trois autopatrouilles qui étaient arrivées sur les lieux. Les agents de police ont parlé à la TC no 3 ainsi qu’au TC no 5, ce dernier leur ayant confirmé les renseignements qu’il avait déjà fournis à la préposée aux appels 9‐1‐1 et selon lesquels il avait été pris en chasse par un homme armé d’un couteau.

Le TC no 2, qui promenait son chien vers 00 h 30 dans le voisinage du parc Shelby, derrière les terrains adjacents des écoles secondaires Saint-Vincent-de-Paul et John-Cabot, a entendu une personne crier et, environ cinq minutes plus tard, a vu un homme marcher vers lui depuis le côté ouest de l’école. La description de l’homme correspondait à celle fournie par la TC no 3 et le TC no 5. Le TC no 2 a fait l’observation que l’homme avait l’ai effarant, qu’il était très agité et qu’il balbutiait, et le TC no 2 a supposé que l’homme était sous l’effet d’une combinaison de drogues et d’alcool. Il a indiqué que l’homme avait un fort accent d’Europe de l’Est.

Lorsque l’homme est arrivé à moins d’un mètre et demi de lui, le TC no 2 a remarqué qu’il avait dans la main gauche une machette ou un couteau pointu dont la lame faisait environ 12 pouces de long et environ 1,5 pouce de large, avec une arrête dentelée d’un côté et un bord lisse de l’autre. Le TC no 2 était inquiet de ce que l’homme avait l’intention de faire.

L’homme lui a demandé s’il connaissait Eva, et le TC no 2 a répondu que non. L’homme s’est ensuite éloigné vers un sentier menant à l’extérieur du parc, tout en glissant le couteau à l’intérieur de sa manche gauche pour le dissimuler.

Environ 15 minutes après l’interaction du TC no 2 avec l’homme, un véhicule de police est arrivé, et le TC no 2 a parlé à l’agent, le renseignant sur la direction que l’homme avait prise en quittant le parc. Le TC no 2 a également parlé de la machette ou du couteau à l’agent de police.

Une deuxième autopatrouille et une fourgonnette ont ensuite été vues, entrant dans le parc, et le TC no 2 a vu plusieurs agents de police, dont un avait un chien policier en laisse. Le TC no 2 est alors sorti du parc et a commencé à entrer chez lui, lorsqu’il a revu l’homme, cette fois devant une résidence sur le croissant Torino. Le TC no 2 a décrit l’homme comme faisant du va-et-vient sur le trottoir, mais il n’a pas vu la machette ou le couteau. Le TC no 2 est rentré chez lui et n’a pas vu ce qui s’est passé par la suite.

Entre 00 h 45 et 00 h 50 approximativement, le TC no 4 rentrait chez lui en voiture lorsqu’il a vu une autopatrouille et un VUS de police dans le stationnement de l’école. En tournant sur le croissant Torino, le TC no 4 a vu un homme qui lui était inconnu, marchant en direction sud sur le croissant Torino, près du croissant Shelby, puis continuer à marcher en direction nord.

Le TC no 4 s’est garé dans son entrée de cour, où il a de nouveau vu le même homme, cette fois devant la maison d’un voisin. La description de l’homme fournie par le TC no 4 correspondait à celle fournie précédemment par les autres témoins de l’homme au couteau, y compris pour ce qui était de ses traits et ses vêtements, à l’exception du fait que le TC no 4 n’avait rien vu dans les mains de l’homme.

Le TC no 4 est sorti de son véhicule et a demandé à l’homme s’il était correct. Le TC no 4 a indiqué que l’homme parlait avec un accent polonais. L’homme lui a demandé [traduction] « Est-ce que vous connaissez Eva? » et le TC no 4 a répondu que non. Le TC no 4 a alors demandé à l’homme s’il allait quelque part, ce à quoi l’homme a répondu en lui demandant encore s’il connaissait Eva. Le TC no 4 a décrit l’homme comme ayant un comportement paranoïaque et regardant continuellement par-dessus son épaule. L’homme a admis au TC no 4 qu’il avait usage de cocaïne.

Peu après, le TC no 4 a observé une autopatrouille circulant sur le croissant Shelby, et un camion non identifié roulant sur le croissant Torino.

L’homme a informé le TC no 4 qu’il vivait dans la résidence et a commencé à regarder à l’intérieur du véhicule du TC no 4, en lui demandant s’il avait quelqu’un à l’intérieur. L’homme a dit au TC no 4 [traduction] « J’espère ne pas vous voir de l’autre côté », puis il a dit qu’il pensait que quelqu’un avait tué sa mère pour 100 000 $; l’homme semblait alors en colère. Le TC no 4 est alors entré dans sa maison. Peu de temps après, il pouvait entendre des voix masculines crier à l’extérieur et à plus tard vu qu’il y avait deux autopatrouilles dans la rue, leurs feux d’urgence activés.

Selon les dossiers des SMU, les ambulanciers paramédicaux ont été avisés, à 1 h 11, de se rendre à une résidence du croissant Torino, dans la ville de Mississauga, en réponse à un appel concernant un homme [traduction] « impliqué dans un incident de police ». On a dit aux ambulanciers : [traduction] « La police déclare qu’elle a confronté le patient. Le patient était ensuite sans signes vitaux et les policiers ont commencé à lui administrer sur place la RCR. » La première unité des SMU est arrivée à la résidence à 1 h 14, et les ambulanciers paramédicaux ont été informés que l’homme avait été abattu par la police. En examinant le patient, les ambulanciers paramédicaux ont remarqué qu’il avait deux blessures à la poitrine, une sur le côté droit et l’autre sur le côté gauche du torse, ainsi que deux blessures au bras gauche, dont les paramédics pensaient qu’il s’agissait de blessures par balle. À aucun moment, après l’arrivée des ambulanciers paramédicaux, l’homme n’a montré de signe de vie. Il a ensuite été transporté à l’hôpital où, quelques minutes après son arrivée, il a été déclaré mort.

Cette enquête porte sur ce qui s’est produit durant les 34 minutes qui se sont écoulées entre l’heure du premier appel au 9-1-1 (00 h 37) et l’heure (00 h 11) où la présence d’ambulanciers paramédicaux a été demandée, intervalle de temps au cours duquel la police a tiré sur le plaignant et ce dernier est décédé par la suite. Le plaignant a ultérieurement été identifié, et on a constaté qu’il habitait dans la résidence du croissant Torino où il avait été abattu.

Au cours de cette enquête, huit témoins civils ont été interrogés, dont quatre avaient eu un contact avec le plaignant avant son interaction avec la police. De plus, les notes que 19 agents de police ont consignées dans leur calepin de service ont été examinées, et sept témoins de la police, qui étaient présents au moment de l’interaction avec le plaignant où qui sont arrivés immédiatement après, ont été interviewés. L’agent impliqué, l’AI, s’est également rendu disponible pour une entrevue et a fourni ses notes de calepin de service pour examen. En plus du témoignage d’un témoin oculaire, les enquêteurs ont eu accès aux enregistrements des appels au 9-1-1 ainsi qu’à l’enregistrement des communications par radio de la police, aux éléments de preuve matériels trouvés sur les lieux, de même qu’aux divers avis d’expert et rapports produits à l’issue de l’autopsie et d’un examen des éléments de preuve matériels par le Centre des sciences judiciaires (CSJ), Bien qu’aucun témoin civil n’était présent pour observer les coups de feu réellement tirés sur le plaignant, le témoignage des quatre agents de police présents concorde avec la preuve matérielle et le témoignage des témoins civils quant au comportement du plaignant la nuit en question. Les faits ne sont pas contestés.

L’intervention policière

Selon le rapport sur la chronologie des événements, qui est généré par le Centre des communications, l’appel au 9-1-1 émanant du TC no 5 a été reçu à 00 h 37 m 47 s; à 00 h 38 m 50 s, le premier avis a été envoyé à une autopatrouille conduite par un agent en uniforme et, à 00 h 39 m 01 s, le premier agent a été envoyé sur les lieux. L’avis diffusé par radio indiquait qu’un homme courait après des personnes avec un grand couteau. Quatre autres agents ont ensuite été envoyés sur les lieux, et un agent de l’unité canine, l’AI et son chien ont été envoyés sur place à 00 h 40 m 42 s. Par la suite, cinq autres agents ont aussi été dépêchés sur les lieux, le premier agent étant arrivé à l’école secondaire John-Cabot à 00 h 48 n 20 s, ayant alors rencontré le TC no 5 et la TC no 3.

À 00 h 54 m 35 s, après avoir parlé au TC no 2, l’AT no 5 a informé le répartiteur de la direction qu’avait prise le plaignant la dernière fois qu’on l’a vu.

L’AI

Selon l’AI, lorsqu’il est arrivé à l’emplacement de l’école secondaire John-Cabot, on lui a fait par radio la description de l’homme recherché et on l’a informé que l’homme en question se trouvait derrière les deux écoles la dernière fois qu’on l’avait vu. Immédiatement après l’arrivée de l’AI, deux agents de l’équipe tactique, l’AT no 3 et l’AT no 2, sont également arrivés. Les agents ont été informés que l’homme au couteau avait été vu la dernière fois en train de marcher dans un sentier près de l’angle sud-ouest de l’intersection avec le croissant Shelby et que l’AI avait conduit jusqu’à cet endroit, où il a de nouveau rencontré l’AT no 3 et l’AT no 2, ainsi qu’un deuxième agent de l’unité canine, l’AT no 4.

Bien que chaque agent de l’unité canine avait son chien avec lui, il a été décidé que ce serait le chien de l’AT no 4 qu’on enverrait essayer de retrouver la trace du suspect, pendant que l’AI agirait comme renfort pour l’AT no 4 et que les AT nos 3 et 2, de l’unité tactique, agiraient comme renfort additionnel. Chacun des agents était armé d’une arme de poing, tandis que l’AT no 3 était également armé d’une arme anti-émeute ARWEN (une option de recours à la force moins létale). Pendant le dépistage, l’AT no 4 et son chien étaient devant, étant directement suivis de l’AI, les AT nos 3 et 2 fermant la marche.

À 1 h 04 m 22 s, l’enregistrement des communications révèle que l’AI a indiqué que lui et le deuxième agent de l’unité canine, l’AT no 4, étaient en train de chercher la trace de l’emplacement du plaignant avec l’aide d’un chien policier et que des membres de l’unité tactique accompagnaient aussi les agents de l’unité canine.

Lorsque la recherche n’a pas permis de retrouver l’homme au couteau, les quatre agents ont décidé de retourner au croissant Shelby.

La visibilité a été qualifiée de bonne en raison d’un éclairage artificiel suffisant qui se reflétait dans la neige. Les quatre agents marchaient sur le trottoir, tentant de trouver une voie d’accès qu’ils pourraient utiliser pour descendre sur la chaussée, lorsque l’AI a vu l’homme, qu’il pensait être celui que la police recherchait, à environ 50 mètre devant eux. L’homme correspondait à la description physique qu’en avaient donné les trois témoins qui avaient parlé à la police, et il portait les mêmes vêtements que ceux qui avaient été décrits. L’AI a alerté les autres agents de la présence de l’homme devant lui.

Le plaignant a été observé en train de marcher en direction nord sur le croissant Torino, et il a semblé à l’AI qu’il allait de porte en porte. L’AI a crié au plaignant [traduction] « Hé, c’est la police! Montrez-moi vos mains! Je vais venir vous parler. » Le plaignant a alors été vu en train de courir en direction oust en traversant le croissant Torino; aucun couteau n’a été vu à ce moment-là. Les agents l’ont alors perdu de vue, mais ils ont entendu deux bruits forts qu’ils ont associés à une personne tentant d’ouvrir une porte en y donnant des coups de pied. L’AI a déclaré qu’il a alors commencé à craindre que le plaignant essayait d’enfoncer une porte pour s’introduire dans l’une des résidences et qu’il pourrait tuer ou blesser quelqu’un à l’intérieur d’une maison, voire prendre quelqu’un en otage.

À 1 h 09 m 32 s, l’AI a déclaré que le suspect avait couru dans une maison.

L’AI et les trois autres agents ont alors tourné le coin du croissant Shelby pour s’engager sur le croissant Torino et ont marché sur l’entrée de cour, dont on a ultérieurement découvert qu’il s’agissait de celle de la résidence du plaignant, bien qu’ils n’aient pas vu initialement le plaignant.

Pendant que le plaignant se tenait à l’entrée, l’AT no 4 et son chien se trouvaient à droite de l’AI, tandis que l’AT no 3, qui était muni de l’arme anti-émeute ARWEN, se tenait à l’arrière de l’AI, et que l’AT no 2 était placé dernière l’AT no 3.

Il y avait une voiture garée dans l’entrée de cour de la résidence et, en regardant à travers les fenêtres de cette voiture, l’AI a été en mesure de voir où le plaignant se tenait et, d’après les vêtements que portait le plaignant et la description physique qu’on avait faite de lui, l’AI était convaincu qu’il s’agissait bel et bien de l’homme qu’on avait signalé comme agitant un couteau et pourchassant des civils.

Le plaignant a ensuite été observé en train de contourner l’arrière de la voiture stationnée, moment auquel il a levé un couteau qu’il avait dans la main droite avec la lame pointée vers le haut; on a décrit le couteau comme un couteau de style machette avec une lame d’une longueur de 12 pouces ou plus[9].

L’AI a immédiatement dégainé son arme à feu et a lancé l’avertissement policier [traduction] « Police, ne bougez pas! » L’AI a entendu le plaignant crier quelque chose en réponse, mais le discours du plaignant était incohérent et on ne comprenait pas ce qu’il voulait dire. L’AI tenait son arme de poing des deux mains et l’a pointée sur le plaignant. Le plaignant a alors regardé l’AI directement dans les yeux. La distance entre l’AI et le plaignant à ce moment-là était estimée à environ 20 pieds (6,096 mètres), le plaignant étant plus près du garage.

L’AI a indiqué que le plaignant a fait une pause, qu’il semblait baisser son bras en partie, qu’il avait peut-être hoché de la tête, comme s’il avait pris une décision, puis qu’il a de nouveau levé le couteau et s’est directement précipité vers l’AI, en courant sur l’entrée de cour dans sa direction. L’AI a déclaré qu’il a alors craint pour sa vie et celle de ses collègues, ainsi que pour le public. L’AI a indiqué qu’il pensait qu’il allait se faire [traduction] « mettre en morceaux » et que s’il tentait d’arrêter lui-même le plaignant dans une confrontation physique, lui ou les autres agents pourraient en sortir sérieusement blessés. L’AI a estimé que le plaignant se trouvait à environ 20 pieds de lui lorsqu’il a tiré sur lui avec son arme à feu, atteignant le plaignant dans la « masse centrale », afin de mettre fin à la menace qu’il posait.

À 1 h 09 m 57 s, soit 25 secondes après que l’AI eut déclaré avoir vu le plaignant pour la première fois, l’AI a déclaré que des coups de feu avaient été tirés et qu’une ambulance était nécessaire, mais que tous les agents étaient sains et saufs.

Lorsque l’AI a fait feu avec son arme, il a entendu l’un des autres agents demander plusieurs fois au plaignant de « laisser tomber le couteau », et il a entendu l’arme anti‐émeute ARWEN être utilisée directement derrière lui au moment même où il a fait feu avec son arme. On a alors vu le plaignant tomber au sol, sur le dos, le couteau encore dans la main droite et reposant sur son torse. Avec le recul, l’AI a indiqué que, selon lui, ni le déploiement d’une arme à impulsions ni l’envoi d’un chien policier n’auraient été une réponse appropriée dans ces circonstances et que, compte tenu du comportement signalé du plaignant avant l’arrivée de la police, de son comportement en présence des quatre agents de police et du risque qu’il pouvait présenter pour le public, l’AI croyait que sa seule option disponible était de tirer avec son arme à feu.

L’AT no 3

L’AT no 3 a indiqué que, alors que lui et les trois autres agents marchaient en direction est sur le croissant Shelby vers le croissant Torino, il a entendu l’un des autres agents demander [traduction] « Est-ce que c’est notre homme? » À ce moment-là, l’AT no 3 a vu le plaignant dans l’entrée de cour d’une maison; il portait les vêtements décrits précédemment par les témoins; l’AT no 3 a alors confirmé qu’il s’agissait bien de l’homme que les policiers recherchaient. L’AT no 3 a indiqué que les quatre agents ont continué de se diriger vers le plaignant pendant environ une seconde, avant que le plaignant ne les remarque et qu’il traverse la rue en courant vers une maison. Plusieurs des agents de police criaient [traduction] « Police! Arrêtez! » L’AT no 3 a alors traversé en courant le croissant Shelby, en gardant ses distances, car il craignait que le plaignant soit encore armé d’un couteau.

L’AT no 3 a entendu le coup de pied donné à la porte et il croyait que le plaignant essayait de s’introduire par effraction dans une maison. Les agents ont continué de crier au plaignant de s’arrêter pour la police. Environ une seconde plus tard, lorsque les bruits de coups de pied se sont arrêtés, l’AT no 3 a vu le plaignant descendre les marches du perron de la maison et se placer derrière une voiture qui était stationnée dans l’entrée de cour, d’où il est ensuite sorti et a fait une pause. L’AT no 3 a également estimé que la distance entre le plaignant et les agents de police était d’une vingtaine de pieds lorsque le plaignant a [traduction] « croisé le fer » avec les agents. L’AT no 3 a indiqué que le plaignant se déplaçait en baissant son épaule droite avec la main droite dissimulée dans le dos, et que, après une pause d’une demi‐seconde, le plaignant a rapidement levé un couteau, qu’il tenait dans la main droite, au niveau de la tête, a poussé un cri guttural sonore, puis s’est avancé rapidement vers les agents d’un pas décidé. Les agents ont continué de crier au plaignant de s’arrêter.

L’AT no 3 a indiqué qu’il pensait que le plaignant allait tuer les quatre agents de police, et que, alors que le plaignant arrivait à environ 15 pieds (4,572 mètres) des agents, l’AT no 3 a déverrouillé le cran de sûreté de l’arme anti-émeute ARWEN et a appuyé sur la détente, en visant les jambes du plaignant. Au moment où il tirait avec son arme anti-émeute ARWEN, l’AT no 3 a entendu simultanément ce qu’il croyait être deux coups de feux tirés et a vu le plaignant s’écrouler immédiatement.

L’AT no 4

L’AT no 4 a indiqué que, alors que les policiers cherchaient l’homme armé d’un couteau dans les environs des deux écoles secondaires, son chien ne flairait encore rien. Toutefois, lorsqu’ils sont arrivés sur le croissant Shelby, le chien a tout de suite tourné sa tête vers la droite avec le nez au sol, signalant qu’il flairait quelque chose, et les quatre policiers ont pris la direction est sur le croissant Torino, tandis que le chien tirait fort sur sa laisse et se déplaçait vite. Lorsque les agents se sont trouvés à une distance de deux maisons du croissant Torino, l’AT no 4 a entendu l’AI dire [traduction] « Ça ressemble à notre gars, » et a vu un homme traverser en courant le croissant Torino vers une résidence, où l’AT no 4 l’a brièvement perdu de vue; le chien, toutefois, aboyait et tirait fort dans la direction où l’homme avait couru.

Les quatre agents de police ont alors couru vers la résidence et l’AT no 4 pouvait entendre des sons qui ressemblaient à quelqu’un qui donnait des coups de pied à une porte. À l’arrivée des quatre agents à la résidence, l’AT no 4 a vu le plaignant descendre les marches du perron de la résidence et se mettre derrière une voiture qui était stationnée sur l’entrée de cour. L’AT no 4 se tenait au bout de l’entrée de cour avec les trois autres agents de police, à sa gauche. Le plaignant est alors sorti de l’arrière de la voiture et se tenait juste derrière la portière arrière de la voiture. Le chien aboyait, et l’AT no 4 a crié au plaignant de se coucher sur le sol.

L’AT no 4 a alors vu le plaignant lever sa main droite, dans laquelle il tenait un couteau de style machette de 12 pouces. Le plaignant a levé le couteau au-dessus de sa tête et a commencé à crier contre les agents, tandis que ces derniers criaient au plaignant de laisser tomber le couteau. Le plaignant se tenait à environ 20 pieds des agents lorsqu’il a commencé à marcher vers eux d’un pas décidé. L’AT no 4 a reculé en tirant le chien avec lui tout en essayant de dégainer son arme à feu. L’AT no 4 pouvait voir que l’AT no 3 avait son arme anti‐émeute ARWEN et que l’AI avait dégainé son arme de poing. L’AT no 4 a alors entendu deux coups de feu et a vu le plaignant s’écrouler dans l’entrée de cour.

L’AT no 2

L’AT no 2 a indiqué alors que lui et les trois autres agents marchaient en direction sud sur le trottoir menant au croissant Torino, l’AT no 4 et l’AI marchaient devant eux, tandis que l’AT no 3 était derrière lui. L’AT no 2 a vu le plaignant à l’angle nord-est de l’intersection des croissants Torino et Shelby, et les quatre agents ont commencé à marcher vers le plaignant, tandis qu’il commençait à marcher en direction nord. L’AT no 2 a crié au plaignant « Police! », à la suite de quoi le plaignant s’est alors mis à courir vers une résidence sur le croissant Torino, et les agents sont partis après lui. L’AT no 2 a indiqué que l’AT no 4 était devant et qu’il était suivi de l’AI, de l’AT no 3 et de lui-même.

Une fois de l’autre côté de la rue, l’AT no 2 a entendu des sons ressemblant à quelqu’un qui essayait d’enfoncer une porte, et il a pris position à côté d’un amoncèlement de neige sur le côté sud de l’entrée de cour, se plaçant à gauche de l’AT no 3, tandis que l’AI et l’AT no 4 se trouvaient au début de l’entrée de cour. L’AT no 2 a vu le plaignant alors qu’il se trouvait sur les marches du perron de la résidence, à côté du garage. L’AT no 2 a dégainé son arme à feu et a crié au plaignant de montrer ses mains. Le plaignant a ensuite marché derrière le véhicule stationné et vers l’AT no 2, avec sa main droite baissée et serrée à l’arrière de sa jambe; le plaignant n’écoutait pas les ordres de la police.

L’AT no 2 s’est rendu compte qu’il était dans une mauvaise posture si le plaignant devait avancer vers lui, de sorte qu’il a reculé vers le début de l’entrée de cour. Ce faisant, il a vu le plaignant lever sa main droite, dans laquelle il tenait un couteau, au niveau de sa tête, et commencer à pousser un grognement et charger les agents de police qui étaient positionnés au bout de l’entrée de cour. L’AT no 2 a indiqué que le plaignant se déplaçait rapidement et de façon agressive en direction des agents, pendant que lui et les autres agents criaient au plaignant de laisser tomber le couteau L’AT no 2 a déclaré qu’il s’est rendu compte à quel point il y avait peu de distance entre le plaignant et les agents de police, de sorte qu’il a craint que le plaignant blesse l’un des policiers ou que le plaignant soit blessé par balle. L’AT no 2 a alors crié [traduction] « Arme anti-émeute! » et l’AT no 3 a alors tiré un coup avec son arme anti-émeute. Au même moment, l’AT no 2 a aussi entendu un autre coup tiré et a vu le plaignant s’arrêter puis tomber sur le dos dans l’entrée de cour, à environ 10 à 15 pieds du début de l’entrée de cour, à côté de la voiture stationnée. L’AT no 2 a alors vu de la fumée sortant de l’arme à feu de l’AI et s’est rendu compte qu’on avait fait feu sur le plaignant.

À 1 h 11 m 07 s, il a été transmis par radio que l’ambulance était en chemin. À 1 h 12 m 14 s, l’AI a fait une deuxième demande en demandant qu’on accélère l’envoi de l’ambulance, car l’homme ne réagissait pas.

L’AT no 2 a alors dit aux autres qu’il allait se déplacer jusqu’à l’endroit où se trouvait le plaignant et leur a demandé de le couvrir. Lorsqu’il s’est approché, l’AT no 2 a constaté que le plaignant avait un grand couteau avec une lame dentelée argentée à côté de sa main droite, et il a éloigné cette arme avec son pied. L’AT no 2 a alors demandé au plaignant s’il était correct et quel était son nom, mais le plaignant n’a pas réagi. L’AT no 2 a rapidement fouillé le plaignant par palpation et a trouvé une canette de bière dans sa poche. Le plaignant a alors été menotté. L’AT no 3 a crié qu’on avait commencé à administrer la RCR à 1 h 13, et il a commencé des compressions thoraciques pendant que l’AT no 2 inclinait la tête du plaignant en arrière pour ouvrir ses voies respiratoires.

À 1 h 13 m 06 s, l’AI a déclaré que les agents de police présents avaient commencé à administrer la RCR.

À 1 h 13 m 34 s, un sergent sur les lieux a signalé qu’une machette avait été retrouvée sur l’entrée de cour.

À 1 h 13 m 39 s, on entend dans l’enregistrement un agent déclarer que l’ambulance est arrivée sur les lieux, et, à 1 h 25 m 28 s, que le plaignant était en route vers l’hôpital, arrivant à 1 h 50 m 18 s. À 1 h 51, le décès du plaignant a été constaté.

Sur la foi de cette preuve, je conclus que les transmissions radio faites au répartiteur par les agents présents sur les lieux, qui fournissent un calendrier du déroulement des événements, sont substantiellement compatibles avec le témoignage des quatre agents de police.

De plus, la preuve judiciaire subséquente concordait avec le témoignage des quatre policiers et corroborait ce témoignage jusqu’à un certain point. Sur les lieux, un grand couteau ou machette à poignée noire et à lame argentée se trouvait sur l’entrée de cour, là où le plaignant gisait. Un examen judiciaire du couteau/machette de 12 pouces a permis d’identifier l’ADN du plaignant sur la poignée de lame tranchante, ce qui confirme que c’est bien le plaignant qui était en possession de cette arme; aucun autre ADN n’a été trouvé.

Une douille vide de cartouche d’arme anti-émeute a été trouvée au début de l’entrée de cour, ce qui confirme la preuve de l’AT no 3 selon laquelle il a tiré une fois avec son arme anti‐émeute, tandis que l’autopsie a confirmé que le plaignant avait en fait été atteint au tibia par le projectile de l’arme anti-émeute.

À moins de deux pieds (0,6 mètre) de la douille de cartouche de projectile d’arme anti‐émeute se trouvaient deux douilles de cartouche vides d’arme à feu qui ont été confirmées par un examen criminalistique comme provenant effectivement de l’arme à feu de l’AI, ce qui confirme le témoignage de l’AI selon lequel il était l’agent ayant tiré avec son arme à feu sur le plaignant. L’autopsie a confirmé que le plaignant avait quatre blessures par balles, bien que trois cartouches seulement se trouvaient sur les lieux. Le rapport final d’autopsie du plaignant, que l’UES a reçu le 2 octobre 2018, a confirmé qu’une blessure par balle sur le côté gauche de la poitrine avait causé le décès du plaignant. Toutes les cartouches et deux des balles ont été confirmées par le CSJ comme provenant de l’arme à feu de l’AI[10].

Enfin, les témoignages de chacun des quatre agents de police sont compatibles avec les uns et les autres, malgré le fait que les agents ont été immédiatement séparés dans les minutes qui ont suivi les coups tirés sur le plaignant, afin qu’ils ne puissent pas discuter de leur témoignage et d’empêcher toute possibilité ou perception de collusion. Ayant conclu que les témoignages de chacun des agents concordant les uns avec les autres, ainsi que la preuve matérielle et les enregistrements des communications, je suis convaincu que la version des événements qu’ils ont fournie est un compte rendu exact de ce qui s’est passé.

Le droit applicable et l’analyse

La question qu’il reste alors à trancher, en me basant sur les faits tels que je les ai établis, est de savoir si l’AI était fondé ou non à recourir à une force létale contre le plaignant ou si le déchargement de son arme à feu sur le plaignant constituait un recours excessif à la force dans ces circonstances et si cela donne des motifs raisonnables de porter des accusations au criminel.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, un agent de police, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, est fondé à employer la force nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. En outre, aux termes du paragraphe 25(3) :

(3) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), une personne n’est pas justifiée, pour l’application du paragraphe (1), d’employer la force avec l’intention de causer, ou de nature à causer la mort ou des lésions corporelles graves, à moins qu’elle n’estime, pour des motifs raisonnables, que cette force est nécessaire afin de se protéger elle‐même ou de protéger toute autre personne sous sa protection contre la mort ou contre des lésions corporelles graves

Par conséquent, pour que l’AI soit admissible à une protection contre des poursuites en vertu de l’article 25, il faut établir qu’il exécutait une obligation légale, qu’il agissait en s’appuyant sur des motifs raisonnables et qu’il n’a pas employé plus de force que nécessaire dans les circonstances. De plus, aux termes du paragraphe (3), étant donné que la mort a été causée, il faut aussi établir que l’AI a fait feu avec son arme en ayant des motifs raisonnables de croire que c’était nécessaire pour se protéger lui-même ou pour protéger d’autres personnes contre la mort ou des lésions corporelles graves.

En ce qui concerne d’abord la légalité de la tentative d’appréhension du plaignant, il ressort clairement du contenu de l’appel au 9-1-1 émanant du TC no 5 – appel dont les renseignements fournis ont été retransmis aux agents de police qui sont intervenus –, ainsi que le la confirmation de ces renseignements par les trois témoins civils sur les lieux (le TC no 5, la TC no 3 et le TC no 2), qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que le plaignant était en possession d’une arme dangereuse pour la paix publique, en contravention de l’article 88 du Code criminel, d’autant plus que le plaignant avait utilisé cette arme pour menacer ou agresser une autre personne lorsqu’il a essayé de lacérer et de poignarder le TC no 5, quoiqu’il n’y soit pas parvenu, en contravention de l’article 267. Par conséquent, je suis convaincu que la poursuite et l’appréhension du plaignant étaient légalement justifiées dans les circonstances.

En ce qui concerne les autres exigences visées aux paragraphes 25(1) et 25(3), je garde à l’esprit l’état du droit applicable tel que la Cour suprême du Canada l’a énoncé dans l’arrêt R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206, de la façon suivante :

Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux‐ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme le juge Anderson l’explique dans R. v. Bottrell(1981), 60 C.C.C. (2d) 211 (C. A. C.‐B.) :

[traduction] Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p. 218]

La Cour décrit comme suit le critère requis en vertu de l’article 25 :

Le paragraphe 25(1) indique essentiellement qu’un policier est fondé à utiliser la force pour effectuer une arrestation légale, pourvu qu’il agisse sur la foi de motifs raisonnables et probables et qu’il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances. Mais l’examen de la question ne s’arrête pas là. Le paragraphe 25(3) précise qu’il est interdit au policier d’utiliser une trop grande force, c’est‐à‐dire une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves ou visant un tel but, à moins qu’il ne croie que cette force est nécessaire afin de le protéger ou de protéger toute autre personne sous sa protection contre de telles conséquences. La croyance du policier doit rester objectivement raisonnable. Par conséquent, le recours à la force visé au par. 25(3) doit être examiné à la lumière de motifs subjectifs et objectifs (Chartier c. Greaves, [2001] O.J. No. 634 (QL) (C.S.J.), par. 59).

La décision que le juge Power de la Cour supérieure de justice de l’Ontario a rendue dans Chartier c. Greaves, [2001] O.J. no 634, telle qu’elle a été adoptée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt susmentionné, énonce d’autres dispositions pertinentes du Code criminel à prendre en considération, en ces termes :

  1. Recours à la force pour empêcher la perpétration d’une infraction – Toute personne est fondée à employer la force raisonnablement nécessaire :
  1. pour empêcher la perpétration d’une infraction :
    1. pour laquelle, si elle a été commise, la personne qui l’a commise peut être arrêtée sans mandat
    2. d’autre part, qui serait de nature à causer des blessures immédiates et graves à la personne ou des dégâts immédiats et graves aux biens de toute personne
  2. pour empêcher l’accomplissement de tout acte qui, à son avis, basé sur des motifs raisonnables, constituerait une infraction mentionnée à l’alinéa a)

[traduction] Par conséquent, cet article autorise le recours à la force pour empêcher la perpétration de certaines infractions. « Toute personne » inclurait un agent de police. La force ne doit pas dépasser ce qui est raisonnablement nécessaire. Par conséquent, un critère objectif est requis. La Cour d’appel de l’Ontario, dans R. c. Scopelliti (1981), 63 C.C.C. (2d) 481, a statué que le recours à une force létale peut seulement être justifié dans des cas de légitime défense ou pour empêcher la perpétration d’un crime qui causera probablement des lésions à la fois graves et immédiates.

34(1) Légitime défense - Toute personne illégalement attaquée sans provocation de sa part est fondée à employer la force qui est nécessaire pour repousser l’attaque si, en ce faisant, elle n’a pas l’intention de causer la mort ni des lésions corporelles graves.

  1. Mesure de la justification - Quiconque est illégalement attaqué et cause la mort ou une lésion corporelle grave en repoussant l’attaque est justifié si :
    1. d’une part, il la cause parce qu’il a des motifs raisonnables pour appréhender que la mort ou quelque lésion corporelle grave ne résulte de la violence avec laquelle l’attaque a en premier lieu été faite, ou avec laquelle l’assaillant poursuit son dessein; et
    2. d’autre part, il croit, pour des motifs raisonnables, qu’il ne peut pas autrement se soustraire à la mort ou à des lésions corporelles graves

[traduction] Pour invoquer la défense visée au paragraphe (2) de l’article 34, un agent de police doit démontrer qu’il a été attaqué illégalement et qu’il a causé la mort ou des lésions corporelles graves à l’agresseur au moment où il a repoussé l’agression. L’agent de police doit démontrer qu’il avait des motifs raisonnables de croire qu’il risquait de mourir ou d’être grièvement blessé et qu’il croyait, de nouveau pour des motifs raisonnables, qu’il n’y avait aucun autre moyen d’éviter cela. De nouveau, l’utilisation du terme « raisonnable » nécessite l’application d’un critère objectif.

De plus, la Cour établit un certain nombre de principes juridiques glanés dans la jurisprudence citée, dont les suivants :

  1. Quel que soit l’article du Code criminel utilisé pour évaluer les actions de la police, la Cour doit mesurer la force qui était nécessaire en tenant compte des circonstances entourant l’événement en cause
  2. « Il faut tenir compte dans une certaine mesure du fait qu’un agent, dans les exigences du moment, peut mal mesurer le degré de force nécessaire pour restreindre un prisonnier. » Le même principe s’applique à l’emploi de la force pour procéder à une arrestation ou empêcher une évasion. À l’instar du conducteur d’un véhicule faisant face à une urgence soudaine, le policier « ne saurait être tenu de respecter une norme de conduite dont on aura ultérieurement déterminé, dans la quiétude d’une salle d’audience, qu’elle constituait la meilleure méthode d’intervention. » (Foster c. Pawsey) En d’autres termes, c’est une chose que d’avoir le temps, dans un procès s’étalant sur plusieurs jours, de reconstituer et d’examiner les événements survenus le soir du 14 août, mais ç’en est une autre que d’être un policier se retrouvant au milieu d’une urgence avec le devoir d’agir et très peu d’un temps précieux pour disséquer minutieusement la signification des événements ou réfléchir calmement aux décisions à prendre. (Berntt c. Vancouver)
  3. Les agents de police exercent une fonction essentielle dans des circonstances parfois difficiles et souvent dangereuses. La police ne doit pas être indûment entravée dans l’exécution de cette obligation. Les policiers doivent fréquemment agir rapidement et réagir à des situations urgentes qui surviennent soudainement. Leurs actes doivent donc être considérés à la lumière des circonstances
  4. « Il est à la fois déraisonnable et irréaliste d’imposer à la police l’obligation d’employer le minimum de force nécessaire susceptible de permettre d’atteindre son objectif. Si une telle obligation était imposée aux policiers, il en résulterait un danger inutile pour eux‐mêmes et autrui. En pareilles situations, les policiers sont fondés à agir et exonérés de toute responsabilité s’ils n’emploient pas plus que la force qui est nécessaire en agissant sur le fondement de leur évaluation raisonnable des circonstances dans lesquels ils se trouvent et des dangers auxquels ils font face. (Levesque c. Zanibbi et al.)

En m’appuyant sur les principes de droit qui précèdent, il me faut donc déterminer

  1. si l’AI croyait subjectivement que lui-même ou ses collègues risquaient la mort ou des lésions corporelles graves aux mains du plaignant au moment où l’AI a fait feu avec son arme et
  2. si cette croyance était objectivement raisonnable ou, en d’autres termes, si les actions de l’AI seraient considérées comme raisonnables par un observateur objectif qui aurait disposé de tous les renseignements dont disposait l’AI au moment où il a fait feu avec son arme

En ce qui concerne le premier de ces critères, il ressort clairement de la déclaration de l’AI qu’il croyait qu’il risquait de mourir ou de se voir infliger des lésions corporelles graves au moment où il a tiré avec son arme à feu. L’AI a fondé cette conviction sur ses observations à ce moment-là et sur le fait qu’il était au courant du comportement que le plaignant avait eu à l’endroit du TC no 5 et de la TC no 3.

En ce qui concerne l’information reçue par l’AI, il savait que le plaignant avait plus tôt essayé de taillader et de poignarder le TC no 5 avec le couteau/machette[11], que le plaignant était encore armé de cette arme, ainsi que l’AI avait pu le constater lorsque le plaignant est sorti de derrière la voiture et a levé son bras droit en tenant l’arme à la main, et qu’il était maintenant en train de charger directement l’AI en courant sur l’entrée de cour avec le couteau/machette brandi. L’AI a déclaré qu’il craignait non seulement pour sa vie, mais aussi pour celles de ses collègues et de la population en général. Plus précisément, l’AI a indiqué qu’il croyait qu’il allait être [traduction] « coupé en morceaux », de sorte qu’il a tiré avec son arme à feu pour mettre fin à la menace posée par le plaignant.

Compte tenu de tous les renseignements que l’AI avait en sa possession au moment où il a tiré sur le plaignant et l’a tué, je conclus que, subjectivement, il avait des motifs de croire que sa vie était en danger aux mains du plaignant et que compte tenu de ses observations des gestes posés par le plaignant, ainsi que des renseignements fournis par les témoins civils, il aurait eu des motifs raisonnables de croire que lui et ses collègues couraient un risque imminent de blessures graves, voire de mort, aux mains du plaignant.

En ce qui concerne le caractère raisonnable des actions de l’AI et la question de savoir s’il a envisagé ou non des options moins létales de recours à la force avant d’utiliser son arme à feu, l’AI a indiqué dans sa déclaration que lui et les autres agents avaient continuellement crié au plaignant de laisser tomber son arme, ordres qui semblent être tombées dans l’oreille d’un sourd. L’AI a aussi indiqué que ni l’envoi du chien policier ni l’utilisation d’une arme à impulsions n’aurait été efficace dans ces circonstances. Étant donné qu’il est peu probable que le chien aurait pu « faire le poids » contre une machette à lame de 12 pouces que brandissait un homme de 195 livres mesurant 6 pieds et que le plaignant était habillé pour la saison hivernale et portait un manteau, ce qui aurait pu empêcher le déploiement efficace d’une arme à impulsions, car les dards auraient fait contact avec la partie externe des vêtements plutôt qu’avec la peau du plaignant, je n’ai aucune hésitation à conclure que cette évaluation de la situation par l’AI était raisonnable dans les circonstances. Il m’apparaît donc clairement que l’AI, dans les 25 secondes ou moins qu’il a eues à sa disposition, semble avoir fait preuve de toute la prudence voulue dans son interaction avec le plaignant et qu’il a envisagé toutes les options qui lui étaient disponibles avant de tirer avec son arme à feu.

Quant à savoir s’il y avait ou non des motifs objectivement raisonnables de croire que la vie de l’AI ou de ses collègues était en danger, il suffit de se reporter au témoignage de chacun des trois autres agents de police présents, chacun ayant dégainé son propre pistolet de service, à l’exception de l’AT no 3 qui a déployé l’arme anti-émeute ARWEN, parce qu’ils craignaient chacun pour leur propre vie et celle de leurs collègues. Je note que l’AT no 3 a indiqué qu’au moment où le plaignant a avancé sur les agents, l’AT no 3 pensait que le plaignant allait le tuer, lui et les autres agents, tandis que l’AT no 3 a reculé pour s’éloigner du plaignant, en tirant son chien avec lui, alors que lui aussi tentait de dégainer son arme à feu, et que l’AT no 2 a indiqué qu’il craignait que le plaignant ne blesse l’un des agents de police ou encore que l’on tire sur le plaignant.

De plus, compte tenu du témoignage des quatre agents de police, je conclus que le plaignant, lorsqu’il est sorti de l’arrière de la voiture stationnée dans l’entrée de cour, se trouvait à environ 20 pieds des agents, lesquels se tenaient au début de l’entrée de cour. Je conclus également que le plaignant s’est alors déplacé rapidement et a chargé les agents, en se concentrant particulièrement sur l’AI. Ainsi, alors que l’AI a témoigné que le plaignant se trouvait à 20 pieds de lui lorsqu’il a fait feu avec son arme, en fait il se pouvait que cette distance fut plus courte encore. Selon le témoignage de l’AT no 2, qui se tenait debout derrière l’AI et avait peut-être une vue plus dégagée de la situation que celle qu’avait l’AI, lequel se trouvait directement dans la ligne du plaignant, le plaignant avait en fait réduit l’écart qui le séparait des policiers à 10 à 15 pieds avant que l’AT no 3 ait pu tirer avec l’arme anti-émeute ARWEN[12] et que l’AI ait tiré avec son arme à feu[13].

Après avoir longuement examiné l’ensemble de la preuve, ainsi que le droit relatif à la justification de l’emploi de la force dans l’intention de causer la mort ou des lésions corporelles graves lorsque l’on croit, pour des motifs raisonnables, que cette force est nécessaire pour se protéger de la mort ou de lésions corporelles graves, je conclus, compte tenu de toutes les circonstances, que l’AI a raisonnablement cru que sa vie était en danger aux mains du plaignant et que ses actions, lorsqu’il a fait feu sur le plaignant, étaient justifiées. Je crois qu’il aurait été insensé et irresponsable de la part de l’AI de risquer sa vie et celle de ses collègues s’il avait attendu de voir ce qu’allait faire le plaignant, lequel avait levé la machette et avait réduit l’écart qui le séparait des agents, ce qui aurait fait courir aux agents un risque immédiat de blessures graves ou de mort. Je conclus également que ce n’était pas un risque que l’AI aurait dû courir alors qu’il était confronté à la possibilité d’être « mis en morceaux » par un homme qui avait déjà tenté de poignarder et de taillader un témoin civil et qui semblait constituer un danger imminent pour l’AI et ses trois collègues agents.

Je conclus donc, dans ce dossier, que les trois coups qui ont été tirés par l’AI et qui ont touché et tué le plaignant étaient justifiés en vertu des paragraphes 25 (1) et (3) du Code criminel et que l’AI, en protégeant lui-même ainsi que l’AT no 3, l’AT no 2 et l’AT no 4 de la mort ou de lésions corporelles graves pouvant être causées par le plaignant, n’a pas eu recours à plus de force que nécessaire pour accomplir ses fonctions légitimes. Par conséquent, je suis convaincu, pour des motifs raisonnables, que les gestes posés par l’AI, malgré la perte tragique d’une vie, étaient dans les limites prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a pas de motifs de porter des accusations criminelles en l’espèce.

Date : 5 octobre 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] L’UES a ultérieurement déterminé que le défunt était le plaignant. [Retour au texte]
  • 2) [2] Huit enquêteurs en tout ont fini par participer à l’enquête. [Retour au texte]
  • 3) [3] Le propriétaire du logement loué par le plaignant l’a identifié et a fourni à l’UES les coordonnées de sa famille en Pologne. [Retour au texte]
  • 4) [4] Le fabricant décrit l’article comme étant une machette soudée au titane, et non un couteau, bien que de nombreux témoins l’aient décrit comme un couteau. [Retour au texte]
  • 5) [5] Malgré le fait que le corps du plaignant avait quatre blessures par balle. [Retour au texte]
  • 6) [6] La balle avait pénétré dans le côté gauche de la poitrine du plaignant, et la trajectoire de la balle à travers le corps allait de l’avant à l’arrière, de gauche à droite, et vers le bas. [Retour au texte]
  • 7) [7] La probabilité de correspondance aléatoire était de 1 sur 140 millions de milliards. [Retour au texte]
  • 8) [8] L’arme anti-émeute ARWEN tire des projectiles de plastique cylindriques de 37 millimètres de diamètre. [Retour au texte]
  • 9) [9] Le fabricant de l’article décrit ce couteau comme étant une machette soudée en titane – un Camillus « Carnivore X » de 18 pouces avec une lame en acier inoxydable de 12 pouces qui peut couper, creuser, scier, fendre et viscérer. [Retour au texte]
  • 10) [10] La troisième balle qui a traversé le coude était en éclats et n’avait donc aucune valeur d’identification lorsqu’elle est sortie du coude, et j’en conclus que la seule explication raisonnable à laquelle on peut en arriver est que cette balle a aussi causé la blessure par balle au sternum du plaignant. Dans les circonstances, je ne trouve aucune autre explication pour une blessure par balle au sternum où la balle aurait pénétré la couche dermique et fracturé le sternum, mais n’aurait pas eu assez de force pour perforer l’os. [Retour au texte]
  • 11) [11] Je qualifie l’arme de machette ou couteau, parce que la lame de 12 pouces (31 centimètres) avait une arrête de machette épaisse d’un côté et une arrête dentelée de l’autre. C’est peut-être pour cela que les différents témoins l’ont décrite, tantôt d’un couteau, tantôt d’une machette. Ayant examiné et manipulé personnellement l’arme, je la décrirais comme une machette lourde et courte avec une arrête dentelée de couteau et un crochet à l’arrière du bord principal de l’arme. La no 9 (à la page 23) donne la description fournie par le fabricant. [Retour au texte]
  • 12) [12] L’AT no 3 pensait que le plaignant se trouvait à 15 pieds (4,572 mètres) de lui lorsqu’il a tiré avec l’arme anti‑émeute ARWEN. Il se trouvait directement à la gauche de l’AI. [Retour au texte]
  • 13) [13] Les différences de perception de la distance entre les agents sont probablement imputables à la situation dynamique et stressante. L’entrée de cour où l’incident s’est produit ne fait qu’un peu plus de 30 pieds (9,144 mètres) de long, et une berline Hyundai à quatre portes était stationnée sur le côté droit duquel le plaignant avait émergé avant de se diriger vers les agents. D’après l’emplacement des débris médicaux et des autres pièces, il semblerait que le plaignant se trouvait à une distance comprise entre 12 pieds (3,65 mètres) et 18 pieds (5.48 mètres) de l’extrémité de l’entrée de cour lorsqu’il s’est écroulé sur le sol. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.