Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-OVD-392

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant le décès d’un homme de 43 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

Le 23 septembre 2023, à 10 h 15, le Service de police de Guelph (SPG) a communiqué avec l’UES pour lui transmettre l’information suivante.

Le 23 septembre 2023, à 9 h 30, le SPG a reçu un message du Centre d’information de la police canadienne (CIPC), par l’intermédiaire de la Police provinciale de l’Ontario (la Police provinciale) [comté d’Oxford], demandant de l’aide pour effectuer une vérification du bien être du plaignant, à Guelph. Le message du CIPC indiquait que le plaignant était visé par un mandat d’arrestation pour avoir menacé sa caution. La caution a informé le personnel de la Police provinciale que le plaignant était muni d’une arme à feu et qu’il était paranoïaque. Le plaignant avait également dit à sa caution qu’il voulait se suicider par policier interposé. Le plaignant avait été vu pour la dernière fois au volant de sa camionnette Dodge Ram de couleur jaune. Le personnel de la Police provinciale a procédé à un essai d’envoi de signaux vers le téléphone du plaignant, ce qui a révélé que ce dernier se trouvait à une intersection sur le chemin Victoria, à Guelph. Le personnel de la Police provinciale a ensuite fait un deuxième essai d’envoi de signaux, indiquant que le plaignant se trouvait désormais dans le secteur de la rue Victoria et du chemin York, à Guelph. L’AI no 1 et l’AI no 2 se sont rendus dans le secteur et ont repéré le plaignant au volant de sa camionnette jaune. Ils ont activé leurs sirènes et gyrophares en vue d’intercepter le plaignant, et une brève poursuite visant l’appréhension d’un suspect s’en est suivie; cependant, la poursuite a été interrompue après un court laps de temps. La camionnette du plaignant a été retrouvée peu de temps après. Elle avait fait plusieurs tonneaux sur le chemin Victoria, juste au sud du chemin Clair Est, à Guelph. Des membres du service d’incendie de Guelph ont extirpé le plaignant du véhicule et des mesures visant à sauver la vie du plaignant ont été prises.

À 10 h 40, l’UES a été avisée par le SPG que le plaignant, seule personne à bord de la camionnette, avait succombé à ses blessures.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 23 septembre 2023, à 10 h 30

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 23 septembre 2023, à 12 h 5

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés: 3
 
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 3
 
Nombre de spécialistes de la reconstitution des collisions assignés : 1

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 43 ans; décédé

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue
TC no 6 A participé à une entrevue
TC no 7 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à des entrevues entre le 23 septembre 2023 et le 16 octobre 2023.

Agents impliqués (AI)

AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué
AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Agent témoin (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue

L’agent témoin a participé à une entrevue le 20 octobre 2023.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont déroulés sur un tronçon de route commençant sur le chemin Victoria Sud, à une certaine distance au nord de son intersection avec le chemin Arkell, et se terminant sur le site d’une collision sur le chemin Victoria Sud, à son intersection avec le chemin Clair Est, à Guelph, et aux alentours de celle ci.

Le chemin Victoria Sud s’étend du nord au sud et comportait deux voies, une dans chaque direction. La chaussée s’élargit pour permettre un virage à gauche en direction nord sur le chemin Clair Est. La limite de vitesse est fixée à 70 km/h dans cette zone. La chaussée est marquée de bandes cyclables le long de chaque trottoir. La chaussée est bordée de champs à l’est et d’immeubles résidentiels à l’ouest.

Le chemin Clair Est s’étend de l’est à l’ouest et comporte deux voies, une dans chaque direction. Il se termine à son intersection en « T » avec le chemin Victoria Sud. À cette intersection, la circulation est contrôlée par des feux de signalisation et la limite de vitesse est fixée à 60 km/h. La chaussée est marquée par des bandes cyclables le long de chaque trottoir. Elle est bordée d’un immeuble en copropriété de faible hauteur au nord et de champs au sud.

Les deux routes sont asphaltées, droites, planes et en bon état, et les lignes de démarcation des voies sont visibles.


Éléments de preuve matériels

Il y avait trois véhicules lourdement endommagés sur le site de la collision.
  • Une camionnette jaune de marque Dodge Ram. Le véhicule était renversé sur le toit, sur la voie menant en direction sud, au sud de l’intersection avec le chemin Clair Est. Le véhicule est très endommagé de tous les côtés.
  • Une Hyundai Elantra grise. Le véhicule présentait des dommages importants à l’avant et était orienté vers le sud ouest, dans la zone de l’intersection.
  • Une camionnette noire de marque Honda Ridgeline. Une remorque ouverte était attachée à cette camionnette. Le véhicule présentait des dommages importants à l’avant et sur le toit. La remorque était également endommagée et présentait des marques de peinture jaune. Ce véhicule se trouvait sur la voie menant en direction nord et sur la voie de virage à gauche sur le chemin Victoria Sud, juste au sud de l’intersection.
La chaussée était parsemée de débris et de traces de liquide provenant des véhicules, depuis la Hyundai jusqu’à la camionnette Dodge Ram. Il était évident que la camionnette Dodge Ram se déplaçait en direction sud sur le chemin Victoria Sud lorsqu’elle a heurté l’avant de la Hyundai Elantra, avant de percuter la camionnette Honda Ridgeline.

Éléments de preuves médicolégaux

Données du dispositif traqueur Camionnette du plaignant

La camionnette du plaignant roulait à 126 km/h 5 secondes avant l’impact. La camionnette a ralenti à une vitesse de 114 km/h environ 2 secondes avant l’impact, puis a accéléré à plein régime pour atteindre 124 km/h au moment de l’impact.
 

Données du dispositif de repérage par système mondial de localisation (GPS)

Véhicule de police de l’AI no 1

À 9 h 44 min 2 s, le 23 septembre 2023, l’AI no 1 roulait en direction est sur le chemin Clair Est, à Guelph, à une vitesse de 68 km/h. Elle a atteint l’intersection du chemin Clair Est et du chemin Victoria Sud à 9 h 44 min 22 s et a immobilisé son véhicule. Elle a ensuite tourné à gauche pour se diriger en direction nord sur le chemin Victoria Sud, atteignant une vitesse de 72 km/h.

À 9 h 45 min 40 s, l’AI no 1 a immobilisé son véhicule en direction nord à l’intersection du chemin Victoria Sud et de la promenade Summerfield. À 9 h 46 05 s, elle a fait demi tour pour se diriger en direction sud sur le chemin Victoria Sud, atteignant brièvement une vitesse de 76 km/h.

À 9 h 47 04 s, l’AI no 1 a immobilisé son véhicule à l’intersection du chemin Victoria Sud et du chemin Clair Est.

Véhicule de police de l’AI no 2

À 9 h 44, le 23 septembre 2023, l’AI no 2 roulait en direction est sur le chemin Clair Est, à Guelph, à une vitesse de 68 km/h. Il se trouvait alors à l’est du chemin Farlay. Il a atteint l’intersection du chemin Clair Est et du chemin Victoria Sud à une vitesse de 21 km/h.

À 9 h 45 min 55 s, l’AI no 2 a tourné à gauche et s’est dirigé en direction nord sur le chemin Victoria Sud à une vitesse de 27 km/h. Il s’est dirigé en direction nord sur le chemin Victoria Sud jusqu’à l’intersection de la promenade Frederick à une vitesse de 45 km/h. Puis, en une seconde, il a ralenti à une vitesse de 31 km/h. L’AI no 2 s’est ensuite déplacé dans la voie en direction sud sur le chemin Victoria Sud à une vitesse de 11 km/h. Cinq secondes plus tard, il a accéléré pour atteindre une vitesse de 31 km/h.

À 9 h 46 min 35 s, l’AI no 2 s’est dirigée en direction sud sur le chemin Victoria Sud à une vitesse de 74 km/h. Cinq secondes plus tard, sa vitesse était de 72 km/h. Deux secondes plus tard, sa vitesse était de 71 km/h. Cinq secondes plus tard, sa vitesse était de 43 km/h.

À 9 h 46 min 53 s, l’AI no 2 a immobilisé son véhicule à l’intersection du chemin Victoria Sud et du chemin Clair Est.

Véhicule de police de l’AT

À 9 h 44 min 2 s, le 23 septembre 2023, l’AT roulait en direction nord sur le chemin Victoria Sud, à Guelph, à une vitesse de 61 km/h. Il se trouvait immédiatement au sud du chemin Arkell. Il s’est arrêté à l’intersection du chemin Victoria Sud et du chemin Arkell, avant de se diriger en direction nord sur le chemin Victoria Sud, dépassant le chemin Arkell, en ralentissant à une vitesse de 16 km/h. Il a ensuite fait demi tour pour se diriger en direction sud et atteindre une vitesse de 66 km/h. Il a poursuivi sa route en direction sud sur le chemin Victoria Sud, atteignant une vitesse de 85 km/h.

À 9 h 46 min 19 s, l’AT a franchi l’intersection de la promenade Summerfield à une vitesse de 66 km/h. Il a ensuite franchi l’intersection du chemin Victoria Sud et de la promenade Frederick à une vitesse de 71 km/h.

À 9 h 47 min 25 s, l’AT a immobilisé son véhicule à l’intersection du chemin Clair Est et du chemin Victoria Sud.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]

Enregistrements des communications du SPG

Vers 9 h 22, le 23 septembre 2023, la Police provinciale demande au personnel du SPG de procéder à une vérification du bien être auprès du plaignant, dans les environs du chemin Laird et du chemin Clair Ouest. Selon les informations recueillies, le plaignant conduit une camionnette Dodge Ram de couleur jaune. Un répartiteur demande à ce que des unités du SPG soient dépêchées pour venir en aide à la Police provinciale. On leur demande de se rendre dans le secteur du château d’eau, sur le chemin Clair Est, afin de localiser le plaignant et de procéder à une vérification de son bien être. Un mandat d’arrestation a déjà été émis à son endroit. Le plaignant a été aperçu pour la dernière fois au volant d’une camionnette Dodge Ram de couleur jaune. L’AT demande à être affecté à l’appel. On demande à ce qu’un mandant soit émis pour communication harcelante et omission de se conformer. Le plaignant est déjà visé par un mandat d’arrestation non exécuté pour voies de fait, introduction par effraction et omission de se conformer à une ordonnance de mise en liberté. Les agents des unités de patrouille informent le répartiteur que des vérifications sont en cours dans le secteur du chemin Victoria Sud et du chemin Clair Est. L’AI no 1 déclare qu’elle se dirige en direction est sur le chemin Clair Est.

Vers 9 h 23 min 22 s, l’AI no 2 demande être affecté à l’appel.

Vers 9 h 34 min 55 s, le personnel du SPG reçoit un avis selon lequel le lieu où se trouve le plaignant a été repéré, aux fins de vérification du bien être de celui-ci, grâce à un essai d’envoi de signaux. Selon les informations recueillies, le plaignant aurait proféré des menaces et affirmé qu’il était muni d’une arme à feu. On craint que le plaignant ne cherche à se causer des blessures ou à se suicider par policier interposé. Les agents du SPG effectuent des recherches dans le secteur du chemin York et du chemin Victoria.

Vers 9 h 36 min 44 s, la Police provinciale reçoit de nouvelles informations selon lesquelles le plaignant aurait menacé sa caution, en lui disant qu’il était muni d’une arme à feu, et qu’il prévoirait de se suicider par policier interposé.

Vers 9 h 38 min 17 s, le lieu où se trouve le plaignant est mis à jour; celui-ci est désormais à proximité du chemin York et du chemin Victoria.

Vers 9 h 44 min 56 s, l’AT indique avoir aperçu la camionnette roulant vers le sud sur le chemin Victoria Sud depuis le chemin Arkell, et qu’il a dû faire demi tour. Il fait savoir que la camionnette vient de dépasser un véhicule de police [celui de l’AI no 1] dont les gyrophares sont activés. L’AI no 1 déclare que le véhicule suspect roule en direction sud et qu’il dépasse des véhicules en roulant sur les mauvaises voies de circulation. Un agent dont l’identité n’est pas connue indique que le plaignant roule en direction sud sur le chemin Clair Est. Un autre agent dont l’identité n’est pas connue veut s’assurer qu’aucun agent n’active les gyrophares de son véhicule de manière à éviter de signaler sa présence au plaignant.

Vers 9 h 46 min 37 s, un agent dont l’identité n’est pas connue fait savoir qu’une collision s’est produite à l’intersection du chemin Victoria Sud et du chemin Clair Est. On signale également que deux véhicules sont impliqués, que la camionnette s’est renversée et que des ambulances supplémentaires sont requises. L’AI no 1 indique qu’elle a tenté de communiquer avec le plaignant, qui est coincé dans son véhicule, mais qu’elle n’a entendu que sa respiration.

Vers 9 h 48 min 22 s, le répartiteur demande si des agents ont tenté de signaler leur présence au plaignant lorsqu’il était au volant de sa camionnette en activant les gyrophares de leur véhicule. L’AI no 1 répond qu’elle l’a fait brièvement.

Vers 9 h 48 min 57 s, l’AT signale que le plaignant est inconscient et ajoute qu’il n’est pas en mesure de confirmer la présence d’une arme à feu.
 

Images captées par la caméra à bord des véhicules de police

Véhicule de police de l’AT

À 9 h 45 min 38 s, après avoir remarqué la camionnette du plaignant qui roule en direction sud sur le chemin Victoria Sud [près de l’intersection avec le chemin Arkell], l’AT effectue un demi tour pour suivre le plaignant, mais le perd de vue.



Figure 1 – Photo captée par la caméra à bord du véhicule de police de l’AT après qu’il eut fait demi tour à l’intersection du chemin Victoria Sud et du chemin Arkell. La camionnette du plaignant n’est pas dans le champ de la caméra et n’apparaissait à aucun moment sur les images captées par celle ci.
 
Vers 9 h 47 min 23 s, le 23 septembre 2023, l’AT, qui circule en direction sud sur le chemin Victoria Sud, arrive à l’intersection du chemin Victoria Sud et du chemin Clair Est, où une collision de véhicules automobiles a eu lieu. Deux véhicules de police, dont les gyrophares sont activés, se trouvent déjà à l’intersection. L’AI no 1 se tient près d’une camionnette noire dont la partie avant est endommagée. Un civil (TC no 2) inspecte la remorque de sa camionnette. Une berline argentée, dont la partie avant est également endommagée, se trouve à l’angle sud ouest de l’intersection (TC no 1). Au sud de l’intersection, sur la voie en direction du sud, se trouve la camionnette jaune renversée qui était conduite par le plaignant.



Figure 2 – Photo captée par la caméra à bord du véhicule de police de l’AT alors qu’il arrivait sur les lieux de l’accident. Les véhicules de police de l’AI no 2 et de l’AI no 1 sont visibles, de même que le véhicule conduit par la TC no 1 et une partie des débris.
 
L’AT descend de son véhicule et s’entretient avec le TC no 2, avant de marcher en direction du sud sur le chemin Victoria Sud, vers le véhicule du plaignant. Un agent s’entretient avec la TC no 1, qui est assise sur l’herbe près d’un poteau électrique dans la partie sud ouest de l’intersection. Près d’elle se tient une autre femme (TC no 3).

Véhicule de police de l’AI no 1

L’AI no 1 se dirige vers le nord à bord de son véhicule de police sur le chemin Victoria. Elle range son véhicule sur la bordure est de la route et l’immobilise.

À 9 h 45 min 53 s, le 23 septembre 2023, une camionnette jaune la dépasse, roulant en direction sud sur le chemin Victoria Sud.

L’AI no 1 fait un demi tour sur le chemin Victoria Sud et accélère en direction sud. Elle dépasse d’autres véhicules roulant en direction sud, alors que ces derniers se rangent sur la bordure ouest de la chaussée ou s’arrêtent sur la voie d’accotement. L’agente atteint l’intersection du chemin Victoria Sud et de la promenade Frederick en roulant dans la voie en direction nord. À l’horizon, en direction sud, un véhicule de police conduit par l’AI no 2 roule également en direction sud. Ses gyrophares sont activés.



Figure 3 – Photo captée par la caméra à bord du véhicule de police l’AI no 1 après qu’elle eut fait demi tour pour suivre la camionnette. La flèche rouge pointe la camionnette du plaignant, qui est visible au loin.




Figure 4 – Photo captée par la caméra à bord du véhicule de police l’AI no 1 alors qu’elle s’approche de l’intersection au niveau de la promenade Fredrick. La flèche jaune pointe le véhicule de police de l’AI no 2, dont les gyrophares ne sont pas activés.

À 9 h 46 min 55 s, l’AI no 1 atteint l’intersection du chemin Victoria Sud et du chemin Clair Est. Elle immobilise son véhicule de police, dont les gyrophares sont activés. Elle gare son véhicule près de la glissière de sécurité est, descend de son véhicule et court en direction sud sur le chemin Victoria Sud, à travers les débris.

Véhicule de police de l’AI no 2


L’AI no 2 roule en direction nord sur le chemin Victoria, puis s’arrête sur la voie d’accotement est.

À 9 h 46 min 18 s, le 23 septembre 2023, une camionnette de couleur jaune franchit l’intersection du chemin Victoria Sud et de la promenade Frederick en direction sud, s’engageant dans l’intersection alors que le feu est rouge. L’AI no 2 effectue un demi tour à l’intersection de la rue Victoria Sud et de la promenade Frederick, avant d’accélérer en direction du sud sur la route Victoria Sud.

Plusieurs véhicules, circulant également en direction du sud, se sont rangés sur la voie d’accotement ouest pour permettre à l’AI no 2 de passer dans cette direction. La camionnette dépasse plusieurs véhicules arrêtés et s’engage sur la voie en direction du nord. L’AI no 2 contourne les véhicules arrêtés et s’engage de nouveau sur la voie en direction sud.

À 9 h 46 min 44 s, l’AI no 2 atteint l’intersection du chemin Victoria Sud et du chemin Clair Est, soit environ deux secondes après que la collision s’eut produite, arrivant ainsi en premier sur les lieux de l’accident.



Figure 5 – Photo captée par la caméra à bord du véhicule de police l’AI no 2 montrant les lieux de l’accident. La flèche jaune sur la gauche de l’image pointe le véhicule du TC no 2, alors que la flèche jaune à droite pointe le véhicule de la TC no 1. La flèche rouge pointe le véhicule du plaignant.


Figure 6 – Photo captée par la caméra à bord du véhicule de police l’AI no 2 alors qu’il arrive sur les lieux de l’accident. La photo montre les trois véhicules civils impliqués dans la collision. Il est évident que la collision vient de se produire, car on peut encore voir de la poussière dans l’air. Il convient également de noter que le feu de signalisation pour les automobiles circulant en direction sud sur le chemin Victoria Sud est rouge.

Enregistrements vidéo captés par les caméras d’intervention

Caméra d’intervention de l’AT

Le 23 septembre 2023, à 9 h 45 min 57 s, l’AT roule en direction sud sur le chemin Victoria Sud, à Guelph, à bord d’un véhicule de police banalisé, lorsqu’il aperçoit un autre véhicule de police (AT no 1) dont les gyrophares sont activés. Le reste des enregistrements vidéo présente peu d’intérêt sur le plan des éléments de preuve, puisqu’on y voit principalement les événements qui ont suivi la collision.

Caméra d’intervention de l’AI no 1

Les enregistrements vidéo captés par la caméra d’intervention de l’AI no 1 présentent peu d’intérêt sur le plan des éléments de preuve, puisqu’on y voit principalement les événements qui ont suivi la collision.

Caméra d’intervention de l’AI no 2

Les enregistrements vidéo captés par la caméra d’intervention de l’AI no 2 présentent peu d’intérêt sur le plan des éléments de preuve, puisqu’on y voit principalement les événements qui ont suivi la collision.

Documents obtenus du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les éléments suivants de la part de la Police provinciale et du SPG entre le 24 septembre 2023 et le 16 octobre 2023 :

Éléments de la Police provinciale:

  • rapport d’incident général;
  • rapport d’incident général supplémentaire.

Éléments du SPG:

  • rapport d’incident général;
  • message du CIPC transmis par l’intermédiaire du détachement du comté d’Oxford de la Police provinciale;
  • enregistrements des communications;
  • rapport du système de répartition assistée par ordinateur;
  • politique – poursuites visant l’appréhension de suspects;
  • enregistrements vidéo captés par la caméra à bord du véhicule de police – AT;
  • enregistrements vidéo captés par la caméra à bord du véhicule de police – AI no 1;
  • enregistrements vidéo captés par la caméra à bord du véhicule de police – AI no 2;
  • enregistrements vidéo captés par la caméra d’intervention – AT;
  • enregistrements vidéo captés par la caméra d’intervention – AI no 1;
  • enregistrements vidéo captés par la caméra d’intervention – AI no 2;
  • données du dispositif de repérage par système mondial de localisation (GPS) – AT;
  • données du dispositif de repérage par système mondial de localisation (GPS) – AI no 1;
  • données du dispositif de repérage par système mondial de localisation (GPS) – AI no 2;
  • notes – AT.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants de la part d’autres sources entre le 13 et le 25 septembre 2023 :
  • registre des appels du téléphone cellulaire – TC no 6;
  • dossiers médicaux de la TC no 1 provenant de l’Hôpital général de Guelph;
  • dossiers médicaux du TC no 2 provenant de l’Hôpital général de Guelph.

Description de l’incident

Les éléments de preuve recueillis par l’UES, y compris les enregistrements vidéo qui montrent l’incident en partie, permettent d’établir le scénario suivant. Comme la loi les y autorise, les agents impliqués ont choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES et de refuser que l’on communique leurs notes concernant l’incident.

Dans la matinée du 23 septembre 2023, des agents du SPG tentaient de localiser le plaignant. Le personnel de la Police provinciale avait communiqué avec eux pour leur demander de l’aide afin de procéder à une vérification du bien être auprès du plaignant. Selon les renseignements qu’avait reçus la Police provinciale, le plaignant, recherché pour plusieurs infractions, n’était pas sain d’esprit. Il avait également été signalé qu’il était muni d’une arme à feu et qu’il avait menacé de se suicider par policier interposé. Le personnel de la Police provinciale avait réussi à localiser le cellulaire du plaignant dans la région de Guelph au moyen d’un essai d’envoi de signaux.

Après qu’on eut procédé de nouveau à des démarches de localisation du plaignant au moyen d’essais d’envoi de signaux, dont les résultats portaient à croire que le plaignant circulait à bord de son véhicule – une camionnette jaune – dans cette zone, les agents du GPS ont commencé à converger vers le secteur du chemin Victoria Sud et ses environs. L’AT a été le premier à repérer le plaignant. L’agent, qui conduisait un véhicule de police banalisé, circulait en direction nord sur le chemin Victoria Sud, à proximité de l’intersection du chemin Arkell, lorsqu’il a aperçu la camionnette du plaignant qui se dirigeait vers lui, roulant en direction sud. La camionnette a dépassé sa position et l’agent a manœuvré son véhicule de manière à pouvoir repartir en direction sud sur le chemin Victoria Sud. Au loin, l’AT a remarqué la présence d’un véhicule aux couleurs de la police, immobilisé et orienté vers le nord, du côté est de la route.

Le véhicule aux couleurs de la police était conduit par l’AI no 1. Elle aussi avait vu le plaignant rouler en direction sud sur le chemin Victoria Sud et s’était arrêtée à proximité de l’intersection de la promenade Summerfield, avant de faire demi tour et de suivre la camionnette en direction sud.

Au sud de la position de l’AI no 1, circulant également vers le nord sur le chemin Victoria Sud, se trouvait l’AI no 2. Ce dernier se trouvait à proximité de l’intersection de la promenade Frederick lorsque le plaignant l’a dépassé à toute vitesse, après quoi l’agent a effectué un virage en trois manœuvres pour dans la voie en direction du sud afin de poursuivre la camionnette. L’AI no 2, suivi de l’AI no 1, a roulé quelques secondes et parcouru quelque 300 mètres avant d’arriver sur les lieux d’une collision à l’intersection du chemin Victoria Sud et du chemin Clair Est.

Le plaignant a accéléré dans les secondes précédant la collision, probablement conscient de la présence des agents de police derrière lui. Il s’est engagé dans l’intersection du chemin Clair Est alors que le feu de signalisation était rouge et est entré en collision avec un véhicule – une Hyundai Elantra – qui tournait à gauche pour s’engager dans la voie en direction nord du chemin Victoria Sud à partir du chemin Clair Est, qui s’étend à l’est depuis l’intersection. La camionnette a poursuivi sa trajectoire vers le sud et a heurté une autre camionnette – une Honda Ridgeline – avant de reprendre sa trajectoire vers le sud et de terminer sa course, renversée sur le toit. La vitesse du plaignant cinq secondes avant l’impact était de 126 km/h. Au moment de l’impact, sa vitesse était de 124 km/h.

L’AI no 2 a été le premier agent à arriver sur les lieux de la collision, quelques secondes après l’impact. L’AI no 1 est arrivée peu de temps après. Les agents ont prodigué des soins aux personnes impliquées dans la collision et ont pris des dispositions pour que le service d’incendie et des ambulanciers paramédicaux soient dépêchés sur les lieux.

Les conducteurs, seuls occupants de la Hyundai Elantra et de la Honda Ridgeline, ont eu la chance de s’en tirer sans subir de blessures graves.

Le plaignant a subi de très graves blessures lors de la collision et son décès a été constaté sur les lieux de l’accident.
 

Cause du décès

À la lumière de l’autopsie, le médecin légiste a établi une constatation préliminaire, à savoir que le décès du plaignant était attribuable à un traumatisme crânien contondant causé par un impact.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 320.13(3), Code criminel – Conduite dangereuse causant la mort

320.13 (3) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, et cause ainsi la mort d’une autre personne.
 

Analyse et décision du directeur

Le plaignant est décédé à la suite d’une collision automobile survenue à Guelph le 23 septembre 2023. Puisque le véhicule qu’il conduisait avait été brièvement poursuivi par des agents du SPG dans les instants qui ont précédé la collision, l’UES a été avisée de l’incident et a entrepris une enquête. Deux agents ont été désignés à titre d’agents impliqués par l’UES, soit l’AI no 1 et l’AI no 2. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’un ou l’autre des agents impliqués a commis une infraction criminelle relativement au décès du plaignant.

L’infraction possible à l’étude est la conduite dangereuse causant la mort aux termes du paragraphe 320.13(3) du Code criminel. Pour qu’il y ait infraction de négligence criminelle, un simple manque de diligence ne suffit pas. L’infraction repose en partie sur une conduite qui équivaut à un écart marqué par rapport au niveau de prudence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans des circonstances similaires. Dans l’affaire qui nous concerne, la question est de savoir s’il y a eu un manque de diligence dans la manière dont l’un ou l’autre des AI a conduit son véhicule qui aurait causé la collision ou contribué à celle ci et, le cas échéant, s’il est suffisamment grave pour justifier des sanctions criminelles. À mon avis, ce n’est pas le cas.

L’AI no 1 et l’AI no 2 exerçaient leurs fonctions légitimes lorsqu’ils ont décidé de poursuivre le plaignant. Ils avaient des raisons de croire que le plaignant, qui était visé par un mandat d’arrestation, était muni d’une arme à feu et représentait un danger pour lui même et pour autrui. Dans ces circonstances, il était à la fois légitime et impératif de tenter de procéder à son arrestation, dans l’intérêt de la sécurité publique.
De même, je suis convaincu que les agents impliqués se sont comportés avec diligence et égard pour la sécurité publique au cours de leur brève interaction avec le plaignant. Les éléments de preuve indiquent que les agents ont poursuivi la camionnette en direction sud à une vitesse raisonnablement modérée et à une bonne distance du véhicule. Les deux agents ont eu la présence d’esprit d’activer leurs gyrophares alors qu’ils roulaient en direction sud, depuis le nord, afin l’alerter tous conducteurs tiers de leurs intentions, mais les ont désactivés par la suite pour ne pas provoquer le plaignant. Malheureusement, il semble que le plaignant se soit rendu compte de la présence des agents derrière lui, qu’il ait accéléré jusqu’à atteindre une vitesse dangereuse et qu’il ait brûlé un feu rouge quelques instants avant la collision. Je ne suis pas en mesure de conclure, sur la base d’un jugement raisonnable, que l’un ou l’autre des agents impliqués a commis une erreur de jugement en décidant de poursuivre le plaignant. Tout d’abord, il n’est aucunement certain que le plaignant n’aurait pas adopté un tel comportement imprudent au volant s’il n’avait pas été poursuivi par les agents. En d’autres termes, le simple fait que le plaignant ait aperçu les agents sur sa route aurait pu suffire à l’inciter à agir comme il l’a fait. En outre, on ne peut établir clairement que le fait de renoncer à la possibilité d’appréhender le plaignant ne comportait pas de risques en soi. Puisqu’ils savaient que le plaignant n’était pas sain d’esprit et qu’il était peut être muni d’une arme à feu, il est normal que les agents aient craint de compromettre la sécurité publique en le laissant s’enfuir.

En conclusion, puisqu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’un ou l’autre des agents impliqués a enfreint les limites de diligence prescrites par le droit criminel lors de son interaction avec le plaignant, il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.


Date : 18 janvier 2024

Approuvé par voie électronique par


Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Sauf en cas d’indication contraire, les renseignements contenus dans cette section correspondent à ceux reçus par l’UES au moment où elle a été notifiée et ne correspondent pas nécessairement aux conclusions de l’UES à l’issue de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les enregistrements en question contiennent des renseignements personnels de nature délicate et ne sont donc pas divulgués, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces enregistrements sont résumées ci dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.