Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-PCI-380

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant les blessures graves subies par un homme de 41 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

Le 16 septembre 2023, à 17 h 45, la Police Provinciale de l’Ontario (la Police Provinciale) a avisé l’UES des blessures subies par le plaignant.
Selon la Police Provinciale, le 15 septembre 2023, le plaignant a appelé une ambulance dans le comté de Huron et a été emmené à l’Hôpital de South Huron. Pendant qu’il était à l’hôpital, le plaignant est entré dans une salle de toilettes et a refusé d’en sortir. La salle en question est une petite pièce destinée à l’usage d’une seule personne, située au service d’urgence. Le personnel de l’hôpital a appelé la Police Provinciale pour obtenir de l’aide. À 21 h, des agents de police sont arrivés sur place et ont tenté de communiquer avec le plaignant, sans succès. Ils ont alors forcé la porte de la salle de toilettes, sont entrés et ont trouvé le plaignant en hauteur, dans le plafond de la pièce. Les agents et les membres du personnel de l’hôpital ont placé des matelas au sol au cas où le plaignant tomberait du plafond. Le plaignant a finalement décidé de descendre du plafond et a été aidé par les agents. Lorsque le personnel médical a examiné le plaignant, il a déterminé qu’il souffrait de la sepsie et qu’il avait une côte fracturée. Le plaignant a été admis à l’hôpital pour recevoir un traitement médical et a été placé sous surveillance pendant 72 heures en vertu d’un formulaire rempli à son endroit au titre de la Loi sur la santé mentale.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe :  6 septembre 2023, à 6 h 30

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 16 septembre 2023, à 7 h 18

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés:        4
 
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 41 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés.

Le plaignant a participé à une entrevue le 18 septembre 2023.

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à des entrevues entre le 16 septembre 2023 et le 16 octobre 2023.

Agents impliqués (AI)

AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué
AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué
AI no 3 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées
AT no 2 A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées
AT no 3 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 4 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

Les agents témoins ont participé à des entrevues le 3 octobre 2023.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont déroulés dans une salle de toilettes et dans la salle de traitement adjacente, au sein du service d’urgence de l’Hôpital de South Huron, au 24, rue Huron Ouest, à Exeter.


Figure 1 – Photo des lieux prise par un agent de la Police Provinciale sur place montrant la salle de toilettes après l’entrée forcée des agents.


Figure 2 – Photo des lieux prise par un agent de la Police Provinciale sur place montrant un conduit d’air et une partie du câblage dans le plafond de la salle de traitement adjacente à la salle de toilettes.
Le plaignant était allongé sur le ventre sur le conduit.


Figure 3 – Photo des lieux prise par un agent de la Police Provinciale sur place montrant la salle de traitement où l’on a aidé le plaignant à descendre du plafond.
La photo montre les dégâts causés, l’une des échelles utilisées pour atteindre le plaignant et, sous l’échelle, un matelas de lit d’hôpital.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]

Enregistrements vidéo captés par la caméra d’intervention – AI no 1

À 21 h 38 min 6 s, le 15 septembre 2023, l’AI no 1 se trouve dans une salle d’examen du service d’urgence. Deux autres agents de la Police Provinciale et une infirmière se tiennent près de l’entrée de la porte, l’extérieur de la salle. Ils lèvent les yeux vers le plafond et une infirmière parle au plaignant. La pièce semble en désordre; plusieurs panneaux du plafond ont été retirés. L’infirmière explique au plaignant qu’il semble avoir consommé des drogues de mauvaise qualité et qu’il éprouve une réaction très défavorable. Elle demande au plaignant de descendre, car sa mère et son père s’inquiètent pour lui. L’infirmière demande au plaignant de descendre avant qu’il ne tombe et ne se blesse. On entend un homme – dont on ne connaît pas l’identité – dire au plaignant de ne pas toucher à une boîte électrique.

L’AI no 1 se présente au plaignant et lui demande de descendre. L’AI no 1 tente d’établir un rapport avec le plaignant et lui dit que toutes les personnes présentes sont simplement là pour l’aider. L’infirmière communique avec un membre de la famille du plaignant et permet à ce dernier de lui parler. Le plaignant refuse de descendre. Il est également autorisé à parler à son enfant. L’infirmière demande au plaignant de descendre, puisqu’il a des coupures et du sang sur le corps.
Le plaignant exprime des inquiétudes quant à ce qui pourrait lui arriver s’il descendait du plafond. Une agente de la Police Provinciale (on croit qu’il s’agit de l’AT no 4) monte dans l’échelle et retire un des panneaux du plafond de la pièce pour tenter de convaincre le plaignant de redescendre. Une infirmière monte également dans l’échelle et tente de convaincre le plaignant de descendre. Le plaignant est autorisé à parler à sa mère, qui tente à son tour de le convaincre de descendre. Les agents et l’infirmière essaient à plusieurs reprises, en vain, de négocier avec le plaignant et de le convaincre de descendre par ses propres moyens.

À 22 h 4 min 57 s, des membres du service d’incendie de South Huron arrivent au service d’urgence et tentent de convaincre le plaignant de descendre. On entend le plaignant se déplacer dans le plafond.

On entend une femme qui avertit le plaignant à plusieurs reprises de ne pas mettre le feu à quelque chose dans le plafond. On peut voir le plaignant ramper parmi les chevrons au dessus de la pièce. Il ouvre un robinet et de l’eau se déverse sur le sol de la pièce. Le robinet est refermé par les membres du service d’incendie de South Huron à 22 h 16 min 50 s.

L’AI no 2 entre dans la pièce et l’AI no 1 l’informe de la situation. L’AI no 1et l’AI no 2 discutent de la façon de limiter la capacité du plaignant à se déplacer dans le plafond et de continuer à négocier avec celui-ci. L’AI no 1 discute avec un membre du service d’incendie de South Huron de la possibilité d’utiliser des coussins gonflables ou des échafaudages pour assurer la sécurité du plaignant. On parle avant tout des moyens d’éviter que le plaignant ne se blesse.

L’AI no 1 dit au plaignant qu’on a donné suite à toutes ses demandes (appels téléphoniques à sa famille) et insiste pour que le plaignant descende du plafond. Le plaignant ne se montre pas coopératif et refuse de descendre. L’AI no 1 dit au plaignant que les agents de police et les membres du service d’incendie sont là pour l’aider. L’AI no 1 se montre calme, patient et rassurant. L’AI no 1 répète au plaignant que toutes les personnes présentes sont là pour l’aider et veulent qu’il descende de son plein gré. Il demande au plaignant s’il accepterait de descendre de ses propres moyens si une échelle lui était fournie. Le plaignant refuse.

Le plaignant ouvre un robinet situé dans le plafond et de l’eau commence à se déverser sur le sol. Le robinet est fermé par un membre du service d’incendie de South Huron. Un membre du personnel d’entretien entre dans la pièce pour évaluer les dégâts. Ce dernier indique que c’est un robinet du conduit de chauffage qui a été ouvert et non un dispositif d’extinction d’incendie. L’AI no 2 tente de convaincre le plaignant de descendre en lui offrant une bouteille d’eau. Un agent de police et des membres du service d’incendie de South Huron commencent à retirer des objets de la salle et à placer des matelas ou des coussins sur le sol, en dessous du plaignant.

À 23 h 11 min 50 s, l’AI no 2 monte dans l’échelle et tente d’engager la conversation avec le plaignant pour le convaincre de redescendre. On entend le plaignant dire « ow » et gémir de douleur. L’AI no 2 redescend de l’échelle, parle à l’AI no 1 et continue de négocier avec le plaignant. On rassure le plaignant en lui disant que les agents ne sont pas là pour lui faire du mal et qu’ils veulent seulement l’aider.
L’AI dit au plaignant d’arrêter de toucher à une boîte électrique contenant des fils et lui indique qu’il est dangereux de le faire. L’AI no 2 monte dans l’échelle pour pouvoir observer le plaignant. L’AI no 2 redescend rapidement de l’échelle. On entend le plaignant se déplacer dans le plafond. La lumière s’éteint dans la pièce. L’AI no 1 avertit le plaignant que s’il continue de toucher aux fils électriques, les agents de la Police Provinciale devront intervenir, et lui demande de nouveau de descendre. L’AI no 1 continue de négocier avec le plaignant en lui rappelant qu’on a donné suite à toutes ses demandes et qu’il est donc temps pour lui de faire quelque chose en retour et de redescendre. Le plaignant refuse.

Le plaignant exprime des doutes quant au fait que les agents de la Police Provinciale soient réellement des agents de police. L’AI no 2 propose au plaignant de lui permettre de parler à un superviseur. L’AI no 1 rassure le plaignant en indiquant que tout le monde lui dit la vérité et le traite avec respect, et que tous veulent simplement qu’il descende. Le plaignant demande à ce qu’une agente de police entre dans la salle.

À 0 h 19 min 30 s, l’AI no 3 déplace des matelas à l’intérieur de la salle de traitement pour les placer sous le plaignant. Le plaignant demande la présence d’un témoin au cas où les agents le feraient descendre de force. On propose au plaignant de demander à un sergent de se rendre sur place comme témoin s’il descend. On rassure le plaignant en lui disant que les matelas ont été déplacés au cas où il tomberait du plafond.

L’AI no 3 monte dans une échelle et semble regarder dans le plafond. Le plaignant appelle à l’aide à plusieurs reprises et supplie qu’on ne le tue pas. On rassure de nouveau le plaignant en lui disant que personne ne lui fera de mal. Une deuxième échelle est apportée dans la pièce. Le plaignant continue d’appeler à l’aide. Une agente de la Police Provinciale (on croit qu’il s’agit de l’AT no 4) se présente au plaignant comme étant « une sergente de la Police Provinciale » et lui demande de poser ses pieds sur l’échelle se trouvant juste en dessous de lui. Le plaignant refuse de descendre et continue de crier à l’aide.

À 0 h 31 min 30 s, l’AI no 1 monte dans une échelle argentée, tandis que l’AI no 3 se tient au sommet d’un escabeau jaune. Le plaignant semble se trouver dans une partie du plafond située entre les deux échelles. L’AI no 1 demande au plaignant s’il va descendre ou si les agents vont devoir monter, et précise que cela fait cinq heures qu’ils négocient avec lui. On entend un homme (on croit qu’il s’agit de l’AI no 3) dire au plaignant qu’il va descendre d’une manière ou d’une autre, et lui indique de le faire maintenant. On voit l’AI no 3 tendre la main au dessus des panneaux du plafond.

À 0 h 33 min 15 s, on entend un homme ordonner avec vigueur au plaignant de descendre. On voit le plaignant, qui se trouve sur un conduit d’air chaud. L’AI no 2 semble se tenir au sommet de l’escabeau jaune et tendre la main dans la zone située au dessus du conduit d’air chaud. On entend un homme dire au plaignant de ne pas donner de coups de pied. On voit l’AI no 2 donner environ quatre coups de poing, avec sa main droite, dans la zone du conduit d’air chaud. On entend des bruits de lutte et des hommes qui disent au plaignant de descendre immédiatement. On entend un homme (on croit qu’il s’agit de l’AI no 1) dire qu’il va utiliser son arme à impulsions en mode « contact » à l’endroit du plaignant.

À 0 h 35 min 24 s, le plaignant tombe du plafond. Il semble tomber sur les fesses, non loin de l’AI no 2 et de l’escabeau jaune. Il grogne de douleur et dit qu’il est désolé à plusieurs reprises. L’AI no 1 descend de l’échelle. Deux agents [on croit qu’il s’agit de l’AI no 2 et de l’AT no 1] s’agenouillent à côté du plaignant, qui est allongé sur un matelas bleu. Une infirmière s’éloigne du plaignant en tenant une seringue dans sa main droite. L’AT no 4 et l’AI no 3 se tiennent derrière l’AI no 2 et l’AT no 1.

Une civière est amenée dans la pièce. On entend l’AI no 1 rassurer le plaignant en lui disant que personne ne lui fera de mal. Le plaignant est assis sur le matelas bleu, et ses mains semblent menottées derrière son dos. Les agents soulèvent le plaignant et le placent sur la civière. Une infirmière lui immobilise les jambes à l’aide de dispositifs de contention. L’AI no 1 rassure le plaignant en lui disant qu’on va aller lui chercher de l’aide.

Pendant la durée de l’enregistrement de la caméra d’intervention, la confusion semble régner au service d’urgence – les lieux paraissent très endommagés et le personnel ne semble pas être en mesure de voir au bon déroulement des activités. L’agent de la Police Provinciale ayant eu le plus d’interactions avec le plaignant est l’AI no 1. Les membres du personnel médical de l’hôpital (une infirmière en particulier) ont semblé négocier longuement avec le plaignant.
 

Enregistrements des communications de la Police Provinciale

À 20 h 43, le 15 septembre 2023, un membre du personnel infirmier de l’Hôpital de South Huron appelle le 911 pour signaler que le plaignant a été amené à l’hôpital en ambulance, qu’il a consommé de la cocaïne, qu’il a tenté de déféquer dans une poubelle et qu’on l’a amené à la salle de toilettes, où il est enfermé depuis une trentaine de minutes. Selon le membre du personnel infirmier, les bruits entendus portent à croire que le plaignant est en train de détruire la salle de toilettes. Le membre du personnel infirmier demande l’aide de la Police Provinciale de l’Ontario.

Des agents sont dépêchés à l’hôpital en réponse à la perturbation. On leur signale que le plaignant s’est enfermé dans une salle de toilettes et qu’il s’est hissé dans le plafond. L’AI no 1 fait savoir qu’il se rendra également à l’Hôpital de South Huron.

Les agents avisent le répartiteur de la Police Provinciale qu’ils arrivent à voir le plaignant dans le plafond. L’AT no 3 et l’AT no 4 font savoir qu’elles se rendent aussi à l’hôpital. L’AT no 3 demande à ce que le personnel du service d’incendie de South Huron soit prévenu et se tienne prêt à intervenir. L’AI no 3 est dépêché à l’hôpital et l’AI no 2 informe le répartiteur qu’il s’y rend également.

L’AT no 4 s’entretient avec un agent de l’équipe mobile d’intervention en situation de crise et lui demande combien de temps il lui faudrait pour se rendre à l’hôpital. L’agent de l’équipe mobile indique qu’il se trouve à bonne distance, et on lui dit de ne pas tenir compte de la situation.

Vers 21 h 41, l’AT no 3 appelle un sergent de la Police Provinciale. Elle l’informe que le plaignant se trouvait à l’Hôpital de South Huron pour recevoir un traitement lié à un problème qui ne concernait pas la police et qu’il s’est enfermé dans une salle de toilettes, qu’il a causé des dommages et qu’il s’est hissé dans le plafond. L’AT no 3 précise que le plaignant possède un briquet et que le service d’urgence a été évacué.

Le répartiteur informe le sergent de la Police Provinciale que deux membres de l’équipe d’intervention d’urgence (EIU) de la Police Provinciale ont été dépêchés à l’Hôpital de South Huron. L’AT no 3 indique qu’elle a demandé au personnel du service d’incendie de South Huron de se tenir prêt à intervenir et que les rapports toxicologiques du plaignant montrent la présence de cocaïne dans le sang de ce dernier.

Le répartiteur parle à un inspecteur de l’OPP, lui donne un compte rendu de la situation et lui demande si la présence d’un commandant des opérations sur le lieu de l’incident critique sera nécessaire pour gérer l’incident. Le répartiteur informe l’inspecteur que des agents de la Police Provinciale sont en train de s’entretenir avec le plaignant, mais qu’aucune tentative n’a été faite pour l’appréhender. Le répartiteur indique qu’un troisième agent de l’EIU (on sait qu’il s’agit de l’AI no 2) a été dépêché à l’hôpital.

L’inspecteur de la Police Provinciale indique que l’incident ne répond pas aux critères de la définition d’une « personne barricadée » et que la présence d’un commandant des opérations sur le lieu d’un incident critique n’est pas nécessaire. L’inspecteur fait savoir que les membres de l’EIU seront en mesure de faire descendre le plaignant du plafond.

Le répartiteur indique que l’inspecteur de la Police Provinciale ne se rendra pas sur les lieux et que les agents présents sur place sont autorisés à mettre au point un plan d’action afin de faire descendre le plaignant du plafond.

Le répartiteur indique que l’Hôpital de South Huron sera fermé aux patients et demande à ce que le personnel des autres hôpitaux de la région soit prévenu de cette fermeture.

L’AT no 1 indique que le plaignant a été placé sous garde. On confirme l’heure de fin de l’intervention, soit 0 h 36 min 54 s.

Documents obtenus du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les éléments suivants de la part de la Police Provinciale entre le 20 septembre 2023 et le 14 novembre 2023 :
  • résumé de l’incident;
  • rapport d’incident général;
  • notes de service – AT no 3;
  • notes de service – AT no 4;
  • notes de service – AT no 2;
  • notes de service – AT no 1;
  • enregistrements vidéo captés par la caméra d’intervention – AI no 3
  • enregistrements vidéo captés par la caméra d’intervention – AI no 2
  • enregistrements vidéo captés par la caméra d’intervention – AI no 1
  • enregistrements des communications;
  • photographies des lieux.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources entre le 25 septembre 2023 et le 13 octobre 2023 :

  • dossiers médicaux de l’Hôpital Alexandra Marine and General;
  • dossiers médicaux de l’Hôpital de South Huron.

Description de l’incident

Les principaux événements qui se sont produits, établis clairement en fonction des éléments de preuve recueillis par l’UES, peuvent être résumés brièvement. Comme la loi les y autorise, tous les agents impliqués ont choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES et ont refusé que l’on communique leurs notes.
 
Dans la soirée du 15 septembre 2023, le plaignant s’est retrouvé au service d’urgence de l’Hôpital de South Huron, à Exeter. Il y avait été conduit en ambulance après avoir consommé de la cocaïne et s’être comporté de manière étrange dans le stationnement d’un restaurant A&W. Paranoïaque et ayant perdu le sens de la réalité, le plaignant a tenté de déféquer dans une des poubelles de l’hôpital avant d’être conduit vers une salle de toilettes. Une fois dans la salle de toilettes, le plaignant a grimpé dans l’espace entre le toit et le plafond, et s’est accroché à des conduits. Les membres du personnel de l’hôpital ont entendu des bruits les portant à croire que le plaignant détruisait des biens de l’hôpital dans la salle de toilettes et ont appelé la Police Provinciale de l’Ontario. Il était environ 20 h 45 à ce moment-là.
 
L’AT no 1 a été le premier à arriver sur les lieux, rejoint peu après par l’AT no 2. Ils sont entrés dans une pièce adjacente à la salle de toilettes et ont remarqué que des panneaux du plafond avaient été envoyés au sol. Le plaignant était à cheval sur un conduit d’air. Les agents ont parlé au plaignant pour l’encourager à descendre, mais en vain. Le plaignant était délirant. Il était convaincu que les agents présents n’étaient pas réellement des agents de police et que des membres de sa famille avaient été assassinés, et ce, même après leur avoir parlé au moyen d’un téléphone à haut parleur. Lorsque les inquiétudes ont commencé à croître quant à la possibilité que le plaignant ait accès à des conduites de gaz et à des lignes électriques, des membres du service d’incendie et des agents supplémentaires, dont les AI no 1, no 2 et no 3 de l’EIU, ont été appelés sur les lieux.
Les agents de l’EIU ont pris en charge les négociations avec le plaignant, mais ils n’ont pas non plus réussi à obtenir les résultats voulus. Le plaignant a refusé toutes les invitations à descendre. Au lieu de cela, il a tenté d’enflammer une partie des matériaux isolants du plafond à l’aide d’un briquet et a déclenché le système d’extincteurs automatiques, ce qui a entraîné la fermeture du service d’urgence.

Vers 0 h 30, les agents ont décidé de procéder à l’arrestation du plaignant parce qu’il avait détruit des biens de même qu’en vertu des dispositions de la Loi sur la santé mentale. À l’aide d’échelles, les agents de l’EIU sont montés vers le plaignant et sont intervenus physiquement à son endroit. L’AI no 2 a asséné plusieurs coups de poing aux mains et aux bras du plaignant. Le plaignant a été tiré du conduit sur lequel il se trouvait et est tombé sur le plancher.

Après l’arrestation du plaignant, le personnel hospitalier a constaté qu’il avait trois fractures aux côtes.

Dispositions législatives pertinentes

Article 25(1), Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 17, Loi sur la santé mentale -- Intervention de l’agent de police

17 Si un agent de police a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une personne agit ou a agi d’une façon désordonnée et qu’il a des motifs valables de croire que cette personne :
a) soit a menacé ou tenté de s’infliger des lésions corporelles ou menace ou tente de le faire
b) soit s’est comportée ou se comporte avec violence envers une autre personne ou de manière à lui faire craindre qu’elle lui causera des lésions corporelles
c) soit a fait ou fait preuve de son incapacité de prendre soin d’elle-même
et qu’en plus, il est d’avis que cette personne souffre, selon toute apparence, d’un trouble mental d’une nature ou d’un caractère qui aura probablement l’une des conséquences suivantes :
d) elle s’infligera des lésions corporelles graves
e) elle infligera des lésions corporelles graves à une autre personne
f) elle subira un affaiblissement physique grave
et qu’il serait dangereux d’agir selon les termes de l’article 16, il peut amener sous garde cette personne dans un lieu approprié afin qu’elle soit examinée par un médecin.

Analyse et décision du directeur

Le 15 septembre 2023, on a constaté des blessures graves chez le plaignant après son arrestation par des agents de la Police Provinciale de l’Ontario. L’UES a été informée de l’incident et a entrepris une enquête au cours de laquelle trois agents de la Police Provinciale ont été désignés à titre d’agents impliqués – soit l’AI no 1, l’AI no 2 et l’AI no 3. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que tout agent parmi les agents impliqués a commis une infraction criminelle relativement aux blessures du plaignant.
 
Aux termes du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit, sur la base d’un jugement raisonnable, nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire.
Au moment où les agents de l’EIU sont intervenus physiquement à l’endroit du plaignant, il était évident que l’arrestation de ce dernier était fondée en vertu de l’article 17 de la Loi sur la santé mentale et pour l’infraction de « méfait » aux termes du Code criminel. Le comportement du plaignant avait donné aux agents des raisons valables de croire qu’il avait délibérément endommagé des biens, qu’il n’était pas sain d’esprit et qu’il représentait une menace pour lui même et pour autrui.
 
Je suis également convaincu que la force utilisée pour procéder à l’arrestation du plaignant était justifiée du point de vue de la loi. Elle a été employée après que les agents eurent déployé des efforts pendant plusieurs heures pour faire descendre le plaignant du plafond par ses propres moyens. De même, on l’a utilisée alors qu’il était devenu évident que le comportement du plaignant menaçait désormais son propre bien être ainsi que la santé et la sécurité d’autrui – le service d’urgence avait été contraint de fermer ses portes et le plaignant avait tenté de mettre le feu à des matériaux d’isolation. Les agents semblent avoir employé la force principalement pour tirer le plaignant d’un conduit. Plusieurs coups de poing ont été donnés. Ceux ci visaient les mains et les bras du plaignant, qu’il utilisait pour s’accrocher au conduit, résistant ainsi aux efforts des agents. Je suis convaincu que ce degré de force, dans son ensemble, correspondait à ce que demandait la situation. Il convient de noter que les agents avaient songé à éviter que le plaignant se blesse en veillant à ce que des matelas soient placés sur le sol.
 
Le moment auquel le plaignant a été blessé et la manière dont ces blessures sont survenues demeurent incertains. Selon certains éléments de preuve, il aurait vraisemblablement subi ses fractures aux côtes lorsqu’il a commencé à se hisser dans le plafond. Quoiqu’il en soit, puisque je ne suis pas en mesure de conclure, sur la base d’un jugement raisonnable, que tout agent parmi ceux de l’EIU s’est comporté d’une manière ayant enfreint les limites prescrites par le droit criminel, il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.


Date : 12 janvier 2024


Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les renseignements contenus dans cette section correspondent à ceux reçus par l’UES au moment où elle a été notifiée et ne correspondent pas nécessairement aux conclusions de l’UES à l’issue de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les enregistrements en question contiennent des renseignements personnels de nature délicate et ne sont donc pas divulgués, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces enregistrements sont résumées ci dessous. [Retour au texte]

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