Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-PVI-363

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves qu’a subies un homme de 42 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

Le 4 septembre 2023, vers 1 h 04, la Police provinciale de l’Ontario a communiqué avec l’Unité des enquêtes spéciales (UES) pour signaler ce qui suit.

Le 3 septembre 2023, vers 22 h 10, un véhicule tout-terrain (VTT) tirait une remorque ouverte dans laquelle se trouvait un homme, soit le plaignant. Ce véhicule a été aperçu dans le secteur de French Bay Road, sur les terres de la Première Nation chippewa de Saugeen, et un agent a tenté de l’arrêter pour infraction au Code de la route. Le véhicule ne s’étant pas arrêté, l’agent a renoncé à son intervention et a signalé l’incident. Peu de temps après, un agent de la Police provinciale de l’Ontario qui se trouvait dans le secteur du centre communautaire situé au 47 French Bay Road a avancé sa voiture de patrouille au milieu de French Bay Road et a activé son éclairage d’urgence. Le VTT a réussi à éviter le véhicule de la Police provinciale de l’Ontario, mais sa remorque l’a percuté. Le plaignant s’est fait éjecter de la remorque et a été grièvement blessé. Des armes à feu et des munitions qui se trouvaient à l’intérieur du VTT et de la remorque ont été projetées sur le sol. Le conducteur et le passager du VTT ont pris la fuite, mais ont été arrêtés plus tard. Ils n’ont pas été grièvement blessés. Le plaignant a été transporté par le service ambulancier aérien Ornge au London Health Sciences Centre (LHSC) pour y recevoir des soins.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 4 septembre 2023 à 3 h 39

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 4 septembre 2023 à 6 h 02

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Nombre de spécialistes de la reconstitution des collisions assignés : 1

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 42 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés.

Le plaignant a participé à une entrevue le 6 septembre 2023.

Témoins civils

TC n° 1 A participé à une entrevue
TC n° 2 A participé à une entrevue
TC n° 3 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue les 4 et 8 septembre 2023.

Agents impliqués (AI)

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 6 octobre 2023.

Agents témoins

AT n° 1 A participé à une entrevue
AT n° 2 A participé à une entrevue
AT n° 3 A participé à une entrevue
AT n° 4 A participé à une entrevue
AT n° 5 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT n° 6 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 8 septembre 2023.

Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est produit sur un tronçon de French Bay Road. Il a commencé un peu au nord du 47 French Bay Road et s’est terminé par une collision à plusieurs véhicules, sur les terres de la Première Nation chippewa de Saugeen, situées près du 47 French Bay Road.
 
Le 4 septembre 2023, des enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont été dépêchés au 47 French Bay Road, sur les terres de la Première Nation chippewa de Saugeen. Ils sont arrivés sur les lieux à 7 h 15. Il faisait beau et chaud, et les routes étaient sèches.

French Bay Road s’étend en direction nord-sud. Il s’agit d’un secteur rural, avec des broussailles et des forêts à l’est. Le centre James Mason Memorial Centre se trouve à une certaine distance à l’ouest de la chaussée. Deux allées partaient de la route vers l’ouest et menaient au parc de stationnement du centre. Ce tronçon de French Bay Road était pavé et la limite de vitesse affichée était de 40 km/h. Les accotements en terre et en gravier étaient très étroits de part et d’autre de la chaussée. Du côté est de la route, un fossé bordé d’herbe longeait la lisière de la forêt. Il n’y avait pas de lampadaires.

On a trouvé une crosse d’arme d’épaule noire cassée dans un fossé et entre le pneu arrière gauche d’un VTT et l’avant gauche d’une remorque endommagée.
 
À 13 h 45, des enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES se sont rendus dans les locaux de la Police provinciale de l’Ontario à Chatsworth et ont photographié deux armes à feu qui auraient été trouvées sur les lieux de la collision, soit une carabine Remington et un fusil Canuck à canon modifié.

Schéma des lieux


Témoignage d’expert

Reconstitution de la collision

Un spécialiste de la reconstitution des collisions de l’UES a examiné les notes et les conclusions d’un spécialiste de la reconstitution des collisions de la Police provinciale de l’Ontario ainsi que d’un enquêteur des accidents de la circulation.

Le spécialiste de la reconstitution des collisions de l’UES a noté que les véhicules impliqués étaient un VTT qui aurait été conduit par le TC n° 1 et un Dodge Charger 2018 de la police, conduit par l’AI. Le VTT transportait un passager qui était assis derrière le conducteur et tirait une remorque à plateau dans laquelle se trouvait également un passager. Le VTT se dirigeait vers le sud sur French Bay Road. Le véhicule de police roulait vers l’est dans l’allée nord du centre James Mason Memorial Cultural & Recreation Centre. Il se dirigeait vers l’est au moment où le VTT approchait son emplacement et les véhicules sont entrés en collision. Le VTT a dévié vers le sud-est et s’est immobilisé dans un fossé herbeux à l’est de la chaussée.

Lorsque les agents de l’UES sont arrivés sur les lieux, le véhicule de police était immobilisé sur la voie en direction sud, dans l’axe de l’entrée nord du centre communautaire. II était orienté vers le sud-est. Le VTT se trouvait dans le fossé herbeux à l’est de la route, à environ 47 m au sud de la zone d’impact. La remorque était également dans l’herbe, juste derrière le VTT. Deux traces de pneus ont été observées à proximité du véhicule de police. La trace de pneus la plus à l’ouest menait au pneu avant gauche du véhicule de police. La deuxième trace était en diagonale, orientée dans le sens nord-ouest-sud-est, et se trouvait à environ un mètre à l’est de la trace courbée.


Figure 1- Photographie annotée montrant les traces de pneus (en jaune) et la position finales des véhicules.


Description du véhicule - Véhicule de police Dodge Charger

Le véhicule a été identifié comme étant une berline à 4 portes Dodge Charger 2018 de la Police provinciale de l’Ontario. Celui-ci a subi des dommages à l’avant et au coin avant gauche. Le pare-chocs était arraché de son support et déplacé vers la droite. On a trouvé une chaussure pour pied droit fixée dans le carénage frontal en plastique du pare-chocs. Les images de la figure 2 montrent les dommages sur le véhicule de police.

Les coussins gonflables de la voiture de patrouille ne se sont pas déployés lors de la collision.
 

Figure 2- Photographies montrant les dommages causés à l’avant et au côté gauche du véhicule de police. La chaussure fixée est encerclée sur la photo du haut.

Description du véhicule - VTT

Le VTT a été classé dans la catégorie des VTT à deux places, c’est-à-dire qu’il y avait un siège conducteur et un siège passager à l’arrière. À l’arrière du siège du passager se trouvait une boîte de rangement montée sur le porte-bagages du VTT.

Le VTT a subi des dommages sur le côté droit, depuis l’arrière du passage de roue avant droit jusqu’au coin arrière droit. Les roues avant et arrière du côté droit étaient dégonflées. Il y avait de la saleté et des feuilles incrustées le long du côté gauche du VTT avec quelques rayures mineures.
Description du véhicule - Remorque du VTT

Le VTT tirait une remorque à plateau au moment de la collision. Cette remorque semblait être une remorque artisanale, à un seul essieu, à châssis en acier et à plateforme en contreplaqué. La partie avant du châssis de la remorque était lourdement déformée, et la fixation de l’attelage était arrachée du châssis. La plateforme en contreplaqué était endommagée. L’image de la figure 3 montre les dommages sur la remorque.


Figure 3 - Photographie des dommages sur la remorque.

Analyse - Point d’impact et force de l’impact


Le point d’impact et la force de l’impact ont été déterminés selon les preuves recueillies sur la route et les dommages observés sur les véhicules. Le côté gauche au coin avant de la voiture de la Police provinciale de l’Ontario était endommagé. Le côté droit du VTT et le coin avant droit de la remorque avaient également subi des dommages. Une trace distincte a été relevée sur le côté gauche de la voiture de la Police provinciale de l’Ontario, derrière le passage de roue avant gauche, ce qui laisse penser qu’elle est entrée en contact avec le coin avant droit de la remorque.

L’image de la figure 4 montre l’orientation approximative des véhicules au moment de l’impact.


Figure 4 - Image montrant le point d’impact approximatif entre le VTT et le véhicule de la Police provinciale de l’Ontario.

Analyse - Vitesse au moment de l’impact

Le spécialiste de la reconstitution des collisions de l’UES a calculé les vitesses approximatives des véhicules en se basant sur leur trajectoire après l’impact. Le véhicule de la Police provinciale de l’Ontario a pivoté d’environ 70 degrés et s’est déplacé d’environ 3,5 m vers le sud avant de s’immobiliser. Les deux pneus étaient tournés vers la droite, ce qui laissait supposer que le véhicule se dirigeait vers la droite au moment de l’impact. La trace de pneus qui s’est terminée sous le pneu avant gauche de la voiture de la Police provinciale de l’Ontario était courbée et diagonale. Cela laisse croire que la voiture de police roulait lentement lorsqu’elle a été percutée. Compte tenu de l’angle de la trace de pneus et de la distance entre l’impact et la position finale du véhicule de police, celui-ci roulait probablement entre 5 et 10 km/h lorsqu’il a été percuté.

Après l’impact, le VTT a parcouru environ 47 m vers le sud avant de s’immobiliser. Une trace de pneus à l’est de celle de la voiture de police a probablement été laissée par le VTT ou la remorque après l’impact. Comme cette trace ne mesurait que 2,6 m de long, elle ne représente que le début du mouvement du VTT ou de la remorque.

Le spécialiste de la reconstitution des collisions de l’UES s’est basé sur la rotation de la voiture de la Police provinciale de l’Ontario pour estimer la vitesse d’impact du VTT. En fait, plus la rotation du véhicule de police était importante, plus le VTT roulait vite lorsqu’il a heurté le coin avant gauche du véhicule de police. On ignore l’orientation précise de la voiture de police avant l’impact. Cependant, comme il est indiqué ci-dessus, compte tenu de la forme du VTT, de la remorque et des dommages subis par le véhicule de police, on estime que ce dernier a pivoté d’environ 70 degrés après l’impact. Cette rotation suggère que le VTT roulait à environ 60 km/h. Il s’agit d’une estimation, car le poids exact du VTT et de la remorque, ainsi que celui des occupants qui se trouvaient à bord, demeure inconnu.
Analyse - Événements antérieurs à l’impact

Il n’y a pas suffisamment de preuves pour déterminer les événements précédant l’impact autres que ceux ayant eu lieu immédiatement avant celui-ci. La voiture de la Police provinciale de l’Ontario avançait lentement, entre 5 et 10 km/h, et tournait à droite juste avant l’impact. Quant au VTT, il roulait à environ 60 km/h en direction sud en tractant la remorque. Les véhicules sont entrés en collision et l’avant de la voiture de la Police provinciale de l’Ontario est entré en contact avec le côté droit du VTT qui a ensuite été déplacé vers le sud-est. Le véhicule de police a, quant à lui, tourné. Le coin avant droit de la remorque est ensuite entré en collision avec le passage de roue gauche de la voiture de la Police provinciale de l’Ontario. Le VTT et la remorque ont continué à rouler vers le sud-est, quittant le côté est de la route pour s’enfoncer dans l’herbe et parmi les arbres, avant de s’immobiliser à environ 47 m au sud du point d’impact.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]

Enregistrement du système de caméra dans la voiture de police

Le 14 septembre 2023, l’UES a reçu des enregistrements des voitures de la Police provinciale de l’Ontario que conduisaient les agents témoins. La collision entre le VTT et la voiture de la Police provinciale de l’Ontario n’a pas été filmée par le système de caméra installé dans la voiture de police.

Enregistrements des communications et rapport du système de répartition assistée par ordinateur

Le 16 octobre 2023, l’UES a reçu des enregistrements des communications et un rapport du système de répartition assistée par ordinateur.
Le 3 septembre 2023, à 21 h 33, l’AT n° 1 a signalé qu’un VTT avait omis de s’arrêter à la demande d’un agent sur le côté est de French Bay Road. Le véhicule tractait une remorque surdimensionnée. L’AT n° 1 a cessé de le suivre, s’est arrêté et a indiqué le kilomètre auquel il se trouvait.
Les communications suivantes concernaient une collision de véhicules à moteur survenue devant le centre communautaire situé sur French Bay Road.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a obtenu les documents suivants auprès du Détachement de la Police provinciale de l’Ontario des comtés de Grey et de Bruce entre le 6 septembre et le 11 décembre 2023 :

• Rapport général d’incident
• Rapport de la répartition assistée par ordinateur
• Enregistrements des communications
• Rapport sur les collisions entre véhicules à moteur
• Schéma des lieux
• Mesures des lieux
• Examen du VTT
• Notes de l’AT n° 2
• Notes de l’AT n° 1
• Notes de l’AT n° 6
• Notes de l’AT n° 3
• Notes de l’AT n° 4
• Notes de l’AT n° 5
• Photographies des lieux
• Vidéos captées à l’aide d’une caméra installée à bord du véhicule de police

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants provenant de sources autres que la police :
• Dossiers médicaux du plaignant reçus le 5 octobre 2023 de l’Hôpital Victoria du London Health Sciences Centre
• Dossiers médicaux du plaignant reçus le 13 septembre 2023 de Grey Bruce Health Services
• Dossiers médicaux du TC n° 1 reçus le 13 septembre 2023 de Grey Bruce Health Services

Description de l’incident

Le scénario suivant se dégage des preuves recueillies par l’UES, notamment des entrevues avec le plaignant et l’AI.

Dans la soirée du 3 septembre 2023, un VTT tractant une remorque à plateau surdimensionnée circulait en direction sud sur French Bay Road. Le TC n° 1 conduisait le VTT. Son passager sur le siège arrière était le TC n° 2. Le plaignant se trouvait dans la remorque. Alors que le VTT s’approchait du centre James Mason Memorial Culture & Recreational Centre, situé au 47 French Bay Road, juste au nord de Service Road, une voiture de police s’est arrêtée devant lui à un angle droit légèrement décalé. Le TC n° 1 a tenté de contourner le véhicule en empruntant la voie de circulation nord, mais en vain. En effet, le côté droit du VTT a percuté le côté conducteur avant du véhicule de patrouille. Le TC n° 1 a alors perdu le contrôle du VTT et s’est écrasé dans le fossé du côté est de la route, à environ 50 m au sud du point d’impact.

L’AI conduisait le véhicule de police. Quelques instants avant la collision, l’agent, immobilisé dans le parc de stationnement du centre communautaire situé à l’ouest de French Bay Road, avait entendu l’AT n° 1 signaler que le VTT avait omis de s’arrêter à sa demande. L’AT n° 1 avait l’intention de remettre des contraventions au conducteur du VTT pour plusieurs infractions au Code de la route, notamment en raison de la taille de la remorque. Constatant que le VTT se dirigeait vers lui, l’AI a décidé de tenter de l’arrêter. Il a donc déplacé son véhicule sur la voie sud de la route, laissant la voie nord libre. Le véhicule de l’agent roulait toujours en direction sud est à une vitesse de 5 à 10 km/h lorsque la collision s’est produite, d’abord avec le VTT puis avec la remorque.

Le plaignant a été éjecté de la remorque et a subi de graves blessures, notamment de multiples fractures des côtes. Il a été transporté à l’hôpital où il a reçu des soins.

Les TC n° 1 et n° 2 n’ont pas subi de blessures graves à la suite de la collision. Ils ont tenté de s’enfuir, mais l’agent les a trouvés et les a arrêtés.

Dispositions législatives pertinentes

Article 320.13, Code criminel – Conduite dangereuse causant des lésions corporelles

320.13 (1) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport  d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances.

(2) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne.

Articles 219 et 221 du Code criminel -- Négligence criminelle causant des lésions corporelles

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.
(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

221 Quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui est coupable :

(a) soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans;
(b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Analyse et décision du directeur

Le 3 septembre 2023, le plaignant a été grièvement blessé lors d’une collision avec un véhicule de la Police provinciale de l’Ontario, sur les terres de la Première Nation chippewa de Saugeen. L’UES a été informée de l’incident et a ouvert une enquête, désignant le conducteur de la voiture de la Police provinciale de l’Ontario comme l’agent impliqué (AI). L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des preuves, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en rapport avec la collision et les blessures du plaignant.

Les infractions à examiner sont la conduite dangereuse causant des lésions corporelles et la négligence criminelle causant des lésions corporelles, en contravention avec le paragraphe 320.13(2) et l’article 221 du Code criminel, respectivement. Dans les deux cas, il faut plus qu’un simple manque de diligence pour que la responsabilité soit mise en cause. Le premier article est fondé, en partie, sur un comportement qui constitue un écart marqué par rapport au niveau de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans les circonstances. Le second est réservé aux cas plus graves de négligence qui démontrent une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. La responsabilité n’est en cause que si la négligence constitue un écart marqué et important par rapport à une norme de diligence raisonnable. Dans le cas présent, la question est de savoir s’il y a eu un manque de diligence de la part de l’AI, suffisamment flagrant pour entraîner une sanction pénale, qui a causé ou contribué à la collision. À mon avis, il n’y en a pas eu.

L’AI a donc agi dans le cadre de ses droits en cherchant à arrêter le VTT. Quelques minutes auparavant, le conducteur du véhicule ne s’était en effet pas arrêté à la demande de l’AT n° 1 en raison d’infractions au Code de la route qu’il avait commises. L’agent était donc en droit de poursuivre l’enquête sur ces infractions en arrêtant le TC n° 1 à la première occasion qui s’offrait à lui.

Quant à la manière dont l’AI a conduit sa voiture de patrouille, je suis également convaincu que les preuves ne permettent pas d’établir un manque de diligence raisonnable dans les circonstances. L’analyse de la responsabilité se résume essentiellement à déterminer si l’AI, en plaçant sa voiture de patrouille sur le chemin du VTT, a laissé au TC n° 1 suffisamment de temps et d’espace pour s’arrêter en toute sécurité ou éviter une collision. L’agent affirme que c’est ce qu’il a fait, c’est-à-dire qu’il a déplacé son véhicule sur la voie sud, bien avant le passage du VTT, laissant ainsi la voie nord dégagée. Par ailleurs, certaines preuves indiquent que la voiture de patrouille a délibérément percuté le VTT alors que le TC n° 1 tentait de la contourner. Les preuves médico-légales sont équivoques à ce sujet. D’une part, il semble que le véhicule de l’AI n’était pas complètement arrêté au moment de la collision, mais qu’il roulait lentement, entre 5 et 10 km/h. D’autre part, selon les éléments de preuve qui réfutent l’hypothèse selon laquelle la collision aurait pu être évitée si l’agent ne s’était pas engagé sur la voie en direction nord, il semble évident que l’AI avait, en fait, libéré la voie en direction nord pour le TC n° 1. À la lumière de ces éléments, je ne suis pas en mesure de conclure raisonnablement que les preuves concernant un impact intentionnel sont probablement plus proches de la vérité que celles fournies par l’AI.

Par conséquent, je ne suis pas entièrement convaincu que l’AI a transgressé les limites de la prudence prescrites par le droit pénal en ce qui concerne les événements qui ont abouti à la collision avec le VTT que le TC n° 1 conduisait. Il n’y a donc aucune raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.


Date : 2 janvier 2024


Approuvé électroniquement par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les renseignements contenus dans cette section correspondent à ceux dont disposait l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement la constatation des faits de l’UES à l’issue de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les éléments suivants contiennent des renseignements personnels délicats et ne sont pas divulgués en vertu du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les renseignements importants des éléments sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.