Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-OCI-275

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 28 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

Le 19 juillet 2023, à 10 h 59, le Service de police du Grand Sudbury (SPGS) a contacté l’UES et communiqué les renseignements suivants.

Le 18 juillet 2023, vers 20 h 24, des agents de police se sont rendus à une résidence du secteur de Sunrise Ridge Drive et de la rue Mont Adam, à Sudbury, à la suite d’un appel concernant une querelle familiale. À l’arrivée des agents à la résidence, un homme – le plaignant – s’est enfui à pied. Les agents se sont lancés à sa poursuite à pied et l’ont retrouvé dans le jardin à l’arrière d’une autre résidence du secteur de la rue Mont Adam et de Sunrise Ridge Drive. Après une lutte, les agents ont arrêté le plaignant à 20 h 38. Une fois sous garde, le plaignant a été conduit au poste et placé en cellule sans incident. Aux petites heures du matin du 19 juillet 2023, le plaignant s’est plaint d’une blessure qui, selon lui, s’était produite lors de son arrestation la nuit précédente. Les agents l’ont conduit à Horizon Santé-Nord (HSN) où on lui a diagnostiqué une fracture de la malléole médiale gauche.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 19 juillet 2023 à 14 h 07

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 19 juillet 2023 à 19 h 36

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 28 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 19 juillet 2023.

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue entre le 24 et le 27 juillet 2022.

Agent impliqué (AI)

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.
.

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 6 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 24 juillet 2023.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont déroulés à Sudbury, aux environs d’une résidence du secteur de Sunrise Ridge Drive et de la rue Mont Adam, sur la rue Mountain, puis dans la salle d’enregistrement et dans une cellule du poste de police du SPGS.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]

Vidéo de la garde par la police

Vidéo de l’entrée sécurisée du poste de police

Un VUS portant les inscriptions du SPGS arrive au garage du poste de police. L’AT no 4 sort du côté passager du véhicule de police. L’AT no 1 est au volant. Le plaignant sort sans assistance du côté passager arrière du véhicule de police. Il est menotté dans le dos.

Vidéo de l’enregistrement au poste de police

L’AT no 4 et l’AI escortent le plaignant jusqu’à la salle d’enregistrement. Le plaignant, toujours menotté, semble agité durant sa conversation avec l’AT no 6. L’AT no 4 et l’AI tentent de le fouiller, mais il se penche en arrière et semble trembler et tirer la langue. À un moment donné, il s’éloigne de l’AT no 4 puis pousse l’agent avec le côté gauche de son corps. L’AT no 4, un autre agent et l’AI plaquent le plaignant à terre et le mettent à plat ventre. L’AI saisi les jambes du plaignant pour les allonger et s’agenouille avec sa jambe droite sur la jambe gauche du plaignant pour l’immobiliser. La fouille commence au sol et l’AI cesse d’appuyer sur les jambes du plaignant. Les agents font rouler le plaignant sur le côté pour le reste de la fouille. Après la fouille, les agents aident le plaignant à se relever, et un agent l’escorte jusqu’à l’aire des cellules.

Vidéo du corridor et de la cellule

Le plaignant est amené dans une cellule. On lui retire les menottes et il est entre dans la cellule de son propre gré.

Enregistrements des communications de la police

Le 18 juillet 2023, entre 20 h 19 et 20 h 24 environ, l’AT no 1 et l’AT no 2 sont dépêchés à une résidence du secteur de Sunrise Ridge Drive et de la rue Mont Adam pour un conflit familial. L’AT no 1 demande par radio une autre unité de police si le plaignant est impliqué.

Vers 20 h 31, on demande à l’AI s’il se trouve à la porte arrière. L’AI répond que non, mais qu’il peut entendre des cris provenant de la résidence.

Vers 20 h 32, quelqu’un dit que le plaignant sort en courant par la porte arrière.

Vers 20 h 33, quelqu’un dit que le plaignant a sauté par-dessus plusieurs clôtures.

Vers 20 h 34, on annonce que le plaignant est sous garde.

Vers 20 h 38, l’AT no 2 dit que l’AT no 4 sera dans le véhicule de police avec elle et qu’on va conduire le plaignant au poste de police.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, le SPGS a remis à l’UES les éléments et documents suivants entre le 20 et le 25 juillet 2023 :
  • Rapport d’arrestation;
  • Enregistrements des communications;
  • Vidéo de la garde;
  • Registre de prisonnier;
  • Dossier de la répartition assistée par ordinateur;
  • Liste des agents et des témoins;
  • Politique – arrestation;
  • Politique – usage de la force;
  • Notes de l’AT no 2;
  • Notes de l’AT no 1;
  • Notes de l’AT no 4;
  • Notes de l’AT no 3;
  • Notes de l’AT no 5;
  • Notes de l’AT no 6;
  • Mandats d’arrêt.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les dossiers suivants auprès d’autres sources entre le 20 et 25 juillet 2023 :
  • Dossiers médicaux du plaignant de HSN;
  • Rapports d’appel d’ambulance des Services médicaux d’urgence de Manitoulin-Sudbury.

Description de l’incident

La séquence d’événements suivante découle des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment de l’entrevue avec le plaignant et de vidéos qui ont enregistré certaines parties de l’incident. L’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES ni autorisé la communication de ses notes, comme il en avait le droit.

Dans la soirée du 18 juillet 2023, la police a été appelée à une résidence du secteur de Sunrise Ridge Drive et de la rue Mont Adam. Quelqu’un avait appelé le 9-1-1 pour se plaindre au sujet d’une querelle en cours entre le plaignant et sa mère. Ils se disputaient bruyamment et jetaient des objets dans la résidence. Le plaignant faisait également l’objet d’un certain nombre de mandats d’arrêt non exécutés.

Plusieurs agents sont arrivés sur les lieux et ont frappé à la porte principale, après quoi une femme en détresse – la mère du plaignant – leur a ouvert la porte tandis que le plaignant s’enfuyait par la porte arrière. Les agents ont poursuivi le plaignant en passant par la maison, par la porte arrière, puis dans les jardins de résidences voisines.

Dans sa fuite, le plaignant a escaladé plusieurs clôtures et s’est retrouvé rue Mountain. Il a traversé la rue et a été confronté par l’AI.

L’AI s’était placé à cet endroit parce qu’il soupçonnait que le plaignant tenterait d’échapper à son arrestation en s’enfuyant par l’arrière de la résidence. Il s’est rendu en voiture jusqu’à l’endroit où se trouvait le plaignant et l’a arrêté. D’autres agents sont arrivés sur les lieux de l’arrestation et ont placé le plaignant sous garde.

Le plaignant a ensuite été conduit au poste de police, fouillé, puis placé en cellule. Les agents ont dû le maîtriser physiquement à plusieurs reprises au cours de sa détention : lors de sa fouille initiale dans l’aire d’enregistrement, puis dans sa cellule lorsque des agents sont entrés pour lui retirer les vêtements qu’il utilisait pour bloquer la caméra de la cellule.

Comme il s’était plaint à plusieurs reprises de douleur à la jambe gauche, le lendemain matin, le plaignant a été conduit à l’hôpital où on lui a diagnostiqué une fracture de la cheville.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a été grièvement blessé au cours ou à la suite de son arrestation par des agents du SPGS le 18 juillet 2023. L’agent qui a procédé à son arrestation a été désigné en tant qu’agent impliqué (AI) aux fins de l’enquête de l’UES qui a suivi. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué le dossier de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec l’arrestation et la blessure du plaignant.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police sont exonérés de toute responsabilité criminelle pour le recours à la force dans l’exécution de leurs fonctions, à condition que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’accomplissement d’un acte qu’ils sont tenus ou autorisés à faire en vertu de la loi.

L’AI était en droit d’arrêter le plaignant. Ce dernier faisait l’objet de plusieurs mandats d’arrêt à ce moment-là. En ce qui concerne les agents qui sont entrés dans la résidence, je suis convaincu qu’ils l’ont fait légalement étant donné la détresse de la mère du plaignant et le fait, comme le montre la preuve, qu’elle les a autorisés à entrer chez elle. Une fois le plaignant sous garde, les agents étaient en droit de restreindre ses mouvements pour s’occuper de lui en toute sécurité conformément à la loi, notamment pour le fouiller.

Quant à la force utilisée par l’AI, rien, dans le dossier de preuve, ne suggère qu’elle n’était pas légalement justifiée. Tout d’abord, il semble que l’AI n’a utilisé que peu de force, voire aucune, pour arrêter le plaignant. Par la suite, l’AI a participé au placage à terre du plaignant dans la salle d’enregistrement au poste, mais le recours à cette technique était nécessaire dans les circonstances. Le plaignant venait de pousser l’AT no 4 avec son côté gauche quand les agents tentaient de le fouiller debout, et il était logique de vouloir le mettre à terre pour mieux gérer toute résistance supplémentaire. Une fois le plaignant à plat ventre par terre, l’AI s’est agenouillé avec sa jambe droite sur la jambe gauche du plaignant. Ceci semble aussi constituer un recours raisonnable à la force pour empêcher le plaignant, qui s’était montré agressif, d’agiter les jambes.

Au terme de l’enquête de l’UES, on ne sait toujours pas exactement quand le plaignant a subi la fracture de sa cheville. La preuve soulève la possibilité que le plaignant ait subi cette fracture pendant qu’il fuyait la police ou en donnant des coups de pied dans les vitres intérieures du véhicule de police de l’AI quand il était sur le siège arrière après son arrestation, ou encore pendant son placage à terre dans l’aire d’enregistrement. Quoi qu’il en soit, comme il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI se soit comporté autrement que dans les limites prescrites par le droit criminel tout au long de son interaction avec le plaignant, il n’y a aucune raison de porter des accusations dans cette affaire. Le dossier est clos.


Date : 16 novembre 2023

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les renseignements contenus dans cette section reflètent les informations reçues par l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les conclusions de fait de l’UES à la suite de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les éléments de preuve suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties pertinentes des enregistrements sont résumées ci-après. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.