Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-TVI-265

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet de la blessure grave subie par un homme de 32 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

Le 12 juillet 2023, à 16 h 3, le Service de police de Toronto (SPT) a signalé ce qui suit à l’UES.

Le 12 juillet 2023, à 11 h 24, le SPT a reçu un appel au 911 signalant que le plaignant avait agressé un homme dans un magasin situé dans le secteur de la rue Jarvis et de la rue Gerrard Est, à Toronto. Lorsque les agents sont arrivés sur les lieux, le propriétaire du magasin saignait. Ils ont appris qu’un vol avait été commis et que le plaignant roulait à bicyclette dans Allen Gardens, près de la rue Pembroke. Un peu plus tard, une collision est survenue entre le véhicule de police de l’AI et le plaignant. L’incident a été capté par le système de caméra intégré au véhicule (SCIV) de police. L’AI est sorti de son véhicule et a arrêté le plaignant. La police a plus tard appris que le plaignant s’était fracturé la cheville. Il a été transporté à l’Hôpital St. Michael (HSM) où sa blessure a été confirmée. Le plaignant a reçu son congé du HSM et a été emmené au poste de la Division 51 où il a été placé en garde en vue en attendant son audience de mise en liberté sous caution.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 12 juillet 2023 à 16 h 32

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 12 juillet 2023 à 18 h 10

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2

Nombre d’enquêteurs spécialistes des
sciences judiciaires de l’UES assignés : 1
 
Nombre de spécialistes de la reconstitution
des collisions de l’UES assignés : 1

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 32 ans, a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 12 juillet 2023.

Agent impliqué

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué; ses notes ont été reçues et examinées

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées et entrevue jugée non nécessaire
AT no 4 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées et entrevue jugée non nécessaire

Les agents témoins ont participé à des entrevues le 20 juillet 2023.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont déroulés sur la rue Pembroke, au sud de la rue Gerrard Est, à Toronto.

Le 13 juillet 2023, à 11 h 5, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES s’est rendu au poste de la Division 51 pour examiner les dommages sur la bicyclette et le véhicule du SPT qui avaient été impliqués dans la collision.

Le véhicule de police impliqué était un VUS Ford arborant tous les logos et toutes les décalcomanies du SPT. La seule marque visible était une trace de poussière sur la barre horizontale inférieure du pare-buffle avant du véhicule. Les photos ont été prises avec et sans échelle.

La bicyclette impliquée était un vélo de route noir, muni de pneus étroits et d’un guidon de course. La jante arrière était écrasée et déformée. Le pneu en caoutchouc était suspendu autour du cadre et du siège. Des photos ont été prises.

Figure 1 – The front of the SO’s TPS vehicle
Figure 1 — L’avant du véhicule du SPT conduit par l’AI

Figure 2 – The damaged bicycle
Figure 2 — La bicyclette endommagée

Éléments de preuves médico-légaux

Données du système de localisation GPS — véhicule de police de l’AI

Le 12 juillet 2023, le véhicule du SPT que conduisait l’AI était muni d’un récepteur GPS qui enregistrait les données relatives aux heures, aux lieux, à la vitesse et aux directions prises par le véhicule. En recoupant les données GPS avec d’autres sources d’information obtenues dans le cadre de l’enquête, l’UES a constaté ce qui suit.

Vers 10 h 8 min 44 s, l’AI roulait en direction nord sur la rue George. Il se trouvait à environ 113 mètres au sud de la rue Gerrard Est. Il roulait à 50 km/h. Alors qu’il s’approchait d’un panneau d’arrêt à l’intersection, il a ralenti à 14 km/h. L’AI a tourné à droite et a roulé en direction est sur la rue Gerrard Est pendant environ 100 mètres. Sur la rue Gerrard Est, il est passé de 19 km/h à 30 km/h.

Vers 10 h 9 min 15 s, l’AI a ralenti à 24 km/h et a tourné à droite pour emprunter la rue Pembroke en direction sud. L’AI a parcouru une centaine de mètres sur la rue Pembroke.

Vers 10 h 9 min 25 s, l’AI a été impliqué dans une collision avec le plaignant. Au moment de la collision, il roulait à environ 41 km/h. Il avait parcouru une centaine de mètres en une dizaine de secondes, ce qui correspond à une vitesse moyenne de 36 km/h, alors qu’il roulait en direction sud sur la rue Pembroke, depuis la rue Gerrard Est jusqu’au lieu de la collision.

Onze secondes plus tard, à 10 h 9 min 36 s, le véhicule de l’AI avait été immobilisé à 15 ou 20 mètres au sud du lieu de la collision.

La distance entre le lieu de la collision et l’endroit où l’AI s’est arrêté après la collision semble indiquer qu’il n’a pas freiné immédiatement avant ou pendant la collision et que le véhicule n’a pas dérapé avant de s’arrêter. S’il avait freiné immédiatement avant ou pendant la collision, il aurait dérapé et se serait arrêté dans les huit mètres, environ.

Les données GPS n’ont pas permis de déterminer si l’AI avait accéléré ou décéléré avant que la collision se produise ou au moment de la collision. Seul un téléchargement du système de données sur les collisions du véhicule aurait pu permettre de déterminer cela. Aucune donnée sur les collisions n’a été fournie à l’UES, probablement parce que la force de l’impact ou les dommages n’étaient pas suffisants pour que le module de sac gonflable enregistre un événement.

Les résultats de l’analyse GPS concordaient avec les preuves matérielles fournies par le SCIV et les vidéos des caméras d’intervention.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]

Vidéo captée par la caméra d’intervention de l’AT no 2

La vidéo commence vers 10 h 8 min 53 s. L’AT no 2 est au volant de son véhicule. Il dévie vers la gauche et se gare sur le bord de la route.

À 10 h 9 min 21 s, l’AT no 2 sort du véhicule de police et contourne le véhicule en courant vers l’arrière. On voit immédiatement le plaignant apparaître dans le champ de la caméra. Il porte un t-shirt blanc, des culottes courtes et un sac à dos. Il roule à bicyclette. Le plaignant vire soudainement vers le milieu de la route et continue à rouler à vive allure.

Le véhicule de l’AI apparaît juste derrière la bicyclette du plaignant et roule jusqu’à ce qu’il heurte la bicyclette. Le plaignant crie et se fait projeter dans les airs. Il atterrit quelques mètres plus loin sur le côté de la chaussée, près du trottoir du côté ouest. L’AI immobilise son véhicule.

L’AT no 1 s’approche du plaignant, lequel continue à crier de douleur, et le maintient au sol. L’AT no 1 et l’AT no 2 s’affairent à maîtriser le plaignant, lequel continue à crier de douleur et à dire [Traduction] « Je n’ai rien fait », tout en se débattant avec les agents. On peut voir des contusions sur son coude droit.

D’autres agents du SPT arrivent et rejoignent l’AT no 2 et l’AT no 1.

Les agents placent le plaignant sur le ventre et le menottent derrière le dos. Le plaignant cesse de se débattre, mais continue de crier. Les agents le placent en position de récupération, puis le remettent sur se pieds.

Les agents escortent le plaignant jusqu’à un véhicule du SPT garé non loin derrière le véhicule de l’AI. Le plaignant boite et continue de crier et de clamer son innocence. Des agents le placent contre le capot du véhicule de police, lui lisent ses droits et l’informent qu’il a été arrêté pour vol qualifié.

Les agents retirent le sac à dos du plaignant en coupant les bretelles avec un couteau puis fouillent le sac. Le plaignant continue à crier de douleur, mais l’un des agents dit qu’il va bien et que personne ne lui fait du mal. Le plaignant affirme qu’ils lui ont fait mal à la jambe. Après la fouille, les agents placent le plaignant sur la banquette arrière du véhicule de police.

Vers 10 h 13 min 58 s, les agents ferment les portes du véhicule de police et s’éloignent du plaignant. L’enregistrement prend fin cinq secondes plus tard.

Vidéo captée par la caméra d’intervention de l’AT no 4

À 10 h 9, on voit l’AT no 4 assis sur le côté passager d’un véhicule de police.
Vers 10 h 9 min 28 s, le véhicule s’arrête et l’AT no 4 en sort. L’AT no 2 et l’AT no 1, ainsi que le plaignant, apparaissent immédiatement dans le champ de la caméra. Le plaignant est au sol. Il y est maintenu par l’AT no 2 et l’AT no 1. La collision n’a pas été filmée.

Vidéo captée par la caméra d’intervention de l’AI

À 10 h 9 min 37 s, l’AI se tient debout sur la chaussée après la collision, alors que l’AT no 2 et l’AT no 1, ainsi qu’un autre agent, tentent de maîtriser le plaignant.

L’AI attend pendant que d’autres agents du SPT tentent de maîtriser le plaignant.

À 10 h 13 min 8 s, l’enregistrement prend fin.

Vidéo captée par la caméra d’intervention de l’AT no 1

Au début de l’enregistrement, à 10 h 9 min 23 s, on voit le véhicule de l’AI entrer en contact avec le pneu arrière du plaignant. Le reste des images sont essentiellement identiques à celles captées par les caméras d’intervention de l’AT no 2 et de l’AT no 4, sauf qu’elles ont été captées sous un angle différent.
 

Vidéo captée par le SCIV du véhicule de l’AI

Au début de l’enregistrement, à 10 h 8 min 33 s, l’AI roule vers le nord sur la rue George, où la limite de vitesse affichée est de 30 km/h.

Vers 10 h 8 min 46 s, dans l’intersection en T se trouvant devant l’AI, on voit le plaignant rouler à bicyclette en direction est sur la rue Gerrard Est. Il porte un t-shirt, des culottes courtes et un sac à dos. Alors que l’AI s’approche de l’intersection, on voit le véhicule de police de l’AT no 2 qui circule en direction est avec ses gyrophares activés. L’AI tourne à droite et rencontre de la circulation.

Vers 10 h 9 min 4 s, on entend un homme dire [Traduction] « direction sud, Pembroke » à la radio. Au même moment, le véhicule de l’AT no 2 fait marche arrière dans l’intersection qui est devant lui et tourne à droite sur la rue Pembroke, une rue à sens unique. Au moment où l’AI tourne à droite pour le suivre, on voit un autre véhicule du SPT arriver sur la rue Gerrard Est. Ce véhicule roule en direction est. Des sirènes retentissent en arrière-plan. La limite de vitesse affichée sur la rue Pembroke est de 30 km/h.

Vers 10 h 9 min 19 s, le véhicule de l’AT no 2 dévie sur le côté gauche de l’avenue Pembroke et l’AT no 1 sort du côté passager. Au moment où l’AT no 2 sort, le plaignant arrive du côté gauche, passe derrière le véhicule et se retrouve sur la route devant le véhicule de l’AI.

Vers 10 h 9 min 23 s, le véhicule de l’AI heurte le pneu arrière de la bicyclette. L’avant de la bicyclette s’élève brièvement et redescend alors que la bicyclette glisse vers l’avant. Le plaignant perd le contrôle. Son soulier gauche s’envole et atterrit dans la rue. La bicyclette tourne et monte sur le trottoir. Le plaignant tombe au sol, avec les pieds sur le trottoir de droite et les mains sur la chaussée.

Le plaignant crie [Traduction] « aïe » à plusieurs reprises alors que l’AT no 1 et l’AT no 2 se précipitent sur lui pour le maîtriser au sol. D’autres agents du SPT arrivent et prêtent main forte pendant que le plaignant crie et agite ses pieds. Les agents le menottent derrière le dos et le placent sur son côté gauche pendant qu’ils le fouillent.

Vers 10 h 10 min 20 s, on voit des agents escorter le plaignant dans la rue, le long du côté conducteur du véhicule de l’AI. D’autres agents du SPT arrivent. Pendant le reste de l’enregistrement, soit jusqu’à 10 h 46 min 31 s, il y a peu d’activité.

Enregistrement provenant du SCIV du véhicule de transport

Au début de l’enregistrement, à 10 h 42 min 58 s, on voit le plaignant sur le siège arrière d’un véhicule du SPT. Ses mains sont menottées derrière le dos.

Vers 10 h 46 environ, le véhicule arrive au poste de la Division 51 et se gare dans l’entrée sécurisée. Le plaignant se réveille brièvement, mais se rendort.

Vers 10 h 59 min 42 s, deux agents de sexe masculin du SPT s’approchent du véhicule. L’un d’eux ouvre la portière arrière du côté conducteur et demande au plaignant de sortir. Le plaignant marmonne sans arrêt. Il demande aux agents d’être [Traduction] « doux » avec lui et se plaint d’avoir mal au pied, mais ne précise pas lequel.

Vers 11 h 35 s, des agents sortent le plaignant du véhicule en présence d’au moins cinq agents, dont on ne peut voir que les torses. On entend un agent parler au plaignant, lequel continue à marmonner et à gémir de douleur. Alors que les agents le font entrer dans le poste, le plaignant dit : [Traduction] « Je ne peux pas mettre de pression sur ma jambe ». Les agents l’amènent à l’intérieur et on l’entend continuer à marmonner alors pendant la procédure de mise en détention. Le plaignant déclare qu’il a été renversé par un véhicule et qu’il a mal à la jambe gauche. Il affirme qu’il a des blessures tout le long de son côté gauche et qu’il ne peut pas marcher. Le plaignant admet qu’il a consommé du fentanyl il y a une heure, mais indique qu’il n’a pas consommé d’alcool depuis la veille. Il demande d’aller à l’hôpital.

Vers 11 h 16 min 10 s, le plaignant est de nouveau embarqué à l’arrière d’un véhicule de police, lequel quitte ensuite le poste de police. En cours de route, le conducteur informe le répartiteur qu’il se dirige vers le HSM. Le plaignant dort. Ils arrivent au HSM et, à 11 h 27 min 59 s, le plaignant est sorti du véhicule de police.
 

Vidéo de la mise en détention — entrée sécurisée 1

La vidéo commence vers 10 h 59 min 10 s. Trois agents font entrer le plaignant dans le poste.
 

Vidéo de l’aire de mise en détention

La vidéo commence à 10 h 59 min 15 s. Un sergent se tient derrière un comptoir. Des agents amènent le plaignant dans l’aire de mise en détention. Ses mains sont menottées derrière le dos. Il gémit de douleur tout au long de la procédure de mise en détention. Il dit au sergent chargé de la mise en détention qu’il a été renversé par un véhicule, qu’il a mal à la jambe et qu’il a de la difficulté à marcher. Le sergent confirme auprès des agents que le plaignant n’a pas été examiné par des ambulanciers paramédicaux. Le plaignant poursuit en disant qu’il a ralenti sur sa bicyclette et qu’un véhicule [Traduction] « … m’a percuté de plein fouet » et « … a percuté mon pneu arrière ». Il indique qu’il a mal à la jambe gauche et [Traduction] « qu’ils riaient et se congratulaient ». Il indique qu’il a été heurté [Traduction] « par le véhicule de police ».

Le sergent chargé de la mise en détention demande au plaignant s’il a consommé de la drogue et le plaignant répond qu’il a pris du fentanyl environ 45 minutes plus tôt. Il demande d’aller à l’hôpital. D’autres questions lui sont posées, puis des agents le fouillent. Les menottes sont déplacées de l’arrière vers l’avant, et des agents le ramènent vers l’entrée sécurisée.

Vidéo de la mise en détention — entrée sécurisée 2

La vidéo commence à 16 h 19 min 53 s. On voit le plaignant se faire escorter depuis l’arrière d’un véhicule de police. Il passe par la porte sécurisée et est emmené jusqu’à la porte de l’aire de mise en détention.

Vidéo de l’aire de mise en détention

L’enregistrement audio et vidéo commence à 16 h 19 min 59 s, dans l’aire de mise en détention, où se trouve un sergent chargé de la mise en détention.

Vers 16 h 22 min 36 s, des agents emmènent le plaignant à l’intérieur et l’assoient sur le banc. Le sergent chargé de la mise en détention est avisé que le plaignant a une petite fêlure au pied gauche et qu’un plâtre lui a été posé. On ne peut voir sa jambe dans l’enregistrement. Deux minutes plus tard, des agents emmènent le plaignant ailleurs au moyen d’une chaise à roulettes.

Enregistrements de communications du SPT

Le 12 juillet 2023, à 9 h 27, un homme téléphone au 911 et signale qu’un autre homme a « agressé le propriétaire d’un magasin ». On entend du vacarme en arrière-plan. L’appelant indique que l’homme a jeté des choses en direction du propriétaire du magasin. Dans la première minute de l’appel, l’appelant indique que le plaignant a quitté le magasin à vélo et qu’il se dirige vers la rue Gerrard Est.

À 9 h 32, deux agents sont dépêchés sur les lieux.

Vers 9 h 40, le propriétaire du magasin appelle le 911. Quelques minutes après le début de l’appel, il semble indiquer que la police est arrivée. L’appel prend fin.

Vers 9 h 46, un agent indique que le plaignant a pris la fuite en direction d’Allen Gardens, qu’il s’agit d’un braquage et que les agents vont encercler la zone. Un communicateur téléphone à un superviseur pour l’informer de la situation.

Vers 10 h 8, un agent annonce qu’il a repéré le plaignant et que ce dernier roulait en direction sud sur la rue Jarvis, puis en direction est sur la rue Gerrard Est. L’agent indique qu’il va tenter de l’intercepter sur la rue Pembroke.

À 10 h 9, un agent annonce que le plaignant est en garde à vue.

À 10 h 11, l’AI demande qu’on envoie une unité des services de la circulation pour enquêter sur une collision de véhicule motorisé dans laquelle il a été impliqué.

À 10 h 37, des agents emmènent le plaignant au poste de la Division 51.

À 11 h 17, des agents emmènent le plaignant au HMS.

Documents obtenus auprès du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les documents et les éléments suivants auprès du SPT entre le 12 juillet 2023 et le 20 juillet 2023:
  • Renseignements provenant du système de répartition assistée par ordinateur
  • Enregistrements de communications
  • Vidéos provenant de SCIV
  • Vidéos provenant de caméras d’intervention
  • Vidéo de la mise en détention
  • Données GPS
  • Rapports d’incident généraux et supplémentaires
  • Notes de l’AT no 1
  • Notes de l’AT no 2
  • Notes de l’AT no 3
  • Notes de l’AT no 4
  • Notes de l’AI
  • Rapport sur la collision de véhicule motorisé
  • Liste des témoins

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources :
  • Dossier médical du plaignant, fourni par le HMS le 19 juillet 2023.

Description de l’incident

La preuve recueillie par l’UES dresse un portrait clair des événements, lesquels peuvent être résumés succinctement comme suit.
Dans la matinée du 12 juillet 2023, le SPT a reçu un appel au 911 concernant un vol qualifié qui avait été commis dans un magasin situé dans le secteur de la rue Jarvis et de la rue Gerrard Est, à Toronto. Un homme avait agressé le propriétaire du magasin et s’était enfui à vélo. Des agents ont été dépêchés sur les lieux.

Peu après 10 h, l’AT no 2 et l’AT no 1 ont repéré l’homme — le plaignant — dans le secteur d’Allan Gardens, à une courte distance du lieu de l’accident. Le plaignant s’est enfui à vélo en roulant en direction est sur la rue Gerrard Est, puis vers le sud sur la rue Pembroke. L’AT no 2 et l’AT no 1 se sont mis à sa poursuite à bord de leur véhicule de police.

L’AI était également à la recherche du plaignant. Il a aperçu le plaignant et le véhicule de l’AT no 2 et de l’AT no 1, puis il a tourné à droite sur la rue Gerrard Est, à partir de la rue George, afin de se joindre à la poursuite.

Le plaignant venait de parcourir une centaine de mètres sur le trottoir est de la rue Pembroke lorsque le véhicule conduit par l’AT no 2 a viré dans sa direction et lui a coupé la route. Le plaignant a tourné sur sa droite afin de contourner le véhicule de police à l’arrière, sur la chaussée. Il a parcouru une courte distance, puis le véhicule de l’AI a heurté son pneu arrière, le faisant dégringoler de son vélo.

L’AT no 2 et l’AT no 1 se sont rendus jusqu’à lui rapidement et l’ont placé en garde à vue.

Le plaignant s’est plaint qu’il avait mal. Des agents l’ont emmené à l’hôpital et on lui a diagnostiqué une fracture du pied gauche.

Dispositions législatives pertinentes

Article 320.13 (2) du Code criminel – Conduite dangereuse causant des lésions corporelles

320.13 (2) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne.


Analyse et décision du directeur

Le 12 juillet 2023, le plaignant a été grièvement blessé lors d’une collision avec un véhicule de police du SPT. Lors de l’enquête de l’UES sur cet incident, le conducteur du véhicule de police — l’AI — a été identifié comme étant l’agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation de la preuve, je n’ai aucun motif raisonnable de conclure que l’AI a commis une infraction criminelle en lien avec la blessure subie par le plaignant.

L’infraction sur laquelle il faut se pencher dans cette affaire est la conduite dangereuse causant des lésions corporelles, en contravention du paragraphe 320.13 (2) du Code criminel. En tant qu’infraction de négligence criminelle, un simple manque de diligence n’est pas suffisant pour engager la responsabilité. L’infraction repose plutôt, en partie, sur une conduite constituant un écart marqué par rapport au degré de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans les circonstances. Dans l’affaire qui nous concerne, la question est de savoir si l’AI a manqué de diligence dans la façon dont il a conduit son véhicule et si ce manque de diligence, le cas échéant, a causé la collision avec le plaignant ou y a contribué et est suffisamment grave pour justifier l’imposition d’une sanction criminelle. À mon avis, cela n’est pas le cas.

Compte tenu des informations fournies à la police lors de l’appel au 911 et du fait que le plaignant correspondait à la description du suspect, je suis convaincu que l’AI avait des raisons de croire que le plaignant venait de commettre un acte criminel violent et qu’il était passible d’arrestation pour vol qualifié.

Je suis également convaincu que l’AI s’est comporté avec la prudence et la diligence nécessaires pour assurer la sécurité publique, y compris la sécurité du plaignant. L’agent a roulé à des vitesses modérées dès le moment où il s’est engagé dans la poursuite et rien n’indique qu’il ait directement mis en danger d’autres véhicules sur le trajet qui l’a amené jusqu’au lieu de la collision. La collision en soi semble avoir été causée par le fait que le plaignant a changé de direction soudainement et s’est placé dans la trajectoire du véhicule de l’AI, donnant peu de temps à l’agent, voire aucun temps, pour réagir et éviter la collision. La décision de poursuivre un cycliste en premier lieu mérite toutefois qu’on s’y attarde, car une telle ligne de conduite comporte toujours certains risques pour le cycliste, étant donné sa vulnérabilité relative. Cependant, que cela ait été une décision sage ou non, la preuve ne permet pas d’établir que la façon dont les agents impliqués se sont conduits était nettement inférieure à ce que l’on aurait pu s’attendre. Pour en venir à cette conclusion, il faut garder à l’esprit l’infraction grave qui a incité la police à poursuivre le plaignant, la courte durée de l’interaction (quelques secondes) et le fait que l’AT no 2 a, lorsqu’il a dévié pour couper la route du plaignant, laissé suffisamment de temps et d’espace au plaignant pour lui permettre de s’arrêter de manière contrôlée s’il l’avait voulu.

Par conséquent, je n’ai aucun motif de croire que l’AI a transgressé les limites de la prudence prescrites par le droit criminel au cours de son interaction avec le plaignant et il n’y a pas lieu de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos [3].


Date : Le 9 novembre 2023

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les renseignements fournis dans cette section reflètent les renseignements fournis à l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les faits constatés par l’UES dans le cadre de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
  • 3) Le coup de poing porté par l’AT no 3 ne faisait pas partie des questions centrales soumises à la compétence de l’UES dans cette affaire. Le coup semble avoir été porté par réflexe lorsque le plaignant a fait un mouvement indiquant qu’il s’apprêtait à mordre la main de l’AT no 3. Une réaction de cette nature, visant vraisemblablement à empêcher le plaignant de mordre l’agent, ne semble pas excessive dans ces circonstances. Quoi qu’il en soit, l’UES renverra cette question au SPT à des fins d’examen. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.