Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-OFI-205

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves qu’a subies un homme de 27 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 29 mai 2023, à 17 h 28, le service de police de Brantford (SPB) a informé l’UES de ce qui suit :

Des agents de l’unité TIGER, l’unité d’intervention et d’application de la loi en fonction des renseignements (Tactical Intelligence Generated Enforcement and Response Unit), étaient mobilisés dans le cadre d’une opération, lorsqu’ils ont trouvé des motifs d’arrêter le plaignant. Le 29 mai 2023, à 16 h 13, une tentative de vol de véhicule a eu lieu à une adresse dans la municipalité de Paris. Le plaignant, au volant de son véhicule, s’est dirigé vers les agents. Des coups de feu ont été tirés et le plaignant a pris la fuite. Les agents ne se sont pas lancés à sa poursuite. Plus tard, les agents ont trouvé le plaignant à l’angle de la rue St. George et de Belaire Road, à Brantford. Il a été transporté à l’Hôpital général de Hamilton.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 29 mai 2023 à 18 h 15

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 29 mai 2023 à 19 h 35

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2
 

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 27 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés.

Le plaignant a participé à une entrevue le 1er juin 2023.


Agent impliqué

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué; ses notes ont été reçues et examinées.


Agents témoins

AT n° 1 A participé à une entrevue
AT n° 2 A participé à une entrevue
AT n° 3 A participé à une entrevue
AT n° 4 A participé à une entrevue
AT n° 5 A participé à une entrevue
AT n° 6 A participé à une entrevue
AT n° 7 A participé à une entrevue
AT n° 8 A participé à une entrevue
AT n° 9 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue entre le 30 mai et le 1er juin 2023.


Éléments de preuve

Les lieux

L’incident en question s’est déroulé dans la voie d’accès pour autos d’une résidence de Brant et aux alentours.

Le 29 mai 2023, à 20 h 10, des enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES sont arrivés à la résidence située dans un quartier résidentiel. Plusieurs agents du SPB ont établi un périmètre de sécurité autour des lieux et sont restés sur place.

Il y avait deux véhicules dans la voie d’accès pour autos de la propriété ou à proximité. Les deux véhicules étaient des véhicules de surveillance banalisés du SPB.

L’incident s’est également déroulé sur un autre lieu, soit sur Tollgate Road et la rue St. George. Le 29 mai 2023, à 22 h 17, les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES se sont rendus à un endroit où se trouvait le véhicule du plaignant, soit une Tesla. Il s’agissait d’une zone de construction sur la rue St. George, près d’une intersection. Le véhicule était entré en collision avec des panneaux de signalisation d’un chantier installés non loin de là.

Éléments de preuve matériels


Éléments de preuve recueillis par l’UES dans la voie d’accès pour autos de la résidence

Quatre douilles de 9 mm et du plastique automobile ont été trouvés et recueillis.

Éléments de preuve recueillis lors de la fouille de la Tesla

Un projectile a été trouvé et récupéré dans le compartiment du plancher, côté conducteur.
Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont examiné et photographié la Tesla.


Figure 1 – Trous faits par balles dans la vitre de la Tesla

Figure 1 – Trous faits par balles dans la vitre de la Tesla

Éléments de preuve recueillis au quartier général du SPB

L’UES a récupéré un pistolet semi-automatique Glock, modèle 17 Gen5 de 9 mm, appartenant à l’AI. Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont photographié le matériel que l’AI a utilisé pour faire usage de la force.


Figure 2 – L’arme à feu de l’AI

Figure 2 – L’arme à feu de l’AI

Éléments de preuve médicolégaux


Soumissions au Centre des sciences judiciaires (CSJ)

Le 19 juin 2023, les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont soumis cinq pièces à conviction au CSJ pour examen : quatre douilles de 9 mm et l’arme à feu de l’AI, un pistolet semi-automatique Glock, modèle 17, Gen5, de 9 mm.

Le 11 septembre 2023, le CSJ a fourni à l’UES un rapport sur les armes à feu. Selon les conclusions du rapport, les douilles trouvées sur les lieux de l’incident provenaient du pistolet Glock, modèle 1,7 soumis à l’examen..

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]


Vidéo provenant d’une résidence

L’UES a obtenu deux vidéos provenant d’une résidence en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête.
 

Premier enregistrement vidéo

Vers 16 h 10 min 33 s, un véhicule banalisé conduit par l’AT n° 3 est stationné en bordure de la rue.

Vers 16 h 10 min 35 s, une Tesla [conduite par le plaignant] se dirige vers le nord le long de la rue.

Vers 16 h 10 min 49 s, on observe un véhicule banalisé conduit par l’AI qui se dirige vers le nord dans la même direction que la Tesla.

Vers 16 h 10 min 52 s, on aperçoit un véhicule banalisé conduit par l’AT n° 5 qui roule dans la même direction que le véhicule de l’AI.

Vers 16 h 10 min 58 s, le plaignant commence à faire marche arrière pour entrer dans la voie d’accès pour autos d’une résidence.

Vers 16 h 11, l’AI se dirige vers la même résidence.

Vers 16 h 11 min 02 s, l’AT n° 3 se gare devant une maison voisine et l’AT n° 1 tourne pour se diriger vers la résidence.


Deuxième enregistrement vidéo

Vers 16 h 13 min 02 s, l’AI, au volant de son véhicule, s’arrête partiellement dans la voie d’accès pour autos de la résidence, de biais; l’avant de son véhicule est orienté vers le garage. Le véhicule de I’AT n° 1 est stationné sur la route devant la maison. Le véhicule de I’AT n° 3 est stationné sur le même côté de la route, mais devant la maison voisine. Le véhicule que conduit le plaignant et celui que conduit l’AT n° 5 ne sont pas visibles sur la vidéo.

À 16 h 13 min 32 s, la vidéo se termine.

Enregistrements des communications

Vers 16 h 11 min 34 s, l’AT n° 1 informe le répartiteur du SPB par la radio de la police que des coups de feu ont été tirés par la police à une adresse à Brant.

Vers 16 h 12 min 17 s, l’AT n° 1 demande au répartiteur du SPB d’informer la Police provinciale de l’Ontario de l’incident.

Vers 16 h 12 min 32 s, le répartiteur du SPB demande si le véhicule [on sait maintenant qu’il s’agit de la Tesla] est suivi. L’AT n° 1 indique qu’il n’y a pas de poursuite.

Vers 16 h 13 min 04 s, l’AT n° 1 informe le répartiteur du SPB que les agents du SPB n’ont pas été blessés et que l’on ignore si le plaignant l’a été. Un mandat de perquisition devait être exécuté à la résidence et des agents du SPB devaient se rendre sur les lieux.

Vers 16 h 13 min 44 s, le répartiteur du SPB demande à la Police provinciale de l’Ontario de diffuser une alerte sur la radio de la police avec une description de la Tesla et des précisions sur le dernier endroit où elle se trouvait dans le cadre d’une fusillade impliquant un agent du SPB. On précise que le plaignant est seul dans le véhicule.

Vers 16 h 17 min 21 s, le répartiteur du SPB demande si le plaignant possède une arme à feu. L’AT n° 1 indique qu’il ne le sait pas.

Vers 16 h 18 min 32 s, l’AT n° 1 informe le répartiteur du SPB que le plaignant se dirige vers le sud sur King George Road, qu’il se rapproche de Powerline Road, qu’il est recherché pour conduite dangereuse et qu’il a peut-être été touché par des balles tirées par des agents du SPB.

Vers 16 h 18 min 41 s, la Police provinciale de l’Ontario demande si c’est le plaignant qui a tiré sur les agents du SPB ou si c’est le SPB qui a tiré sur le plaignant. Le répartiteur du SPB précise que c’est le SPB qui a tiré sur le plaignant.

Vers 16 h 19 min 49 s, un agent du SPB inconnu informe la police par radio que le plaignant roule à grande vitesse en direction nord sur King George Road et qu’il a été impliqué dans des collisions avec plusieurs véhicules.

Vers 16 h 20 min 12 s, un sergent d’état-major ordonne par radio aux agents du SPB de ne pas poursuivre le plaignant.
Vers 16 h 20 min 30 s, un agent inconnu du SPB informe le répartiteur du SPB que le plaignant a été impliqué dans une collision à l’intersection de King George Road et de Tollgate Road.

Vers 16 h 21 min 51 s, un sergent informe le répartiteur du SPB qu’il est en train de poursuivre le plaignant à pied dans les environs de la rue St. George et de Belaire Road.

Vers 16 h 22 min 12 s, le sergent informe le répartiteur du SPB que le plaignant est sous garde.

Vers 16 h 22 min 30 s, un deuxième sergent demande aux ambulanciers paramédicaux de se rendre immédiatement dans le secteur de la rue St-George et de Belaire Road.

Vers 16 h 22 min 39 s, le répartiteur du SPB demande à plusieurs ambulances de se rendre dans le secteur de King George Road et de Tollgate Road.

Vers 16 h 23 min 19 s, le sergent d’état-major demande qu’un périmètre de sécurité soit établi autour de la résidence en attendant l’arrivée de la Police provinciale de l’Ontario.

Vers 16 h 24 min 43 s, un agent du SPB (que l’on pense être un sergent) indique que le plaignant souffre de deux blessures par balle au niveau de la partie supérieure d’un bras.

Vers 16 h 29 min 45 s, des ambulanciers paramédicaux de Brantford arrivent à l’angle de la rue St. George et de Belaire Road.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a examiné les éléments et les documents suivants que lui a remis, à sa demande, le SPB entre le 30 mai et le 14 juin 2023 :
  • Rapport sur les délits de fuite
  • Enregistrements des communications
  • Photographies
  • Liste des pièces à conviction
  • Vidéo - Tesla
  • Enregistrement de la répartition assistée par ordinateur
  • Note de l’AT n° 5
  • Notes de l’AT n° 7
  • Rapport de l’AT n° 7
  • Notes de l’AT n° 2
  • Rapport de l’AT n° 2
  • Notes de l’AT n° 4
  • Rapport de l’AT n° 4
  • Rapport de l’AT n° 3
  • Notes de l’AT n° 3
  • Requalification du recours à la force de l’AI
  • Rapport de l’AT n° 6
  • Notes de l’AT n° 8
  • Notes de l’AI
  • Plans opérationnels
  • Rapport d’arrestation
  • Mandats de perquisition
  • Rapport de saisie et de disposition
  • Notes de l’AT n° 6
  • Notes de l’AT n° 1
  • Rapport de l’AT n° 1
  • Politique sur le recours à la force

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a également obtenu les éléments suivants provenant d’autres sources :
  • Dossiers médicaux du plaignant de l’Hôpital général de Hamilton, reçu le 5 juin 2023
  • Vidéo d’une résidence.

Description de l’incident

Le scénario suivant se dégage des preuves recueillies par l’UES, notamment une entrevue avec l’AI et une vidéo d’une partie de l’incident. Comme il en avait le droit, l’AI a choisi de ne pas s’entretenir avec l’UES, mais il a autorisé la diffusion de ses notes.

Dans l’après-midi du 29 mai 2023, le plaignant a été placé sous surveillance dans le cadre d’une opération policière conjuguée à laquelle ont participé des agents du SPB et le service de police régional de Durham. Le plaignant était devenu la cible d’une enquête sur le trafic de stupéfiants et les agents avaient obtenu des mandats pour fouiller ses locaux. Le plaignant rentrait à son domicile de Brant après un déplacement à Toronto où, selon les agents, il avait acheté une quantité importante de substances illicites. Des agents du SPB en civil et dans des véhicules banalisés l’attendaient à proximité de sa résidence. L’AI suivait le plaignant dans son quartier, alors qu’il s’approchait de son domicile.

Le plaignant ignorait qu’il était suivi par la police. En arrivant à son domicile, il a fait marche arrière avec sa Tesla sur la moitié nord de sa voie d’accès pour autos. C’est à ce moment-là que deux véhicules de police banalisés ont surgi brusquement. L’un des véhicules, qui se dirigeait du nord vers le sud dans la voie d’accès, s’est arrêté face au sud-est devant la Tesla. L’autre véhicule, qui venait du sud, est entré en partie dans la moitié sud de la voie d’accès et s’est arrêté face au nord-est.

La police avait prévu qu’un véhicule de police identifié se trouvant dans le secteur intercepte la Tesla et procède à l’arrestation du plaignant. Cependant, comme ce véhicule n’était pas en position à temps, l’équipe de surveillance a décidé de procéder à l’arrestation. Lorsque le chef de l’équipe a donné le signal pour l’appréhension du plaignant, les deux véhicules banalisés ont été les premiers à se rendre sur les lieux.

L’AT n° 5 était le conducteur du véhicule qui s’est arrêté devant la Tesla. Il est rapidement sorti de son véhicule, s’est placé du côté passager avant de la Tesla et a précisé en criant qu’il s’agissait de la police et que le plaignant devait montrer ses mains. Le plaignant a fait marche arrière, a tourné les roues vers la droite et a accéléré en direction du nord-ouest, là où se trouvait l’AT n° 5. Le policier, qui était sur le point de dégainer son arme pour tirer à ce moment-là, a pu se déplacer vers l’est et éviter de se faire renverser par la Tesla qui est passée devant lui. À peu près au même moment, l’AT n° 5 a entendu des coups de feu.

C’est l’AI qui avait déchargé son arme. Le temps que l’AT n° 5 se rende du côté passager de la Tesla, l’AI était également sorti de son véhicule et ordonnait au plaignant en criant de montrer ses mains depuis le côté conducteur de la Tesla. Le plaignant a fait marche arrière et a accéléré en direction du nord-ouest. Craignant que l’AT n° 5 ne se fasse heurter par la Tesla, l’AI a pointé son arme sur le plaignant et a fait feu à quatre reprises.

Deux des balles ont atteint le plaignant, l’une dans son biceps gauche, l’autre dans son avant-bras gauche près du coude.

Malgré sa blessure, le plaignant a poursuivi sa course vers le nord-ouest en traversant la pelouse de la maison voisine au nord, s’est arrêté momentanément, puis a continué vers le nord sur la chaussée. Finalement, il a été arrêté à une certaine distance du lieu de la fusillade puis transporté à l’hôpital.

Dispositions législatives pertinentes

Article 34 du Code criminel -- Défense -- emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :
a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger -- ou de défendre ou de protéger une autre personne -- contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
c) agit de façon raisonnable dans les circonstances

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :
a) la nature de la force ou de la menace
b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
c) le rôle joué par la personne lors de l’incident
d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
1. f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause
g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime
(3) Le paragraphe (1) ne s’applique pas si une personne emploie ou menace d’employer la force en vue d’accomplir un acte qu’elle a l’obligation ou l’autorisation légale d’accomplir pour l’exécution ou le contrôle d’application de la loi, sauf si l’auteur de l’acte constituant l’infraction croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle n’agit pas de façon légitime.

Analyse et décision du directeur

Le 29 mai 2023, le plaignant a été blessé par balle par un agent du SPB à Brant. L’agent, soit l’AI, a été identifié comme étant l’agent impliqué aux fins de l’enquête de l’UES. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des preuves, il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en rapport avec la fusillade.

L’article 34 du Code criminel prévoit que la conduite, qui autrement constituerait une infraction, est légitimée si elle visait à déjouer une attaque raisonnablement appréhendée, qu’elle soit réelle ou une menace, et était elle-même raisonnable. Le caractère raisonnable de la conduite doit être évalué dans les circonstances, c’est-à-dire en fonction de facteurs tels que la nature de la force ou de la menace; la mesure dans laquelle l’usage de la force était imminent et s’il y avait d’autres moyens disponibles pour répondre à l’usage potentiel de la force; si une partie impliquée dans l’incident a utilisé ou menacé d’utiliser une arme; et, la nature et la proportionnalité de la réponse de la personne à l’usage ou à la menace de la force.

L’AI était légalement placé et engagé dans l’exécution de ses fonctions lors de la série d’événements qui ont abouti à la fusillade. Les agents avaient obtenu des mandats pour fouiller le domicile du plaignant à la recherche de stupéfiants et avaient des raisons de le mettre sous garde pour trafic de stupéfiants.
L’AI a choisi de ne pas se présenter à une entrevue pour fournir des preuves directes de son état d’esprit au moment où il a déchargé son arme, comme la loi lui en donne le droit. Cependant, les notes qu’il a fournies et les preuves circonstancielles montrent clairement qu’il a tiré pour contrecarrer ce qu’il appréhendait raisonnablement comme une menace de mort ou de lésions corporelles graves à l’encontre de l’AT n° 5. L’AT n° 5 a lui-même raconté qu’il pensait que la Tesla du plaignant se dirigeait vers lui et qu’il s’apprêtait à faire feu lorsqu’il a pu éviter l’impact en se déplaçant vers l’est et qu’il a entendu les coups de feu tirés par l’AI.

Le seul aspect du mode de défense à débattre est la question de savoir si la force utilisée par l’AI était elle-même raisonnable dans les circonstances. Tirer sur un véhicule en mouvement soulève des questions, car ce geste aboutit rarement à l’immobilisation immédiate d’un véhicule et donne parfois lieu à des dangers supplémentaires, comme un véhicule en mouvement sans conducteur en état de conduire. Dans le cas présent, il est d’une part difficile de concevoir comment la mise hors d’état de nuire du conducteur aurait permis de sauver l’AT n° 5, étant donné la proximité de l’agent avec la Tesla au moment de la fusillade. D’autre part, je ne peux pas conclure avec certitude que les coups de feu tirés sur le plaignant n’avaient aucune chance d’aboutir. Si le plaignant conduisait intentionnellement en direction de l’AT n° 5, et j’admets que c’était le cas, qu’il ait vu ou non l’agent dans son champ de vision, il était possible que la mise hors d’état de nuire du conducteur permette de ralentir le véhicule, en le faisant changer de direction par exemple. Pour revenir à ce dernier point, je constate qu’il ne semblait pas y avoir beaucoup de circulation à ce moment-là, ce qui atténue le risque de dommages collatéraux. Compte tenu de l’enjeu – la possibilité que l’AT n° 5 soit tué ou grièvement blessé – et de la vitesse à laquelle les événements se sont déroulés, je ne suis pas persuadé que l’AI ait agi de manière déraisonnable lorsqu’il a déchargé son arme dans le feu de l’action. En arrivant à cette conclusion, je garde à l’esprit le principe de common law selon lequel on ne demande pas des agents plongés dans des situations délicates qu’ils mesurent avec précision la nature et l’ampleur de la force qu’ils emploient. Il faut tenir compte de la tension du moment. Ce qui est requis, c’est une réponse raisonnable, et non une réponse rigoureuse : R. c. Nasogaluak, [2010] 1 206 SCR; R. c. Baxter (1975), 27 CCC (2 d) 96 (Ont. CA).

Par conséquent, étant donné qu’il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI s’est comporté autrement que dans les limites du droit pénal, il n’y a aucune raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.


Date : 26 septembre 2023

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les éléments suivants contiennent des renseignements personnels délicats et ne sont pas divulgués en vertu du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les renseignements importants des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.