Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-TCI-186

Attention :

Cette page affiche un contenu graphique pouvant choquer, offenser et déranger.

Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves subies par un homme de 60 ans (plaignant).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

À 0 h 38 le 15 mai 2023, le Service de police de Toronto a avisé l’UES de la blessure par balle subie par le plaignant.

Selon le Service de police de Toronto, vers 17 h 45 le 14 mai 2023, des agents du Service de police de Toronto ont été dépêchés dans le secteur de Tapscott Road et Neilson Road, à Scarborough, à la suite d’un appel visant à signaler une querelle familiale et une personne en situation de crise. À leur arrivée, les agents ont découvert que l’homme mêlé à la querelle familiale, soit le plaignant, s’était enfui. La TC a indiqué aux agents qu’elle avait été agressée par son conjoint, le plaignant, et que celui-ci s’était enfui dans sa voiture à elle lorsqu’elle avait appelé la police. Les agents ont finalement repéré le véhicule et l’ont suivi jusque vers le 5183, avenue Sheppard Est. Le plaignant n’a pas obéi aux ordres de sortir de la voiture et il a dû être sorti de force. Le plaignant a ensuite indiqué qu’il avait mal à la hanche. Une ambulance est venue sur les lieux et le plaignant a été transporté à un établissement du Scarborough Health Network, où une fracture de l’os iliaque gauche et des fractures à deux côtes gauches ont été diagnostiquées.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 15 mai 2023, à 2 h 8

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 15 mai 2023, à 8 h 30

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0
 

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 60 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés.

Le plaignant a participé à une entrevue le 16 mai 2023.


Témoin civil

TC A participé à une entrevue

Le témoin civil a participé à une entrevue le 19 mai 2023.
 

Agent impliqué

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.


Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 29 mai 2023.


Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question sont survenus dans un véhicule Hyundai et autour de ce véhicule, qui était immobilisé dans le stationnement du centre culturel chinois du grand Toronto, au 5183, avenue Sheppard Est.

Il n’y a pas eu d’examen des lieux.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]


Enregistrements des communications du Service de police de Toronto

À 17 h 43, un téléphoniste du Service de police de Toronto a rappelé au numéro d’une personne qui venait de composer le 911 et avait raccroché avant que le téléphoniste réponde. Une femme [maintenant identifiée comme la TC] a répondu et elle a hésité avant de répondre lorsque le téléphoniste lui a demandé si elle était dans une situation d’urgence, puis elle a répondu oui. Elle a ajouté qu’un homme [maintenant identifié comme le plaignant] l’avait agressée à deux reprises et qu’il contrevenait à une ordonnance de tribunal. Elle craignait le plaignant et voulait qu’on vienne le chercher. Elle a alors donné le nom de l’homme.

À 17 h 46, la répartitrice du Service de police de Toronto a demandé par radio qu’un agent se rende sur les lieux de l’incident signalé. Elle a précisé que le plaignant avait l’habitude de fuir la police. Aucun agent n’a répondu à la demande.

Le téléphoniste a poursuivi sa conversation avec la TC et lui a notamment demandé une description du plaignant. À 17 h 49, pendant que la TC parlait avec le téléphoniste, le plaignant s’est approché de la TC et celle-ci a dit qu’elle avait des amis qui pouvaient l’aider. On pouvait entendre le plaignant hurler en arrière-plan.

À 17 h 52, le téléphoniste était toujours en ligne avec la TC pendant qu’elle se rendait à une maison voisine.

La répartitrice a transmis un nouveau message radio demandant qu’un agent se rende sur les lieux. Elle a ajouté que le plaignant s’était sauvé avec la voiture de la TC et l’avait sortie de force de la voiture.

À 17 h 55, le téléphoniste a mis fin à l’appel avec la TC.

À 18 h, la TC a appelé le 911 de nouveau pour signaler que le plaignant venait de lui voler sa voiture. Il était en état d’ébriété et il ne possédait pas de permis de conduire en règle. La TC a décrit son véhicule Hyundai, mais elle ne connaissait pas le numéro de plaque. Elle a par contre fourni son numéro de permis de conduire.

À 18 h 2, la répartitrice a communiqué les renseignements à jour concernant sa demande transmise par radio visant à dépêcher un agent, en ajoutant que le plaignant venait de voler le véhicule de la TC.

À 18 h 5, la TC a dit à quelqu’un en arrière-plan [Traduction] « Il est revenu? », puis l’appel a été interrompu.

L’AI et l’AT no 1 ont été dépêchés sur les lieux. La répartitrice leur a dit que le plaignant était parti en voiture et il leur a donné ce qui semblait être un numéro de plaque erroné. Le centre de répartition a indiqué que le plaignant faisait l’objet d’une interdiction de conduire.

À 18 h 17, l’AI ou l’AT no 1 a dit avoir aperçu le plaignant et qu’il roulait vers le sud sur Washburn Way. L’AT no 3 a dit que lui et l’AT no 2 se trouvaient sur l’avenue Sheppard Est et qu’ils allaient prêter assistance. L’AT no 1 a précisé qu’ils suivaient le plaignant, puis il a ajouté qu’ils l’avaient perdu de vue.

À 18 h 19, l’AT no 1 a signalé qu’ils étaient directement derrière le plaignant et le suivaient en direction ouest sur l’avenue Sheppard Est et a précisé que le plaignant conduisait lentement et qu’ils tentaient de l’amener à se ranger sur le côté.

À 18 h 20, l’AT no 1 a indiqué que le plaignant entrait dans un stationnement.

À 18 h 21, l’AT no 2 a annoncé que les agents avaient sorti le plaignant du véhicule et étaient en train de le menotter. L’AT no 3 a dit que le plaignant était sous garde et qu’il n’y avait eu aucune blessure.

À 18 h 22, l’AT no 3 a dit que le plaignant disait avoir mal à la hanche et il a demandé une ambulance.
 

Enregistrement de la caméra interne de la voiture de police

À 18 h 16, une voiture de police était immobilisée sur Washburn Way, à la hauteur de Tapscott Drive. Elle était face au nord, du côté est de la route. L’AI, qui était le conducteur, a fait demi-tour et il s’est dirigé vers le sud sur Washburn Way. Il a parcouru quelques rues résidentielles en suivant le plaignant dans le véhicule Hyundai. L’enregistrement ne montrait pas le véhicule Hyundai, mais dans la discussion entre l’AI et l’AT no 1, ils disaient voir où le plaignant tournait plus loin.

À 18 h 19, l’AI s’est arrêté derrière le plaignant à un feu rouge à l’intersection entre Gateforth Drive et l’avenue Sheppard Est. Le clignotant gauche du véhicule Hyundai était allumé, mais il a brusquement viré à droite lorsque la voiture de police s’est arrêtée derrière.

À 18 h 20, l’AI a tourné à droite, pour suivre le plaignant. Les feux d’urgence et la sirène de la voiture de police étaient activés. Le plaignant a continué à avancer lentement en direction ouest sur l’avenue Sheppard Est. Il y avait de la circulation dans les deux sens. Environ 30 secondes après avoir viré sur l’avenue Sheppard Est, le plaignant a soudainement tourné à gauche pour entrer dans le stationnement du centre culturel chinois du grand Toronto, au 5183, avenue Sheppard Est, puis il s’est immobilisé. L’AI est aussi entré dans le stationnement, à la suite du plaignant. La sirène était éteinte, mais les feux d’urgence étaient toujours allumés.

L’AT no 2 est aussi entrée dans le stationnement. Elle a dépassé l’AI et a immobilisé sa voiture de travers devant le véhicule Hyundai. L’AI et l’AT no 1 sont sortis et se sont approchés de la portière du conducteur de la Hyundai. L’AT no 1 a alors ouvert la portière et il a ensuite attrapé le plaignant en le tirant par le bras gauche. Les AT nos 2 et 3 sont aussi sortis et se sont rendus à la portière du conducteur pour prêter main-forte. L’AI a aussi attrapé le plaignant et, quelques secondes plus tard, ce dernier a été sorti du véhicule Hyundai par l’AT no 1, l’AI et l’AT no 2.

À 18 h 21 min 5 s, le plaignant était étendu sur le dos, puis les agents l’ont fait rouler sur le côté gauche sur le bord de la portière du véhicule. L’AT no 1 a brièvement placé son genou droit sur les fesses du plaignant. On a pu entendre un cri, puis le plaignant a été mis debout et escorté jusqu’à la voiture de police.

Enregistrement de la caméra d’intervention de l’AI

À 18 h 20, l’AI était assis sur le siège du conducteur d’une voiture de police. Il portait des gants de latex bleus. La voiture de police s’est arrêtée dans le stationnement du centre culturel chinois du grand Toronto, au 5183, avenue Sheppard Est.

Une voiture de police conduite par l’AT no 2 est aussi entrée dans le stationnement et a dépassé le véhicule de l’AI et de l’AT no 1, puis s’est garée devant le véhicule Hyundai [maintenant identifié comme celui conduit par le plaignant]. La voiture de police de l’AT no 2 avait ses feux d’urgence activés. L’AI est sorti. L’AT no 1 se trouvait un ou deux pas devant lui, et les deux marchaient en direction du véhicule Hyundai.

À 18 h 20 min 45 s, l’AT no 1 a ouvert la portière du conducteur de la Hyundai et a ordonné au plaignant de sortir. L’AT no 1 a attrapé le haut du bras gauche du plaignant des deux mains. Juste à entendre parler le plaignant, il était évident qu’il était en état d’ébriété. Il se retenait au volant avec sa main droite, mais il a tourné le genou gauche vers l’extérieur, l’éloignant du siège. Il disait : [Traduction] « D’accord, d’accord, je sors. Pas besoin de me tirer dessus. » L’AI a alors aussi attrapé le plaignant par le bras gauche.

À 18 h 21 min 0 s, l’AT no 1 et l’AI ont sorti le plaignant du siège du conducteur et ce dernier s’est retrouvé au sol, sur les fesses. Il était parallèle à la Hyundai, avec les jambes tendues vers l’avant, juste à côté de la Hyundai, sur le bord de la portière. Il s’est ensuite étendu sur le dos et a grimacé. Les agents l’ont roulé sur le côté gauche et lui ont remonté les genoux jusqu’à la taille. L’AT no 2 était à la portière du véhicule Hyundai. Elle tenait les jambes du plaignant au sol. L’AT no 3 se tenait debout, à proximité. Le plaignant a été roulé sur le ventre et l’AT no 1 lui a attrapé le bras droit, qu’il avait derrière le dos. Le plaignant a été menotté les mains derrière le dos. Il a alors dit : [Traduction] « J’ai mal à la hanche. » L’AT no 2 a demandé quelle hanche, et le plaignant a répondu la gauche. Les agents ont aidé le plaignant à s’asseoir, puis à se mettre debout. Il avait été au sol pendant moins d’une minute.

Enregistrement de la caméra d’intervention de l’AT no 1

L’AT no 1 se trouvait sur le siège du passager dans une voiture stationnée du Service de police de Toronto [maintenant identifiée comme celle qui se trouvait du côté est de Washburn Way, près de l’intersection de Tapscott Road]. Il est sorti de la voiture de police et s’est rendu derrière elle. Un véhicule Hyundai a fait un virage à droite pour sortir d’un stationnement et se diriger vers le nord sur Washburn Way. Il s’est ensuite arrêté et a reculé dans le stationnement. L’AT no 1 a crié au plaignant d’arrêter. Le véhicule Hyundai est ensuite sorti du stationnement en tournant à gauche, puis s’est dirigé vers le sud sur Washburn Way. L’AT no 1 est ensuite retourné dans la voiture de police.

L’AI et l’AT no 1 sont allés vers le sud sur Washburn Way et ont avisé le centre de répartition. Ils ont tenté de suivre le véhicule Hyundai, mais l’ont perdu de vue temporairement. Ils l’ont ensuite aperçu de nouveau et ils l’ont suivi jusqu’à un feu rouge, à l’intersection avec l’avenue Sheppard Est. Ils en ont informé le centre de répartition et ont donné le numéro de plaque. Le plaignant a fait un virage à droite sur l’avenue Sheppard Est, et ils l’ont suivi.

L’AI conduisait lentement. Il suivait la Hyundai avec son équipement d’urgence activé et il a fini par s’immobiliser derrière le véhicule dans le stationnement du centre culturel chinois du grand Toronto, du côté sud de l’avenue Sheppard Est.

À 18 h 20, l’AT no 1 est sorti de la voiture de police et s’est rendu jusqu’au véhicule Hyundai, il a ouvert la portière du conducteur avec sa main gauche et a attrapé le bras gauche du plaignant avec ses deux mains, en lui répétant sans cesse de sortir de la voiture, pendant qu’il tentait de le sortir. Le plaignant a crié : [Traduction] « C’est bon », mais sans rien faire pour s’extraire du siège du conducteur. Les agents ont continué d’ordonner au plaignant de sortir du véhicule et, voyant qu’il restait assis, l’AT no 1 l’a tiré à l’extérieur avec d’autres agents. Le plaignant s’est retrouvé sur les fesses, et il a été rapidement étendu sur le dos, puis roulé sur le côté gauche. À ce stade, l’AT no 1 a mis, pendant un instant, le genou gauche au milieu du dos du plaignant et le genou droit sur ses fesses, pendant que le plaignant hurlait de douleur. Le plaignant a par la suite été menotté les mains derrière le dos.

Enregistrement de la caméra d’intervention de l’AT no 2

L’enregistrement commence à 18 h 20. L’AT no 2 était en train de conduire sa voiture de police, avec l’AT no 3 sur le siège du passager. Ils se sont garés dans un stationnement, devant un véhicule Hyundai. L’AT no 2 est sortie et a marché jusqu’à la Hyundai pour rejoindre l’AI et l’AT no 1, qui se trouvaient à la portière du conducteur et qui ordonnaient au plaignant de sortir de la voiture. L’AT no 3 est arrivé près de l’AI et de l’AT no 1, juste avant l’AT no 2. Le plaignant disait à l’AI et à l’AT no 1 de ne pas le tirer.

L’AT no 2 a alors dit : [Traduction] « Attrapez-le donc. » Le plaignant a alors été tiré hors du véhicule. L’enregistrement donne l’impression qu’il a subi une torsion du corps à la hauteur de la taille lorsque l’AI a attrapé son bras gauche. Il s’est assis sur les fesses et on l’a ensuite fait rouler sur le côté gauche. Le genou d’un agent est entré très brièvement en contact avec les fesses du plaignant, qui a alors crié : [Traduction] « Aïe. » Les agents ont ensuite escorté le plaignant jusqu’à une voiture de police.

Enregistrement de la caméra d’intervention de l’AT no 3

L’AT no 3 se trouvait sur le siège du passager d’une voiture de police roulant vers l’ouest [sur l’avenue Sheppard Est, comme on le sait maintenant]. La conductrice, soit l’AT no 2, a viré à gauche dans un stationnement et s’est arrêtée juste devant le véhicule Hyundai conduit par le plaignant. L’AT no 3 est immédiatement sorti et s’est dirigé vers la Hyundai, où l’AI et l’AT no 1 intervenaient auprès du plaignant.

L’AT no 3 s’est très brièvement placé derrière l’AT no 1, puis a fait le tour pour aller du côté passager de la Hyundai. Il a tenté d’ouvrir la portière avant du passager, mais elle était verrouillée. Il est alors retourné du côté conducteur. Le plaignant était à ce moment sorti du véhicule et étendu au sol sur le dos. L’AT no 1 se trouvait du côté droit du plaignant, tandis que l’AI était à sa gauche et lui tenait le poignet gauche. L’AT no 2 se tenait près des jambes du plaignant. Les trois agents étaient penchés vers l’avant, à la hauteur de la taille.

Le plaignant a crié quand les agents l’ont fait rouler sur le côté gauche. Le plaignant n’était alors pas dans le champ de la caméra d’intervention de l’AT no 3. Celui-ci s’est alors placé à la gauche de l’AT no 1. L’AT no 3 a sorti ses menottes. Pendant ce temps, l’AT no 1 tenait le poignet droit du plaignant derrière son dos. Le bras gauche du plaignant se trouvait au sol, au-dessus de sa tête. L’AT no 3 a attrapé le poignet gauche du plaignant et l’a soulevé de terre pour le ramener derrière le dos du plaignant. L’AT no 3 a passé les menottes au plaignant. Celui-ci s’est plaint d’une douleur à la hanche gauche.

L’AI, l’AT no 1 et l’AT no 2 ont aidé le plaignant à se mettre debout et, ensuite, à se rendre jusqu’à une voiture de police.

Documents obtenus du service de police

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, le Service de police de Toronto entre le 15 mai 2023 et le 19 mai 2023 :
  • les enregistrements de communications;
  • les notes de l’AT no 2;
  • les notes de l’AT no 1;
  • les notes de l’AT no 3;
  • la liste des agents concernés;
  • la politique relative aux arrestations du Service de police de Toronto;
  • la politique relative au recours à la force du Service de police de Toronto;
  • un enregistrement de caméra interne d’une voiture de police;
  • les enregistrements de caméra d’intervention;
  • les rapports d’incidents généraux.

Élément obtenu auprès d’une autre source

L’UES a obtenu le document suivant d’une autre source le 20 mai 2023 et l’a examiné :
  • le dossier médical du plaignant du Scarborough Health Network.

Description de l’incident

Le scénario qui suit ressort des éléments de preuve recueillis par l’UES, y compris les entrevues avec les agents présents au moment où se sont déroulés les événements en question et les enregistrements vidéo ayant capté des images de l’incident. L’agent impliqué a refusé de participer à une entrevue de l’UES, comme la loi l’y autorise. Il a par contre accepté de fournir ses notes.

Dans la soirée du 14 mai 2023, l’AI et son partenaire, l’AT no 1, se sont rendus à une résidence dans le secteur de Tapscott Road et de Neilson Road, à Toronto. Une femme, TC, avait téléphoné pour signaler que le plaignant, présent sur les lieux, enfreignait les conditions de son ordonnance de mise en liberté, l’avait agressée et avait volé sa voiture. Des agents étaient arrêtés à un feu rouge sur Washburn Way, face au nord, vers Tapscott Road, lorsqu’ils ont aperçu le plaignant derrière eux dans le véhicule volé.

Celui-ci était alors en état d’ébriété et il s’était enfui dans le véhicule de la TC. Il n’a pas obtempéré quand l’AT no 1, sorti un instant de la voiture de police, lui a ordonné de le faire. Il a plutôt fait demi-tour pour fuir la police. Il s’est dirigé vers le sud sur Washburn Way et a fini par tourner vers l’ouest sur l’avenue Sheppard Est, à partir de Gateforth Drive.

L’AI a suivi la Hyundai sur l’avenue Sheppard sur une courte distance, puis le véhicule a fait un virage à gauche et s’est immobilisé dans le stationnement du centre culturel chinois du grand Toronto, au 5183, avenue Sheppard Est, environ 200 mètres à l’ouest de Gateforth Drive. L’agent a immobilisé sa voiture derrière le véhicule Hyundai, puis avec l’AT no 1, il est sorti et s’est approché de la portière du conducteur.

À peu près à ce moment, les AT nos 2 et 3 sont arrivés sur les lieux dans une autre voiture de police, qu’ils ont immobilisée devant la Hyundai. Les deux agents sont sortis et se sont aussi approchés de la portière du conducteur.

Le plaignant a reçu l’ordre de sortir du véhicule, mais il ne s’est pas exécuté immédiatement. Il se retenait au volant pendant que les agents tentaient de le sortir de la Hyundai. Voyant qu’il refusait toujours de sortir, l’AI et l’AT no 1 ont attrapé le plaignant et l’ont sorti de force. Celui-ci s’est alors retrouvé au sol.

Les agents ont fait rouler le plaignant sur le côté gauche et l’ont menotté les mains derrière le dos.

Après son arrestation, le plaignant a dit avoir mal à la hanche gauche. Une ambulance a été appelée et l’a conduit à l’hôpital, où une fracture de la hanche gauche et des fractures de deux côtes gauches ont été diagnostiquées.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a été grièvement blessé durant son arrestation effectuée par des agents du Service de police de Toronto le 14 mai 2023. L’un des agents ayant procédé à l’arrestation, soit l’AI, a été désigné comme l’agent impliqué pour les besoins de l’enquête de l’UES qui a suivi. L’enquête est maintenant terminée et, d’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle ayant un lien avec l’arrestation et les blessures du plaignant.

Conformément au paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents ne peuvent être reconnus coupables d’avoir fait usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, à condition que cette force ne dépasse pas ce qui est raisonnablement nécessaire pour accomplir quelque chose que la loi les oblige ou les autorise à faire.

L’AI et les autres agents concernés étaient fondés à chercher à mettre le plaignant sous garde. Ils avaient en effet des motifs de croire que le plaignant conduisait un véhicule volé tout en étant en état d’ébriété, d’après les renseignements transmis durant un appel au 911 et aussi d’après l’odeur d’alcool émanant du plaignant lorsque la portière du conducteur de la Hyundai a été ouverte.

Pour ce qui est de la force employée par l’AI et les autres agents, soit la force utilisée pour le sortir du véhicule et le maîtriser une fois au sol, il m’est impossible de conclure qu’elle était excessive. Il était justifié de vouloir sortir le plaignant de la Hyundai le plus vite possible. Celui-ci était en état d’ébriété et représentait un véritable risque pour sa propre sécurité et pour celle des agents et du public s’il continuait de conduire le véhicule. Dans les circonstances, j’ai la conviction que les agents avaient des motifs raisonnables d’agir comme ils l’ont fait en sortant le plaignant du véhicule, puisqu’il tardait à obéir à l’ordre de sortir. Comme les enregistrements vidéo le montrent, la manœuvre n’a pas été exécutée avec un degré de force injustifié. Il ne semble pas non plus que l’AT no 1 ait exercé une force excessive lorsqu’il a temporairement placé les genoux sur le dos et sur les fesses du plaignant.

En définitive, bien que je convienne qu’une ou plusieurs blessures du plaignant puissent s’être produites durant son arrestation, je n’ai pas de motifs suffisants de croire que quelque blessure que ce soit puisse être attribuable à des agissements illégaux de la part de l’AI ou d’autres agents. Par conséquent, il n’y a pas lieu de porter des accusations dans cette affaire, et le dossier est clos.


Date : Le 12 septembre 2023

Signature électronique

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les renseignements contenus dans cette section reflètent les informations reçues par l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les conclusions de fait de l’UES à la suite de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les enregistrements contiennent des renseignements personnels confidentiels qui ne peuvent être divulgués, conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les renseignements utiles pour l’enquête sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.