Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-PCI-168

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves subies par un homme de 33 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

Le 5 mai 2023, à 2 h 39 du matin, la Police provinciale de l’Ontario a contacté l’UES et communiqué les renseignements suivants.

Le 4 mai 2023, à 17 h 42, des agents de la Police provinciale se sont rendus à une résidence du secteur de Highway 11 et Coldwater Road, à Orillia, où une femme (la témoin civile – TC) avait signalé que le plaignant avait tenté de l’étrangler et l’avait agressée. Le plaignant était déjà parti lorsque les agents de la Police provinciale sont arrivés chez elle, mais ils ont emmené la TC au détachement d’Orillia de la Police provinciale pour recueillir sa déclaration. Des agents ont ensuite reconduit la TC chez elle et sont restés sur place pour surveiller le secteur au cas où le plaignant reviendrait. Vers 21 h 18, le plaignant est revenu à la résidence, et la TC a allumé et éteint la lumière de son perron pour signaler qu’elle avait besoin d’aide. Trois agents de la Police provinciale sont entrés dans son appartement, ont trouvé le plaignant et l’ont informé qu’il était en état d’arrestation. Le plaignant a asséné un coup de poing à un agent, mais il a finalement été maîtrisé et conduit à l’Hôpital Soldiers’ Memorial d’Orillia, où l’on a constaté qu’il avait le nez cassé et une fracture de l’os orbitaire droit.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 5 mai 2023 à 6 h 42

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 5 mai 2023 à 8 h 57

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 33 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 5 mai 2023.


Témoins civils (TC)

TC A participé à une entrevue

La TC a participé à une entrevue le 5 mai 2023.

Agent impliqué (AI)

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorisait en tant qu’agent impliqué.

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 11 mai 2023.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont produits à l’intérieur et aux environs d’une chambre à coucher d’une résidence du secteur de Highway 11 et de Coldwater Road, à Orillia.

Au moment de la notification par la Police provinciale, les lieux n’avaient pas été sécurisés.

Un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a été chargé de prendre des photos du plaignant, au Centre correctionnel du Centre-Nord, le 6 mai 2023 à 13 h.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]

Vidéo du système de caméra à bord du véhicule de police de l’AT no 1

La Police provinciale a transmis cette vidéo à l’UES 12 mai 2023.

Le 4 mai 2023, à 21 h 28, le plaignant a été filmé alors qu’il était assis sur le siège arrière d’un véhicule de la Police provinciale. Son œil droit était enflé et ensanglanté et il saignait du nez. Aucune conversation n’a été enregistrée.

Appel au 9-1-1

Le 26 mai 2023, la Police provinciale a transmis à l’UES l’enregistrement de l’appel au 9-1-1.

Le 4 mai 2023, à 17 h 37, la TC a composé le 9-1-1, mais a ensuite raccroché. Quand le répartiteur de la Police provinciale l’a rappelée, elle lui a dit que le plaignant l’avait attaquée en lui serrant la gorge et qu’il était belliqueux. Elle a ajouté qu’il était maintenant parti et qu’il était inutile que la Police provinciale vienne chez elle. Elle a également déclaré qu’il consommait de la drogue, mais qu’elle ne savait pas s’il en avait consommé ce jour-là. La TC a dit au répartiteur de la Police provinciale que le plaignant n’était pas armé et qu’il avait des problèmes de santé mentale. Il avait déjà été arrêté et placé en probation. La TC ne voulait pas que le plaignant aille en prison, mais elle ne voulait pas non plus qu’il revienne chez elle.

Enregistrements des communications et rapport de la répartition assistée par ordinateur (RAO)

Le 26 mai 2023 et le 1er juin 2023, la Police provinciale a fourni les enregistrements des communications.

Le répartiteur de la Police provinciale avertit les agents qu’il était interdit au plaignant de posséder des armes à feu à la suite d’une condamnation pour voies de fait. Le plaignant n’avait pas respecté une ordonnance de probation. Le répartiteur ajoute que le plaignant s’est déjà montré agressif envers des agents de la Police provinciale dans le passé.

Un agent de la Police provinciale dit par radio que, lors d’interventions précédentes, on pensait que le plaignant avait quitté les lieux, mais qu’il s’était caché dans son placard.

L’AT no 1 annonce qu’il conduit la TC au détachement de la Police provinciale.

L’AT no 1 retourne ensuite à la résidence et, à 21 h 18, dit qu’une lumière clignote sur le patio et que la porte arrière est ouverte. A 21 h 20, on annonce par radio qu’une personne est sous garde.

À 21 h 21, on annonce qu’une ambulance est en route. L’AI dit qu’il doit se rendre à l’hôpital pour se faire examiner.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, la Police provinciale a remis à l’UES les éléments et documents suivants entre le 8 mai et le 1er juin 2023 :
• Rapport d’arrestation;
• Photo du plaignant à l’enregistrement;
• Rapport de répartition assistée par ordinateur;
• Enregistrements des communications;
• Vidéo de la caméra du véhicule de l’AT no 1;
• Liste des agents de police concernés;
• Rapport sur les personnes concernées;
• Résumé de l’incident;
• Notes de l’AT no 3;
• Notes de l’AT no 2;
• Notes de l’AT no 1;
• Compte-rendu d’entrevue avec la TC.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments suivants obtenus auprès d’autres sources :
• Dossier médical du plaignant (Hôpital Soldiers’ Memorial d’Orillia), reçu le 8 mai 2023.

Description de l’incident

Les événements en question ressortent clairement des éléments de preuve recueillis par l’UES et peuvent être brièvement résumés comme suit. L’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES ni autorisé la communication de ses notes, comme c’était son droit.

Dans la soirée du 4 mai 2023, des agents de la Police provinciale ont reconduit la TC à son domicile, dans le secteur de Highway 11 et de Coldwater Road, à Orillia. Elle revenait du détachement d’Orillia de la Police provinciale, où elle avait fait une déclaration à la police détaillant une agression qui avait été perpétrée contre elle par le plaignant plus tôt ce jour-là. Inquiet pour le bien-être de la TC, l’un des agents – l’AT no 1 – est resté à proximité au cas où le plaignant, qui vivait dans la résidence, mais avait quitté les lieux après l’agression, reviendrait.

L’AT no 1 a vu le plaignant revenir et entrer dans l’appartement du rez-de-chaussée et a demandé des renforts par radio. L’AI et l’AT no 2 l’ont rejoint, et les trois agents sont entrés dans la résidence. Le plaignant est sorti de la chambre et a poussé l’AT no 1. L’AI est intervenu et a plaqué le plaignant sur le plancher de la chambre. Il s’en est suivi une mêlée par terre durant laquelle l’AI et le plaignant ont échangé des coups de poing. Les agents ont finalement réussi à maîtriser le plaignant et à le menotter dans le dos.

Après son arrestation, le plaignant a été conduit directement à l’hôpital en ambulance où il a reçu un diagnostic de fractures du nez et de l’os orbital droit.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 4 mai 202, le plaignant a été grièvement blessé lors de son arrestation par des agents de la Police provinciale. Un de ces agents a été désigné comme étant l’agent impliqué (AI) aux fins de l’enquête de l’UES. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué le dossier de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec l’arrestation et les blessures du plaignant.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police sont exonérés de toute responsabilité criminelle pour le recours à la force dans l’exécution de leurs fonctions, à condition que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’accomplissement d’un acte qu’ils étaient tenus ou autorisés à faire en vertu de la loi.

L’AI et ses collègues étaient en droit de chercher à arrêter le plaignant pour voies de fait. La TC avait parlé à la police et décrit en détail une altercation physique impliquant le plaignant plus tôt dans la journée.

En ce qui concerne la force utilisée par l’AI, à savoir un placage à terre suivi de plusieurs coups de poing au visage du plaignant, je suis convaincu qu’elle était légalement justifiée. Le plaignant s’était précipité sur les agents dès que ceux-ci l’avaient confronté et il avait poussé l’AT no 1. Dans les circonstances, un placage à terre semble une tactique légitime pour permettre aux agents de rapidement contrer toute autre agression de la part du plaignant. Par la suite, lorsque le plaignant a décidé de frapper l’AI et lui a donné un ou plusieurs coups de poing au visage, l’agent avait le droit de réagir proportionnellement pour se défendre. Il l’a fait de la même manière – en assénant lui-même plusieurs coups de poing – après quoi le plaignant a été menotté et les hostilités ont pris fin. Au vu de ce dossier, je ne peux pas raisonnablement conclure que la force utilisée par l’agent était disproportionnée compte tenu des circonstances du moment.

En conséquence, même si j’admets que les blessures au visage du plaignant ont probablement été causées par la force utilisée par l’AI, je ne suis pas convaincu qu’on puisse les attribuer à une conduite illégale de la part de l’agent. Il n’y a donc pas de raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.


Date : 1er septembre 2023


Approuvé par voie électronique par


Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les renseignements contenus dans cette section reflètent les informations reçues par l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les conclusions de fait de l’UES à la suite de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les éléments de preuve suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes des enregistrements sont résumées ci-après. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.