Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-TCD-127

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 32 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

Le 28 avril 2023, à 20 h 9, le Service de police de Toronto (SPT) a avisé l’UES du décès du plaignant.

Selon le SPT, le 28 avril 2023, à 10 h 16, le plaignant a été arrêté sans incident pour trafic de stupéfiants. Au cours de son transport vers le commissariat de la 51e division, il a ingéré une substance blanche inconnue et a été emmené à l’Hôpital St. Michael. Le plaignant est resté stable tout au long de la journée, mais a plus tard cessé de présenter des signes vitaux. Son décès a été constaté à 19 h 46.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 29 avril 2023, à 8 h 34

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 29 avril 2023, à 8 h 46

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
 
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 32 ans, décédé

Témoins civils

TC N’a pas participé à une entrevue; plus proche parent

Agents impliqués

AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué
AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 11 mai 2023.

Éléments de preuve

Les lieux

Le plaignant a été arrêté à l’intersection de la rue Jarvis et de la rue Wellesley Est, à Toronto. L’intersection est située dans une zone commerciale très fréquentée où circulent des véhicules, des vélos et des piétons. Le SPT n’a pas érigé de périmètre de sécurité, et l’UES n’a pas examiné les lieux de l’incident.

L’UES s’est rendue au commissariat de la 51e division et a examiné le véhicule du SPT conduit par l’AT no 2, un Ford Explorer.

Figure 1 – WO #2’s Ford Explorer
Figure 1 – Ford Explorer de l’AT no 2

Figure 2 – Back seat of WO #2’s Ford Explorer
Figure 2 – Siège arrière du Ford Explorer de l’AT no 2


Pendant le transport, on a sorti le plaignant du véhicule de police à l’intersection de l’avenue Homewood et de la rue Carlton. Le SPT n’a pas érigé de périmètre de sécurité, et l’UES n’a pas examiné les lieux de l’incident.

Éléments de preuve matériels

Un sac de plastique contenant une substance blanche inconnue que les agents avaient retiré de la bouche du plaignant gisait sur le sol à l’extérieur du véhicule de police. Le SPT a saisi le sac et son contenu.

Figure 3 – Plastic bag on the ground outside the police vehicle
Figure 3 – Sac de plastique sur le sol à l’extérieur du véhicule de police

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]

Enregistrements vidéo captés par la caméra d’intervention – AI no 2

Vers 10 h 14, on voit l’AI no 2 et l’AI no 1, qui roulent à vélo. L’AI no 1 est devant. L’AI no 1 descend de son vélo et porte le plaignant au sol. Il retourne le plaignant et lui place les mains derrière le dos.

Vers 10 h 15, l’AT no 2 menotte le plaignant, les mains derrière le dos. On lui dit qu’il est en état d’arrestation pour trafic de drogue.

Vers 10 h 16 min 28 s, l’AI no 1 et l’AI no 2 aident le plaignant à se lever debout sur le trottoir et le fouillent. La fouille consiste à retourner les poches avant et arrière de son pantalon ainsi que les poches de son chandail à capuchon et de sa veste, à soulever le bas de sa chemise, à fouiller la taille de son pantalon, à soulever le bas de son pantalon et à retourner le haut de ses chaussettes, à vérifier l’intérieur du capuchon de son chandail et à saisir les effets personnels trouvés.

Vers 10 h 18 min 54 s, la fouille est terminée et le plaignant est assis sur la bordure du trottoir.

Vers 10 h 22, l’AT no 2 examine le siège arrière de son véhicule de police.

Vers 10 h 23, l’AI no 2 examine le siège arrière du véhicule de police conduit par l’AT no 2, puis place le plaignant dans le véhicule.

Enregistrements vidéo captés par la caméra d’intervention – AI no 1

Vers 10 h 14, on voit l’AI no 1 procéder à l’arrestation du plaignant, qui est au sol; il lui tient les deux poignets. Il le retourne sur le ventre, et l’AT no 2 le menotte.

Vers 10 h 16 min 28 s, l’AI no 1 et l’AI no 2 placent le plaignant debout et le fouillent [3].

Vers 10 h 17, l’AI no 1 remarque que le plaignant porte un pantalon long à l’extérieur et deux pantalons courts en dessous.

Vers 10 h 22, l’AI no 1 et l’AI no 2 vérifient le siège arrière du véhicule de police de l’AT no 2.

Vers 10 h 23, l’AI no 2 place le plaignant sur le siège arrière du véhicule de police de l’AT no 2, côté conducteur.
 

Enregistrements vidéo captés par la caméra d’intervention – AT no 2

Vers 10 h 14, on voit l’AT no 2 au volant d’un véhicule de police. Il se stationne et aide l’AI no 1 et l’AI no 2 à menotter le plaignant, les mains derrière le dos.

Vers 10 h 21, l’AT no 1 fait part au plaignant de son droit à un avocat. Le plaignant affirme qu’il n’a rien fait. Les agents placent le plaignant sur le siège arrière du véhicule de police, côté conducteur.

[La caméra d’intervention de l’AT no 2 a été éteinte pendant le transport; toutefois, la caméra à bord du véhicule enregistrait (infrarouge). La caméra d’intervention a été réactivée pour la séquence d’événements suivante, qui s’est déroulée sur l’avenue Homewood, à l’intersection de la rue Carlton].

Vers 10 h 28, l’AT no 2 arrête le véhicule de police et ouvre la portière arrière, côté conducteur. Le plaignant est allongé sur le siège arrière, les pieds en l’air et la tête vers le bas, sur le sol. L’AT no 2 demande trois fois au plaignant de s’asseoir et d’ouvrir la bouche.
 

Enregistrements vidéo captés par la caméra d’intervention – AT no 1

La vidéo captée par la caméra d’intervention de l’AT no 1 présente le même point de vue que celle captée par la caméra de l’AT no 2, avec les images supplémentaires suivantes.

Vers 10 h 16, l’AI no 1 et l’AI no 2 aident le plaignant à se relever. Ils fouillent ses multiples couches de vêtements et ses poches et saisissent plusieurs objets. Le plaignant demande la raison de son arrestation, et l’AT no 1 répond « trafic ». Le plaignant nie l’allégation.

Vers 10 h 18, la fouille est terminée et le plaignant est assis sur la bordure du trottoir.

Vers 10 h 23, l’AI no 2 aide le plaignant à se lever et l’emmène au véhicule de police.

[La caméra d’intervention de l’AT no 1 a été éteinte pendant le transport; toutefois, la caméra à bord du véhicule enregistrait. La caméra d’intervention a été réactivée pour la séquence d’événements suivante, qui s’est déroulée sur l’avenue Homewood, à l’intersection de la rue Carlton].

Vers 10 h 32, l’AT no 2, l’agent no 1 et l’agent no 2 luttent avec le plaignant devant la portière arrière du véhicule de police. L’AT no 2 retire un sac de plastique transparent déchiré de la bouche du plaignant et le remet à l’agent no 3.

Vers 10 h 33, l’AT no 1 demande au répartiteur d’envoyer une ambulance.

À 10 h 34, le plaignant est allongé sur le sol.

Vers 10 h 35, le plaignant vomit.

Vers 10 h 36, le plaignant dit qu’il n’a rien avalé. Il ne veut pas aller à l’hôpital.

Vers 10 h 38, l’AT no 2 aide le plaignant à se redresser.

Vers 10 h 39, l’AT no 2 demande au plaignant comment il se sent, ce à quoi le plaignant répond qu’il va bien et qu’il veut parler à son avocat. L’AT no 2 dit au plaignant qu’il doit se rendre à l’hôpital, puis le place sur le siège arrière du véhicule de police.

Vers 10 h 39, le service d’incendie de Toronto arrive, et l’AT no 1 dit que le plaignant a avalé de la drogue et qu’on l’emmène à l’hôpital. L’AT no 1 avise le répartiteur que les agents transporteront le plaignant à l’Hôpital St. Michael.

Vers 10 h 41, l’AT no 2 dit au plaignant qu’il ne veut pas qu’il meure. Le plaignant répond qu’il n’a rien avalé.
 

Images captées par la caméra à bord du véhicule de police

Vers 10 h 23, on voit un agent placer le plaignant, menotté, sur le siège arrière du véhicule, côté conducteur. Le plaignant est agité et bouge constamment. Il ramène ses mains devant lui, près de sa ceinture et de la poche gauche de son pantalon, et semble vouloir prendre quelque chose dans sa poche. Il bouge les pieds. L’AT no 2 demande au plaignant pourquoi il bouge autant. Le plaignant répond que les menottes sont trop serrées. L’AT no 2 demande à nouveau au plaignant ce qu’il fait.

Vers 10 h 26, le véhicule de police commence à se déplacer. Il se dirige vers l’est sur la rue Wellesley Est et tourne à droite sur l’avenue Homewood. Tandis que le véhicule de police est en mouvement, le plaignant continue de bouger. Il place sa jambe droite sur le siège arrière, côté passager, puis s’appuie sur la portière côté conducteur et pose ses deux pieds sur le siège. Il regarde le plancher, puis il se tourne sur son côté gauche, et regarde à nouveau le plancher.

Vers 10 h 28 min 43 s, le véhicule de police s’arrête sur l’avenue Homewood, à l’intersection de la rue Carlton. Lorsque le véhicule de police s’arrête, le plaignant tombe, face première, du siège arrière où il était allongé. Sa tête se retrouve dans l’espace pour les pieds, et ses jambes sont sur le siège, côté passager.

Vers 10 h 28 min 46 s, l’AT no 2 ouvre la porte arrière, côté conducteur. L’AT no 2 demande au plaignant ce qu’il fait, lui dit de s’asseoir et saisit ses épaules. Il tente de sortir les épaules et la tête du plaignant de l’espace pour les pieds et tire partiellement le plaignant hors du véhicule par la portière en le retournant. L’AT no 2 demande au plaignant d’ouvrir la bouche. Le plaignant répond qu’il n’a rien dans la bouche. L’AT no 1 entre par la portière arrière pour aider l’AT no 2. L’AT no 2 demande à plusieurs reprises au plaignant d’ouvrir la bouche, de ne pas avaler et de cracher ce qu’il a dans la bouche. Il demande au plaignant ce qu’il a dans la bouche, et en quelle quantité. Le plaignant répète qu’il n’a rien dans la bouche. Lorsque le plaignant se redresse et que sa tête est visible, il semble être en train de mâcher.

Vers 10 h 32, d’autres agents arrivent pour prêter main-forte. Les agents demandent au plaignant ce qu’il a dans la bouche et s’il en a avalé. Le plaignant continue de nier qu’il a de la drogue ou qu’il a avalé quoi que ce soit.

Vers 10 h 34, les agents s’éloignent du plaignant. Pendant les quelque quatre minutes qui suivent, le plaignant est allongé sur le sol. Les agents sont près de lui et l’encouragent à vomir. Les agents lui disent qu’une ambulance arrive et qu’il doit se rendre à l’hôpital. Il continue de nier avoir avalé quoi que ce soit ou avoir besoin d’aide médicale, et demande à plusieurs reprises à être plutôt emmené au poste de police.

Vers 10 h 39, les agents assoient le plaignant sur le siège arrière du véhicule de police. Il semble cohérent.

Vers 10 h 40, le véhicule de police commence à se diriger vers l’Hôpital St. Michael. Le plaignant nie posséder ou avoir avalé de la drogue. L’AT no 2 et l’AT no 1 répètent à plusieurs reprises qu’ils s’inquiètent à propos du plaignant et de ce qu’il a ingéré, et qu’ils l’emmènent à l’hôpital.

Vers 10 h 45, ils arrivent à l’Hôpital St. Michael. Le plaignant sort du véhicule de police par lui-même. Il marche normalement entre l’AT no 2 et l’AT no 1, chaque agent lui tenant un bras.

Enregistrements des communications du SPT

De 9 h 26 à 10 h 12, il y a eu de multiples transmissions radio par l’AI no 2, l’AI no 1, l’agent no 4, l’agent no 5, l’AT no 2 et l’AT no 1 au sujet d’une plainte de la population concernant des transactions de drogue sur lesquelles ils enquêtaient, près de la rue Jarvis et de la rue Wellesley Est. Les transmissions comprenaient des descriptions d’un homme [on sait maintenant qu’il s’agit du plaignant] et de ses actions, ce qui a permis d’établir des motifs d’arrestation pour trafic de drogue.

Vers 10 h 13, un agent [on croit qu’il s’agit de l’agent no 4 ou de l’agent no 5] déclare que les agents peuvent « agripper » le plaignant.

Vers 10 h 17, on procède à l’arrestation du plaignant.

Vers 10 h 25, l’AT no 1 dit au répartiteur qu’elle et l’AT no 2 ont arrêté le plaignant et l’emmèneront au commissariat de la 51e division.

Vers 10 h 29, l’AT no 1 dit que les agents se sont arrêtés sur l’avenue Homewood, à la hauteur de la rue Carlton, parce qu’ils ont un problème avec le plaignant. On demande un autre agent et, presque immédiatement, on entend un homme dire qu’il est sur les lieux avec l’AT no 2 et l’AT no 1.

Vers 10 h 33, on demande une ambulance pour le plaignant, qui a avalé du fentanyl ou du crack.

Vers 10 h 39, l’AT no 1 annule la demande d’ambulance, car les agents ont décidé d’emmener eux mêmes le plaignant à l’hôpital.

Vers 10 h 45, un homme dit qu’ils sont arrivés à l’Hôpital St. Michael.

Documents obtenus du service de police

Sur demande, l’UES a reçu les éléments suivants de la part du SPT entre le 29 avril 2023 et le 9 mai 2023 :
• liste des agents concernés;
• rapport d’incident général;
• procédure – arrestation et mise en liberté;
• procédure – fouille de personnes;
• procédure – personnes détenues;
• rapport sur les détails de l’événement;
• notes de l’AT no 2;
• notes de l’AT no 1;
• enregistrement des communications;
• enregistrements des caméras d’intervention;
• vidéos captées par le système de caméra à bord des véhicules de police.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les documents suivants auprès d’autres sources et les a examinés :
• rapport sur les résultats préliminaires de l’autopsie du Service de médecine légale de l’Ontario, reçu le 29 avril 2023;
• dossier médical du plaignant de l’Hôpital St. Michael, reçu le 29 avril 2023.

Description de l’incident

Il est possible d’établir clairement les principaux événements qui se sont produits en fonction des éléments de preuve recueillis par l’UES; de même, le tout peut être résumé brièvement. Comme la loi les y autorise, les agents impliqués ont choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES et de refuser que l’on communique leurs notes concernant l’incident.

Le matin du 28 avril 2023, des agents du SPT effectuaient une surveillance à l’intersection de la rue Wellesley Est et de la rue Jarvis à la suite de plaintes de la population concernant le trafic de drogue. On a vu le plaignant prendre part à ce qui semblait être une transaction de drogue. Les agents qui effectuaient la surveillance ont demandé à ce qu’on l’arrête.

L’AI no 1 et l’AI no 2, qui effectuaient une patrouille à vélo, ont entendu l’appel et ont procédé à l’arrestation du plaignant au coin nord-ouest de l’intersection. L’arrestation s’est déroulée sans incident. Les agents ont porté le plaignant au sol et l’y ont maintenu jusqu’à l’arrivée de l’AT no 1 et de l’AT no 2, à bord de leur véhicule.

L’AT no 2, qui est arrivé quelques minutes plus tard, a menotté le plaignant, les mains derrière le dos, puis les agents ont levé le plaignant et l’ont soumis à une fouille. L’AI no 1 et l’AI no 2 ont effectué la fouille simultanément. Les agents ont saisi un certain nombre d’effets personnels pendant la fouille, mais n’ont trouvé aucune drogue.

Après la fouille, les agents ont placé le plaignant sur le siège arrière, côté conducteur du véhicule de l’AT no 1 et de l’AT no 2 pour l’emmener au poste de police. Pendant le trajet, le plaignant s’est agité, a bougé les pieds et a porté ses mains menottées à la ceinture et à la poche gauche de son pantalon. Lorsque l’AT no 2 lui a demandé ce qu’il faisait, le plaignant a répondu que les menottes étaient trop serrées. Le plaignant a continué de s’agiter jusqu’à ce qu’il se couche sur son côté gauche, les jambes sur le siège arrière, côté passager.

Puisqu’il ne voyait plus le plaignant dans son rétroviseur, l’AT no 2 a arrêté son véhicule sur l’avenue Homewood, à l’intersection de la rue Carlton. Lui et l’AT no 1 sont sortis pour vérifier l’état du plaignant. Le plaignant s’est retrouvé face première dans l’espace pour les pieds du passager arrière, côté conducteur et a réussi à mettre dans sa bouche un sac de plastique contenant une poudre blanche. Les agents lui ont dit de cracher le sac et ont tenté de le faire sortir du véhicule. L’AT no 2 a fini par faire sortir le sac de la bouche du plaignant. À ce moment-là, la majeure partie de la poudre blanche n’était plus dans le sac.

Soupçonnant que le plaignant avait ingéré de la drogue, les agents ont appelé une ambulance, puis ont décidé de transporter eux-mêmes le plaignant à l’hôpital. Ils sont arrivés à l’hôpital vers 10 h 45. Le décès du plaignant a été constaté à l’hôpital à 19 h 46.

Dispositions législatives pertinentes

Articles 219 et 220, Code criminel -- Négligence criminelle causant la mort

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.
(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :
a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;
b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

Analyse et décision du directeur

Le 28 avril 2023, le SPT a contacté l’UES pour signaler que le plaignant, qui avait été arrêté plus tôt dans la journée, est décédé à l’hôpital. L’UES a ouvert une enquête et a désigné l’AI no 1 et l’AI no 2 comme agents impliqués. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’un ou l’autre des agents impliqués a commis une infraction criminelle.

L’infraction possible à l’étude est la négligence criminelle causant la mort, aux termes de l’article 220 du Code criminel. Cette infraction est réservée aux cas de négligence graves qui montrent une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. Cette infraction est fondée en partie sur une conduite qui constitue un écart marqué et important par rapport au niveau de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans des circonstances similaires. Dans l’affaire qui nous concerne, la question est de savoir s’il y a eu, de la part de l’un ou l’autre des agents impliqués, un manque de diligence qui aurait causé le décès du plaignant ou qui y aurait contribué, et, le cas échéant, s’il est suffisamment grave pour justifier des sanctions criminelles. À mon avis, ce n’est pas le cas.

Les éléments de preuve ne permettent pas de remettre en cause la légitimité de l’arrestation du plaignant pour trafic de drogue. Le plaignant avait été vu en train de prendre part à une transaction de drogue, et l’AI no 1 et l’AI no 2 étaient en droit de procéder à l’arrestation du plaignant. Dans ces conditions, les agents étaient également en droit de fouiller le plaignant à la recherche d’éléments de preuve et d’armes potentielles, conformément aux pouvoirs que leur confère la common law.

En ce qui concerne le temps passé par le plaignant sous la garde de l’AI no 1 et de l’AI no 2, je suis convaincu que les agents ont agi en tenant dûment compte de la santé et de la sécurité du plaignant. La seule question qu’il convient d’examiner concerne la pertinence de la fouille qu’ils ont effectuée lorsqu’ils n’ont pas réussi à trouver et à saisir un sac contenant vraisemblablement une substance illicite. On peut toutefois régler rapidement cette question en regardant l’enregistrement vidéo qui a capté la fouille. À mon avis, cet enregistrement permet d’établir que les agents ont procédé avec diligence à une fouille qui a duré deux minutes et demie : ils ont palpé le plaignant par-dessus ses vêtements, soulevé le bas de sa chemise, retourné les poches de sa veste, de son chandail et de son pantalon, retourné le haut de ses chaussettes et vérifié si un objet se trouvait dans la taille de son pantalon.

Il se peut que le plaignant ait dissimulé la drogue dans ses sous-vêtements ou dans ses cavités corporelles, ce qu’une fouille à nu aurait permis de découvrir, mais je ne suis pas persuadé que les circonstances justifiaient une telle fouille. Dans l’affaire R c. Golden, [2001] 3 RCS 679, la Cour suprême du Canada a établi qu’une fouille à nu n’est appropriée que si, dans le cadre d’une arrestation légitime, l’on a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une telle fouille est nécessaire pour trouver des éléments de preuve ou des armes. En outre, compte tenu de l’atteinte grave qu’elles portent à la vie privée et à la dignité personnelle, les fouilles à nu ne devraient généralement être effectuées qu’au poste de police, sauf en cas d’urgence. Dans l’affaire qui nous concerne, il ne semblait pas s’agir d’un cas exceptionnel justifiant une fouille à nu exécutée sur le terrain. Le plaignant, qui a semblé cohérent tout au long de la procédure, a nié à plusieurs reprises être en possession de drogue.

Par conséquent, bien qu’il soit très regrettable que le plaignant ait pu avoir accès à de la drogue qui se trouvait sur ou dans sa personne tandis qu’il était sous la garde de la police, et qu’il semble être décédé des suites de la consommation de cette drogue, son décès n’est pas attribuable au fait que l’un ou l’autre des agents impliqués ait enfreint les limites de diligence prescrites par le droit criminel. Par conséquent, il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles contre les agents. Le dossier est clos.


Date : 25 août 2023

Approuvé par voie électronique par


Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les renseignements contenus dans cette section correspondent à ceux reçus par l’UES au moment où elle a été notifiée et ne correspondent pas nécessairement aux conclusions de l’UES à l’issue de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les enregistrements en question contiennent des renseignements personnels de nature délicate et ne sont donc pas divulgués, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces enregistrements sont résumées ci-dessous. [Retour au texte]
  • 3) Les détails de la fouille sont présentés dans le résumé des enregistrements vidéo captés par la caméra d’intervention de l’AI no 2. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.