Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 22-OFD-264

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 25 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

Le 10 octobre 2022, à 2 h 12, la Police régionale de York (PRY) a informé l’UES des blessures subies par le plaignant.

Selon la PRY, le 9 octobre 2022, à 23 h 50, des agents de la PRY se sont rendus à Universal Eventspace, au 6250, boulevard Vaughan Valley, en réponse à un signalement concernant un homme muni d’une arme à feu qui aurait brandi celle-ci. L’un des agents de la PRY a tiré avec sa carabine C8 sur le plaignant, l’atteignant à la cuisse. Le plaignant a été transporté au Centre Sunnybrook des sciences de la santé, et au moment de la notification, il était en chirurgie.
 

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 10 octobre 2022, à 2 h 39

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 10 octobre 2022, à 5 h 20

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 3
 

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 25 ans; décédé


Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue
TC no 6 A participé à une entrevue
TC no 8 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue
TC no 7 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à des entrevues entre le 10 octobre 2022 et le 21 décembre 2022.

Agents impliqués

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 17 janvier 2023.


Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 6 A participé à une entrevue
AT no 7 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 8 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 9 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

Les agents témoins ont participé à des entrevues entre le 12 octobre 2023 et le 18 octobre 2023.


Retards dans l’enquête

L’enquête a pris du retard en raison de sa complexité, du volume des preuves recueillies, de la charge de travail et de la nécessité d’attendre le rapport d’autopsie.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont produits dans la salle de bal principale d’Universal Eventspace, un établissement situé au 6250, route 7 à Vaughan, et aux alentours de cette salle.

Le lundi 10 octobre 2022, à 5 h 20, les enquêteurs de l’UES sont arrivés sur les lieux.


Figure 1 – L’entrée principale d’Universal Eventspace

Figure 1 – L’entrée principale d’Universal Eventspace


Universal Eventspace est un grand centre événementiel. Une scène surélevée était installée le long du mur ouest, et il y avait des vendeurs de nourriture et des bars servant des boissons alcoolisées. À la date en question, un concert a eu lieu dans l’établissement, de 15 h à 23 h.

L’interaction entre le plaignant et les agents de la PRY a commencé dans le hall, près des portes d’entrée du côté sud, puis s’est poursuivie dans la salle de bal principale Studio 4.


Figure 2 – Intérieur de la salle de bal principale

Figure 2 – Intérieur de la salle de bal principale

Schéma des lieux

L’UES a examiné les lieux de l’incident et a créé le schéma ci-dessous, qui montre l’emplacement des éléments de preuve matériels.

 Schéma des lieux

Schéma



Éléments de preuve matériels

Les principaux éléments de preuve recueillis au cours de l’enquête sont les suivants :
  • La carabine semi-automatique Colt modèle C8 de calibre 5,56 x 45 mm de l’AI.

Figure 3 – La carabine C8 de l’AI.

Figure 3 – La carabine C8 de l’AI.

  • Un pistolet semi-automatique Glock modèle 26 retrouvé près du plaignant. Le pistolet contenait une cartouche Luger non tirée de 9 mm dans la chambre et neuf cartouches Luger non tirées de 9 mm dans le chargeur d’une capacité de 10 cartouches.

Figure 4 – Le pistolet Glock retrouvé près du plaignant

Figure 4 – Le pistolet Glock retrouvé près du plaignant


Figure 5 – Photographie des lieux montrant où le pistolet Glock a été retrouvé

Figure 5 – Photographie des lieux montrant où le pistolet Glock a été retrouvé

  • Flaque de sang derrière la scène, à ce que l’on croit être la position finale du plaignant.
  • Trou de balle créé par la carabine C8 de l’AI. La PRY a récupéré la balle tirée derrière le mur et l’a remise à l’UES.
  • Une balle tirée par la carabine C8 de l’AI a été retrouvée sur le sol, près des gants jetables noirs. La PRY a récupéré cette balle et l’a remise à l’UES.
  • Deux balles tirées par la carabine C8 de l’AI ont été récupérées du corps du plaignant lors de l’autopsie et recueillies par l’UES.
  • Quatre douilles de balles tirées par la carabine C8 de l’AI ont été récupérées par l’UES.

Éléments de preuves médicolégaux


Rapport biologique du Centre des sciences judiciaires (CSJ)

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont soumis au CSJ un échantillon prélevé sur la poignée du pistolet Glock 26 retrouvé, ainsi qu’un échantillon de contrôle du sang/sérum du plaignant, afin d’étudier la possibilité d’établir des profils d’ADN pour déterminer s’il peut être exclu comme source d’ADN.

Le rapport biologique du CSJ, daté du 10 décembre 2022, indique que l’ADN de trois personnes, dont au moins un homme, a été relevé. La conclusion du médecin légiste est la suivante :

Selon les résultats de l’analyse STR de l’ADN, on estime que la probabilité que l’ADN soit celui du plaignant et de deux personnes non identifiées est plus d’un billion de fois plus élevée que la probabilité qu’il s’agisse de l’ADN de trois personnes non identifiées qui n’ont aucun lien avec le plaignant.
 

Rapport sur les armes à feu

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont soumis la carabine C8 de l’AI, quatre douilles de balle tirée et quatre balles endommagées au CSJ à des fins d’examen. La demande visait à déterminer si les quatre douilles récupérées à Universal Eventspace ainsi que les quatre balles retrouvées (deux provenant d’Universal Eventspace et deux de l’autopsie du plaignant) correspondent à la carabine C8 de l’AI.

Le rapport du CSJ sur les armes à feu, daté du 31 janvier 2023, a été reçu par l’UES et confirme que la carabine C8 correspond aux quatre douilles et aux quatre balles examinées.

Témoignage d’expert


Rapport d’autopsie

À la lumière de l’autopsie, le médecin légiste a conclu que le décès du plaignant était attribuable à des « blessures par balle au torse ».

Le plaignant a subi cinq blessures par balle pénétrantes et perforantes :
  • Une blessure était située au-dessus de la hanche droite. La balle s’est déplacée vers le haut et de droite à gauche, et a été retrouvée logée dans la partie gauche de la poitrine du plaignant.
  • Une blessure était située sur le côté de la hanche droite. La balle s’est déplacée vers le haut et de droite à gauche, et s’est logée dans le flanc gauche.
  • Une blessure était située en dessous du pli fessier droit. La balle s’est déplacée vers le bas et d’arrière en avant, et est sortie par le bas du milieu de la cuisse droite.
  • Une blessure était située sur le côté de la cuisse droite. La balle s’est déplacée d’arrière en avant sans déviation verticale ou latérale importante et est sortie par le milieu de la partie antérieure de la cuisse droite.
  • Une blessure était située au bas du milieu de la cuisse gauche, à l’arrière de celle-ci. La balle s’est déplacée de l’arrière vers l’avant et est sortie par le bas du milieu de la cuisse gauche, à l’avant de celle-ci.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]


Enregistrements vidéo d’Universal Eventspace – caméras du hall d’entrée et de la salle de bal

Dans la soirée du 9 octobre 2023, on voit le plaignant en train de marcher dans le hall d’entrée, tenant deux contenants alimentaires en polystyrène dans sa main gauche. Sa main droite est dans la poche avant de son chandail à capuchon.
 
L’AI et l’AT no 3 entrent dans le hall d’entrée par la gauche du plaignant tandis que celui-ci passe devant eux. L’AI pointe sa carabine C8 en direction du plaignant en s’approchant de lui par l’arrière, à sa gauche.

Le plaignant retire une arme à feu de la poche droite de son chandail et la place dans la ceinture ou la poche avant de son pantalon.


Figure 6 – Capture d’écran de la vidéo montrant le plaignant tenant une arme à feu dans sa main droite.

Figure 6 – Capture d’écran de la vidéo montrant le plaignant tenant une arme à feu dans sa main droite.

 
Le plaignant regarde par-dessus son épaule gauche et semble tenir l’arme à feu à travers le devant de son pantalon avec sa main droite. Il se met à courir vers le sud, en direction de la salle de bal.


Figure 7 – Capture d’écran de la vidéo montrant le plaignant regardant l’AI par-dessus son épaule gauche tout en gardant sa main droite près de sa ceinture, tenant vraisemblablement l’arme à feu qu’il a placée à cet endroit.

Figure 7 – Capture d’écran de la vidéo montrant le plaignant regardant l’AI par-dessus son épaule gauche tout en gardant sa main droite près de sa ceinture, tenant vraisemblablement l’arme à feu qu’il a placée à cet endroit.


L’AI pousse le plaignant avec le canon de sa carabine C8 alors que celui-ci tourne vers la droite (vers l’ouest) pour entrer dans la salle de bal Studio 4. Le plaignant laisse tomber sa nourriture et continue de courir vers la salle de bal.

Le plaignant entre dans la salle de bal Studio 4 depuis le hall d’entrée, suivi par l’AI. Le plaignant semble tenir l’arme à feu à travers le devant de son pantalon avec sa main gauche tandis qu’il lève le bras droit en l’air.


Figure 8 – Capture d’écran de la vidéo montrant le plaignant entrant dans la salle de bal avec sa main gauche près de sa ceinture, tenant vraisemblablement l’arme à feu, et son bras droit en l’air.

Figure 8 – Capture d’écran de la vidéo montrant le plaignant entrant dans la salle de bal avec sa main gauche près de sa ceinture, tenant vraisemblablement l’arme à feu, et son bras droit en l’air.


Le plaignant court entre les petites scènes vers l’arrière de la scène principale.

Le plaignant court vers l’ouest et tourne vers le nord, en direction de l’arrière de la scène principale. L’AI le suit de près. Le bras droit du plaignant est levé, et son bras gauche reste près de lui.


Figure 9 – Capture d’écran d’une vidéo montrant le plaignant courant vers la scène principale de la salle de bal, la main gauche près de sa ceinture. L’AI le suit de près.

Figure 9 – Capture d’écran d’une vidéo montrant le plaignant courant vers la scène principale de la salle de bal, la main gauche près de sa ceinture. L’AI le suit de près.


Le plaignant recule, puis trébuche, ce qui correspondrait au moment où il est atteint par la première balle.


Figure 10 – Capture d’écran de la vidéo montrant le plaignant au moment où l’on croit qu’il a été atteint par la première balle de l’AI.

Figure 10 – Capture d’écran de la vidéo montrant le plaignant au moment où l’on croit qu’il a été atteint par la première balle de l’AI.

Le plaignant tourne dans le sens horaire et s’effondre derrière la scène, hors du champ de la caméra.
 

Images captées par la caméra à bord du véhicule de police

La vidéo captée par la caméra à bord du véhicule de police montre un agent se rendant sur les lieux après l’incident, puis stationnant son véhicule dans le stationnement d’Universal Eventspace. Aucun élément de la vidéo n’a de valeur probante ou n’a permis de faire avancer l’enquête.
 

Enregistrements des communications par radio de la police

Vers 23 h 50, l’AT no 2 communique avec le répartiteur par radio pour signaler qu’un homme [on sait maintenant qu’il s’agit du plaignant] en possession d’une arme à feu se trouve dans le centre événementiel. Il fournit une description du plaignant. L’AT no 2 indique que lui, l’AT no 1 et l’AI s’apprêtent à entrer dans le centre.

Vers 23 h 51, l’AT no 5 dit aux agents de ne pas entrer. Il leur demande de se placer aux sorties et de relever les plaques d’immatriculation des véhicules quittant les lieux.

L’AT no 2 informe le répartiteur que le plaignant a une arme de poing noire dans sa ceinture, à l’avant.

L’AT no 3 avise le répartiteur qu’il voit le plaignant et que celui-ci porte un chandail à capuchon.

Vers 23 h 52, l’AT no 2 déclare « coups tirés, coups tirés ».

L’AT no 3 demande au répartiteur d’envoyer les services médicaux d’urgence car des coups de feu ont été tirés et que le plaignant a été atteint.

Vers 23 h 53, l’AT no 2 signale que le plaignant est au sol et qu’il a une blessure à la jambe. Il saigne abondamment et on lui pose un garrot à la jambe – il est nécessaire que les services médicaux d’urgence interviennent rapidement.

Vers 23 h 54, l’AT no 1 indique qu’une arme à feu a été trouvée près de la scène principale.

Enregistrements vidéo captés par la caméra d’intervention de l’AT no 9

La caméra d’intervention de l’AT no 9 a capté huit images fixes de feuilles de notes contenant les noms et les coordonnées d’employés travaillant à l’établissement où a eu lieu l’incident. Les images ont été examinées et jugées sans intérêt pour l’enquête.

Documents obtenus du service de police

Sur demande, l’UES a reçu les éléments suivants de la part de la PRY entre le 11 octobre 2022 et le 24 janvier 2023 :
  • rapport d’incident général;
  • enregistrements des communications;
  • rapport du système de répartition assistée par ordinateur;
  • enregistrement vidéo capté par le système de caméra à bord du véhicule de police;
  • enregistrement vidéo capté par la caméra d’intervention;
  • notes de l’AT no 1;
  • notes de l’AT no 3;
  • notes de l’AT no 2;
  • notes de l’AT no 6;
  • notes de l’AT no 4;
  • notes de l’AT no 5;
  • notes de l’AT no 8;
  • notes de l’AT no 9;
  • notes de l’AT no 7;
  • AI – formation de requalification annuelle sur le recours à la force, 2022;
  • AI – formation de requalification sur la carabine C8, 2022;
  • politique – gestion de l’équipement;
  • politique – établissement d’un périmètre de sécurité, intervention en cas de prise d’otages et personnes barricadées qui sont armées;
  • politique – entreposage sécuritaire des armes à feu de la police;
  • politique – recours à la force.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources et les a examinés :
  • enregistrement vidéo d’Universal Eventspace;
  • rapport sur les conclusions préliminaires de l’autopsie du Service de médecine légale de l’Ontario (SMLO);
  • rapport d’autopsie du SMLO, daté du 14 mars 2023;
  • rapport biologique du CSJ;
  • rapport sur les armes à feu du CSJ.

Description de l’incident

Les éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment les entrevues menées avec l’AI et des témoins civils et de la police ainsi que les séquences vidéo qui ont capté en partie l’incident, permettent d’établir le scénario suivant.

Dans la soirée du 9 octobre 2022, l’AI et d’autres agents de la PRY se trouvaient dans le stationnement du centre événementiel Universal Eventspace, situé au 6250, route 7, à Vaughan. Les agents se trouvaient dans le secteur au cas où des services de police seraient nécessaires, car il y avait un grand rassemblement à cet endroit en raison de spectacles de musique. Vers 23 h 50, le TC no 5 est sorti du hall d’entrée pour parler aux agents. Il leur a dit qu’un homme a montré une arme à feu dans le hall d’entrée.

L’homme en question était le plaignant. Il était en possession d’un pistolet semi automatique Glock modèle 26 chargé.

L’AI faisait partie des agents présents, avec l’AT no 2, l’AT no 6, l’AT no 3 et l’AT no 1. Les agents ont transmis par radio l’information qu’on leur avait communiquée, et un sergent leur a ordonné d’établir un périmètre de sécurité autour de l’immeuble, mais de ne pas y entrer. L’AI s’est armé d’une carabine C8 et est entré dans le vestibule de l’immeuble, où il est resté pendant plusieurs minutes, demandant aux gens de sortir et les empêchant d’entrer. L’AT no 3, qui était à côté de lui, a vu le plaignant dans le hall d’entrée à travers les portes vitrées intérieures et l’a pointé à l’AI. Les agents, rejoints par l’AT no 1, ont décidé d’entrer dans le hall pour appréhender le plaignant.

Le plaignant marchait en direction sud, tenant des contenants de nourriture dans sa main gauche. Il a remarqué les agents derrière lui, mais a continué à marcher alors qu’ils lui ordonnaient de s’arrêter, de se coucher par terre et de montrer ses mains, et il a retiré un pistolet de la poche droite de son chandail à capuchon et l’a placé dans la poche droite ou la ceinture de son pantalon. Le plaignant a accéléré le pas et a tourné à droite pour traverser des portes menant dans le hall principal.

L’AI a rattrapé le plaignant aux portes du hall principal et l’a frappé dans le dos avec le canon de sa carabine C8. L’impact a fait trébucher le plaignant et lui a fait perdre momentanément l’équilibre, mais il a pu se redresser et poursuivre son chemin dans le hall. L’AI l’a suivi à une distance d’un à trois mètres, sa carabine pointée vers le plaignant, et l’AT no 3 et l’AT no 1 étaient derrière lui et continuaient à crier des ordres. Alors que le plaignant se dirigeait vers le nord-ouest et s’approchait de l’arrière de la scène principale qui avait été érigée dans le hall, l’AI a tiré avec son arme à feu à deux reprises.

Le plaignant a tressailli et est tombé vers l’avant, face première, sur le sol derrière la scène. Quelques instants plus tard, le plaignant a roulé sur le côté gauche et a tendu la main droite vers sa ceinture, et l’AI a tiré deux autres coups de feu [3]. Le plaignant a levé les bras au dessus de sa tête et a été menotté.

Les agents présents sur place, y compris l’AI, ont commencé à administrer les premiers soins. Des garrots ont été apposés aux deux jambes du plaignant. Il a ensuite été transporté à l’hôpital, puis est décédé le lendemain.

L’arme à feu semi-automatique du plaignant a été retrouvée près du coin sud-ouest de la scène derrière laquelle il a couru.

Cause du décès

À la lumière de l’autopsie, le médecin légiste a conclu que le décès du plaignant était attribuable à des « blessures par balle au torse ».

Dispositions législatives pertinentes

Article 34, Code criminel -- Défense de la personne -- emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :
a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger -- ou de défendre ou de protéger une autre personne -- contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
c) agit de façon raisonnable dans les circonstances
(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :
a) la nature de la force ou de la menace
b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
c) le rôle joué par la personne lors de l’incident
d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause
g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime
(3) Le paragraphe (1) ne s’applique pas si une personne emploie ou menace d’employer la force en vue d’accomplir un acte qu’elle a l’obligation ou l’autorisation légale d’accomplir pour l’exécution ou le contrôle d’application de la loi, sauf si l’auteur de l’acte constituant l’infraction croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle n’agit pas de façon légitime.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a été blessé par balle par un agent de la PRY à Vaughan le 9 octobre 2022. Le lendemain, il a succombé à ses blessures. L’AI a été désigné comme agent impliqué aux fins de l’enquête de l’UES. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement au décès du plaignant.

Aux termes de l’article 34 du Code criminel, l’emploi d’une force qui constituerait autrement une infraction est légalement justifié si cette force est utilisée pour dissuader une personne de poser un geste qui représente une agression réelle ou une menace d’agression, raisonnablement appréhendée, et que la force ainsi employée est elle-même raisonnable. En ce qui concerne le caractère raisonnable de la force, il faut l’évaluer en fonction des facteurs pertinents, notamment en ce qui a trait à des considérations telles que la nature de la force ou de la menace, la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel, la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme ainsi que la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force.

L’AI exerçait ses fonctions légitimes lorsqu’il a confronté le plaignant avec l’intention de procéder à son arrestation. Bien qu’un supérieur lui ait demandé d’établir un périmètre de sécurité, mais de ne pas entrer dans l’établissement, l’agent a expliqué qu’il n’a pas respecté cette instruction parce qu’il estimait qu’il y avait un risque réel que le plaignant utilise une arme à feu et qu’il était urgent que la police intervienne. Compte tenu de ce qu’il savait du comportement antérieur du plaignant, à savoir qu’il avait brandi une arme vers des personnes dans le hall, et puisqu’il savait que le plaignant se trouvait toujours sur les lieux en présence d’autres personnes, les inquiétudes de l’argent n’étaient pas sans fondement.

Je suis convaincu que l’AI a agi pour se protéger d’une attaque raisonnablement appréhendée lorsqu’il a tiré sur le plaignant. C’est ce que l’agent a déclaré à l’UES, et son témoignage est appuyé par les circonstances qui prévalaient au moment de l’incident. Bien que l’AI n’ait pas vu l’arme du plaignant, il avait des raisons de croire que celui-ci était effectivement en possession d’une arme, car il avait apparemment montré cette arme et menacé des gens avec celle-ci quelques instants plus tôt. En outre, le plaignant fuyait l’agent en gardant sa main gauche près de sa ceinture, refusait de s’arrêter et de montrer ses mains comme on le lui demandait, et plaçait de temps en temps sa main droite devant lui, près de sa ceinture, en regardait derrière lui, en direction de l’agent. En ce qui concerne les deux premiers coups de feu, compte tenu du comportement du plaignant, il était raisonnable que l’agent craigne que celui-ci saisisse son arme pour s’en servir contre lui et il a donc jugé qu’une force défensive immédiate était nécessaire. Il en va de même pour les autres coups de feu. Même si le plaignant s’est retrouvé au sol, il se retournait sur son côté gauche et tendait de nouveau la main droite vers sa ceinture lorsque l’AI a tiré [4].

La nature et l’ampleur de la force utilisée par l’AI étaient également raisonnables. Si l’AI avait des motifs raisonnables de craindre, comme je suis convaincu que c’était le cas pour chaque vague de coups de feu, que le plaignant était sur le point de sortir une arme qu’il avait sur lui et de tirer, il est difficile de voir quelle autre option l’agent avait à sa disposition pour se protéger. Il était nécessaire, à ce moment-là, de neutraliser immédiatement le plaignant, et son arme à feu était la seule arme que l’agent avait à sa disposition dans les circonstances pour y parvenir. On pourrait faire valoir, en faisant référence à l’instruction initiale selon laquelle les agents ne devaient pas confronter le plaignant, que l’AI n’aurait jamais dû se retrouver dans cette position. Quel que soit le bien-fondé de ce point de vue, il faut mentionner que l’AI avait également des raisons claires et démontrables de ne pas respecter cette instruction, compte tenu de la menace réelle que représentait le plaignant. Par la suite, lorsque l’AI est intervenu auprès du plaignant, la retraite n’était pas une option viable compte tenu de la rapidité avec laquelle les événements se sont déroulés et de la présence d’autres personnes dans l’établissement.

En conclusion, puisqu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a enfreint les limites de diligence prescrites par le droit criminel, il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles contre l’agent. Le dossier est clos.

Date : 12 juillet 2023

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les renseignements contenus dans cette section correspondent à ceux reçus par l’UES au moment où elle a été notifiée et ne correspondent pas nécessairement aux conclusions de l’UES à l’issue de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les enregistrements en question contiennent des renseignements personnels de nature délicate et ne sont donc pas divulgués, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces enregistrements sont résumées ci-dessous. [Retour au texte]
  • 3) Quatre douilles provenant de la carabine C8 de l’AI ont été retrouvées sur les lieux, ce qui laisse supposer qu’il a tiré quatre balles. Lors de l’autopsie, le médecin légiste a toutefois relevé cinq blessures provoquées par l’entrée d’une balle, ce qui laisse croire que cinq balles pourraient avoir été tirées; cependant, il est possible que deux de ces blessures (très probablement la blessure à la cuisse gauche et l’une des blessures à la jambe droite) aient été causées par la même balle. [Retour au texte]
  • 4) Cette conclusion se fonde principalement sur le témoignage de l’AI, puisque le plaignant est tombé derrière la scène et était hors du champ des caméras de surveillance après les premiers coups de feu. Bien que je n’accepte pas en tant qu’élément de preuve l’intégralité du témoignage de l’AI, la plupart des principaux aspects de celui-ci sont confirmés par la vidéo, et l’AI semble être un témoin honnête, car il a admis ne pas avoir vu le plaignant brandir l’arme à feu. Le fait que le plaignant ait roulé sur son côté gauche sur le sol avant d’être atteint par balle est également appuyé par les éléments de preuve matériels, qui indiquent que le plaignant a subi deux blessures par balle près de sa hanche droite et que les balles se sont déplacées de droite à gauche et vers le haut. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.