Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-POD-079

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet du décès d’un homme de 67 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

Le 12 mars 2023, à 12 h 7, la Police provinciale de l’Ontario (Police provinciale) a avisé l’UES du décès du plaignant.

D’après les renseignements fournis par la Police provinciale, le 11 mars 2023, à 19 h 35, le Détachement du comté de Brant a reçu un appel de la témoin civile (TC) no 1. Elle a demandé que la police procède à une vérification du bien-être auprès d’un membre de sa famille, le plaignant, lequel était alcoolique et avait déjà été mis sous médication. Trois agents de la Police provinciale se sont présentés au domicile du plaignant, à St. George. À leur arrivée, ils ont constaté que le plaignant était tombé. Le plaignant a refusé de recevoir des soins médicaux. Le 12 mars 2023, à 10 h, la TC no 1 a de nouveau téléphoné à la police. Des agents de la Police provinciale sont retournés au domicile du plaignant pour procéder à une vérification du bien-être. Ils ont retrouvé le plaignant gelé, et mort, à l’extérieur de sa résidence.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 12 mars 2023 à 14 h 10

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 12 mars 2023 à 15 h 20

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
 
Nombre d’enquêteurs spécialistes
des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 67 ans; décédé

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 N’a pas participé à une entrevue; proche

Les témoins civils ont participé à des entrevues le 13 mars 2023.

Agents témoins (AT)

AT no 1 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées et entrevue jugée non nécessaire
AT no 2 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées et entrevue jugée non nécessaire
AT no 3 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées et entrevue jugée non nécessaire
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à des entrevues entre le 21 mars 2023 et le 28 mars 2023.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements sont survenus à l’intérieur et autour du domicile du plaignant, à St. George.

L’UES s’est rendue sur les lieux le 11 mars 2023, à 15 h 20, et a rencontré les agents qui assuraient la sécurisation des lieux.

Le corps du plaignant a été retrouvé dans la neige, juste devant la porte d’entrée ouverte de son domicile. Le plaignant ne portait pas des vêtements adéquats pour le temps qu’il faisait — il ne portait qu’un léger chandail, des jeans et des bas, et n’avait pas de chaussures.

Le domicile n’affichait aucun signe d’entrée par effraction et il n’y avait aucune trace de pas ou de véhicules dans l’aire de stationnement enneigée. Dans la résidence, les plafonniers étaient allumés et il y avait un peu partout des bouteilles d’alcool vides, sauf une pleine.

Ce soir-là, la température minimale enregistrée était de moins sept degrés Celsius [2].

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [3]

Les lieux n’étaient munis d’aucun équipement d’enregistrement vidéo. Les agents qui sont intervenus et leurs véhicules de police n’étaient pas non plus munis d’un tel équipement.

Enregistrements de communications de la police

Le 11 mars 2023, vers 19 h 31, la TC no 1 a téléphoné au Centre de communication de la Police provinciale et a demandé que la police procède à une vérification du bien-être auprès du plaignant. La TC no 1 a indiqué que le plaignant était un alcoolique invétéré et qu’il n’allait pas bien dernièrement. Elle croyait qu’il ne s’était peut-être pas présenté à un rendez-vous médical ce jour-là. La TC no 1 a indiqué qu’elle n’arrivait pas à joindre le plaignant depuis plusieurs heures. Elle a informé l’opérateur que la voiture du plaignant était à l’extérieur de son domicile et qu’elle ne croyait pas qu’il ait déjà eu des problèmes de santé mentale.

Trois agents de la Police provinciale ont été dépêchés au domicile du plaignant avec ces renseignements en main, ainsi que ceux concernant un appel de nature similaire en 2022. L’agent qui était intervenu en 2022 avait indiqué dans ses notes que le plaignant avait possiblement des problèmes de santé mentale, mais n’avait pas « signalé » le plaignant comme une personne à risque en raison de problèmes de santé mentale.

Documents obtenus auprès du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les documents et les éléments suivants auprès du Détachement du comté de Brant de la Police provinciale entre le 12 mars 2023 et le 17 mars 2023 :
  • Détails de l’incident — mort subite
  • Rapport supplémentaire
  • Notes de l’AT no 3
  • Notes de l’AT no 1
  • Notes de l’AT no 2
  • Notes de l’AT no 4
  • Notes de l’AT no 5
  • Photos des lieux prises par l’AT no 2
  • Rapport sur la mort subite
  • Photos des lieux
  • Enregistrements de communications

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources et les a examinés :
  • Rapport préliminaire des résultats de l’autopsie réalisée par le Service de médecine légale de l’Ontario

Description de l’incident

La preuve recueillie par l’UES dresse un portrait clair des principaux événements, lesquels peuvent être résumés succinctement comme suit.

Dans la soirée du 11 mars 2023, l’AT no 5, l’AT no 4 et l’agent no 1 ont été dépêchés au domicile du plaignant, à St. George, pour procéder à une vérification du bien-être. Une membre de la famille — la TC no 1 — avait téléphoné à la police lorsqu’elle avait appris que le plaignant ne s’était pas présenté à un rendez-vous médical. Les agents ont rencontré la TC no 1 au domicile du plaignant. Elle leur a remis une clé du domicile.

Lorsqu’ils sont entrés à l’intérieur, la TC no 1 et les agents ont trouvé le plaignant sur le palier, en haut d’un escalier. La TC no 1 est montée en premier et a parlé au plaignant, en compagnie de l’agent no 1. Ils l’ont aidé à se relever puis à s’asseoir sur le palier, l’ont examiné pour déterminer s’il était blessé et lui ont demandé s’il souhaitait obtenir des soins médicaux. Le plaignant a indiqué qu’il n’avait pas besoin d’une ambulance. La TC no 1 était d’accord. Les agents sont partis après une vingtaine de minutes, étant entendu que la TC no 1 resterait avec le plaignant.

La TC no 1 est restée un certain temps, puis a parlé au plaignant et lui a dit d’aller se coucher et qu’elle reviendrait le voir le lendemain matin. Le plaignant était d’accord.

Le lendemain, la TC no 1 a de nouveau appelé la police, car elle n’arrivait pas à joindre le plaignant et était inquiète. Plusieurs heures plus tard, des agents de la Police provinciale se sont présentés au domicile de la TC no 1 pour lui annoncer le décès du plaignant. Deux agents avaient été dépêchés au domicile du plaignant et l’avaient retrouvé mort près d’une porte latérale de son domicile.

Dispositions législatives pertinentes

Articles 220 du Code criminel -- Négligence criminelle causant la mort

220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :
a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;
b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

Article 31 de la Loi sur les permis d’alcool et la réglementation des alcools — Ivresse

31 (1) Nul ne doit être en état d’ivresse :

a) dans un lieu où le public accède sur invitation ou permission;

b) dans la partie d’une habitation à plusieurs logements qui sert à l’usage commun.

(2) Un agent de police ou un agent de protection de la nature peut, sans mandat, procéder à l’arrestation de quiconque contrevient au paragraphe (1) si, à son avis, la protection d’autres personnes exige cette mesure. 

Article 17 de la Loi sur la santé mentale -- Intervention de l’agent de police

17 Si un agent de police a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une personne agit ou a agi d’une façon désordonnée et qu’il a des motifs valables de croire que cette personne :
a) soit a menacé ou tenté de s’infliger des lésions corporelles ou menace ou tente de le faire
b) soit s’est comportée ou se comporte avec violence envers une autre personne ou de manière à lui faire craindre qu’elle lui causera des lésions corporelles
c) soit a fait ou fait preuve de son incapacité de prendre soin d’elle-même
et qu’en plus, il est d’avis que cette personne souffre, selon toute apparence, d’un trouble mental d’une nature ou d’un caractère qui aura probablement l’une des conséquences suivantes :
d) elle s’infligera des lésions corporelles graves
e) elle infligera des lésions corporelles graves à une autre personne
f) elle subira un affaiblissement physique grave
et qu’il serait dangereux d’agir selon les termes de l’article 16, il peut amener sous garde cette personne dans un lieu approprié afin qu’elle soit examinée par un médecin.

Analyse et décision du directeur

Le 12 mars 2023, des agents de la Police provinciale ont retrouvé le plaignant mort à l’extérieur de sa résidence, à St. George. Comme il avait eu une interaction avec la police la veille, l’UES a ouvert une enquête. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon examen de la preuve, je n’ai aucun motif raisonnable de croire qu’un agent de police a commis une infraction criminelle en lien avec le décès du plaignant.

L’infraction sur laquelle il faut se pencher dans cette affaire est la négligence criminelle causant des lésions corporelles, en contravention de l’article 220 du Code criminel. Cette infraction est réservée aux cas graves de négligence qui témoignent d’une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. L’infraction repose, en partie, sur une conduite constituant un écart marqué et substantiel par rapport au degré de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans les mêmes circonstances. Dans l’affaire en question, il faut donc déterminer si les agents qui ont initialement rencontré le plaignant le 11 mars 2023 n’ont pas fait preuve de la diligence requise et si ce manque de diligence, le cas échéant, pourrait avoir causé le décès du plaignant ou y avoir contribué, et pourrait être considéré comme suffisamment grave pour justifier l’imposition d’une sanction pénale. À mon avis, cela n’est pas le cas.

L’agent no 1, l’AT no 5 et l’AT no 4 exerçaient leurs fonctions de façon légitime lorsqu’ils ont rencontré le plaignant le 11 mars 2023. Le principal devoir d’un agent de police est de protéger et de préserver la vie. Lorsqu’ils ont été avisés de l’appel de la TC no 1 et dépêchés au domicile du plaignant, les agents avaient le devoir de faire tout ce qui était en leur pouvoir pour assurer le bien-être du plaignant.

Je suis également persuadé que les agents ont fait preuve d’une diligence adéquate lorsqu’ils se sont présentés chez le plaignant pour procéder à une vérification du bien être. Sous la direction de l’agent no 1, les agents ont parlé avec le plaignant et se sont assurés qu’il n’était pas blessé. Bien qu’il semblait affaibli et ivre, il n’avait aucune blessure apparente. Lorsqu’ils lui ont demandé s’il souhaitait recevoir des soins médicaux, le plaignant a décliné. À ce stade, les agents ne pouvaient pas faire grand chose d’autre. Puisque le plaignant était dans son domicile et était sous la surveillance d’un membre de sa famille, les agents n’avaient pas les motifs requis pour l’arrêter pour ivresse publique en vertu de l’article 31 de la Loi sur les permis d’alcool et la réglementation des alcools. Ils n’avaient pas non plus des motifs suffisants pour le placer en garde à vue en vertu de l’article 17 de la Loi sur la santé mentale, car on ne leur avait fourni aucune information permettant de croire que le plaignant souffrait d’un trouble mental.

Puisque je n’ai aucun motif de croire que les agents qui ont rencontré le plaignant le 11 mars 2023 ont transgressé les limites de diligence prescrites par le droit criminel, il n’y a pas lieu de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est donc clos.


Date : 7 juillet 2023


Approuvé électroniquement par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les renseignements fournis dans cette section reflètent les renseignements fournis à l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les faits constatés par l’UES dans le cadre de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) https://www.theweathernetwork.com/ca/monthly/ontario/st-george?year=2023&month=3&dispt=calendar-container-monthly. [Retour au texte]
  • 3) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.