Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-OOD-074

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 37 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

Le 7 mars 2023, à 0932, le coroner régional principal a signalé ce qui suit à l’UES.

Le 3 mars 2023, vers 6 h, des agents du Service de police régional de Durham (SPRD) se sont rendus dans un immeuble de la rue Simcoe, à Oshawa, pour procéder à une vérification du bien-être. La famille du plaignant avait demandé qu’il soit appréhendé en vertu de la Loi sur la santé mentale. Les agents ont rencontré le plaignant, mais ne l’ont pas appréhendé. Environ une heure après leur départ, le plaignant s’est jeté en bas de l’immeuble et est mort.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 7 mars 2023 à 11 h 54

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 7 mars 2023 à 13 h 15

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5

Nombre d’enquêteurs spécialistes des
sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 37 ans; décédé

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 N’a pas participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à des entrevues entre le 9 mars 2023 et le 15 mars 2023.

Agents impliqués (AI)

AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué; ses notes ont été reçues et examinées
AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Agent témoin (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue

L’agent témoin a participé à une entrevue le 10 mars 2023.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements sont survenus à l’intérieur et autour d’un appartement de la rue Simcoe Nord, à Oshawa.

Puisque l’appel à la police remontait à un certain temps, l’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES ne s’est pas rendu sur les lieux.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]

Appels au 911

Appel no 1

Le 3 mars 2023, vers 3 h 59 min 27 s, le TC no 1 demandé qu’on envoie la police, car une personne indésirable, le plaignant, est à sa porte d’entrée. Le TC no 1 explique que, le 2 mars 2023, la caméra de sa sonnette a filmé le plaignant en train de proférer des menaces et d’essayer d’entrer dans l’appartement du TC no 1. Le TC no 1 avait composé le numéro pour les appels non urgents et on lui avait dit que la police avait appréhendé le plaignant. On lui avait aussi dit de composer le 911 si le plaignant se présentait de nouveau chez lui. Le plaignant devait aller à l’hôpital pour qu’on s’occupe de lui, car il traversait une crise de santé mentale à ce moment-là. Il avait déjà menacé de se causer du tort dans le passé. Le TC no 1 ne croit pas qu’il soit nécessaire d’envoyer une ambulance pour le plaignant. Il ne se comportait pas de manière violente. Le TC no 1 fournit de plus amples renseignements sur le comportement du plaignant et sur ses tentatives d’entrer chez lui. On signale ensuite que le plaignant a quitté la résidence, à pied. L’opérateur du 911 informe le TC no 1 que la police est à la recherche du plaignant et lui demandé de rappeler si le plaignant revient.

Appel no 2

Le 3 mars 2023, vers 5 h 42 min 24 s, le TC no 3 téléphone au 911 pour signaler qu’une personne [on sait maintenant qu’il s’agissait du plaignant] est tombée d’une fenêtre sur la rue Simcoe Nord et demander qu’on envoie une ambulance. Le plaignant n’a pas de pouls. L’opérateur du 911 guide le TC no 3 afin qu’il puisse réaliser des manœuvres de réanimation cardiopulmonaire (RCP) et lui demande de poursuivre les compressions jusqu’à l’arrivée des secours.

Transmissions radio

Le 3 mars 2023, vers 4 h 15 min 21 s, le répartiteur avise la police que le TC no 1 a demandé qu’on envoie la police chez lui, car le plaignant s’est présenté à sa porte en état de crise et doit être emmené à l’hôpital. Le répartiteur fournit des renseignements sur le comportement du plaignant. Quelqu’un mentionne que la police s’était rendue à cette adresse la veille et que des agents avaient ramené le plaignant chez lui. Il semblerait que le plaignant ait quitté son appartement par la suite. Le TC no 1 a demandé que la police se rende chez lui et qu’on emmène le plaignant se faire examiner.

Vers 5 h 43 min 43 s, une ambulance est demandée pour un homme qui est tombé d’une fenêtre sur la rue Simcoe Nord. Le TC no 3 a indiqué que l’homme n’avait pas de pouls et qu’il allait pratiquer la RCP jusqu’à ce que les secours arrivent.

Vers 6 h 3 min 1 s, des ambulanciers paramédicaux constatent le décès du plaignant à 6 h.

Vidéo enregistrée depuis un immeuble de la rue Simcoe Nord

Le 15 mars 2023, l’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a obtenu des enregistrements provenant du système de caméras de sécurité de l’immeuble.

Hall d’entrée

Le 3 mars 2023, vers 3 h 28 min 25 s, on voit le plaignant sortir des ascenseurs, puis quitter l’immeuble en sortant par le vestibule de l’entrée principale.

Vers 4 h 28 min 27 s, le plaignant entre dans le vestibule de l’entrée principale et se dirige vers l’ascenseur.

Vers 4 h 42 min 44 s, deux agents en uniforme [on sait maintenant qu’il s’agissait de l’AI no 2 et de l’AI no 1] entrent dans le vestibule de l’entrée principale et rencontrent un autre agent en uniforme [on sait maintenant qu’il s’agissait de l’AT]. Ils se dirigent vers l’ascenseur.

Vers 4 h 51 min 45 s, les trois agents sortent de l’ascenseur et quittent l’immeuble.

Entrée principale

Le 3 mars 2023, environ 1 h 28 min 36 s après le début de la vidéo, le plaignant pénètre dans le vestibule et se rend dans le hall d’entrée.

Entre 1 h 42 min 52 s et 1 h 45 min 1 s après le début de la vidéo, l’AI no 2 et l’AI no 1 entrent dans le vestibule et semblent composer un numéro sur l’interphone. L’AT entre dans le vestibule et les rejoint. Les trois agents pénètrent dans le hall d’entrée.

Environ 1 h 52 min 6 s après le début de la vidéo, les trois agents sortent de l’immeuble.

Ascenseur 1

Le 3 mars 2023, entre 3 h 27 min 45 s et 3 h 28 min 25 s, le plaignant entre dans l’ascenseur. Le plaignant regarde une fois en direction de la caméra, puis se tient tête baissée. Le plaignant sort de l’ascenseur.

Entre 4 h 28 min 59 s et 4 h 29 min 31 s, le plaignant entre dans l’ascenseur tout en retirant sa capuche. Le plaignant sort de l’ascenseur.

Vers 4 h 45 min 7 s, l’AI no 2, l’AI no 1 et l’AT entrent dans l’ascenseur et en sortent à l’étage où habite le plaignant.

Vers 4 h 51 min 3 s, l’AI no 2, l’AI no 1 et l’AT entrent dans l’ascenseur et sortent dans le hall d’entrée.

Corridor

Le 3 mars 2023, entre 3 h 26 min 53 s et 4 h 29 min 31 s, le plaignant sort de son appartement et se dirige vers l’ascenseur. Le plaignant pénètre dans l’ascenseur. Le plaignant revient.

Vers 4 h 45 min 49 s, l’AI no 2, l’AI no 1 et l’AT sortent de l’ascenseur et se rendent à l’appartement du plaignant. Ils frappent à la porte. Les trois agents attendent dans le couloir.

Entre 4 h 48 min 51 s et 4 h 49 min 46 s, l’AI no 2 et l’AI no 1 pénètrent dans l’appartement. Puis, les agents sortent de l’appartement, se dirigent vers l’ascenseur et partent.

Entre 5 h 13 min 42 s et 5 h 16 min 42 s, le plaignant sort de son appartement et tente d’ouvrir la porte de l’appartement situé en face du sien. Il court d’un bout à l’autre du couloir à trois reprises, puis retourne à son appartement. Le plaignant tente d’ouvrir la porte de son appartement, se retourne et s’accroupit face à la fenêtre.

Vers 5 h 33 min 23 s, le TC no 5 se rend à l’ascenseur et prend une vidéo du plaignant au moyen de son téléphone portable.

Entre 5 h 35 min 41 s et 5 h 40 min 49 s, on voit le plaignant se comporter de façon erratique dans le couloir.

Est

Le 3 mars 2023, vers 5 h 41 min 9 s, le plaignant court jusqu’au bout du couloir et saute par la fenêtre, tête la première.

Vidéo enregistrée par le TC no 5 au moyen de son téléphone portable

Le 3 mars 2023, le TC no 5 sort de son appartement et se dirige vers les ascenseurs. Dans la vidéo, on voit le plaignant se comporter de façon erratique devant une fenêtre au bout du couloir. Il respire bruyamment, semble délirer et crie.
 

Vidéo enregistrée par la caméra de la sonnette

Le 2 mars 2023, vers 12 h 56, le plaignant s’approche d’une résidence, tente d’ouvrir la porte d’entrée et sonne à la porte. Il demande qu’on le laisse entrer et profère des menaces. Ensuite, le plaignant se retourne, descend du porche et se dirige vers l’extrémité de l’allée.

Entre 4 h 21 et 4 h 23, le plaignant est devant la porte d’entrée et tente de l’ouvrir. Le plaignant porte des écouteurs. Le plaignant sonne à la porte et tente d’ouvrir la porte d’entrée.

Entre 4 h 27 et 4 h 30, le plaignant fait les cent pas sous le porche tout en parlant. Le plaignant tente d’ouvrir la porte, sonne la sonnette et essuie ses pieds sur le sol sept fois.

Vers 4 h 33, deux véhicules utilitaires sport de la police, entièrement identifiés, se garent dans la rue. Trois agents en uniforme et le TC no 1 se tiennent dans l’allée.

Enregistrement vidéo provenant d’un commerce sur la rue Simcoe Nord

Le 3 mars 2023, vers 5 h 41 min 17 s, on voit des éclats de verre tomber d’en haut.

Vers 5 h 41 min 18 s, le plaignant tombe d’en haut. Il atterrit sur le côté gauche et roule sur le dos.

Entre 5 h 41 min 59 s et 5 h 44 min 11 s, le TC no 3 s’approche du plaignant. Le TC no 3 se penche, prend le pouls carotidien gauche du plaignant, puis s’agenouille à côté de lui.
 

Vidéos captées par les caméras d’intervention

Voici un résumé des vidéos captées par plusieurs caméras d’intervention.

Vers 4 h 27 min 22 s, le 3 mars 2023, un agent sort d’un véhicule de police et se dirige vers la résidence du TC no 1 en compagnie de deux agents en uniforme qui viennent de sortir de leurs propres véhicules de police. Le TC no 1 salue les agents depuis le porche d’entrée. Le TC no 1 demande aux agents s’ils ont vu le plaignant dans le secteur.

Le 3 mars 2023, entre 5 h 51 min 1 s et 5 h 51 min 29 s, environ, un agent sort d’un véhicule de police sur la rue Simcoe Nord. Le plaignant est étendu sur le dos. Un agent en uniforme du SPRD effectue des manœuvres de RCP.

Vers 5 h 56 min 33 s, un agent se rend dans le couloir avec deux agents en uniforme. On peut voir un gros trou dans la fenêtre au bout du couloir.

Documents obtenus auprès du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les documents suivants auprès du SPRD entre le 9 mars 2023 et le 24 avril 2023 :
• Photos prises par l’agent de la police technique
• L’AT — rapport d’un agent témoin
• Rôles joués par les agents
• Résumé détaillé de l’appel
• Rapport d’incident général
• Directive — personnes en état de crise et tentatives de suicide
• Vidéos enregistrées par les caméras d’intervention
• Notes du carnet de service de l’AT
• Vidéos enregistrées depuis des appartements de la rue Simcoe Nord
• Enregistrements de communications
• Déposition du TC no 4
• Vidéos du SPRD
• Notes — AI no 1

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources entre le 9 mars 2023 et le 16 mars 2023, et les a examinés :
• Rapports des services médicaux d’urgence (SMU) — demande d’ambulance
• Rapports d’incidents fournis par les SMU
• Formulaire relatif à la Loi sur la santé mentale rempli par le TC no 1
• Enregistrement vidéo fait par le TC no 5
• Enregistrement vidéo fait par le TC no 1
• Enregistrement d’une vidéo YouTube (9 mars 2023)

Description de l’incident

La preuve recueillie par l’UES, notamment les vidéos qui ont capté l’incident en partie, dresse le portrait suivant de l’incident. Comme la loi les y autorise, les agents impliqués ont choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES. L’AI no 1 a autorisé la transmission de ses notes.

Le 3 mars 2023, vers 4 h du matin, l’AI no 1, l’AI no 2 et l’AT, ont été dépêchés dans une résidence à Oshawa. Le TC no 1 avait appelé la police pour signaler que le plaignant était à sa porte, traversait une crise de santé mentale à ce moment-là, et devait être emmené à l’hôpital afin qu’on l’examine.

L’AI no 1, l’AI no 2 et l’AT sont arrivés à la résidence vers 4 h 30. Ils ont rencontré le TC no 1, qui leur a parlé davantage du plaignant et de ses problèmes de santé mentale. Ils ont appris que, le jour d’avant, le plaignant s’était aussi présenté à leur porte d’entrée en se comportant bizarrement et en demandant d’entrer. Il avait même proféré des menaces avant de partir. Les agents ont cherché le plaignant dans le secteur, mais sans succès, puis se sont rendus à son appartement sur la rue Simcoe Nord.

À leur arrivée, l’AI no 1 et l’AI no 2 ont constaté que la porte de l’appartement était ouverte. Ils sont entrés après avoir cogné à plusieurs reprises sans obtenir de réponse. Ils ont trouvé le plaignant dans la salle de bains. Il se faisait couler un bain chaud. L’AI no 1 a expliqué que des personnes avaient exprimé des inquiétudes au sujet de son bien-être. Le plaignant a répondu qu’il allait bien et a fermé la porte de la salle de bains, indiquant qu’il ne voulait pas leur parler. Les agents ont décidé qu’ils n’avaient pas les motifs nécessaires pour appréhender le plaignant en vertu de la Loi sur la santé mentale et sont partis. Il était environ 5 h.

Vers 5 h 15, le plaignant est sorti de son appartement. Il était agité et se comportait bizarrement. Il a couru de long en large dans le couloir à plusieurs reprises et a tenté d’ouvrir la porte d’un appartement voisin. Vers 5 h 40, il a couru vers une fenêtre au bout du couloir, a sauté à travers et est tombé en bas de l’immeuble.

Un automobiliste a vu le plaignant qui gisait sur le sol, a composé le 911 et a pratiqué des manœuvres de RCP en attendant les secours.

Le décès du plaignant a été constaté vers 6 h du matin.

Dispositions législatives pertinentes

Articles 220 du Code criminel -- Négligence criminelle causant la mort

220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :
a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;
b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

Article 17 de la Loi sur la santé mentale -- Intervention de l’agent de police

17 Si un agent de police a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une personne agit ou a agi d’une façon désordonnée et qu’il a des motifs valables de croire que cette personne :
a) soit a menacé ou tenté de s’infliger des lésions corporelles ou menace ou tente de le faire
b) soit s’est comportée ou se comporte avec violence envers une autre personne ou de manière à lui faire craindre qu’elle lui causera des lésions corporelles
c) soit a fait ou fait preuve de son incapacité de prendre soin d’elle-même
et qu’en plus, il est d’avis que cette personne souffre, selon toute apparence, d’un trouble mental d’une nature ou d’un caractère qui aura probablement l’une des conséquences suivantes :
d) elle s’infligera des lésions corporelles graves
e) elle infligera des lésions corporelles graves à une autre personne
f) elle subira un affaiblissement physique grave
et qu’il serait dangereux d’agir selon les termes de l’article 16, il peut amener sous garde cette personne dans un lieu approprié afin qu’elle soit examinée par un médecin.

Analyse et décision du directeur

Le 3 mars 2023, le plaignant est tombé en bas d’un immeuble à Oshawa et est décédé. Puisque deux agents du SPRD s’étaient présentés à son appartement moins d’une heure auparavant, l’UES a ouvert une enquête. Les agents — l’AI no 1 et l’AI no 2 — ont été identifiés comme étant les agents impliqués dans cette affaire. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation de la preuve, je n’ai aucun motif raisonnable de conclure que l’un ou l’autre des agents impliqués a commis une infraction criminelle en lien avec le décès du plaignant.

L’infraction à l’étude dans cette affaire est la négligence criminelle causant des lésions corporelles, en contravention de l’article 220 du Code criminel. Cette infraction est réservée aux cas graves de négligence qui témoignent d’une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. L’infraction repose, en partie, sur une conduite constituant un écart marqué et substantiel par rapport au degré de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans les mêmes circonstances. Dans l’affaire en question, il faut donc déterminer si l’AI no 1 et l’AI no 2 n’ont pas fait preuve de la diligence requise et si ce manque de diligence, le cas échéant, pourrait avoir causé le décès du plaignant ou y avoir contribué, et pourrait être considéré comme suffisamment grave pour justifier l’imposition d’une sanction pénale. À mon avis, cela n’est pas le cas.

La seule question en suspens en ce qui a trait à la possible responsabilité criminelle des agents est de savoir s’ils auraient dû appréhender le plaignant en vertu de l’article 17 de la Loi sur la santé mentale lorsqu’ils ont discuté avec lui dans son appartement. Aux termes de cet article, les agents peuvent, sous certaines conditions, décider de placer en garde à vue une personne qui, en raison de troubles mentaux, représente un risque pour elle même ou pour autrui, afin qu’elle soit examinée à l’hôpital. Il est bien possible que les conditions requises aient été réunies à ce moment là pour appréhender le plaignant, étant donné les renseignements qui avaient été fournis aux agents relativement à ses problèmes de santé et à son comportement. S’ils avaient appréhendé le plaignant, il n’aurait certainement pas fait une chute mortelle ce matin-là. Cela dit, je ne peux raisonnablement conclure que la décision de l’AI no 1 et de l’AI no 2, lesquels ont estimé qu’ils n’avaient pas des motifs suffisants pour appréhender le plaignant, était si erronée que l’on puisse conclure à une insouciance déréglée ou téméraire de leur part à l’égard de la vie ou de la sécurité du plaignant. Le plaignant a dit aux agents qu’il allait bien. De surcroît, il était chez lui, n’affichait aucune blessure apparente et se livrait à une activité complètement banale à ce moment-là — se faire couler un bain.

Par conséquent, je n’ai aucun motif de croire que l’AI no 1 et l’AI no 2 ont transgressé les limites de la diligence prescrites par le droit criminel au cours de leur interaction avec le plaignant. Il n’y a donc pas lieu de porter des accusations criminelles dans cette affaire et le dossier est clos.


Date : 4 juillet 2023

Approuvé électroniquement par


Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les renseignements fournis dans cette section reflètent les renseignements fournis à l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les faits constatés par l’UES dans le cadre de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.