Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-OFI-071

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet des blessures graves subies par un homme de 28 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

Le 5 mars 2023, à 0 h 19, le Service de police d’Ottawa (SPO) a signalé ce qui suit à l’UES.

Le 4 mars 2023, à 21 h 41, une personne a téléphoné au SPO pour signaler que son collègue de travail, le plaignant, traversait un épisode maniaque et avait plusieurs armes à feu en sa possession. Des agents de l’unité tactique (UT) se sont présentés à l’une des résidences d’un complexe de maisons en rangée sur la voie privée Garden Glen, à Nepean. Les agents ont téléphoné au plaignant et ont frappé à la porte, mais personne n’a répondu.

À 22 h 47, le plaignant a sorti une main de la porte et a tiré un coup de feu. Les agents de l’UT ont riposté et la porte s’est refermée. La mère du plaignant a téléphoné au SPO pour signaler que son fils était blessé et avait besoin d’aide médicale. Un négociateur de la police a alors parlé au plaignant au téléphone et le plaignant s’est rendu.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 5 mars 2023 à 1 h 10

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 5 mars 2023 à 6 h 48

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5
 
Nombre d’enquêteurs spécialistes des
sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Personne concernée (le plaignant) :

Homme de 28 ans; n’a pas consenti à se soumettre à une entrevue; ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à des entrevues le 7 mars 2023.

Agents impliqués (AI)

AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué; ses notes ont été reçues et examinées
AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué; ses notes ont été reçues et examinées
AI no 3 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué; ses notes ont été reçues et examinées

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue
AT no 6 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à des entrevues entre le 6 mars 2023 et le 8 mars 2023.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements se sont déroulés à l’intérieur et autour de l’une des résidences faisant partie d’un complexe de maisons en rangée sur la voie privée Garden Glen, à Nepean, et comportant un stationnement adjacent.

Lorsque l’UES est arrivée sur les lieux, il faisait froid, la visibilité était bonne et il y avait une quantité importante de neige dans la zone. Plusieurs véhicules de police étaient garés dans le stationnement. L’UES a été informée que ces véhicules n’étaient pas directement liés à l’incident et que des agents avaient utilisé certains de ces véhicules pour se mettre à l’abri.

Une douille de calibre .223 a été trouvée à côté d’une Honda CRV bleue. Un détecteur de métal a été utilisé autour du côté conducteur de la CRV, ce qui a permis de trouver onze douilles de calibre .223. Plusieurs cartouches ont été trouvées sur le sol. Certaines de ces cartouches étaient bien visibles, tandis que d’autres étaient recouvertes de neige et ont été découvertes plus tard, au cours de recherches dans la neige.

Un projectile a été trouvé près du pneu arrière d’une Nissan Qashqai grise.
Les véhicules ont été photographiés sur place, puis ont été amenés ailleurs afin de procéder à leur inspection pour trouver des éléments de preuve.

Devant la maison en rangée, sur la chaussée et le long de l’allée menant à la porte, de nombreuses empreintes de pas, des taches rouges, un téléphone portable et une boucle en plastique ont été trouvés. Autour de l’entrée principale, des dommages ont été constatés sur la porte d’entrée et le mur de briques. La boîte aux lettres comportait un trou qui semblait avoir été causé par un projectile qui a également passé à travers la boîte aux lettres de la résidence voisine. Cependant, aucun projectile n’a été trouvé dans l’une ou l’autre des boîtes aux lettres. Des photos des dommages ont été prises.

À l’intérieur de la maison en rangée, il y avait ici et là des taches qui semblaient être des taches de sang. Près de l’entrée principale, une arme de poing [on a plus tard déterminé qu’il s’agissait d’un pistolet automatique Colt (PC) de calibre 45] gisait sur le plancher. En rentrant dans la résidence, il y avait un placard et une salle de bains sur le côté. Des dommages ont été constatés dans ces zones.


Figure 1 — Le pistolet Colt

Une arme d’épaule de calibre inconnu a été trouvée dans une chambre à l’étage.

De nombreuses pièces à conviction ont été marquées, photographiées et recueillies, selon ce qui était jugé nécessaire, notamment les pièces 1 à 9 (douilles) et les pièces 10 à 13 (fragments de balles). La pièce à conviction 14 est le PC de calibre 45 trouvé juste à l’intérieur de la porte d’entrée. Les pièces à conviction 15 à 17 représentent des dommages causés à la brique près de la porte d’entrée, probablement par des projectiles de calibre .223. Les pièces 18 et 19 sont des trous constatés dans le cadre de la porte d’entrée de la maison en rangée. La pièce à conviction 20 est un trou constaté dans la boîte aux lettres du voisin. La pièce à conviction 21 est un trou dans la porte d’entrée de la maison en rangée. Les pièces à conviction 24 et 25 sont des cartouches trouvées dans la neige, près de la Honda CRV bleue. La pièce à conviction 26 est un fragment de balle trouvé dans un meuble-lavabo de la maison en rangée. La pièce à conviction 27 est un morceau du cadre de porte extérieur comportant des dommages (fragment de balle présumé) et la pièce à conviction 28 est un morceau d’un meuble-lavabo comportant des dommages (fragment de balle présumé). La pièce à conviction 29 est un fragment de projectile trouvé dans le cadre de la porte de la salle de bain du rez-de-chaussée. À ses bureaux principaux, l’UES a préparé ces éléments de preuve afin de les soumettre au Centre des sciences judiciaires (CSJ) ou de les conserver dans les bureaux principaux de l’UES.

L’inspection de la salle de bains située près de l’entrée principale a révélé deux trous qui semblaient avoir été causés par un projectile qui avait percé la cloison sèche près du porte serviettes. La cloison sèche a été retirée, révélant des dommages dans un mur en blocs de béton. Cependant, le projectile n’avait pas traversé le mur de blocs et était tombé au sol. Les efforts se sont arrêtés là, car toute autre tentative de récupération du projectile aurait causé trop de dommages.

Le 5 mars 2023, on a procédé à l’imagerie 3D des lieux au moyen d’une Leica 360 3D.

Le 6 mars 2023, à 15 h, les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires (ESSJ) de l’UES sont retournés sur les lieux pour examiner les bancs de neige à l’avant de la maison en rangée, sur la voie privée Garden Glen, afin de déterminer si d’autres munitions s’y trouvaient. À 17 h 15, les ESSJ de l’UES ont commencé à fouiller la zone située à l’avant de la maison en rangée. Les bancs de neige ne semblaient pas avoir été perturbés. Le SPO a utilisé son équipe canine pour inspecter la zone avant que la neige ne soit retirée. Rien n’a été détecté lors de la fouille canine. Dans une zone proche de la maison en rangée, sur la voie privée Garden Glen, une cartouche a été retrouvée dans la neige. La pièce à conviction a été photographiée et recueillie à 17 h 40. Les recherches se sont poursuivies et n’ont donné aucun autre résultat.

Éléments de preuve matériels

Le lundi 6 mars 2023, à 10 h 30, les ESSJ de l’UES se sont rendus au quartier général du SPO pour recueillir l’équipement de recours à la force utilisé par les agents impliqués. Ils ont recueilli les articles suivants :

La pièce à conviction 30, qui consistait en un fusil Colt 223 appartenant à l’AI no 2, et trois magasins de munitions .223. L’un des magasins contenait 24 cartouches, un autre 29 cartouches et le troisième 28 cartouches.

La pièce à conviction 31, qui consistait en un fusil Colt 223 appartenant à l’AI no 3, et trois magasins de munitions .223. L’un des magasins contenait 25 cartouches, un autre 28 cartouches et le troisième 26 cartouches.

La pièce à conviction 32, qui consistait en un fusil Colt 223 appartenant à l’AI no 1 et trois magasins de munitions .223. L’un des magasins contenait 24 cartouches, un autre 28 cartouches et le troisième 28 cartouches.


Figure 2 — Fusil Colt 223

Éléments de preuves médico-légaux

Éléments soumis au CSJ et résultats

Les pièces à conviction suivantes ont été soumises au CSJ :
• Onze douilles de calibre .223
• Une douille de calibre .45
• Le fusil C8 de l’AI no 2, avec magasins et cartouches
• Le fusil C8 de l’AI no 3, avec magasins et cartouches
• Le fusil C8 de l’AI no 1, avec magasins et cartouches

Un ESSJ de l’UES a pris des dispositions pour que le CSJ tente de comparer la douille de calibre .45 au PC de calibre .45 utilisé par le plaignant.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]

L’UES a obtenu une copie des enregistrements des communications du SPO, lesquelles comprenaient un enregistrement des communications du négociateur. L’UES a également obtenu une vidéo enregistrée par un civil après la fusillade et dans laquelle on peut voir le plaignant sortir de son domicile.

Enregistrements de communications

Appels au 911

Le 4 mars 2023, le TC no 1 a téléphoné au 911. Il a indiqué que lui et la TC no 2 se trouvaient à une distance sécuritaire de la résidence, à l’extérieur. Le TC no 1 a fourni des renseignements sur les problèmes de santé mentale du plaignant et a indiqué que le plaignant avait des armes à feu enregistrées chez lui, notamment une arme de poing 1911 de 9 mm. Le TC no 3 avait rendu visite au plaignant plus tôt ce jour-là et avait remarqué que le plaignant avait une arme de poing dans la ceinture de ses pantalons. Le TC no 1 savait également que le plaignant possédait un fusil d’assaut AR-15. La TC no 2 avait rendu visite au plaignant vers 17 h 30 et avait vu l’AR-15 sur le sofa. Elle l’avait pris et l’avait caché dans une chambre à l’étage, chez le plaignant. Le TC no 1 a indiqué qu’il ne savait pas si les armes à feu étaient chargées. Il a expliqué que, plus tôt ce jour-là, le plaignant lui avait envoyé des textos lui disant qu’il était désolé et vraiment fatigué, et qu’il ne pouvait tout simplement plus continuer. Le TC no 1 a donné au répartiteur le numéro du téléphone portable du plaignant. Le TC no 1 a également mentionné qu’en février 2023, le plaignant avait eu des pensées suicidaires et avait consulté un psychiatre. Le TC no 1 ne croyait pas que le plaignant prenait des médicaments pour ses problèmes de santé mentale.

Transmissions radio

Le répartiteur a demandé que des unités se rendent à la maison en rangée sur la voie privée Garden Glen pour donner suite à l’appel concernant le plaignant et a indiqué que ce dernier avait une arme à feu en sa possession. Le signalement provenait de deux collègues de travail, le TC no 1 et la TC no 2. Ils étaient à proximité. Ils ont signalé que le plaignant traversait une crise de santé mentale et ne prenait plus ses médicaments. Le plaignant avait envoyé un texto à l’un de ses collègues de travail et avait indiqué qu’il n’en pouvait plus. Le plaignant possédait plusieurs armes à feu, ce qu’une recherche dans le Registre canadien des armes à feu en direct (RCAFED) avait confirmé. À 17 h 30, la TC no 2 avait rendu visite au plaignant et avait constaté qu’il avait une arme de poing de 9 mm dans la ceinture de son pantalon. Elle avait également vu un AR-15 sur le sofa. Elle avait caché l’AR-15 dans une chambre à l’étage, chez le plaignant. Elle ne savait pas si l’AR-15 était chargé.

Le commandant des opérations sur le lieu de l’incident a fourni le contexte de l’appel à toutes les UT et les unités de patrouilles et les a informées que, selon le RCAFED, le plaignant avait deux armes à feu chez lui. Le commandant des opérations sur le lieu de l’incident a indiqué que la mission consistait à appréhender le plaignant afin que sa santé mentale soit évaluée.

Le négociateur, l’AT no 1, a indiqué à la radio qu’il allait téléphoner au plaignant. Il a ensuite déclaré que personne ne répondait et qu’il était tombé sur la boîte vocale du plaignant.

Le commandant des opérations sur le lieu de l’incident a autorisé l’AI no 1 à frapper à la porte de la résidence. Les coups sont restés sans réponse. L’AI no 1 a ensuite indiqué qu’un homme avait entrouvert la porte d’entrée, avait tendu une main tenant un pistolet et avait tiré en direction des agents. L’AI no 1 a demandé que l’UT de garde et le véhicule blindé soient dépêchés sur les lieux. Le commandant des opérations sur le lieu de l’incident a approuvé ces demandes. L’AI no 1 a indiqué que l’homme se trouvait maintenant dans une chambre à l’étage.

Une unité de police a indiqué que la mère du plaignant était arrivée sur les lieux. Elle a indiqué que son fils l’avait appelée à 22 h 50 pour lui dire qu’il était blessé. Le plaignant a dit à sa mère que des personnes rôdaient à l’extérieur de son domicile, qu’il était blessé et qu’il saignait. La mère a indiqué que son fils avait bu de l’alcool.

Enregistrements des communications du négociateur

Le 4 mars 2023, à 23 h 10, le commandant des opérations sur le lieu de l’incident autorise l’AT no 1 à téléphoner au plaignant. Le plaignant ne répond pas. Dix secondes plus tard, l’AT no 1 téléphone au même numéro une autre fois. Le plaignant répond et l’AT no 1 décline son identité. Le plaignant répond : [Traduction] « À l’aide, s’il vous plaît ». L’AT no 1 informe le plaignant qu’une ambulance se trouve non loin de là et qu’ils peuvent lui prodiguer des soins médicaux s’il est prêt à sortir. Le plaignant répond : [Traduction] « Ma porte n’est pas verrouillée, je saigne, j’ai besoin d’aide ». L’AT no 1 demande au plaignant de sortir de la résidence les mains vides et en l’air. Le plaignant accepte de le faire et de rester au téléphone tout en sortant de la résidence. Le plaignant indique qu’il ne porte que des sous-vêtements et que son arme est sur le plancher, de l’autre côté de la porte d’entrée. On entend une porte s’ouvrir en grinçant et des voix en arrière-plan qu crient : [Traduction] « Les mains en l’air, les mains en l’air, ne bougez pas, ne bougez pas ».
 

Vidéo enregistrée par un témoin civil

La vidéo a été enregistrée depuis la fenêtre d’une chambre située au premier étage.

Dans la vidéo, on voit le plaignant sortir par la porte d’entrée, les mains en l’air. Il ne porte que des sous-vêtements. Une voix d’homme crie : [Traduction] « Les mains en l’air, les mains en l’air, ne bougez pas, ne bougez pas ». Ensuite, plusieurs agents s’approchent en tenant le plaignant en joue, puis procèdent à son arrestation.

Documents obtenus auprès du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les éléments suivants auprès du SPO entre le 6 mars 2023 et le 1er mai 2023 :
• Rapport du système de répartition assistée par ordinateur
• Registre de formation de l’AI no 3
• Registre de formation de l’AI no 2
• Registre de formation de l’AI no 1
• Déclaration du TC no 1
• Déclaration de la TC no 2
• Liste des témoins et de leur rôle
• Notes et rapport de l’AI no 3
• Notes et rapport de l’AI no 2
• Notes et rapport de l’AI no 1
• Notes et rapport de l’AT no 5
• Notes et rapport de l’AT no 4
• Enregistrements des communications
• Politique — arrestation
• Politique — incidents liés à des problèmes de santé mentale
• Politique — otages et personnes barricadées
• Politique — recours à la force
• Rapport de l’AT no 6
• Rapport de l’AT no 3
AT no 2 — Rapport d’enquête
AT no 1 — Rapport d’enquête
• Notes de l’AT no 2
• Notes de l’AT no 1
• Photos de l’arme à feu
• Dossier médical du plaignant

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources entre le 7 mars 2023 et le 14 mars 2023, et les a examinés :
• Rapport d’incident — Service paramédic d’Ottawa
• Service paramédic d’Ottawa — Rapports sur les demandes d’ambulance
• Vidéo enregistrée par un citoyen

Description de l’incident

Dans la soirée du 4 mars 2023, des agents du SPO ont été dépêchés dans une résidence située sur la voie privée Garden Glen, à Nepean, afin de donner suite à l’appel du TC no 1. Le TC no 1 craignait pour le bien-être du plaignant. Il a expliqué que le plaignant avait des problèmes de santé mentale, qu’il avait des pensées suicidaires et qu’il avait des armes à feu en sa possession.
Les agents en uniforme sont arrivés sur les lieux, suivis peu après par des agents de l’UT. Le premier agent de l’UT est arrivé vers 22 h, soit environ une demi-heure après l’appel au 911. Sous le commandement de l’AI no 1, les agents tactiques ont pris le contrôle des lieux et ont établi un plan d’action. Vers 22 h 41, leurs efforts ont débuté par un appel téléphonique de l’AI no 1 au plaignant. L’appel est allé directement à la boîte vocale du plaignant. Ensuite, une équipe composée de trois agents — l’AT no 6, l’AT no 4 et l’AT no 3 — s’est approchée de la porte d’entrée de la résidence tandis qu’une autre équipe de trois agents — l’AI no 1, l’AI no 2 et l’AI no 3 — les suivait pour les couvrir. L’AT no 3 était muni d’un bouclier de protection. Les membres de l’équipe de couverture avaient leurs fusils Colt 223 en main.

Une fois rendue à l’entrée de la résidence, et après avoir appelé le plaignant sans succès, l’équipe d’approche a frappé à la porte. Encore une fois, personne n’a répondu. À l’aide d’un outil d’Halligan, l’AT no 6 a contourné le bouclier de protection de son partenaire et a de nouveau frappé à la porte tandis que l’AT no 3 sonnait à la porte. N’ayant obtenu aucune réponse, l’AT no 6 a dégainé son arme de poing et a braqué la lampe de poche dont elle était munie dans la fenêtre située à l’est de la porte. L’AT no 3 et lui ont immédiatement vu une main tenant une arme de poing et ont crié [Traduction] « fusil » à plusieurs reprises.

Le plaignant était derrière la porte et tenait le pistolet. Alors que les agents battaient en retraite, le plaignant a ouvert la porte et a tiré dans leur direction [3]. Les agents ont riposté immédiatement et le plaignant a été atteint et blessé à l’avant-bras droit et à la jambe droite. Le plaignant est retourné à l’intérieur et a refermé la porte. Il était environ 22 h 47.

Lorsqu’ils ont vu le plaignant pointer une arme de poing dans leur direction, les membres de l’équipe de couverture ont chacun tiré plusieurs coups de feu [4]. Après la volée de coups de feu, les agents de l’UT se sont rapidement éloignés de la porte, se sont regroupés et se sont repositionnés près d’une benne à ordures, à une certaine distance de la résidence, dans le stationnement du complexe de maisons en rangée.

Une fois la porte refermée, le plaignant a appelé sa mère pour lui dire qu’il avait bu, qu’il saignait et qu’il était blessé. Elle s’est rendue chez lui. La police l’a empêchée de s’approcher et elle leur a relayé les propos de son fils. Avec ces renseignements en main, l’AI no 1 a demandé que le négociateur en situation de crise tente de téléphoner au plaignant.

Vers 11 h 10, le négociateur a téléphoné au plaignant et a réussi à lui parler. Le plaignant a demandé de l’aide. Le négociateur lui a demandé de sortir de son domicile les mains vides et en l’air. C’est exactement ce qu’il a fait. Le plaignant ne portait que des sous-vêtements lorsqu’il est sorti. Des agents de l’UT lui ont ordonné de se mettre au sol et ils ont procédé à son arrestation sans autre incident.

Ensuite, les agents de l’UT sont entrés chez le plaignant. Ils ont trouvé un pistolet sur le plancher, près de la porte d’entrée, et un fusil dans l’une des chambres. Les deux armes étaient dûment enregistrées.

Dispositions législatives pertinentes

Article 34 du Code criminel -- Défense de la personne -- emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :
a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger -- ou de défendre ou de protéger une autre personne -- contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
c) agit de façon raisonnable dans les circonstances
(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :
a) la nature de la force ou de la menace
b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
c) le rôle joué par la personne lors de l’incident
d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
1. f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause
g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime
(3) Le paragraphe (1) ne s’applique pas si une personne emploie ou menace d’employer la force en vue d’accomplir un acte qu’elle a l’obligation ou l’autorisation légale d’accomplir pour l’exécution ou le contrôle d’application de la loi, sauf si l’auteur de l’acte constituant l’infraction croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle n’agit pas de façon légitime.

Analyse et décision du directeur

Le 4 mars 2023, le plaignant a été blessé par balle au cours d’un échange de coups de feu avec des agents du SPO. Dans le cadre de son enquête, l’UES a déterminé que les agents du SPO qui ont déchargé leurs armes — l’AI no 1, l’AI no 2 et l’AI no 3 — étaient les agents impliqués dans cette affaire. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation de la preuve, je n’ai aucun motif raisonnable de conclure que l’un ou l’autre des agents impliqués a commis une infraction criminelle en lien avec l’incident.

La preuve recueillie par l’UES, laquelle comprend des entrevues avec les agents qui étaient présents lors de l’échange de coups de feu, dresse le portrait suivant de l’incident. Comme la loi les y autorise, aucun des agents impliqués n’a convenu de participer à une entrevue avec l’UES. Ils ont cependant fourni une copie de leurs notes et de leurs rapports.

En vertu de l’article 34 du Code criminel, l’emploi de la force, qui constituerait une infraction en temps normal, est légalement justifié s’il vise à éviter une attaque raisonnablement appréhendée, qu’il s’agisse d’une menace ou d’une attaque réelle, et si l’emploi de la force est lui-même raisonnable. Le caractère raisonnable de la conduite doit être évalué à la lumière de toutes les circonstances pertinentes, y compris des considérations telles que : la nature de la force ou de la menace; la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel; la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme; et la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force.

Les agents de l’UT, y compris les agents impliqués, exerçaient leurs fonctions de façon légitime au moment de l’échange de coups de feu. Sachant qu’un individu était en possession d’armes à feu et souffrait de troubles mentaux, la police avait la responsabilité de se rendre à la résidence pour prendre les mesures nécessaires afin d’éviter que le plaignant et, éventuellement, d’autres personnes ne subissent des préjudices.

Bien qu’aucun des agents impliqués n’ait participé à une entrevue avec l’UES, je suis convaincu que chacun d’entre eux a déchargé son arme à feu afin de se protéger soi-même et de protéger les autres d’une agression qu’il redoutait avec raison. Leurs notes et rapports donnent certainement cette impression, et la même chose peut être dite des circonstances qui prévalaient au moment de l’incident. En d’autres termes, on peut difficilement imaginer que les agents de l’UT aient pu avoir une impression différente lorsqu’ils ont été confrontés à une arme de poing pointée dans leur direction à bout portant.

Il est également manifeste que les coups de feu tirés par les agents impliqués constituaient une force défensive raisonnable. Étant en présence d’une menace létale et imminente, les agents impliqués n’ont eu d’autre choix que de recourir aux seules armes qui avaient la capacité de parer immédiatement à tout danger à ce moment-là : leurs armes à feu. En effet, s’ils n’avaient pas utilisé leurs armes, le plaignant aurait pu grièvement blesser ou tuer un ou plusieurs agents s’il avait eu d’autres occasions de tirer.

Par conséquent, je n’ai aucun motif raisonnable de croire que l’un ou l’autre des agents impliqués a transgressé les limites du droit criminel dans cette affaire et donc de porter des accusations contre les agents dans cette affaire. Le dossier est clos.


Date : 30 juin 2023


Approuvé électroniquement par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les renseignements fournis dans cette section reflètent les renseignements fournis à l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les faits constatés par l’UES dans le cadre de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
  • 3) Une douille de calibre .45 a été trouvée sur les lieux, ce qui semble indiquer que le plaignant a tiré au moins un coup de feu. La preuve recueillie par l’UES ne permet pas d’exclure la possibilité qu’il ait tiré plus d’un coup de feu. [Retour au texte]
  • 4) Puisque 11 douilles de calibre .223 ont été trouvées sur les lieux et que chaque agent a indiqué dans ses notes qu’il a tiré plus d’un coup de feu, on peut seulement affirmer avec certitude que les agents ont tous tiré à plus d’une reprise et qu’ils ont déchargé au moins 11 cartouches. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.