Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-TCI-018

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 29 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

Le 16 janvier 2023, à 2 h du matin, le Service de police de Toronto (SPT) a communiqué à l’UES les renseignements suivants.

Le 15 janvier 2023, à 1 h 42, une femme a appelé le SPT au 9-1-1 pour signaler qu’elle et son petit ami (le plaignant) avaient assisté à une fête à Toronto. Le plaignant s’est fâché quand il l’a vue parler avec un autre homme et il a exigé qu’ils partent. Une fois dans son véhicule, le plaignant lui a donné un coup de poing au visage. Elle s’est enfuie en courant, mais il l’a rattrapée et l’a forcée à revenir dans le véhicule. Quand le véhicule s’est immobilisé à l’intersection de l’avenue Eglinton et de l’avenue Pharmacy, la femme a de nouveau pris la fuite. Cette fois-là, le plaignant n’a pas pu la rattraper et il s’est éloigné au volant de son véhicule.

A 15 h 30, des agents du SPT ont interrogé la femme. Ils ont ensuite obtenu un mandat d’arrêt Feeney [2] et se sont rendus au domicile du plaignant, dans le secteur de Rutherford Road et de la rue Jane, à Vaughan. Le plaignant est sorti de son plein gré de son appartement et est devenu provocateur; une lutte s’est ensuivie. Le plaignant a été plaqué à terre et s’est cogné le visage.
Après son arrestation, le plaignant a été conduit en ambulance à l’hôpital Birchmount du Scarborough Health Network, où on lui a diagnostiqué une fracture du nez.

Le 16 janvier, à 0 h 30, le plaignant a été libéré de l’hôpital et conduit à la division 43 du SPT.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 16 janvier 2023 à 8 h 59

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 16 janvier 2023 à 12 h

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 29 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 16 janvier 2023.

Témoins civils (TC)

TC A participé à une entrevue

La témoin civil a participé à une entrevue le 16 janvier 2023.

Agent impliqué (AI)

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue entre le 25 janvier et le 9 février 2023.

Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est déroulé dans le corridor d’un immeuble du secteur de Rutherford Road et de la rue Jane, à Vaughan.

Il a été capturé par des caméras d’intervention et par des caméras de surveillance.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [3]

Enregistrements de la répartition assistée par ordinateur (RAO) et des communications

L’UES a reçu le rapport de RAO du SPT le 18 janvier 2023, à 9 h 11, et l’enregistrement des communications du SPT le 15 février 2023, à 13 h 12.

Le 15 janvier 2023, à 1 h 15 du matin, le SPT reçoit le premier de quatre appels au 9-1-1 concernant une femme forcée de monter dans un véhicule. On dit qu’elle est nue et qu’elle saigne et qu’elle s’est enfuie pour échapper au plaignant.

À 10 h 38, l’AT no 3 et l’AT no 1 disent qu’ils sont en route vers l’immeuble d’appartements du plaignant, dans le secteur de Rutherford Road et la rue Jane, à Vaughan.

À 15 h 02, l’AT no 2 annonce qu’il se rend à une adresse pour exécuter un mandat Feeney.

À 15 h 11, des agents de l’unité de commandement mobile (UCM) ¬– l’AI, l’AT no 4 et l’AT no 5 – sont en route vers l’immeuble.

À 15 h 50, l’AT no 1 dit qu’une personne est sous garde et que tout va bien. Il demande à l’AT no 2 de venir à l’étage.

À 16 h 10, l’AT no 2 confirme qu’une personne est sous garde.

À 18 h 20, sur le rapport de RAO, une note indique que le plaignant a été transporté à l’hôpital en ambulance pour une petite coupure à l’œil gauche, avec un léger saignement.
 

Vidéo cellulaire prise par la TC

Le 25 janvier 2023, à 10 h 40, la TC a fourni à l’UES la vidéo qu’elle avait prise de l’arrestation du plaignant avec son téléphone cellulaire.

Au début de la vidéo, l’AI est debout aux pieds du plaignant, qui est à plat ventre par terre. La TC dit : [traduction] « Il est évident que vous l’avez jeté à terre. » On avise le plaignant qu’il est en état d’arrestation pour voies de fait graves et qu’il peut contacter un avocat. Il est menotté dans le dos. L’AI demande son nom à la TC, qui répond qu’ils ont déjà ce renseignement. Elle dit qu’elle va téléphoner à l’avocat du plaignant. L’AI dit qu’on ne peut pas accorder au plaignant de parler en privé. La TC dit à l’avocat qu’ils venaient juste d’ouvrir la porte et de sortir quand la police a plaqué le plaignant par terre, ce qui lui a fait saigner du nez. Alors que la TC continue de parler avec l’avocat, on lui demande d’aller chercher quelque chose pour nettoyer le sang.

Le plaignant est mis à genoux et on demande à la TC d’aller chercher une serviette. La partie vidéo s’arrête [4], mais l’audio continue. On peut entendre la TC dire à l’avocat que le plaignant a été arrêté pour voies de fait graves. Le TC dit aux agents qu’il est évident que le plaignant a subi une commotion cérébrale quand ils l’ont jeté à terre. Un agent mentionne que le plaignant recevra des soins médicaux.

Vidéos de caméras d’intervention du SPT

Le 16 janvier 2023, à 17 h 07, le SPT a remis à l’UES les vidéos pertinentes de caméras d’intervention. Comme les agents de l’UCM (y compris l’AI) étaient en tenue civile, seuls trois agents en uniforme portaient des caméras d’intervention : l’AT no 1, l’AT no 2 et l’AT no 3. Sur les trois enregistrements, seule la vidéo de la caméra de l’AT no 1 montrait l’arrestation elle-même.

Vidéo de la caméra d’intervention de l’AT no 1

Vers 15 h 49, le 15 janvier 2023, on peut voir l’AT no 1 marcher dans un corridor menant à un appartement. Le plaignant et la TC venaient de sortir de l’appartement. De la main droite, l’AT no 1 saisit le haut du bras gauche du plaignant. L’AI apparaît dans la vidéo, le bras et la main droite levés et près de la tête du plaignant. L’AI place sa main droite contre le dos de la tête du plaignant et le tire vers l’avant. L’AT no 4 est derrière l’AI. Le plaignant est tiré en avant pour l’éloigner de la porte. La main droite de l’AI est contre la tête du plaignant, sous son chapeau. La main droite de l’AT no 1 est encore sur le biceps gauche du plaignant. L’AI repositionne ses mains et saisit le poignet droit du plaignant. L’AT no 4 est à droite du plaignant et, de sa main droite, lui saisit le col et le dos de sa veste. L’AI, l’AT no 1 et l’AT no 4 plaquent le plaignant à terre.

L’AT no 4 commence à placer son genou droit sur le dos du plaignant, juste sous son cou; à peu près au même moment, l’AI donne un coup de pied à la tête du plaignant de son pied droit.

L’AI ne participe pas à l’arrestation après cela. L’AT no 4 se place au-dessus de la tête et de l’épaule droite du plaignant. Tout en se mettant à genoux, l’AT no 4 donne deux coups du tranchant de la main au plaignant. Le plaignant n’est pas encore menotté. Les agents ordonnent au plaignant de dégager ses mains de sous son corps. L’AT no 4 a son genou gauche sur l’épaule gauche du plaignant. L’AT no 5, qui est à droite du plaignant, aide l’AT no 4 à menotter le plaignant dans le dos.

L’AT no 4 demande à plusieurs reprises au plaignant s’il a quoi que ce soit dans ses poches. Le plaignant ne répond pas. L’AT no 1 dit au plaignant qu’il est arrêté pour voies de fait graves. La TC dit qu’elle va appeler son avocat. L’AT no 1 annonce sur sa radio que le plaignant est sous garde.

Les agents aident le plaignant à se mettre à genoux, mais doivent le maintenir en place parce qu’il s’effondre sur le côté gauche dès qu’ils le lâchent. On essaye de mettre le plaignant en position assise, mais il tombe en arrière. Une serviette est fournie pour nettoyer le sang sur le visage du plaignant et pour arrêter le saignement. Le plaignant est assis avec l’AT no 1 derrière lui pour l’empêcher de tomber. L’AT no 1 utilise la serviette pour nettoyer le sang. On peut entendre la TC déclarer qu’il est évident que le plaignant a une commotion cérébrale.

Vidéo du système de caméra à bord d’un véhicule de police

Le 1er février 2023, le SPT a remis à l’UES la vidéo enregistrée par la caméra à bord du véhicule conduit par l’AT no 1. L’AT no 3 était le passager.

À partir de 16 h 05 environ, le plaignant est assis à l’arrière du véhicule de patrouille du SPT. Il est menotté dans le dos. Il a du sang sous le nez et des ecchymoses sur le côté gauche du visage. L’AT no 1 ouvre la portière arrière et lit au plaignant ses droits et sa mise en garde. Le plaignant se plaint de ne pas pouvoir voir d’un œil et demande qu’on le conduise à l’hôpital. On lui dit qu’il rencontra des ambulanciers paramédicaux à la division 41 du SPT.

Vers 16 h 10 environ, le véhicule du SPT quitte le bâtiment. Le plaignant pleure et semble hyperventiler. L’AT no 1 demande au plaignant comment ça va. Le plaignant s’effondre sur sa gauche; l’AT no 1 et l’AT no 3 lui demandent à plusieurs reprises de s’asseoir.

Vers 16 h 21, le véhicule du SPT s’arrête et l’AT no 1 ouvre la porte arrière pour vérifier l’état du plaignant. Il relève le plaignant en position assise. Le véhicule reprend sa route et le plaignant cesse de pleurer.

Vers 16 h 29, le véhicule de police s’arrête une deuxième fois. L’AT no 1 prend une serviette blanche dans le coffre, ouvre la portière arrière et essuie le visage du plaignant. Ils reprennent leur route vers la division 41 du SPT et le plaignant continue de pleurer et d’hyperventiler.

Vers 16 h 42, l’AT no 1 immobilise le véhicule une troisième fois pour vérifier le plaignant, qui est hystérique. Les agents replacent le plaignant en position assise sur le siège. Le plaignant dit à l’AT no 1 qu’il a consommé de l’alcool environ deux heures auparavant, mais qu’il n’a pas pris de drogue.

Vers 17 h 05, la portière arrière du véhicule de police est ouverte. L’AT no 1 essuie le visage du plaignant pour enlever du sang, et on fait sortir le plaignant du véhicule.
 

Séquence vidéo de l’immeuble d’appartements

Le 17 janvier 2023, à 8 h 50, le gérant immobilier a remis à l’UES une vidéo enregistrée par une caméra de l’immeuble.

On peut y voir des agents entrer dans le bâtiment et dans l’ascenseur, mais on ne voit pas l’arrestation du plaignant, car il n’y avait pas de caméra dans le corridor.

Les agents concernés font descendre le plaignant dans le hall d’entrée et lui essuie le visage, qui est ensanglanté à cause d’une blessure au nez et au côté gauche du visage.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, le SPT a remis à l’UES les éléments et documents suivants entre le 16 janvier et le 15 février 2023 :
  • Photo d’enregistrement du plaignant au poste de police, datée du 16 janvier 2023;
  • Enregistrement de RAO;
  • Notes de l’AT no 4;
  • Notes de l’AT no 5;
  • Notes de l’AT no 3;
  • Vidéo de la caméra d’intervention de l’AT no 3;
  • Notes de l’AT no 2;
  • Vidéo de la caméra d’intervention de l’AT no 2.
  • Notes de l’AT no 1;
  • Vidéo de la caméra d’intervention de l’AT no 1
  • Vidéo du transport du plaignant à la 41e division, enregistrée par la caméra du véhicule de police;
  • Enregistrements des communications;
  • Rapport général d’incident.
Sur demande, la Police régionale de York (PRY) a remis à l’UES les éléments et documents suivants le 6 février 2023 :
  • Notes de l’agent 1 de la PRY;
  • Notes de l’agent 2 de la PRY;
  • Notes de l’agent 3 de la PRY.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments suivants obtenus auprès d’autres sources :
  • Dossiers médicaux du plaignant – Hôpital Birchmount (Scarborough Health Network);
  • Vidéo d’un immeuble d’appartements de Vaughan;
  • Vidéo prise par la TC sur son téléphone cellulaire.

Description de l’incident

La séquence d’événements suivante découle des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec le plaignant et avec plusieurs agents de police qui sont intervenus dans son arrestation, ainsi que de vidéos qui montrent certaines parties de l’incident. L’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES ni autorisé la communication de ses notes, comme il en avait le droit.

Dans l’après-midi du 15 janvier 2023, des agents du SPT, dont l’AI, sont arrivés à l’appartement du plaignant dans le secteur de Rutherford Road et de la rue Jane, à Vaughan. Ils étaient là pour l’arrêter à la suite d’un appel au 9-1-1 à la police plus tôt dans la journée au cours duquel l’appelante avait déclaré avoir été séquestrée et agressée par le plaignant. Les agents avaient obtenu un mandat Feeney les autorisant à entrer au besoin dans l’appartement pour placer le plaignant sous garde. Quelques minutes plus tôt, quand ils avaient frappé une première fois à la porte de l’appartement, la compagne du plaignant avait répondu, et avait menti en disant que le plaignant n’était pas là; elle avait aussi refusé de laisser les agents entrer pour le rechercher. Cette deuxième fois, ils ont trouvé le plaignant et sa compagne devant la porte de l’appartement.

Lorsqu’on lui a dit qu’il était en état d’arrestation et que l’un des agents, l’AT no 1, lui a saisi un bras, le plaignant a tenté de retourner dans l’appartement par la porte fermée. L’AI est intervenu pour l’en empêcher. Il a saisi le plaignant par le dos de la tête et le côté droit et l’a tiré pour l’éloigner de la porte. L’AT no 5 est aussi intervenu en tirant sur le bras droit du plaignant. Le plaignant a été plaqué à terre dans le corridor et au même moment, l’AT no 4 a placé son genou droit sur son dos et l’AI lui a donné un coup de pied à l’arrière de la tête; le visage du plaignant a frappé le plancher du corridor. Peu après, le plaignant a été menotté dans le dos.

Après son arrestation, le plaignant a été conduit au poste de police puis à l’hôpital, où on lui a diagnostiqué une fracture du nez.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a été grièvement blessé lors de son arrestation par des agents du SPT le 15 janvier 2023 à Vaughan. Un des agents qui a procédé à son arrestation a été désigné comme étant l’agent impliqué (AI) aux fins de l’enquête de l’UES. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué le dossier de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec l’arrestation et la blessure du plaignant.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police sont exonérés de toute responsabilité criminelle pour le recours à la force dans l’exécution de leurs fonctions, à condition que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou autorisé de faire en vertu de la loi.

Selon les informations qu’ils avaient reçues via des appels au 9-1-1 plus tôt dans la journée au cours desquels l’appelante avait déclaré avoir été séquestrée et agressée à plusieurs reprises par le plaignant dans son véhicule, et en possession d’un mandat autorisant l’arrestation du plaignant, je suis convaincu que les agents, y compris l’AI, étaient dans leur droit de chercher à placer le plaignant sous garde.

En ce qui concerne la force utilisée par l’AI, la preuve ne permet pas d’établir qu’elle n’était pas légalement justifiée. J’accepte que le rôle de l’AI, en tirant le plaignant pour le mettre à terre dans le corridor, était raisonnable. Le plaignant avait reculé pour échapper à son arrestation et cherchait apparemment à retourner dans son appartement, et les agents avaient le droit d’intervenir pour l’empêcher de le faire. Il n’est cependant pas aussi clair que le coup de pied donné par l’AI à l’arrière de la tête du plaignant était justifié. Le plaignant allait se retrouver à terre et était alors entouré de trois autres agents; il était donc évident qu’il ne pouvait pas s’échapper. D’un autre côté, il faut tenir compte du fait que l’arrestation du plaignant était un événement très dynamique qui s’est déroulé en quelques secondes à peine dans l’espace exigu d’un corridor étroit, ce qui a vraisemblablement contribué à diminuer l’appréciation par l’AI de ce qui se passait autour de lui. En plus de la nécessité de placer le plaignant sous garde dès que possible, je ne peux raisonnablement conclure que l’AI a agi avec excès lorsqu’il a cherché à plaquer complètement le plaignant à terre en poussant sa tête avec son pied. Dans cette position, les agents pouvaient mieux gérer la résistance que le plaignant pourrait leur opposer. Les agents avaient des raisons de s’inquiéter pour leur propre sécurité étant donné la violence que le plaignant avait apparemment perpétrée sur une femme quelques heures plus tôt, le fait qu’il tenait une paire de pinces au moment de son arrestation, qu’il portait un sac en bandoulière et qu’il n’était pas prêt à se rendre pacifiquement pour se laisser arrêter lorsqu’il s’est approché de la porte. Pour parvenir à cette conclusion, j’ai tenu compte du principe de common law selon lequel les policiers engagés dans des situations qui évoluent rapidement et pourraient être dangereuses ne sont pas tenus de mesurer avec précision la force avec laquelle ils réagissent; ce qui est requis de leur part est une réaction raisonnable, et non mesurée de façon rigoureuse. R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S 206; R. c. Baxter (1975), 27 CCC (2 d) 96.

Pour les raisons qui précèdent, il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI se soit comporté autrement que dans les limites prescrites par le droit criminel à l’égard du plaignant. Il n’y a donc aucune raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.


Date : 16 mai 2023




Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les renseignements contenus dans cette section reflètent les informations reçues par l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les conclusions de fait de l’UES à la suite de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Obtenu en vertu de la procédure prévue aux articles 529 et 529.1 du Code criminel et nommé d’après la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Feeney, [1997] 2 RCS 13, un mandat Feeney autorise les agents de police à entrer de force dans une habitation pour procéder à une arrestation. [Retour au texte]
  • 3) Les éléments de preuve suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces éléments de preuve sont résumées ci-après. [Retour au texte]
  • 4) On ne sait pas pourquoi la partie vidéo s’est arrêtée. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.