Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 22-TCI-245

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 37 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 21 septembre 2022, à 3 h 22 du matin, le Service de police de Toronto (SPT) a avisé l’UES de ce qui suit.

Le 20 septembre 2022, à 20 h 11, le SPT a reçu un appel au 9-1-1 du propriétaire d’une maison du secteur de la rue Wellesley Est et de la rue Sumach signalant une introduction par effraction en cours. Le propriétaire était chez lui. Le plaignant essayait d’entrer.

À l’arrivée des agents, le plaignant était assis sur un divan dans le jardin, à l’arrière de la maison. Les agents l’ont frappé pendant qu’ils l’arrêtaient, et son nez s’est mis à saigner.

Le plaignant a été conduit au poste de la 51e Division, puis à l’Hôpital St. Michael où on lui a diagnostiqué une fracture du nez. Il a ensuite été libéré de l’hôpital et renvoyé à la 51e Division.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 21 septembre 2022 à 7 h 45

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 21 septembre 2022 à 10 h 44

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 37 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 21 septembre 2022.


Témoins civils (TC)

TC no 1 N’a consenti à participer à une entrevue
TC no 2 N’a consenti à participer à une entrevue

Agent impliqué (AI)

AI A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 1er novembre 2022.


Agents témoins (AT)

AT A participé à une entrevue

L’agent témoin a participé à une entrevue le 13 octobre 2022.


Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est déroulé l’extérieur d’une maison du secteur de la rue Wellesley Est et de la rue Sumach, à Toronto.

Les enquêteurs de l’UES ne se sont pas rendus sur place et n’ont pas procédé à une analyse médico-légale des lieux.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]


Enregistrements des communications de la police


Appel au 9-1-1

Le 20 septembre 2022, à 20 h 10, le TC no 2 appelle le 9-1-1 pour signaler que quelqu’un est en train d’essayer de s’introduire dans sa maison, et donne son adresse. Le TC no 2 dit que l’intrus était d’abord à la porte d’entrée, puis a sauté la porte verrouillée du jardin, et ajoute [traduction] « Maintenant, il essaie la porte arrière. » Il ne sait pas qui est l’intrus et n’a pas envie de vérifier. Il ajoute que quelqu’un a tenté de défoncer la porte le jeudi précédent [15 septembre 2022].

La police arrive alors que le TC no 2 st toujours en ligne avec le 9-1-1. L’appel prend fin à 20 h 16.


Communications radio

Le 20 septembre 2022, à 20 h 11, deux voitures du SPT sont dépêchées, pour une « priorité un » [2], à une adresse du secteur de la rue Wellesley Est et de la rue Sumach où une introduction par effraction est en cours. On leur dit qu’un inconnu a tenté de s’introduire dans la maison et se trouve maintenant près la porte arrière. On ne sait pas combien de personnes sont impliquées.

Deux voitures de police du SPT sont affectées à l’appel, dont l’une est celle de l’AI et de l’AT.

À 20 h 33, l’AI et l’AT annoncent qu’ils transportent le plaignant à la 51e division, où ils arrivent à 20 h 39.


Vidéos de caméras corporelles

Ce qui suit est un résumé des images cumulées de vidéos de caméras corporelles recueillies par l’UES auprès de plusieurs agents, dont l’AT et l’AI.

Le 20 septembre 2022, à 20 h 15, l’AI et l’AT sont à bord d’un véhicule de police. L’AI est au volant. Arrivés devant une résidence, les deux agents sortent du véhicule. Ils vont brièvement à la porte d’entrée de la maison avant d’aller sur le côté de la maison, jusqu’à une clôture. Ils retournent à la porte d’entrée et parlent avec le TC no 2. Le TC no 1 est derrière le TC no 2, à l’intérieur de la maison.

Le TC no 2 dit aux agents qu’un homme a sauté par-dessus la clôture et est maintenant dans le jardin derrière la maison. L’AI demande au TC no 2 qui est cet homme. Le TC no 2 dit qu’il ne sait pas parce qu’il n’a pas regardé dehors pour voir.

Le TC no 2 sort de la maison et donne à l’AT un jeu de clés que ce dernier utilise pour déverrouiller la porte d’accès à l’allée menant au jardin à l’arrière. L’AI avance dans l’allée et dégaine son pistolet quand il approche d’une deuxième porte. À 20 h 17 min 9 s, les deux agents et le TC no 1 atteignent une autre porte. L’AI annoncé à voix haute, « Police ». L’AT rengaine son pistolet. Le TC no 1 ouvre la porte aux agents. L’AT entre dans le jardin et dégaine son pistolet. L’AI le suit avec son arme à impulsions dégainée. Les deux agents marchent le long du côté de la maison dans le jardin où se trouve une terrasse en bois, où se trouve du mobilier de jardin.

Le plaignant est assis sur un canapé, sur la terrasse, face à l’AT. L’AT le pointe du doigt de sa main gauche et lui dit de s’allonger par terre. Il avance vers la terrasse et lui répète de se mettre à terre immédiatement, tout en rengainant son pistolet. L’AT monte sur la terrasse, suivi de l’AI.

À 20 h 17 min 42 s, l’AI arrive devant le plaignant et utilise sa main gauche pour lui saisir le poignet droit et sa main droite pour lui saisir la nuque. Le plaignant donne des coups de pied aux agents. L’AT tire le plaignant en avant et passe son bras droit – avec lequel il tenait la nuque du plaignant – sur le devant du cou de ce dernier dans une prise de cou frontale. L’AI pose son arme à impulsions par terre et vient en aide à l’AT qui tire le plaignant du canapé pour l’allonger sur le dos sur la terrasse. Les deux agents disent au plaignant de se mettre à terre. Le plaignant est allongé sur la terrasse en position inclinée avec ses fesses sur la terrasse, ses jambes repliées et ses épaules soulevées.

À 20 h 17 min 57 s, l’AT, qui était sur le côté du plaignant, se met devant sa tête, tandis que l’AI tient les deux poignets du plaignant. L’AT utilise son avant-bras pour donner deux coups au côté gauche de la tête du plaignant. Après ces coups, un des deux agents ordonne au plaignant de mettre ses mains dans le dos. Le plaignant lève la main gauche pour se protéger la tête et dit [traduction] « Arrêtez, s’il vous plaît. » Les agents se repositionnent, l’AT à gauche du plaignant et l’AI à droite. Le plaignant se tient la tête des deux mains en se couvrant les oreilles. Les agents ordonnent au plaignant de mettre ses mains dans le dos. Le plaignant se tient toujours la tête, hurle et dit [traduction] : « Mais qu’est-ce que j’ai fait ? »

Les agents font rouler le plaignant à plat ventre et lui crient d’arrêter de résister. L’AT place son bras droit autour du plaignant dans une prise de cou arrière et lui dit de tendre les mains. Il lâche la tête du plaignant, que l’AI saisit alors à la nuque de la main droite.

À 20 h 18 min 37 s, l’AI pousse la tête du plaignant contre la terrasse à trois reprises. Le côté gauche du visage du plaignant frappe la terrasse. Les agents continuent d’ordonner au plaignant de tendre les mains. Les agents soulèvent la tête du plaignant et la déplacent vers la gauche; on peut alors voir du sang à l’endroit où la tête du plaignant a heurté la terrasse. On peut voir une plus grande quantité de sang sur la main gauche du plaignant après qu’il l’ait placé sur son visage. L’AI bouge sa main droite vers la gorge du plaignant qui dit en gémissant à plusieurs reprises qu’il n’arrive plus à respirer.

À 20 h 19 min 11 s, les agents retournent le plaignant sur le ventre et lui tirent le bras droit dans le dos. L’AI place une menotte au poignet droit du plaignant pendant que l’AT lui fait une clé de bras. L’AT prend les menottes que tenait l’AI, sans lâcher le bras droit du plaignant. L’agent donne alors deux coups de poing au bas du torse du plaignant. Les agents tirent ensuite le bras gauche du plaignant de sous son corps et finissent de le menotter dans le dos. Le plaignant gémit bruyamment tout au long de l’interaction.

L’AI demande au plaignant quel est son problème, puis lui dit de se taire. Une fois menotté, le plaignant est laissé momentanément à plat ventre sur la terrasse avant que l’AI le saisisse par le biceps gauche pour le relever. Le plaignant crie pendant qu’on le relève et les agents lui répètent de se taire.

À 20 h 20 min 1 s, l’AI dit au plaignant : « Tu es en état d’arrestation, tu comprends? » Le plaignant demande pourquoi et on lui répond pour « introduction par effraction ».

L’AI tient le bras droit du plaignant et l’AI, le bras gauche. L’AT tire le plaignant pendant qu’ils marchent de la terrasse vers la porte qui débouche sur la rue, puis s’arrête et dit à l’AI d’enfiler des gants parce que le plaignant saigne. L’AI saisit le bras gauche du plaignant et l’escorte vers la rue.

À 20 h 20 min 40 s, l’AI et le plaignant arrivent sur la chaussée et se dirigent vers un véhicule de police. Deux autres agents s’approchent d’eux et l’AI leur dit : [traduction] « C’est un idiot ». [3] L’AT rattrape l’AI et saisit le bras droit du plaignant. L’AI et l’AT escortent le plaignant jusque devant le véhicule de police. Le plaignant respire bruyamment, pleure et pousse des cris de douleurs pendant qu’on l’escorte.

À 20 h 20 min 58 s, alors que les agents et le plaignant approchent de l’avant du véhicule de police sur la chaussée, le plaignant lève le pied droit et le cale contre le pare-chocs avant du véhicule. L’AI réagit en poussant le plaignant en avant et vers le bas avec suffisamment de force pour que son visage heurte le capot. L’AT maintient le visage du plaignant contre le capot et lui soulève ses bras menottés dans le dos pendant que l’AI commence à le fouiller. L’AI se dirige alors vers l’avant gauche du véhicule de police tandis que les deux autres agents continuent de fouiller le plaignant, qui continue de crier.

À 20 h 23 min 10 s, on fait assoir le plaignant à l’arrière du véhicule de police et l’AI se met au volant. L’AI demande aux deux autres agents de prendre des déclarations des témoins et d’obtenir un enregistrement de vidéosurveillance.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, le SPT a remis à l’UES les éléments et documents suivants entre le 23 septembre et le 30 octobre 2022 :
  • Politiques concernant l’arrestation, le recours à la force, les personnes en détention et l’intervention en cas d’incident;
  • Liste des témoins civils;
  • Notes de l’AT;
  • Notes de l’AI;
  • Enregistrements des communications;
  • Vidéos de caméras corporelles de plusieurs agents;
  • Dossiers de formation de l’AT;
  • Dossier de formation de l’AI.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments suivants obtenus auprès d’autres sources :
  • Dossiers médicaux du plaignant (Hôpital St. Michael);

Description de l’incident

Les événements importants en question ressortent clairement des éléments de preuve recueillis par l’UES, dont les entrevues avec le plaignant et avec l’AI et les vidéos de caméras corporelles de la police qui ont enregistré une grande partie de l’incident.

Dans la soirée du 20 septembre 2022, des agents ont été dépêchés à une maison du secteur des rues Wellesley Est et Sumach. Un occupant de cette maison, le TC no 2, avait appelé la police pour signaler que quelqu’un tentait de s’introduire par effraction chez lui et se trouvait maintenant dans le jardin à l’arrière de la maison.

Cette personne était le plaignant. Il était entré dans le jardin en sautant par-dessus une porte verrouillée et, à l’arrivée des agents, était assis sur un canapé de la terrasse, en train de fumer.

L’AI et son partenaire, l’AT, sont arrivés en premier sur les lieux, vers 20 h 15. Ils ont parlé aux résidents de la maison et, avec leur aide, ont accédé au jardin en passant par deux portes qui étaient verrouillées. L’AT est entré en premier dans le jardin et a confronté le plaignant sous la menace d’une arme. L’agent lui a ordonné de se mettre à terre à deux reprises, puis, comme le plaignant n’obéissait pas, s’est avancé pour le saisir. Le plaignant a résisté quand l’AT, puis l’AI, ont essayé de le forcer à terre. Il a donné des coups de pied aux agents puis, une fois par terre, a refusé de se laisser saisir les bras. L’AT et l’AI ont donné plusieurs coups de poing et de bras au plaignant qui était à terre et ont tenté de le maîtriser alors qu’il se serrait fermement les bras contre la poitrine et continuait d’agiter les jambes. À un moment donné, l’AI a placé sa main droite sur l’arrière de la tête du plaignant et lui a frappé le visage trois fois contre le plancher de la terrasse. La lutte s’est poursuivie pendant un bref moment avant que les agents parviennent à maîtriser les bras du plaignant et à le menotter dans le dos.

Les agents ont relevé le plaignant et l’ont escorté du jardin jusqu’à la chaussée où se trouvait un véhicule de police. Arrivé devant le véhicule, le plaignant a pris appui de son pied droit contre le pare-chocs. L’AI, qui était à gauche du plaignant, a immédiatement réagi en le poussant vers l’avant et vers le bas; le visage du plaignant a heurté le capot. Une fois le plaignant penché sur le capot du véhicule de police, les agents l’ont fouillé.

Le plaignant a été conduit au poste de police, puis à l’hôpital où on lui a diagnostiqué une fracture du nez.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Paragraphe 348 (1) du Code criminel — Introduction par effraction dans un dessein criminel

348 (1) Quiconque, selon le cas :
a) s’introduit en un endroit par effraction avec l’intention d’y commettre un acte criminel;
b) s’introduit en un endroit par effraction et y commet un acte criminel;
c) sort d’un endroit par effraction :
(i) soit après y avoir commis un acte criminel,
(ii) soit après s’y être introduit avec l’intention d’y commettre un acte criminel,
est coupable
d) soit d’un acte criminel passible de l’emprisonnement à perpétuité, si l’infraction est commise relativement à une maison d’habitation;
e) soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans ou d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire si l’infraction est commise relativement à un endroit autre qu’une maison d’habitation.

(2) Aux fins des poursuites engagées en vertu du présent article, la preuve qu’un accusé :
a) s’est introduit dans un endroit par effraction ou a tenté de le faire constitue, en l’absence de preuve contraire, une preuve qu’il s’y est introduit par effraction ou a tenté de le faire, selon le cas, avec l’intention d’y commettre un acte criminel;
b) est sorti d’un endroit par effraction, fait preuve, en l’absence de toute preuve contraire, qu’il en est sorti par effraction :
(i) soit après y avoir commis un acte criminel,
(ii) soit après s’y être introduit avec l’intention d’y commettre un acte criminel.

(3) Pour l’application du présent article et de l’article 351, « endroit » désigne, selon le cas :
a) une maison d’habitation;
b) un bâtiment ou une construction, ou toute partie de bâtiment ou de construction, autre qu’une maison d’habitation;
c) un véhicule de chemin de fer, un navire, un aéronef ou une remorque;
d) un parc ou enclos où des animaux à fourrure sont gardés en captivité pour fins d’élevage ou de commerce.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a été grièvement blessé lors de son arrestation par des agents du SPT le 20 septembre 2022. Un des agents qui a procédé à son arrestation a été désigné comme étant l’agent impliqué (AI) aux fins de l’enquête de l’UES. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué le dossier de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec l’arrestation et la blessure du plaignant.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police sont exonérés de toute responsabilité criminelle pour le recours à la force dans l’exécution de leurs fonctions, à condition que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou autorisé de faire en vertu de la loi.

Je suis convaincu que l’arrestation du plaignant par l’AI et l’AT était légale. Étant donné ce qu’ils avaient appris de l’appel au 9-1-1 et de leur conversation avec les résidents de la maison, les agents avaient des motifs d’arrêter le plaignant pour un certain nombre d’infractions, notamment pour « introduction par effraction », en contravention de l’article 348 du Code criminel. Après avoir placé le plaignant sous garde légale, les agents avaient également le droit de le fouiller en vertu de leurs pouvoirs en common law de procéder à une fouille en cas d’arrestation.

Je suis également convaincu que la force utilisée par les agents contre le plaignant, à savoir un placage à terre suivi de plusieurs coups à la tête et au torse, était légalement justifiée. À la connaissance des agents, le plaignant était à cet endroit sans y être autorisé et il avait tenté de s’introduire par effraction dans une maison d’habitation pour des raisons inconnues; son appréhension immédiate était bien justifiée. Dans les circonstances, quand le plaignant n’a pas obéi à leurs ordres de se mettre à terre, les agents avaient le droit de recourir à la force, ce qu’ils ont fait. Par la suite, comme le plaignant refusait de libérer ses bras pour qu’ils puissent le menotter et qu’il donnait des coups de pied dans leur direction, les agents étaient aussi en droit de recourir à une certaine force. Le plaignant exerçait une très forte résistance. Même après que sa tête a frappé à plusieurs reprises le plancher de la terrasse, ce qui a probablement causé sa blessure, il a continué de lutter contre les efforts des agents. Ce n’est que lorsque l’AT lui a donné deux coups de poing au bas du torse que les agents sont parvenus à lui maîtriser les deux bras et à le menotter. Aucune autre force n’a été utilisée par les agents jusqu’à ce que l’AI, après avoir escorté le plaignant jusqu’à un véhicule de police pour le fouiller, lui a cogné le visage contre le capot. Toutefois, cet épisode était le produit de forces opposées – le plaignant repoussant avec son pied droit calé contre le véhicule, et l’AT réagissant en le poussant vers l’avant. Compte tenu de la dynamique du moment, je ne peux raisonnablement conclure que l’AI a agi de façon excessive en forçant le plaignant à se placer dans une position où on pourrait le fouiller.

En conséquence, bien que j’accepte que le plaignant ait subi sa fracture du nez par suite son interaction avec l’AI et l’AT lors de son arrestation, il n’y a aucun motif raisonnable de croire que la blessure ait été attribuable à une conduite illégale de la part des agents. Il n’y a donc aucune raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.


Date : 18 janvier 2023

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les éléments de preuve suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces éléments de preuve sont résumées ci-après. [Retour au texte]
  • 2) Aussi connu sous le nom de 'Hot Shot'. [Retour au texte]
  • 3) En parlant du plaignant. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.