Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 22-OCI-221

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 32 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 30 août 2022, à 2 h 16 du matin, le Service de police du Grand Sudbury (SPGS) a avisé l’UES d’une blessure subie par le plaignant.

Selon le SPGS, le 29 août 2022, vers 22 h 37, la police a reçu un appel signalant une attaque au couteau dans une résidence (résidence no 1), à Sudbury. L’appelant (témoin no 1) a dit qu’il avait été poignardé par le plaignant. Peu après, le SPGS a reçu un autre appel pour une agression dans une deuxième résidence (résidence no 2). Le plaignant avait appelé la police pour dire qu’il avait été agressé. Des agents du SPGS ont été dépêchés aux deux résidences pour enquêter. Le répartiteur a dit au plaignant d’attendre les agents dans son allée de garage les mains vides. Quand les agents du SPGS sont arrivés à la résidence no 2, ils ont dit au plaignant de ne pas bouger et de garder ses mains le long du corps. Quand les agents se sont avancés pour saisir le plaignant, celui-ci a résisté et a été plaqué à terre. Comme le plaignant avait une coupure au pouce gauche, on l’a conduit à l’hôpital Horizon Santé-Nord, où des radiographies ont révélé une fracture de l’articulation de l’auriculaire droit. Le personnel hospitalier lui a plâtré la main avant de le replacer sous la garde de la police. Le plaignant a par la suite été accusé de multiples infractions et détenu en attendant une enquête sur le cautionnement.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 30 août 2022 à 9 h 16

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 30 août 2022 à 10 h 15

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 32 ans, n’a pas consenti à participer à une entrevue

Agents impliqués (AI)

AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.
AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 6 septembre 2022.

Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est déroulé dans l’allée de la résidence du plaignant à Sudbury – la résidence no 2.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]

Appel du plaignant au 9-1-1

L’enregistrement commence le 29 août 2022, à 21 h 53 h 23, et dure sept minutes et quatre secondes. En voici un résumé :

Le plaignant appelle le 9-1-1 pour signaler qu’un autre homme est en train de briser les vitres d’une voiture à une adresse, la résidence no 1, à Sudbury. On peut entendre un homme, le témoin no 1, crier en arrière-plan.

À 50 secondes du début de l’enregistrement, le témoin no 1 dit en criant au préposé à l’appel que le plaignant brise ses vitres et demande que la police vienne sur les lieux pour arrêter le plaignant.

Le plaignant donne son adresse au préposé à l’appel et dit que le témoin no 1 l’a poussé par terre.

À trois minutes et 29 secondes du début de l’appel, le plaignant demande qu’on envoie une ambulance pour l’examiner. Le plaignant dit que le témoin no 1 lui a donné un coup de poing au visage.

Appel au 911 par le témoin no 1

Il s’agit de l’enregistrement d’un appel du 29 août 2022, qui dure quatre minutes et 28 secondes et dont voici un résumé :
Le témoin no 1 demande que la police vienne à la résidence no 1 parce que le plaignant est en train de briser les vitres de sa voiture avec un marteau. Il dit que le plaignant a bu. Le témoin no 1 ajoute que le plaignant a aussi appelé la police. Le plaignant est maintenant parti et rentre chez lui à pied.

À trois minutes et 56 secondes du début de l’appel, le préposé à l’appel dit au témoin no 1 qu’un agent de police va se rendre à son domicile.

Second appel au 9-1-1 par le témoin no 1

Il s’agit de l’enregistrement d’un appel du 29 août 2022, qui commence à 22 h 36 min 13 s et dure dix minutes et 53 secondes. En voici un résumé :

Le témoin no 1 demande que la police vienne chez lui parce que le plaignant l’a poignardé. Le témoin no 1 a verrouillé sa porte pour empêcher le plaignant d’entrer; il saigne. Il ne sait pas si le plaignant est encore devant chez lui en train d’attendre. Il dit que le plaignant a un couteau et que le plaignant habite dans une rue voisine de la sienne. Le témoin no 1 ajoute que le plaignant s’est faufilé vers lui et l’a poignardé devant chez lui.

À dix minutes et 50 secondes du début de l’appel, un agent de police arrive à la résidence du témoin no 1.

Deuxième appel du plaignant au 9-1-1

Il s’agit de l’enregistrement d’un appel du 29 août 2022, qui commence à 22 h 38 min 48 s et dure une minute et 35 secondes. En voici un résumé :

Le plaignant demande que la police vienne chez lui parce qu’il a été agressé. Il marchait dans la rue quand le témoin no 1 l’a rattrapé en courant et l’a battu. Le plaignant demande une ambulance parce qu’il saigne du pouce.

À une minute et quatre secondes du début de l’appel, un homme [déterminé comme étant l’AI no 1 ou l’AI no 2] ordonne au plaignant de garder les mains le long du corps. Le plaignant dit [traduction] « D’accord ». Les agents lui disent alors de ne pas bouger.

Un agent demande à deux reprises au plaignant où se trouve le couteau. Le plaignant répond [traduction] : « Le couteau est sur mon… il est sur mon… » L’agent dit : « Laisse tes mains là où elles sont, ne bouge pas. »

Vidéo de l’enregistrement au poste du SPGS

Il s’agit d’une vidéo du 30 août 2022. Elle est horodatée – elle commence à 1 h 38 min 59 s et se termine à 2 h 15 min 33 s – et n’a pas de fonction audio. En voici un résumé :

À 1 h 38 min 59 s, une voiture de police arrive dans le garage du poste de police.

À 1 h 42 min 2 s, un agent escorte le plaignant de la voiture de police au hall d’enregistrement du poste.

À 1 h 56 min 6 s, le plaignant entre dans une pièce adjacente au hall d’enregistrement. Il a un bandage sur la main droite et le pouce droit.

À 1 h 57 min 29 s, le plaignant sort de la pièce et revient dans le hall d’enregistrement où il parle avec l’AT no 2.

À 1 h 58 min 50 s, le plaignant retourne dans la pièce et en ressort à 2 h 05 min 18 s. À 2 h 07 min 33 s, le plaignant retourne dans la pièce, accompagné d’un agent qui tient une combinaison orange de prisonnier. À 2 h 09 min 51 s, le plaignant ressort de la pièce vêtu de la combinaison orange.

À 2 h 14 min 19 s, on place le plaignant dans une cellule.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, le SPGS a remis à l’UES les éléments et documents suivants entre le 30 août et le 29 septembre 2022 :
  • Enregistrements des communications;
  • Déclaration de témoin civil;
  • Vidéo de la garde;
  • Photographies;
  • Rapport d’arrestation;
  • Détails de répartition assistée par ordinateur;
  • Politique relative aux arrestations;
  • Politique relative à l’usage de la force;
  • Notes de l’AT no 1;
  • Notes de l’AT no 2.

Description de l’incident

La séquence d’événements suivante découle des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment de l’entrevue avec un agent qui était présent au moment de l’arrestation. Comme c’était leur droit, les deux agents impliqués n’ont pas accepté de s’entretenir avec l’UES ni autorisé la communication de leurs notes.

Dans la soirée du 29 août 2022, le SPGS a reçu plusieurs appels au 9-1-1 impliquant le plaignant et le témoin no 1. Ce dernier appelait pour signaler que le plaignant était venu chez lui, avait endommagé sa voiture et l’avait poignardé. Dans son appel au 9-1-1, le plaignant a dit que le témoin no 1 l’avait agressé. Des agents ont été envoyés pour enquêter.

L’AI no 1 et l’AI no 2 sont arrivés à la résidence du plaignant. Ce dernier était dans l’allée de garage devant chez lui. Dans les instants qui ont suivi, l’AI no 1 a plaqué le plaignant à terre, après quoi l’AI no 2 l’a menotté.

Après son arrestation, le plaignant a été conduit à l’hôpital et soigné pour une fracture d’une phalange de la main droite.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a reçu un diagnostic de blessure grave à la suite de son arrestation par des agents du SPGS le 29 août 2022. Les deux agents qui ont procédé à l’arrestation ont été identifiés comme étant les agents impliqués (AI no 1 et AI no 2) aux fins de l’enquête de l’UES qui a suivi. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’un ou l’autre des agents impliqués ait commis une infraction criminelle en lien avec l’arrestation et la blessure du plaignant.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police sont exonérés de toute responsabilité criminelle pour le recours à la force dans l’exécution de leurs fonctions, à condition que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou autorisé de faire en vertu de la loi.

Je suis convaincu que l’arrestation du plaignant par l’AI no 1 et l’AI no 2 était légale. Les agents avaient appris que le plaignant venait de poignarder quelqu’un avec un couteau.

Je suis également convaincu qu’il n’y a pas suffisamment de preuves pour conclure raisonnablement que l’un ou l’autre des agents impliqués a utilisé une force excessive dans son interaction avec le plaignant. On dispose de peu d’éléments de preuve directs sur les détails de l’arrestation. D’après ce que l’on sait, le plaignant s’est éloigné de l’AI no 1 quand l’agent l’a agrippé, après quoi il a été plaqué au sol et arrêté. Un placage à terre semble en soi une tactique raisonnable compte tenu de la résistance du plaignant et de la possibilité qu’il ait un couteau sur lui. Dans cette position, les agents seraient en mesure de mieux gérer les risques présentés par un homme armé et peu coopératif.

On ne sait pas si le plaignant a été blessé lors de sa confrontation avec les agents impliqués ou avec le témoin no 1. Quoi qu’il en soit, comme il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI no 1 ou l’AI no 2 se soit comporté autrement que légalement tout au long de leur interaction avec le plaignant, il n’y a aucune raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire.


Date : 28 décembre 2022

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les éléments de preuve suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces éléments de preuve sont résumées ci-après. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.