Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 22-TCD-176

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 26 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 10 juillet 2022, vers 1 h 02 du matin, le Service de police de Toronto (SPT) a communiqué à l’UES les renseignements suivants.

Le 9 juillet 2022, vers 22 h 29, des agents ont été appelés à se rendre à un appartement de Tree Sparroway, à North York, en réponse à une plainte signalant qu’un homme souffrant d’un trouble de santé mentale [connu comme étant le plaignant] menaçait sa mère avec un couteau. Les deux frères du plaignant, qui étaient aussi sur place, retenaient leur frère par terre en attendant l’arrivée de la police. Une fois sur les lieux, l’agent impliqué (AI) et l’agent témoin (AT) no 1 ont placé le plaignant sous garde et l’ont menotté, après quoi le plaignant est tombé en détresse médicale. Les agents lui ont retiré les menottes et ont appelé les Services médicaux d’urgence (SMU). Les SMU sont arrivés sur les lieux et ont conduit le plaignant à l’Hôpital général de North York (« l’hôpital »), au 4001, rue Leslie, à North York. Malgré les efforts de réanimation prodigués au plaignant, son décès a été prononcé à 0 h 02.

Les lieux avaient été sécurisés en attendant leur examen.

Les agents qui étaient intervenus, équipés de caméras corporelles, sont retournés à la 33e division.

Le coroner régional principal a été avisé.

Les agents en cause sont l’AT no 1, l’AI et l’AT no 2.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 10 juillet 2022 à 1 h 27

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 10 juillet 2022 à 3 h 45

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 6

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 26 ans, décédé

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue entre le 10 et le 14 juillet 2022.

Agent impliqué (AI)

AI A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 25 août 2022.

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue entre le 15 et le 19 juillet 2022.

Éléments de preuve

Les lieux

Il s’agissait d’un appartement d’un immeuble de la rue Tree Sparroway, à North York. L’appartement comportait un coin-cuisine et un salon au premier niveau et les chambres au deuxième niveau. L’incident s’est produit à l’extérieur de l’entrée du coin-cuisine, au sud-ouest de la salle à manger. 

Schéma des lieux

Éléments de preuve matériels

L’UES a recueilli l’objet suivant :

- Couteau multifonction (lame d’environ 9 centimètres)


Figure 1 – Le couteau multifonction du plaignant

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]

Vidéo de la caméra corporelle de l’AI

Cette vidéo, d’une durée de deux heures et dix minutes, commence le 9 juillet 2022 à 22 h 53. Ce qui suit est un résumé des images pertinentes.

L’AI arrive sur les lieux et rejoint l’AT no 1 sur le trottoir. L’AI suit l’AT no 1 et le TC no 1 dans l’immeuble et monte l’escalier menant à l’appartement.

À 22 h 53 min 58 s, l’AI et l’AT no 1 entrent dans l’appartement. Le TC no 4 est assis dans le salon. Le TC no 2 est assis par terre près de l’entrée de la cuisine; le TC no 3 est derrière lui, apparemment allongé sur le plaignant et la tête tournée vers la cuisine. L’AI dit : [traduction] : « Restez sur lui ». Le TC no 2 commence à se relever. L’AI s’approche de la tête du TC no 3.

À 22 h 54 min 13 s, on peut voir le plaignant à plat ventre par terre, avec les mains qui se touchent au-dessus de sa tête. Le TC no 3 est allongé à plat ventre sur le dos du plaignant. L’AI dit au plaignant qu’il va lui prendre le bras et lui saisit le poignet gauche à deux mains. Au moment où l’AI tire le bras gauche du plaignant sur le côté, sa caméra montre le haut du dos du TC no 3. Un agent demande au TC no 3 de déplacer sa main gauche. Le TC no 2 est toujours contre le plaignant et le TC no 3. À 22 h 54 min 23 s, le TC no 3 et le TC no 2 s’écartent pour laisser les agents attacher une menotte au poignet gauche du plaignant.

L’AI dit au plaignant qu’il va lui tirer le bras en arrière et commence à lui placer le bras droit dans le dos. Le TC no 3 est maintenant assis sur la taille du plaignant et aide les agents à le menotter. L’AI dit [traduction] « Non, [le plaignant], laisse-toi faire », tout en lui tirant le bras au milieu du dos. La main du plaignant semble se coincer dans les vêtements, et les vêtements sont repoussés.

À 22 h 55 min 1 s, l’AI et l’AT no 1 ont terminé le menottage. L’AI dit : [traduction] : « Maintenant que c’est verrouillé, on va placer une retenue souple à ses chevilles ». Le TC no 3 est assis sur les jambes du plaignant. L’AI et l’AT no 1 félicitent le TC no 3 et le TC no 2 pour un travail bien fait; l’AT no 1 verrouille les menottes.

À 22 h 55 min 25 s, un agent demande au TC no 3 de remonter le pantalon du plaignant. Quatre secondes plus tard, l’AI demande si le plaignant respire. Il dit le nom du plaignant, après quoi on fait rouler le plaignant sur le côté gauche. À 22 h 55 min 41 s, l’AI prend le pouls au cou du plaignant, puis lui relève la tête, qui semble pendouiller.

À 22 h 56 min 12 s, le plaignant roule sur le dos. Sa pupille gauche est visible, mais sa paupière est partiellement fermée. L’AI repose la tête du plaignant par terre et demande à l’AT no 1 d’appeler les SMU. Le plaignant a la bouche entrouverte et on peut voir ses dents du haut. L’AI dit que le plaignant est inconscient et ne respire pas; l’AT no 1 répète cela sur la radio de la police. À 22 h 56 min 13 s, on fait une friction thoracique au plaignant, qui ne réagit pas. Un des frères demande s’il respire et on lui répond que non.

À 22 h 56 min 23 s, l’AI se place à gauche du plaignant et commence la RCR. L’agent demande si le plaignant a des problèmes de santé et quelqu’un répond qu’il souffre d’un trouble de santé mentale. La police demande pendant combien de temps le plaignant a été maintenu plaqué à terre et quelqu’un répond « cinq ». On demande au service d’incendie de Toronto de venir avec un défibrillateur.

À 22 h 58, l’AT no 1 retire les menottes. On demande aux frères d’attendre dehors les pompiers et les SMU et de les diriger vers les lieux aussi rapidement que possible. L’AI et l’AT no 1 continuent la RCR.

À 23 h, un agent [maintenant connu pour être l’AT no 2] arrive sur les lieux. L’AI lui explique que les frères retenaient le plaignant au moment où il est arrivé avec l’AT no 1. Le plaignant a été menotté, l’AT a pris son pouls et les menottes lui ont été retirées. Ils ont alors administré immédiatement la RCR.

À 23 h 01, on place une serviette sous la tête du plaignant pour réajuster sa position.

À 23 h 04, les pompiers et les SMU arrivent et on leur dit qu’on administre RCR au plaignant depuis quatre minutes et qu’il ne réagit pas au stimulus de la douleur. L’AI explique que le TC no 2 et le TC no 3 avaient retiré un couteau au plaignant et l’avaient maintenu au sol. Après avoir menotté le plaignant, les agents ont remarqué qu’il n’avait pas de pouls; ils ont donc immédiatement commencé la RCR. L’AI répète la même chose à un autre ambulancier paramédical et ajoute [traduction] : « À un moment donné, il a cessé de respirer. »

À 23 h 08, l’AI demande au TC no 2 et au TC no 3 pendant combien de temps ils avaient retenu le plaignant; le TC no 2 répond pendant quatre à cinq minutes. L’AI parle de nouveau avec l’AT no 2 et lui décrit ce qui s’est passé, en ajoutant que lorsqu’ils ont retourné le plaignant, ce dernier avait les yeux révulsés et que tout s’était passé en une minute. On explique à l’AT no 2 que le plaignant souffrait d’un trouble de santé mentale.

À 23 h 31, on sort le plaignant de l’appartement.

À 23 h 34, la TC no 1 dit qu’elle a caché le couteau dans la salle de bain. À 23 h 35, on donne à l’AI et l’AT no 1 l’ordre de rester sur les lieux, et l’AT no 2 dit qu’on n’a pas encore appelé l’UES.

À 23 h 37 min, l’AI et l’AT no 1 retournent dans l’appartement. À 23 h 38, la TC no 1 récupère le couteau et le remet à l’AI en disant qu’elle a « une petite coupure ». La TC no 1 explique à l’AI et à l’AT no 1 ce qui s’est passé et dit que ses fils lui avaient dit comment ils avaient pris le couteau.

À 23 h 48, l’AI reçoit un appel, entre dans le corridor et coupe l’enregistrement sonore de sa caméra corporelle. À 23 h 50, l’AI rétablit l’enregistrement sonore et entre dans l’appartement. Il décrit le couteau en indiquant qu’il est suffisamment tranchant pour couper un doigt. La TC no 1 dit que le plaignant les aurait tous tués; le TC no 4 demande pourquoi elle avait ouvert la porte. Une conversation s’ensuit sur le fait que la santé mentale doit être prise au sérieux et que le plaignant a ce genre de comportement depuis des années.

À 0 h 23, un détective s’entretient avec la famille et dit que l’UES va venir sur les lieux. À 0 h 34, un détective dit que le plaignant est décédé, mais qu’on attendra que l’AI et l’AT no soient partis avant d’en informer la famille.
 

Vidéo de la caméra corporelle de l’AT no 1

La vidéo de la caméra corporelle de l’AT no 1 dure une heure et 58 minutes et commence le 9 juillet 2022 à 22 h 53. L’AT no 1 était le partenaire de l’AI. Les images de sa caméra sont essentiellement les mêmes que celles de la caméra de l’AI.

Vidéo de la caméra corporelle de l’AT no 2

La vidéo de la caméra corporelle de l’AT no 2 commence à 22 h 59 min 15 s et se termine à 23 h 45 min 23 s.
À 22 h 59 min 27 s, l’AT no 2 arrive et est accueilli par la TC no 1. À 23 h 00 min 26 s, l’AT no 2 entre dans l’appartement. L’AI et l’AT no 1 sont en train d’effectuer des compressions thoraciques sur le plaignant. Il y a aussi trois hommes dans l’appartement. L’AT no 2 dit à l’un d’eux de sortir et d’attendre les ambulanciers.
L’AI dit à l’AT no 2 que lorsqu’il est entré dans l’appartement avec l’AT no 1, les hommes retenaient le plaignant à terre. Ils ont menotté le plaignant et vérifié son pouls, mais il n’avait pas de pouls. Ils lui ont retiré les menottes et ont commencé la RCR.

À 23 h 03 min, l’AT no 2 sort pour rencontrer les ambulanciers paramédicaux. À 23 h 03 min 51 s, l’AT no 2 escorte les pompiers dans l’appartement. Un homme dit que le plaignant avait un couteau que les agents ont pris.

À 23 h 06 min 5 s, les ambulanciers paramédicaux arrivent.

À 23 h 09 min 23 s, la TC no 1 dit à l’AT no 2 [traduction] : « Ce n’était pas la première fois qu’il… », après quoi elle est trop bouleversée pour terminer sa phrase. L’AT no 2 parle avec l’AI qui lui dit que le plaignant souffrait d’un trouble de santé mentale et qu’il ne prenait pas de stupéfiants.

À 23 h 29 min 10 s, l’AT no 2 sort pour préparer le trajet d’urgence à l’hôpital. L’AT no 2 demande à l’AI et à l’AT no 2 de rester sur les lieux; il se chargerait du trajet d’urgence.

À 23 h 37 min 58 s, l’AT no 2 se rend à l’hôpital où il arrive à 23 h 41 min 36 s.

Enregistrements des communications

Le SPT a remis à l’UES l’enregistrement des communications du 9 juillet 2022 à 22 h 30 min 6 s au 10 juillet 2022 à 0 h 46 min 47 s.

À 22 h 30 min 6 s, le répartiteur demande aux unités disponibles de se rendre à un immeuble d’appartements pour une personne avec un couteau. La personne qui a appelé [connue comme étant la TC no 1] a dit que le plaignant avait un couteau, mais que personne n’était blessé.

À 22 h 41 min 47 s, le répartiteur dit que suite à un appel pour fusillade, aucun agent de la 33e division n’est disponible. Deux agents supplémentaires de la 42e Division sont dépêchés.

Le répartiteur dit que le plaignant souffre d’un trouble de santé mentale et qu’il a un couteau dans le salon. Ses frères le retiennent par terre; le plaignant n’avait pas de couteau au moment de l’appel, mais essayait de se relever. Il y a cinq personnes sur les lieux.

À 22 h 48 min 8 s, la première unité dit au répartiteur qu’elle se rend sur place. Le répartiteur dit que la TC no 1 a pris le couteau du plaignant et que ses frères continuent de l’immobiliser.

À 22 h 55 min 54 s, la première unité demande les SMU. Le plaignant est inconscient et a cessé de respirer. La RCR est en cours et on demande de placer un appel d’urgence aux SMU.

À 22 h 59 min 24 s, la première unité dit au répartiteur qu’ils ont administré la RCR pendant deux minutes. À 23 h 06 min 42 s, la deuxième unité, les SMU et les pompiers sont sur les lieux, et les SMU ont pris en charge la RCR.
À 23 h 17 min 10 s, la deuxième unité dit qu’ils s’en vont parce qu’on n’a plus besoin d’eux sur les lieux.

À 23 h 25 min 44 s, la première unité dit au répartiteur qu’un trajet d’urgence à l’hôpital s’avère nécessaire.

À 23 h 37 min 27 s, une troisième unité dit au répartiteur que la première unité restera sur les lieux et que la troisième escortera le trajet d’urgence de l’ambulance jusqu’à l’hôpital.

À 23 h 41 min 6 s, la troisième unité et les SMU arrivent à l’hôpital.

Le 10 juillet 2022, à 00 h 46 min 47 s, la première unité demande les SMU parce qu’un des frères du plaignant ressent des douleurs à la poitrine.

Enregistrement de l’appel au 9-1-1

Le SPT a remis à l’UES l’enregistrement de l’appel au 9-1-1 du 9 juillet 2022. L’enregistrement commence à 22 h 29. Ce qui suit est un résumé des renseignements pertinents tirés de cet enregistrement.

À 22 h 29 min 20 s, la TC no 1 demande que la police vienne chez elle parce que son fils, le plaignant, a un couteau. Il est dans le salon. La TC no 1 est hystérique et panique. Le plaignant essaye de trouver un couteau pour tuer des gens. Le plaignant souffre d’un trouble de santé mentale et prend des médicaments. Il n’a pas bu ni pris de stupéfiants. Il n’habite pas chez la TC no 1. Il y a cinq personnes dans l’appartement. Les frères du plaignant le retiennent par terre, mais il essaye de se relever.

À 22 h 42 min 12 s, la TC no 1 rappelle pour demander quand la police arrivera.

La TC no 1 rappelle à 22 h 51 min 36 s pour dire que la police n’est pas encore arrivée et que les frères du plaignant continuent de l’immobiliser. La police arrive à la fin de l’appel à 22 h 53 min 9 s.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, le SPT a remis à l’UES les éléments et documents suivants entre le 10 juillet et le 22 août 2022 :
  • Rapport sur les détails de l’événement;
  • Enregistrements des communications;
  • Vidéos de caméras corporelles;
  • Rapport d’événement général et rapport supplémentaire;
  • Notes de l’AI;
  • Notes de l’AT no 1;
  • Notes de l’AT no 2;
  • Liste des témoins civils;
  • Interactions avec le sujet;
  • Politique – Décès sous garde;
  • Politique – Urgences médicales.

Description de l’incident

Le scénario suivant découle des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec des témoins oculaires des événements en question et des vidéos de caméras corporelles qui ont filmé certaines parties de l’incident.

Le 9 juillet 2022, vers 22 h 48, l’AI et l’AT no 1 ont été envoyés à un appartement de Tree Sparroway, à Toronto. La TC no 1, qui résidait à l’adresse avec sa famille, avait appelé le 9-1-1 pour signaler des troubles impliquant un de ses fils, le plaignant.

Le plaignant, qui habitait ailleurs, était venu pour récupérer son courrier. Le plaignant, en possession d’un couteau, a tenu des propos menaçants et ses frères, le TC no 2 et TC no 3, sont intervenus physiquement. Les frères ont réussi à forcer le plaignant à s’allonger sur le dos et ont joint leurs efforts pour le maintenir à terre. Le TC no 2 a rapidement confisqué le couteau du plaignant. Craignant qu’il ne prenne un autre couteau s’ils le libéraient, le TC no 2 et le TC no 3 ont maintenu le plaignant au sol en attendant l’arrivée de la police.

La TC no 1 avait parlé à une opératrice du 9-1-1 vers 22 h 30. Elle avait expliqué que le plaignant avait un couteau et menaçait de blesser des gens. Elle avait aussi mentionné que le plaignant, qui souffrait d’un trouble de santé mentale, était maintenu à terre par ses frères. Lors d’appels subséquents à la police, à 22 h 42 et à 22 h 51, la TC no 1 a expliqué qu’on avait confisqué le couteau au plaignant. [2]

L’AI et l’AT no 1 sont arrivés sur les lieux vers 22 h 53. Ils ont trouvé le plaignant allongé par terre dans la salle à manger juste à côté de la cuisine. Le TC no 2 était allongé sur le ventre sur le plaignant. Les agents ont saisi les bras du plaignant et l’ont menotté dans le dos avec l’aide du TC no 2 qui s’était relevé.

Peu après avoir fixé les dispositifs de retenue, l’AI a remarqué que quelque chose n’allait pas : les yeux du plaignant ne clignotaient pas et il ne respirait pas. L’AT no 1 a appelé les SMU. Les agents ont retiré les menottes du plaignant et ont commencé la RCR en attendant l’arrivée des ambulanciers paramédicaux.

Les ambulanciers paramédicaux et les pompiers sont arrivés une dizaine de minutes plus tard et ont pris en charge les efforts de réanimation.

Le plaignant a été transporté à l’hôpital où son décès a été constaté à 0 h 02, le 10 juillet 2022.
 

Cause du décès

Une autopsie a été réalisée le 11 juillet 2022. La cause du décès du plaignant demeure indéterminée.

Dispositions législatives pertinentes

L’article 215 du Code criminel – Défaut de fournir les choses nécessaires à l’existence

215 (1) Toute personne est légalement tenue :

c) de fournir les choses nécessaires à l’existence d’une personne à sa charge, si cette personne est incapable, à la fois :
(i) par suite de détention, d’âge, de maladie, de troubles mentaux, ou pour une autre cause, de se soustraire à cette charge,
(ii) de pourvoir aux choses nécessaires à sa propre existence.

(2) Commet une infraction quiconque, ayant une obligation légale au sens du paragraphe (1), omet, sans excuse légitime, de remplir cette obligation, si :
b) à l’égard d’une obligation imposée par l’alinéa (1)c), l’omission de remplir l’obligation met en danger la vie de la personne envers laquelle cette obligation doit être remplie, ou cause, ou est de nature à causer, un tort permanent à la santé de cette personne.

Articles 220 du Code criminel -- Négligence criminelle

220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :
a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;
b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

Analyse et décision du directeur

Le 10 juillet 2022, le décès du plaignant a été constaté alors qu’il était sous la garde du SPT. Dans l’enquête de l’UES qui a suivi, un des agents qui avait arrêté le plaignant a été identifié comme étant l’agent impliqué (AI). L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec le décès du plaignant.

Les infractions à prendre en considération en l’espèce sont l’omission de fournir les choses nécessaires à l’existence et la négligence criminelle causant la mort, en contravention des articles 215 et 220 du Code criminel, respectivement. Un simple manque de diligence ne suffit pas à engager la responsabilité pour ces deux infractions. Pour la première, la culpabilité serait fondée, en partie, sur la conclusion que la conduite constituait un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercée dans les mêmes circonstances. La deuxième correspond aux cas encore plus graves de conduite qui font preuve d’un mépris déréglé ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autres personnes. Pour que cette infraction soit établie, il faut notamment que la négligence constitue un écart à la fois marqué et important par rapport à une norme de diligence raisonnable. En l’espèce, il faut donc déterminer si l’AI a fait preuve d’un manque de diligence qui a mis en danger la vie du plaignant ou a causé son décès et si ce manque était suffisamment flagrant pour entraîner une sanction pénale. À mon avis, ce n’est pas le cas.

La présence de l’AI et de l’AT no 1 était légale, et ils exerçaient leurs fonctions tout au long de leur intervention auprès du plaignant. Ils avaient été envoyés sur les lieux en réponse à un appel pour troubles familiaux impliquant une arme –un couteau – et étaient dans leur droit de mettre le plaignant sous garde compte tenu des renseignements fournis sur son comportement durant l’appel au 9-1-1. En tant qu’agents de police, ils étaient également tenus de prodiguer des premiers soins d’urgence dans toute la mesure du possible lorsqu’ils ont remarqué que le plaignant souffrait de détresse médicale peu après avoir été menotté.

Pendant le court laps de temps durant lequel ils sont intervenus auprès du plaignant, je suis convaincu que l’AI et l’AT no 1 se sont comportés avec la diligence requise et en tenant compte de sa santé et de son bien-être. Étant donné ce qu’ils savaient de l’appel au 9-1-1, notamment concernant le couteau, et ce qu’ils ont constaté en arrivant sur les lieux – le TC no 2 à plat ventre sur son frère, lui-même allongé par terre, comme s’il essayait de l’empêcher de se relever – la décision de menotter immédiatement le plaignant était une décision raisonnable prise dans l’intérêt de la sécurité de tous. Par la suite, les agents ont agi rapidement dès qu’ils ont remarqué que le plaignant était en état de crise médicale : ils ont appelé les SMU et administré la RCR.

Par conséquent, même si la cause du décès du plaignant demeure indéterminée pour le moment, il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’il soit attribuable à une conduite illégale de la part de l’agent impliqué. Il n’y a donc aucune raison de porter des accusations criminelles et le dossier est clos.


Date : 7 novembre 2022

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les éléments de preuve suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces éléments de preuve sont résumées ci-après. [Retour au texte]
  • 2) Il n’y avait aucun agent disponible pour répondre immédiatement à l’appel initial de la TC no 1, car il semble qu’ils étaient tous occupés par une fusillade qui s’était produite dans leur division. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.