Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 22-OCI-123

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant la blessure grave subie par un homme de 25 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 2 mai 2022, à 9 h 59, le Service de police régional de Halton (SPRH) a avisé l’UES d’une blessure subie par le plaignant alors qu’il était sous garde.

Le SPRH a signalé que des agents de son service ont été appelés au magasin Shoppers Drug Mart, situé au 2525, Prince Michael Drive, à Oakville, au sujet d’un homme [on sait maintenant qu’il s’agit du plaignant] qui était « inconscient » dans un véhicule stationné devant le magasin. Lorsque les agents du SPRH se sont approchés de la portière du côté conducteur, le véhicule a soudainement reculé et heurté une camionnette de l’unité d’intervention tactique du SPRH qui était stationnée sur place. Il a ensuite avancé et heurté le devant du magasin Shoppers Drug Mart. Par la suite, le véhicule a reculé de nouveau pour heurter une deuxième fois la camionnette, avant d’avancer et de fracasser une grande vitrine du magasin. Le plaignant est sorti du véhicule par la portière du côté passager et a été mis en état d’arrestation.

Le plaignant a été transporté en ambulance à l’hôpital Trafalgar Memorial d’Oakville, où l’on a constaté qu’il avait une fracture de la mâchoire inférieure.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 2 mai 2022, à 11 h 30

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 2 mai 2022, à 13 h 17

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4
 
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 25 ans; n’a pas consenti à participer à une entrevue

Témoin civil (TC)

TC A participé à une entrevue

Le témoin civil a participé à une entrevue le 2 mai 2022.

Agents impliqués (AI)

AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué; ses notes ont été reçues et examinées.

AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Agents témoins (AT)

AT no 1 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 2 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 3 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 4 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 5 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 6 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 7 A participé à une entrevue
AT no 8 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à des entrevues les 7 et 8 mai 2022.

Éléments de preuve

Les lieux

Le 2 mai 2022, à 13 h 40, des enquêteurs de l’UES sont arrivés au magasin Shoppers Drug Mart, situé au 2525, Prince Michael Drive, à Oakville. Le centre commercial dont ce magasin fait partie est situé du côté sud de la rue Dundas Est.

L’interaction entre le plaignant et les agents du SPRH s’est produite du côté ouest du magasin Shoppers Drug Mart, dans les espaces de stationnement situés devant l’immeuble, au sud des portes avant.

Le véhicule du plaignant a été retrouvé sur les lieux de Total Roadside Collision, au 1092, South Service Road Ouest. Le véhicule présentait des dommages visibles aux pare-chocs avant et arrière, et les vitres avant et arrière du côté conducteur étaient brisées. Un fil de sonde d’arme à impulsions était suspendu sur la portière avant, du côté conducteur.
 
Le véhicule de police de l’AT no 7, un Chevrolet Tahoe, se trouvait au Halton Region Southworks Department. Il présentait des dommages au coin avant du côté conducteur, ainsi qu’à l’extrémité avant. Des marques de peinture rouge étaient visibles sur le véhicule.
 
La camionnette banalisée de l’unité d’intervention tactique de l’AI no 1 et l’AI no 2 se trouvait également au Halton Region Southworks Department. Elle présentait une légère marque de peinture sur la jante du côté conducteur.

Figure 1 – Scene of the incident in the parking area in front of Shoppers Drug Mart
Figure 1 – Les lieux de l’incident, dans le stationnement devant le magasin Shoppers Drug Mart

Figure 2 – Front driver side corner of WO #7’s police vehicle
Figure 2 – Coin avant du côté conducteur du véhicule de police de l’AT no 7

Figure 3 – The Chrysler driven by the Complainant
Figure 3 – Le véhicule Chrysler conduit par le plaignant

Schéma des lieux

Éléments de preuve matériels

Des fils de sonde d’arme à impulsions ont été récupérés dans le stationnement du magasin Shoppers Drug Mart et dans le véhicule du plaignant.

Figure 4 - CEW probe wires in parking lot
Figure 4 – Fils de sonde d’arme à impulsions dans le stationnement

Éléments de preuves médicolégaux

Téléchargement des données des armes à impulsions

Un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a examiné les armes à impulsions de l’AI no 1 et de l’AI no 2. Deux cartouches déployées associées à chacune des armes à impulsions ont été récupérées.
Les données ont été téléchargées par le SPRH, puis transmises à l’UES à des fins d’analyse. Les données ont révélé ce qui suit.
 
AI no 1

À 1 h 27 min 32 s, l’arme à impulsions est armée.

À 1 h 27 min 33 s, l’arme à impulsions est déclenchée, et la cartouche no 1 est déployée pendant cinq secondes.
 
À 1 h 27 min 45 s, l’arme à impulsions est déclenchée, et la cartouche no 2 est déployée pendant neuf secondes.
 
À 1 h 27 min 54 s, l’arme à impulsions est déclenchée, et la cartouche no 2 est déployée pendant cinq secondes.

À 1 h 27 min 59 s, le dispositif de sécurité de l’arme à impulsions est activé.
 
AI no 2
 
À 1 h 26 min 48 s, l’arme à impulsions est armée.

À 1 h 26 min 49 s, l’arme à impulsions est déclenchée, et la cartouche no 1 est déployée pendant cinq secondes.

À 1 h 26 min 55 s, l’arme à impulsions est déclenchée, et la cartouche no 2 est déployée pendant trois secondes.

À 1 h 26 min 58 s, le dispositif de sécurité de l’arme à impulsions est activé.

Figure 5 – SO #1’s CEW
Figure 5 – Arme à impulsions de l’AI no 1

Figure 6 – SO #2’s CEW
Figure 6 – Arme à impulsions de l’AT no 2

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]

Enregistrements vidéo du magasin Shoppers Drug Mart

Voici un résumé des extraits pertinents.

Le véhicule du plaignant est stationné dans le cinquième espace au sud de l’entrée et fait face au magasin Shoppers Drug Mart.

Une camionnette banalisée de l’unité d’intervention tactique, à bord de laquelle se trouvent l’AI no 1 et l’AI no 2, circule en direction est sur la rue Dundas Est, tourne en direction sud dans le stationnement et s’arrête derrière le véhicule du plaignant.

Le véhicule de police identifié de l’AT no 7 effectue un virage en direction sud depuis la rue Dundas Est, entre dans le stationnement et passe à côté du véhicule du plaignant.

L’AI no 1 et l’AI no 2 s’approchent de la portière du côté conducteur du véhicule du plaignant.

Alors que le véhicule de l’AT no 7 se dirige vers un espace de stationnement au sud du véhicule du plaignant, les phares du véhicule du plaignant s’allument, puis le véhicule recule, heurtant le panneau latéral avant de la camionnette de l’unité d’intervention tactique du côté conducteur.

L’AI no 1 court pour rejoindre l’AI no 2 et se place à droite de celui-ci; les deux agents se trouvent alors près de la portière du côté conducteur du véhicule du plaignant.

Le véhicule du plaignant avance et entre en collision avec le mur avant du magasin Shoppers Drug Mart. L’AT no 7 déplace son véhicule et heurte intentionnellement le panneau latéral arrière droit du véhicule du plaignant, semblant tenter de le bloquer.

L’AI no 1 et l’AI no 2 s’approchent du véhicule du plaignant tandis que celui-ci, après avoir frappé le mur, recule pour heurter la camionnette de l’unité d’intervention tactique une deuxième fois.

Le véhicule du plaignant avance et entre en collision avec la vitrine avant du magasin Shoppers Drug Mart, fracassant celle-ci.

Figure 7 – HRPS photograph of the front end of the Chrysler against the store window
Figure 7 – Photo prise par le SPRH du devant du véhicule Chrysler contre la vitrine du magasin


L’AI no 1 et l’AI no 2 s’approchent de la portière du côté conducteur du véhicule du plaignant. L’AT no 7 avance son véhicule de police et entre intentionnellement en contact avec le panneau latéral arrière du côté passager du véhicule du plaignant, semblant tenter de le bloquer pour l’empêcher de bouger.

Le plaignant se glisse du côté passager de son véhicule et sort par la portière avant, puis tombe au sol.

L’AI no 1 passe en courant derrière le véhicule de l’AT no 7 pour se rendre à la portière avant du véhicule du plaignant. Le plaignant se lève dès que l’AI no 1 s’approche. L’AI no 1 plaque le plaignant au sol et ils heurtent tous deux le mur du magasin.

Le plaignant est au sol, sur le dos, et lutte avec l’AI no 1. L’AI no 1 est sur le plaignant et lui donne environ huit coups de poing et de coude.

L’AI no 2 aide l’AI no 1 à maîtriser le plaignant.

L’AI no 1 dégaine son arme à impulsions et la place contre le plaignant. Les agents roulent le plaignant sur le dos, et l’AI no 1 lui donne deux à trois coups de genou à la tête ou au haut du torse. Le plaignant continue de se débattre.

L’AT no 8 s’approche et tient les jambes du plaignant tandis que l’AI no 1 et l’AI no 2 continuent de tenter d’immobiliser le haut de son corps.

Le plaignant est menotté avec les mains derrière le dos, se relève et est emmené hors du champ de la caméra.

Enregistrements des appels téléphoniques – 9-1-1

Le 2 mai 2022, à 1 h 18 min 25 s, le TC téléphone au 9-1-1 pour signaler qu’il a vu le plaignant inconscient dans son véhicule, qui est stationné directement devant le magasin Shoppers Drug Mart. Il dit que le véhicule est rouge et de marque Chrysler. Il précise que le plaignant est assis sur le siège du côté conducteur, lequel est incliné vers l’arrière. Il ajoute que lorsqu’il a demandé au plaignant s’il allait bien, celui-ci a répondu que oui, puis a perdu connaissance.

Par la suite, le TC retourne rapidement voir le plaignant, qui dort dans son véhicule.
 

Enregistrements des communications par radio de la police

Le 2 mai 2022, à 1 h 19 min 58 s, des agents du SPRH sont dépêchés au magasin Shoppers Drug Mart.

Le répartiteur affirme avoir effectué une recherche du numéro d’immatriculation et que le véhicule en question a été signalé comme volé.

L’AI no 1 et l’AI no 2 sont dépêchés sur les lieux.

L’AT no 1 demande aux agents dépêchés sur place de bloquer le véhicule du plaignant.

À 1 h 27 min 56 s, l’AT no 7 signale que le plaignant résiste à son arrestation après deux collisions, et que le véhicule du plaignant est entré en collision avec la vitrine du magasin Shoppers Drug Mart.

À 2 h 5 min 44 s, le plaignant est emmené en ambulance à l’hôpital Trafalgar Memorial d’Oakville.

Images captées par la caméra à bord du véhicule de police

Les images filmées par le système de caméra du véhicule de police de l’AT no 1 ont été examinées et jugées sans valeur probante.

Photos prises par le SPRH

Le SPRH a fourni des photos des lieux prises avant que le périmètre de sécurité soit levé.

Documents obtenus du service de police

Sur demande, l’UES a reçu les éléments suivants de la part du SPRH entre le 3 mai et le 30 mai 2022 :
  • données de l’arme à impulsions – AI no 2;
  • données de l’arme à impulsions – AI no 1;
  • enregistrements des communications;
  • enregistrement vidéo capté par le système de caméra à bord du véhicule de police;
  • sommaire du rapport du système de répartition assistée par ordinateur;
  • sommaire du dossier de la Couronne;
  • liste des agents concernés;
  • liste des témoins concernés;
  • rapport sur une collision de véhicules automobiles;
  • politique sur l’usage de la force;
  • politique sur les arrestations;
  • notes de l’AT no 6;
  • notes de l’AT no 5;
  • notes de l’AT no 8;
  • notes de l’AI no 1;
  • notes de l’AT no 7;
  • notes de l’AT no 3;
  • notes de l’AT no 2;
  • notes de l’AT no 4;
  • notes de l’AT no 1;
  • rapport d’incident;
  • dossiers de formation de l’AI no 1 et de l’AI no 2;
  • dossiers de formation sur l’usage de la force de l’AI no 1 et de l’AI no 2;
  • photos prises par les services d’identification médicolégale.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources :
  • vidéo de la caméra de sécurité du magasin Shoppers Drug Mart.

Description de l’incident

Le scénario qui suit est fondé sur les éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec un agent de police et avec un témoin civil qui étaient présents sur les lieux au moment des événements en question, de même que les enregistrements vidéo d’une caméra de surveillance montrant certaines parties de ces événements. Comme la loi les y autorise, l’AI no 1 et l’AI no 2 ont choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES. L’AI no 1 a cependant autorisé la transmission de ses notes.
 
Tôt dans la matinée du 2 mai 2022, le SPRH a reçu, par l’intermédiaire du 9-1-1, un appel dans lequel on a signalé la présence d’un homme « inconscient » sur le siège du côté conducteur d’un véhicule rouge – un Chrysler 300 – devant le magasin Shoppers Drug Mart situé au 2525, Prince Michael Drive, à Oakville. Une vérification des plaques d’immatriculation apposées au véhicule a révélé que le véhicule avait été signalé comme volé. Des agents ont été dépêchés sur les lieux pour prendre connaissance de la situation.
 
L’AI no 1 et l’AI no 2, membres de l’unité d’intervention tactique du SPRH, ont été les premiers à arriver sur les lieux, vers 1 h 30. Ils ont immobilisé leur camionnette banalisée derrière le véhicule Chrysler, qui était stationné dans l’un des espaces se trouvant directement devant le magasin. L’AT no 7 est arrivé peu après les deux autres agents. Il a placé son véhicule utilitaire sport (VUS) identifié du côté passager du Chrysler.
Le plaignant est la personne qui était sur le siège du côté conducteur du Chrysler. Tandis que l’AI no 1 et l’AI no 2 se rendaient à pied jusqu’à la portière du côté conducteur, le plaignant a reculé et a heurté le devant de la camionnette, du côté conducteur. Immédiatement après, il a avancé, a heurté une vitrine du magasin et l’a fracassée, puis il a reculé, a heurté la camionnette de la police une autre fois, pour ensuite avancer de nouveau, fracassant une autre vitrine du magasin.
 
Alors que le plaignant manœuvrait le véhicule Chrysler, l’AI no 1 a brisé la vitre de la portière arrière du côté conducteur et, l’arme à feu à la main, a inséré son bras dans le véhicule pour ordonner au plaignant de s’arrêter. Il a ensuite brisé la vitre de la portière avant du côté conducteur et a tenté de procéder à l’arrestation du plaignant. Après le deuxième impact contre le magasin, le plaignant s’est glissé du côté passager du véhicule et est sorti du véhicule par la portière avant. L’AI no 2 semble, à ce moment, avoir tiré avec son arme à impulsions depuis le côté conducteur du Chrysler, mais cela n’a pas eu d’effet.
 
L’AI no 1 a contourné sa camionnette et le VUS de l’AT no 7 en courant, a rattrapé le plaignant du côté passager du Chrysler et l’a plaqué. Une lutte s’en est suivie entre l’agent et le plaignant, et l’agent a donné environ huit coups de coude et de poing à la tête et au haut du torse du plaignant. L’AI no 2 s’est joint à l’altercation au sol et a tenté d’immobiliser le bas du corps du plaignant. L’AI no 1 a donné deux à trois coups de genou au plaignant, puis il a dégainé son arme à impulsions et tiré en direction du plaignant. Encore une fois, les décharges de l’arme à impulsions n’ont pas semblé avoir d’effet. Peu après, les trois agents maintenant sur les lieux, à savoir l’AT no 8, l’AI no 1 et l’AI no 2, ont menotté le plaignant, les mains derrière le dos.

Le plaignant a été transporté à l’hôpital depuis les lieux de l’incident; on a constaté qu’il avait une fracture de la mâchoire.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a subi une fracture de la mâchoire pendant une interaction avec des agents du SPRH le 2 mai 2022. Deux des agents, soit l’AI no 1 et l’AI no 2, ont été désignés comme étant les agents impliqués aux fins de l’enquête de l’UES. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’un ou l’autre des agents impliqués a commis une infraction criminelle relativement à la blessure du plaignant.

Aux termes du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit, sur la base d’un jugement raisonnable, nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire.
Au moment de l’altercation physique, l’AI no 1 et l’AI no 2 procédaient à l’arrestation légitime du plaignant. En fonction de l’information transmise par le répartiteur et de ce qu’ils avaient eux-mêmes constaté en voyant les tentatives dangereuses du plaignant d’échapper à la police, les agents avaient des motifs de procéder à l’arrestation de celui-ci pour possession et utilisation d’un véhicule volé.
 
En ce qui concerne l’ampleur de la force exercée à l’endroit du plaignant pour procéder à son arrestation, je ne suis pas en mesure de conclure raisonnablement qu’elle était excessive. Le plaignant était déterminé à s’enfuir et avait manœuvré le véhicule Chrysler avec une insouciance déréglée à l’égard de la vie et de la sécurité d’autrui pour y parvenir. Plus spécifiquement, sa conduite a posé, pour l’AI no 2 et l’AI no 1, qui étaient sortis de leur camionnette et se trouvaient près du Chrysler, du côté passager, un risque de blessure grave et de mort. Dans ces circonstances, les agents étaient autorisés à employer un certain degré de force pour maîtriser le plaignant dès que possible. Les décharges d’arme à impulsions lorsque le plaignant était toujours à l’intérieur du véhicule ou tentait d’en sortir constituaient une force raisonnable dans ce contexte, car elles avaient le potentiel d’immobiliser immédiatement le plaignant sans le blesser gravement. Lorsque cela n’a pas fonctionné et que le plaignant a pu sortir du Chrysler, l’AI no 1 était en droit de le plaquer au sol pour l’empêcher de fuir. Ensuite, les coups donnés par l’AI no 1, bien qu’ils constituaient une force importante, se sont produits pendant ce qui constituait, selon les témoignages recueillis, une lutte physique au sol avec le plaignant. Plus précisément, l’agent a dit avoir réagi aux tentatives du plaignant d’agripper son arme à impulsions ainsi que son arme à feu, qui était dans un étui attaché à sa jambe. L’AT no 7 appuie ce témoignage, indiquant qu’il a vu le plaignant tendre la main vers la ceinture de l’AI no 1 lorsqu’il était au sol. Par ailleurs, la vidéo ne montre pas clairement cette interaction; il est donc possible que le plaignant ait effectivement touché, intentionnellement ou non, les armes de l’AI no 1. Il semble donc que l’agent avait raison de tenter d’immobiliser le plaignant le plus rapidement possible en employant une force décisive. On peut dire de même des décharges de l’arme à impulsions de l’AI no 1, lancées au même moment, qui n’ont pas eu l’effet souhaité, soit d’immobiliser le plaignant. Une fois le plaignant menotté, aucune autre force n’a été exercée à son endroit.
 
On ne sait toujours pas précisément comment et quand la mâchoire du plaignant a été fracturée. Certains éléments de preuve indiquent que le plaignant aurait pu subir sa blessure dans l’une ou plusieurs des collisions de véhicules ayant précédé son arrestation au sol. Quoi qu’il en soit, comme il n’y a aucun motif raisonnable de croire que les agents impliqués ont agi autrement qu’en toute légalité pendant leur intervention auprès du plaignant, il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Par conséquent, le dossier est clos.


Date : 30 août 2022

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les enregistrements en question contiennent des renseignements personnels de nature délicate et ne sont donc pas divulgués, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces enregistrements sont résumées ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.