Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 22-TCI-023

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave qu’a subie un homme de 24 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 23 janvier 2022, vers 23 h, le service de police de Toronto (SPT) a informé l’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES ») de ce qui suit :

Vers 18 h 2, le propriétaire d’un dépanneur a communiqué avec la police pour signaler qu’un vol s’était produit dans un commerce de l’avenue Kipling à Toronto. Un homme, soit le plaignant, était entré dans le dépanneur et avait demandé deux paquets de cigarettes. Le propriétaire du dépanneur avait donc placé les articles sur le comptoir, mais le plaignant s’en est emparé et a pris la fuite sans payer. Le propriétaire a ensuite suivi le plaignant hors du magasin, mais ce dernier a sorti un couteau et s’est ensuite enfui.

À 18 h 3, deux agents de police, soit l’agent impliqué (AI) et l’agent témoin (AT) n° 1, ont donné suite à l’appel et ont réussi à trouver le plaignant. Lorsqu’ils se sont approchés de lui et ont tenté de l’arrêter, une lutte s’est engagée et le plaignant a été mis au sol. Il a été blessé au nez et a été transporté au Centre de santé St-Joseph.

L’urgentologue qui a examiné le plaignant a diagnostiqué une fracture du côté droit de l’os nasal. Le plaignant devait recevoir son congé de l’hôpital et le SPT devait recommander des accusations contre lui et traiter son dossier.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 24 janvier 2022 à 7 h 49

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 24 janvier 2022 à 13 h 10

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0
 

Personne concernée (la « plaignante ») :

Homme de 24 ans, a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés.

Le plaignant a participé à une entrevue entre le 24 janvier et le 11 février 2022.


Témoins civils (TC)

TC N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue formelle, mais a fourni des renseignements à l’UES

Agents impliqués (AI)

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué


Agents témoins (AT)

AT n° 1 A participé à une entrevue
AT n° 2 A participé à une entrevue
AT n° 3 A participé à une entrevue
AT n° 4 N’a pas participé à une entrevue; notes reçues et examinées

Les témoins civils ont participé à une entrevue entre le 28 janvier et le 3 février 2022.


Éléments de preuve

Les lieux

Le plaignant s’est blessé dans le secteur des avenues Kipling et Warnica. Plus concrètement, le plaignant a été abordé par des agents du SPT sur le côté sud de l’avenue Warnica, à environ 20 mètres à l’est de l’avenue Kipling.

Éléments de preuve médicolégaux

Aucune demande n’a été faite au Centre des sciences judiciaires.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]


Séquences filmées à l’aide de la caméra d’intervention de l’AT n° 1

L’enregistrement commence à 18 h 4 min 14 s et la caméra filme l’intérieur d’un véhicule de police en mouvement [nous savons maintenant qu’il s’agit du véhicule de police n° 1]. Le son est coupé dans la séquence. À 18 h 4 min 39 s, la caméra montre une vue du côté droit du pare-brise et une partie de la vitre de la portière côté passager, ainsi qu’un homme [nous savons maintenant qu’il s’agit du plaignant] debout sur le côté droit d’une voie d’accès. Le véhicule de police s’arrête juste devant le plaignant. L’AT n° 1 ouvre la portière côté passager, et le plaignant met ses mains au-dessus de sa tête.

À 18 h 4 min 43 s, le son de la vidéo est restitué. Le plaignant commence à s’agenouiller, les mains au-dessus de sa tête, et une voix d’homme dit : [traduction] « Levez vos mains et mettez-vous au sol! ». À 18 h 4 min 46 s, la main droite de l’AT n° 1 entre dans le champ de vision de la caméra en tenant un pistolet noir pointé vers le plaignant. La main gauche de l’agent saisit alors le plaignant par son manteau au niveau de l’épaule gauche et le fait avancer. Le plaignant dit : [traduction] « Désolé, désolé mon pote. » À 18 h 4 min 48 s, les jambes de l’AI entrent dans le champ de vision de la caméra, côté gauche, et, alors que le plaignant avance, l’AI tient le plaignant, avec sa main gauche, par le manteau, sur le côté gauche du cou, le poussant vers le sol. L’AI tient dans sa main droite un pistolet noir qu’il pointe vers le plaignant.

À 18 h 4 min 50 s, l’AI se dirige vers le plaignant et s’appuie contre lui pour le faire tourner sur son côté gauche. Le plaignant se retourne sur le dos. L’AI redresse le plaignant et pointe son arme à feu vers le visage du plaignant. Le plaignant s’écrie : [traduction] « Désolé, désolé. OK, s’il vous plaît, ne tirez pas. » À 18 h 5 min 1 s, les agents placent le plaignant sur le ventre. Un agent de police crie : [traduction] « Tournez-vous ».

L’AI tient le plaignant par la nuque avec sa main gauche. L’AI lui dit : [traduction] « Les mains derrière le dos tout de suite ou je déploie le pistolet électrique », et le plaignant répond : [traduction] « D’accord, monsieur. » Le bras gauche du plaignant reste étendu sur le côté et sa main droite est sous son visage.

À 18 h 5 min 11 s, l’AI se sert de sa radio de police pour frapper le plaignant à deux reprises sur le dessus de la tête. Il lui ordonne en criant : [traduction] « La main derrière le dos. »

À 18 h 5 min 15 s, on aperçoit le bras droit du plaignant sur son côté droit. Il dit : [traduction] « D’accord, monsieur, monsieur. Je vous en supplie. »

À 18 h 5 min 25 s, l’AT n° 1 menotte le plaignant, mains derrière le dos et l’AI pose son genou gauche sur la nuque du plaignant.

À 18 h 5 min 52 s, l’AI demande au plaignant : [traduction] « Où est le couteau? ».

À 18 h 5 min 55 s, l’AI retire son genou du cou du plaignant et demande : [traduction] « Où est le couteau? » et tient le plaignant par l’arrière des épaules. Le plaignant répond : [traduction] « Je ne sais pas, je n’ai pas de couteau. » L’AI répond : [traduction] « Comment ça non? Où se trouve-t-il? Vous l’avez jeté? » Le plaignant répond : [traduction] « Non, je ne sais pas. » L’AI dit : « Non, alors pourquoi avez-vous commis un vol dans le magasin? »

À 18 h 6 min 20 s, les agents mettent le plaignant debout et le mènent vers l’avant du véhicule de police n° 1.

À 18 h 7 min 32 s, l’AT n° 1 place le plaignant debout près du capot du véhicule de police et on aperçoit le côté gauche du visage du plaignant qui est couvert de sang. Le plaignant se tient à gauche du champ de vision de la caméra. On le fouille brièvement et on le fait passer devant le véhicule de police avant de le placer sur le siège arrière, côté conducteur.


Caméra d’intervention de l’AI

La caméra d’intervention de l’AI a été activée après que le plaignant ait été menotté. Le reste de la séquence correspond à la séquence captée par la caméra d’intervention de l’AT n° 1, mais d’un point de vue différent.


Séquences captées à l’aide du système de caméra installé dans la voiture de police - Véhicule n° 1

Le 23 janvier 2022, à 18 h 3 min 4 s, le véhicule de police n° 1 du SPT tourne à droite, en direction sud, sur l’avenue Kipling.

À 18 h 4 min 11 s, les gyrophares sont activés.

À 18 h 4 min 33 s, le véhicule de police n° 1 du SPT tourne à gauche, en direction sud, sur l’avenue Warnica. Il parcourt dix mètres et s’arrête dans une voie d’accès transversale, orientée vers le sud.

À 18 h 4 min 41 s, on entend un homme crier : [traduction] « À terre, tout de suite, bordel! ».

À 18 h 4 min 44 s, l’AI entre dans le coin gauche du champ de vision de la caméra, traverse l’avant du véhicule de police et sort du champ de vision de la caméra du côté droit.

À 18 h 5 min 9 s, un agent de police alerte le répartiteur : [traduction] « Une personne sous garde. »

À 18 h 5 min 28 s, un agent de police prévient le répartiteur : [traduction] « Tout est en ordre, on a besoin d’une autre unité, s’il vous plaît. »

À 18 h 6 min 22 s, l’AT n° 1 entre dans le coin droit du champ de vision de la caméra, suivi de près par un homme [on sait maintenant qu’il s’agit du plaignant] qui s’était penché sur l’avant du coin droit du véhicule de police. À 18 h 6 min 46 s, un agent de police entre dans le champ de vision de la caméra du coin gauche, traverse l’avant du véhicule de police et se tient à la droite du plaignant. L’AT n° 1 tient un sac qu’il pose ensuite sur le capot du véhicule de police, soit du côté gauche du champ de vision de la caméra.

À 18 h 17, l’AT n° 4 pose des questions au plaignant au sujet d’un couteau : [traduction] « Vous savez quoi, vous avez le nez en sang, alors je vais demander à ces agents de vous transporter à l’hôpital pour vous faire examiner, ça vous va? Vous préférez peut-être que j’appelle une ambulance? Comment va votre nez, vous pouvez respirer comme il faut? » Le plaignant répond : [traduction] « Je ne me sens pas bien. J’ai mal. »

À 18 h 23 min 6 s, le véhicule de police 1 du SPT sort et se dirige vers l’est sur l’avenue Warnica.

À 18 h 25 min 59 s, l’AT n° 1 dit qu’il arrête de nouveau le plaignant pour vol, possession d’une arme dans un dessein dangereux et en vertu d’un mandat d’arrêt lancé par un juge à Toronto.

À 18 h 36 min 50 s, le véhicule de reconnaissance n° 1 du SPT arrive au Centre de santé St Joseph.


Séquences captées à l’aide du système de caméra installé dans la voiture de police de l’AI n° 2

Le 23 janvier 2022, à 18 h 4 min 8 s, le véhicule n° 2 du SPT roule en ayant ses feux d’urgence et sa sirène activés.

À 18 h 7 min 28 s, le véhicule n° 2 arrive à l’angle de l’avenue Kipling et de l’avenue Warnica. Deux VUS du SPT identifiés dont les feux d’urgence sont activés se stationnent en direction est sur l’avenue Warnica. Une berline noire [on sait maintenant qu’elle était conduite par le fils du TC] est stationnée entre le véhicule de police n° 1 et une berline du SPT identifiée, sur le côté sud de l’avenue Warnica, et un VUS du SPT est stationné juste au nord, entre la berline noire et le véhicule de police n° 1, soit au milieu de l’avenue Warnica.

À 18 h 13 min 56 s, le fils du TC sort de la berline noire, suit un agent de police jusqu’au véhicule de police n° 2 et s’assoit sur le siège arrière côté passager du véhicule. Il dit : [traduction] « Faisons court et simple, parce que je n’aime pas les déclarations en fait. »

Le fils du TC dit qu’il est arrivé à la station-service et a appelé son père qui l’a informé que le plaignant avait volé deux paquets de cigarettes. Il a fait demi-tour pour chercher le plaignant, a aperçu le plaignant et a garé sa voiture dans une voie d’accès. Le fils du TC est sorti de son véhicule, s’est approché du plaignant et lui a demandé s’il avait volé deux paquets de cigarettes. Le plaignant a répondu : [traduction] « Hé, j’imagine que vous ne voulez pas mourir » et a sorti un petit couteau mince à cran d’arrêt, avec une lame de trois pouces. Le fils du TC a sauté par-dessus un banc de neige et le plaignant l’a poursuivi avec un morceau de glace à la main. Le fils du TC a remonté dans son véhicule et a appelé la police.


Séquences captées à l’aide du système de caméra installé dans la voiture de police de l’AI n° 3

Aucune des séquences captées n’a été utile à l’enquête.


Résumé des communications radio et téléphoniques

Appels téléphoniques

Le 23 janvier 2022, à 18 h 2 min 35 s, le fils du TC appelle le service 9-1-1 pour signaler qu’un homme [connu maintenant comme étant le plaignant] avait volé à son père, soit le TC, qui travaillait dans un dépanneur, deux paquets de cigarettes. Faisant face au plaignant, le fils du TC a été menacé par ce dernier qui tenait un couteau.

À 18 h 4 min 52 s, le fils du TC informe le répartiteur du service 9-1-1 que la police l’a « attrapé ».


Transmissions radio

Le 23 janvier 2022, à 18 h 3 min 6 s, le répartiteur demande aux unités disponibles de se rendre à une intersection de l’avenue Kipling pour donner suite à un vol à main armée.

À 18 h 3 min 16 s, des agents demandent à se rendre sur place. Un autre agent [on sait maintenant qu’il s’agissait de l’AT n° 4] qui était au courant de l’appel, demande également à ce qu’il puisse s’y rendre.

À 18 h 3 min 33 s, les agents du véhicule n° 1 [on sait maintenant qu’il s’agissait de l’AT n° 1 et de l’AI] demandent à être dépêchés sur les lieux.

À 18 h 3 min 42 s, le répartiteur signale par radio qu’un homme [connu maintenant comme étant le plaignant] avait sorti un couteau et volé deux paquets de cigarettes dans un dépanneur.

À 18 h 5 min 6 s, le répartiteur annonce que des agents de police sont avec le plaignant. Un agent de police informe le répartiteur de ce qui suit : [traduction] « Un homme est sous garde, continuez à envoyer des renforts. »

À 18 h 5 min 28 s, un agent de police avise le répartiteur : [traduction] « Tout est en ordre », mais demande du renfort. Le répartiteur dit que le véhicule n° 1 est à l’angle de l’avenue Kipling et de l’avenue Warnica.

À 18 h 6 min 22 s, le répartiteur indique que le plaignant a un couteau et qu’il faut donc faire preuve de vigilance.

À 18 h 7 min 22 s, le répartiteur dit que le plaignant a laissé tomber le couteau.

À 18 h 23 min 23 s, le véhicule n° 1 informe le répartiteur que le plaignant se fait transporter au Centre de santé St-Joseph pour se faire examiner davantage.

À 18 h 24 min 7 s, l’AT n° 4 informe le répartiteur qu’il s’agit désormais d’un vol et non plus d’un vol qualifié et que le suspect serait transporté à l’hôpital parce que son nez était en sang.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a obtenu les éléments suivants du SPT entre le 24 janvier et le 14 février 2022 :
  • Coordonnées de la personne concernée
  • Rapport sur les détails de l’incident
  • Enregistrements des communications
  • Séquences enregistrées à l’aide du système de caméra installé dans la voiture de police
  • Séquences filmées à l’aide de caméras d’intervention
  • Rapport général d’incident
  • Liste des agents
  • Notes de l’AT n° 1
  • Notes de l’AT n° 3
  • Notes de l’AT n° 2
  • Notes de l’AT n° 4

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants provenant de sources autres que la police :
  • Dossiers médicaux du plaignant
  • Dossier médical – Centre de santé St Joseph
  • Photographies fournies par le plaignant.

Description de l’incident

Le scénario suivant se dégage des preuves recueillies par l’UES, qui comprenaient des séquences de l’incident en question captées à l’aide de la caméra d’intervention de l’AT n° 1. Comme il en avait le droit, l’AI a refusé de s’entretenir avec l’UES ou d’autoriser la publication de ses notes.

Dans la soirée du 23 janvier 2022, l’AI et l’AT n° 1 ont été dépêchés sur l’avenue Kipling, à Toronto, pour enquêter sur un rapport de vol à main armée. Le répartiteur a dit qu’un homme avait sorti un couteau en vue de voler deux paquets de cigarettes dans un dépanneur.

Alors qu’ils roulaient vers le sud sur l’avenue Kipling, les agents ont vu un homme qui marchait dans la même direction sur le côté est de la route. La personne, soit le plaignant, correspondait à la description du suspect du vol. Les agents ont suivi le plaignant alors qu’il tournait vers l’est sur l’avenue Warnica et se dirigeait vers une voie d’accès du côté sud de la route.

L’AI et l’AT n° 1 se sont arrêtés au nord de la voie d’accès, sont sortis de leur voiture de police et ont fait face au plaignant en pointant une arme vers lui. À leur demande, le plaignant a levé les mains et s’est mis à genoux. Les agents ont alors saisi le haut du corps du plaignant et l’ont forcé à s’allonger sur le sol. Le plaignant étant sur le dos, l’AT n° 1 lui a donné plusieurs coups de poing dans l’abdomen avant de le faire rouler en position allongée, avec l’aide de l’AI. Le plaignant a reçu l’ordre de mettre ses bras derrière le dos et a été frappé lorsqu’il n’a pas obtempéré : un coup de poing dans le bas du dos infligé par l’AT n° 1 et deux coups à la tête avec une radio que l’AI tenait dans sa main droite. Peu après le deuxième coup à la tête, le plaignant a sorti son bras droit de dessous sa tête pour le mettre sur le côté. C’est à ce moment-là que l’AT n° 1 l’a saisi et l’a menotté derrière le dos.

Après son arrestation, les agents ont mis le plaignant debout, l’ont fouillé à côté de leur voiture de police puis l’ont placé à l’arrière de leur véhicule. Comme ils avaient remarqué du sang sous le nez du plaignant, l’AT n° 1 et l’AI ont transporté l’homme à l’hôpital.

Le plaignant y a reçu un diagnostic de fracture du nez.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 23 janvier 2022, le plaignant a été grièvement blessé au cours de son arrestation par deux agents du SPT. L’un des agents, soit l’AI, a été identifié comme étant l’agent impliqué aux fins de l’enquête de l’UES. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des preuves, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en rapport avec l’arrestation et les blessures du plaignant.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police sont exonérés de toute responsabilité criminelle pour la force employée dans l’exercice de leurs fonctions, à condition que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’exécution d’un acte qu’ils étaient autorisés ou tenus de faire par la loi.

Le plaignant était clairement susceptible d’être arrêté. En effet, il s’était bel et bien rendu au dépanneur, se trouvait à proximité de ce magasin au moment où les agents ont été dépêchés sur les lieux et correspondait à la description du suspect.

En ce qui concerne la force utilisée contre le plaignant, bien qu’elle se situe peut-être à l’extrémité supérieure de ce qui était raisonnablement nécessaire, je ne suis pas convaincu qu’elle ait enfreint les limites prescrites par la loi. Le plaignant apparaît dans la séquence captée à l’aide de la caméra d’intervention comme étant surtout effrayé et s’excusant pendant son interaction avec les agents. Cependant, il est évident qu’il ne répondait pas aux ordres de l’AT n° 1 et de l’AI aussi rapidement que ces derniers le souhaitaient lorsqu’ils lui demandaient de placer ses bras derrière son dos. Les agents avaient de bonnes raisons de vouloir forcer les choses. Ils avaient bien compris que le plaignant venait de commettre un vol dans un magasin et de menacer un employé à l’aide d’un couteau. Ils étaient à juste titre inquiets, car le plaignant était toujours armé. Il ne s’agissait pas non plus d’un incident où le plaignant était incapable de ramener ses bras dans son dos comme indiqué, ce qui est parfois le cas lorsque les agents mettent leur poids sur le dos d’une personne en position couchée. Dans ces circonstances, même si le plaignant n’agissait pas rapidement, car il avait peur, les agents étaient en droit d’agir pour éviter qu’il puisse se servir de son arme. Après le second coup à la tête [2], qui s’apparente plutôt à de bonnes claques qu’à de forts coups, et les coups de poing infligés par l’AT n° 1, le plaignant a libéré son bras et sa main droite, et a été menotté. Sur la base de ce dossier, et compte tenu du principe de common law selon lequel on ne s’attend pas à ce que les agents pris dans des situations dangereuses mesurent leur force avec précision [3], je ne peux raisonnablement conclure que les agents ont agi sans justification légale.

Par conséquent, il n’y a aucune raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire.

Le dossier est clos.



Date : 29 août 2022

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les dossiers suivants contiennent des renseignements personnels délicats et ne sont pas divulgués en vertu du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les éléments importants des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
  • 2) Il ne semble pas que l’agent ait saisi la radio dans le but précis de l’utiliser pour frapper le plaignant. Il l’avait récupérée et utilisée pour communiquer l’emplacement des agents juste avant les coups en question. [Retour au texte]
  • 3) R. c. Nasogaluak, [2010] 1 RCS 206; R. c. Baxter (1975), 27 CCC (2d) 96 (Ont. CA) [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.