Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 22-PCD-079

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant le décès d’un homme de 26 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 14 mars 2022, à 16 h 12, la Police provinciale de l’Ontario (la Police provinciale) a avisé l’UES d’un incident concernant le plaignant, qui résidait à Saint-Eugène.

Selon la Police provinciale, le 14 mars 2022, à 0 h 14, quatre agents de son service ont répondu à un appel de service concernant un homme que l’on disait suicidaire, soit le plaignant. L’appel a été effectué par sa mère, la TC no 2. Lorsque les agents sont arrivés sur les lieux, la TC no 2 les a rejoints à l’extérieur. La TC no 2 a dit que son fils était suicidaire et en possession d’une arme blanche. La résidence a été sécurisée; on pouvait entendre des cris à l’intérieur. Un agent négociateur en situation de crise a tenté de communiquer avec le plaignant, sans succès. Après 2 h, la résidence est devenue silencieuse, et les agents ont commencé à s’inquiéter pour la sécurité du plaignant. D’autres agents sont ensuite arrivés sur lieux, y compris un membre de l’équipe d’intervention d’urgence (EIU); six agents sont alors entrés dans la résidence et ont trouvé le plaignant, qui était pendu dans un placard du vestibule. Ils ont coupé la corde qui le retenait et ont constaté que son pouls était très faible. Le plaignant a été transporté à l’Hôpital général de Hawkesbury.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : le 14 mars 2022, à 6 h 33

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : le 14 mars 2022, à 14 h 40

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 26 ans, décédé

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 N’a pas participé à une entrevue (plus proche parent)
TC no 3 N’a pas participé à une entrevue

Le témoin civil a participé à une entrevue le 15 mars 2022.

Agent impliqué (AI)

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué; ses notes ont été reçues et examinées,

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 5 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 6 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 7 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 8 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 9 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

Les agents témoins ont participé à des entrevues le 21 mars 2022.

Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est produit à Saint-Eugène, dans une maison à deux étages divisée en plusieurs appartements.

Dans la cuisine, des traces et des gouttes de sang étaient visibles sur le plancher et sur des parties du mur. On a trouvé une lame de rasoir ainsi que du sang et des traces de sang sur une petite table, dans la cuisine. Un couteau à poignée noire était placé sur une petite section de mur entre la cuisine et le salon. Du sang était visible près du couteau. Il n’y avait pas de sang sur la lame du couteau.

Un couloir reliait le salon et la cuisine à une pièce comportant un placard. Le placard était ouvert. Un goujon de bois s’étendait d’une extrémité à l’autre du placard. Un câble électrique noir (avec lequel le plaignant s’était pendu) était attaché environ au centre du goujon. La distance entre le goujon et le plancher était de 162 centimètres. Des détritus médicaux étaient éparpillés sur le plancher.

Éléments de preuve matériels

No de l’article

Description

1

Câble électrique noir

2

Câble électrique noir

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies

Médias sociaux – Enregistrement d’une vidéo en direct

Le plaignant semble agité et en détresse émotionnelle; il parle vite, il pleure et il crie. Il dit qu’il est déçu de ne pas être comme tout le monde. Il dit qu’il n’a jamais voulu être un fardeau pour sa mère, qu’il n’arrive plus à supporter la douleur qu’il cause. Il dit : « la drogue m’a aidé à fonctionner, mais un jour, je suis devenu schizophrène, littéralement schizophrène ». Le plaignant dit qu’une partie de son cerveau est endommagée, mais que l’autre fonctionne.

Il se barricade dans son appartement et dit que s’il tentait de se suicider, les policiers entreraient et utiliseraient une arme à impulsions sur lui, ce qui serait génial à filmer. Il dit s’être coupé, puis il montre ses bras et son torse, qui présentent des lacérations.

Le plaignant dit qu’il est désolé d’agir de la sorte, et désolé de ce qui se passera ce soir. Il demande à quelqu’un de s’occuper de son chien et il ajoute qu’il est un fardeau pour la société.
 

Communications radio de la Police provinciale

La Police provinciale a transmis à l’UES les enregistrements des communications relatives à cet incident le 14 mars 2022.

Voici un résumé de ces enregistrements.

Appel au 9-1-1

Le 14 mars 2022, à 0 h 12 min 23 s, la TC no 3 appelle au 9 1-1 pour signaler que l’ami de son fils, le plaignant, a créé une vidéo sur une plateforme de médias sociaux 55 minutes auparavant, dans laquelle on le voit s’infliger des coupures aux bras et au torse. Elle dit que le plaignant a des problèmes de santé mentale, qu’il s’est barricadé dans sa résidence et qu’il a parlé de se suicider. Le plaignant est un résident de Saint-Eugène.

Appel au 9-1-1

Le 14 mars 2022, à 0 h 23 min 19 s, un homme appelle au 9 1 1 pour demander à la police de se rendre à la résidence du plaignant, située à Saint-Eugène. Le plaignant, âgé d’environ 25 ans, s’est infligé des coupures et a créé une vidéo. Le plaignant souhaite s’enlever la vie. La TC no 2, la mère du plaignant, a demandé à l’homme d’appeler au 9-1-1.

Appel au 9-1-1

Le 14 mars 2022, à 0 h 40 min 9 s, un autre homme appelle au 9-1-1 pour signaler avoir vu une vidéo dans laquelle son ami [on sait maintenant qu’il s’agit du plaignant] parlait de ses idées suicidaires. L’homme dit que le plaignant habite à Saint-Eugène, mais il ne connaît pas son adresse. Sa mère prend le téléphone pour demander que l’on vérifie si le plaignant va bien. Le répartiteur informe l’auteur de l’appel qu’une autre personne a déjà appelé. L’homme tente de joindre le plaignant par l’intermédiaire de Facebook, mais n’y arrive pas.

Appels téléphoniques


Le 14 mars 2022, une répartitrice de la Police provinciale appelle un sergent, l’agent no 1, pour l’informer d’une menace de suicide à Saint-Eugène. Elle demande que l’on localise un téléphone cellulaire au moyen d’un sondeur PING.

La répartitrice appelle le service d’ambulance pour demander que des ambulanciers se présentent à la résidence du plaignant à Saint-Eugène. Elle dit qu’un homme de 26 ans serait en train de s’infliger des coupures et qu’il saigne, et demande donc aux ambulanciers de se rendre près de la résidence.

La répartitrice appelle l’agent no 1 et l’informe que l’homme [on sait maintenant qu’il s’agit du plaignant] s’est déjà barricadé par le passé.

La répartitrice parle avec un homme qui l’informe qu’un agent négociateur en situation de crise – l’AT no 9 – est en route.

Un des ambulanciers informe la répartitrice qu’ils se trouvent derrière le véhicule de patrouille de l’agent de la Police provinciale.

La répartitrice appelle l’AT no 1 pour l’aviser que les dossiers de la police comportent un avertissement concernant le plaignant selon lequel il est armé et dangereux. Les dossiers indiquent que le plaignant aurait caché des couteaux de boucher derrière les plinthes, et la répartitrice dit à l’AT no 1 d’être prudent, car le plaignant pourrait avoir caché des couteaux. L’AT no 1 informe la répartitrice qu’il n’a pas encore reçu d’appel de la commandante des opérations sur les lieux de l’incident, et la répartitrice répond qu’elle lui reviendra à ce sujet.

La répartitrice appelle le service d’ambulance pour demander que des ambulanciers se présentent sur les lieux immédiatement parce que le plaignant s’est pendu. Les agents ont sorti le plaignant du placard, et ils exécutent des manœuvres de réanimation cardiopulmonaire sur les lieux en attendant que le service d’ambulance arrive.

L’AT no 3 appelle la répartitrice et lui dit que le décès du plaignant a été constaté à 4 h 19, à l’hôpital.

Transmission radio

Le 14 mars 2022, un agent avise la répartitrice que le Détachement de Hawkesbury fait appel à quelques-uns de ses agents pour intervenir auprès d’une personne suicidaire à une adresse située à Saint-Eugène. Il demande la présence d’agents négociateurs ainsi que l’EIU et de l’unité d’intervention tactique. On appelle ensuite les services d’ambulance, soit lorsque l’on trouve le plaignant pendu.

Transmissions radio

Le 14 mars 2022, la répartitrice informe le Détachement de Hawkesbury que le plaignant, qui se trouve à Saint-Eugène, menace de se suicider. Une vidéo a été publiée environ 55 minutes auparavant. Il est possible que le plaignant souffre d’un trouble bipolaire, et il a déjà eu des interactions avec la police. L’appelant au 9-1-1 ne connaît pas l’adresse du plaignant. L’AT no 2 demande que l’on localise le téléphone cellulaire du plaignant au moyen d’un sondeur PING et dit qu’il tentera de l’appeler.

L’AT no 6 dit à la répartitrice qu’il a parlé à la mère du plaignant, la TC no 2, qui lui a donné l’adresse du plaignant. L’AT no 6 demande à la répartitrice d’appeler les services médicaux d’urgence parce que le plaignant s’inflige des coupures.

L’AT no 1 avise la répartitrice que certains des agents connaissent le plaignant et lui demande d’effectuer une recherche dans le Système de gestion des dossiers pour voir si des avertissements sont associés au plaignant. La répartitrice informe l’AT no 1 de la présence d’un avertissement concernant le plaignant selon lequel il est armé et dangereux.

L’AT no 1 demande aux agents de procéder en équipes de deux – l’AT no 2 aurait accès à une option de recours à une force létale, et l’AT no 7, à une option de recours à une force non létale. L’AT no 1 dit aux agents que leur mission est de tenter de faire sortir le plaignant de la résidence tout en empêchant sa fuite.

L’AT no 1 demande que l’AT no 9 se présente sur les lieux pour négocier avec le plaignant.

L’AT no 6 dit à l’AT no 1 que la TC no 2 l’a informé que le plaignant avait placé des meubles devant la porte d’entrée.

La répartitrice fait savoir que le dossier du plaignant indique que celui-ci a déjà craché sur des agents.

Un agent avise la répartitrice que le Détachement de Hawkesbury a recours à certains de ses agents pour un appel relatif à un suicide à Saint-Eugène et que deux agents sont en route.

L’AT no 9 avise l’AT no 1 que chaque fois qu’il tente de joindre le plaignant par téléphone, il tombe sur sa boîte vocale. L’AT no 1 demande à l’AT no 9 de se rendre sur les lieux pour tenter d’entrer en contact avec le plaignant, et l’AT no 9 confirme qu’il est en route.
L’AT no 2 avise l’AT no 1 que le TC no 1 lui a dit avoir entendu le plaignant dire qu’il était armé.

L’AT no 1 informe la répartitrice qu’il a parlé avec la TC no 2, qui lui a dit que le plaignant lui a fait ses adieux, qu’il est suicidaire et qu’il croit être un fardeau pour la société.

L’AT no 1 dit à la répartitrice que le plaignant a reçu un diagnostic de trouble de la personnalité limite et qu’il ne prend pas ses médicaments. Le plaignant vit seul avec un chien et n’a pas d’arme à feu ni d’arbalète, mais il a accès à des couteaux.

Un agent informe la répartitrice que le décès du plaignant a été constaté à 4 h 19.

Appels téléphoniques

Le 14 mars 2022, la répartitrice appelle le Centre de communication de la Police provinciale afin de demander que soit localisé un téléphone cellulaire au moyen d’un sondeur PING pour une personne suicidaire [on sait maintenant qu’il s’agit du plaignant].

L’agent no 1 appelle l’AI pour l’informer que le Détachement de Hawkesbury intervient auprès d’un homme suicidaire [on sait maintenant qu’il s’agit du plaignant]. Les amis du plaignant ont appelé sa famille pour l’aviser. La famille a communiqué avec la police. Le plaignant a dit à sa mère qu’il s’est barricadé dans son logement. Les agents arrivent sur les lieux. Un voisin fait savoir aux agents que le plaignant a dit être armé. On ne sait pas quelles armes le plaignant possède. L’AI demande si la police est entrée en contact avec le plaignant, et l’agent no 1 lui répond que les agents ont tenté de le faire lorsque le plaignant s’est présenté à la fenêtre. Le plaignant semblait agité et a crié contre les agents, mais ceux ci n’ont pas compris ce qu’il a dit. L’agent no 1 informe l’AI que le plaignant a de longs antécédents de problèmes de santé mentale, qu’il a été arrêté à de nombreuses reprises et qu’il s’est déjà barricadé. Le plaignant a également craché sur des agents et a été violent lors d’interactions antérieures.

L’AT no 1 dit à l’agent no 1 que l’AT no 9 a appelé le plaignant plusieurs fois, mais qu’il n’a pas réussi à entrer en contact avec celui-ci.

L’AI appelle l’agent no 1 et l’informe, à 1 h 50, que le plaignant est devenu silencieux. Elle demande à l’agent no 1 d’envoyer ses ressources sur les lieux pour une intervention intégrée, car elle ne veut pas que les agents forcent des portes. L’AI demande à une EIU, à une unité d’intervention tactique, à un agent négociateur principal en situation de crise, [agent nommé], à un préposé au registre des communications et à [agent nommé] de se présenter sur les lieux. Elle dit se préparer à se rendre aussi sur place.

L’agent no 1 communique avec la répartitrice et demande à ce que l’unité d’intervention tactique se rende sur les lieux.

L’agent no 1 appelle un sergent, l’agent no 2, et lui transmet les détails de l’incident. L’agent no 2 dit « personne n’a forcé la porte pour entrer et aider le gars? ». L’agent no 1 répond « … ils ne sont pas à l’aise de le faire ». L’agent no 2 dit « ils vont devoir forcer la porte pour aller l’aider ». L’agent no 1 suggère à l’agent no 2 de parler à l’agent responsable, et il lui donne le numéro de téléphone de l’AT no 1.
L’agent no 2 informe l’agent no 1 qu’il a fait appel à l’AT no 3, membre de l’EIU du Détachement de Hawkesbury, et qu’il a demandé six autres agents membres de l’EIU. L’agent no 1 a ensuite annulé cette demande, car on a trouvé le plaignant pendu.

L’agent no 2 informe l’agent no 1 que les agents sont entrés dans le logement à des fins de préservation de la vie, car un membre de l’EIU était sur les lieux.

La répartitrice informe l’agent no 1 que le décès du plaignant a été constaté.

Documents obtenus du service de police

Sur demande, l’UES a reçu les éléments et documents suivants de la part de la Police provinciale entre le 15 et le 24 mars 2022 :
  • enregistrements des communications;
  • vidéo publiée en direct sur les médias sociaux;
  • notes de l’AT no 2;
  • notes de l’AT no 4;
  • notes de l’AT no 9;
  • rapports d’incident;
  • notes de l’AT no 1;
  • formulaire d’information sur l’incident majeur du Centre de communication de la police provinciale;
  • notes de l’AT no 8;
  • détails sur la propriété tirés du site GeoWarehouse – adresse du plaignant;
  • notes de l’AT no 5;
  • notes de l’AT no 3;
  • notes de l’AT no 1 (notes supplémentaires);
  • notes de l’AI;
  • détails de l’événement et rapports d’incident;
  • photos – Hôpital général de Hawkesbury;
  • notes de l’AT no 6;
  • notes de l’AT no 7.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’une autre source et les a examinés :
  • message vocal – message d’adieu au plus proche parent;
  • constatations de l’autopsie préliminaire du Service de médecine légale de l’Ontario;
  • formulaire sur la chaîne de possession des éléments de preuve de l’Unité de médecine légale de l’Est de l’Ontario – ligature;
  • enregistrement vidéo capté à une résidence.

Description de l’incident

Le scénario qui suit est fondé sur les éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec un témoin civil et des agents qui ont participé aux opérations policières dans la résidence du plaignant et autour de celle-ci. L’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES, comme la loi l’y autorise. Elle a toutefois accepté que l’on remette ses notes.

Peu après minuit le 14 mars 2022, la Police provinciale a commencé à recevoir, par l’intermédiaire du 9-1-1, des appels de personnes s’inquiétant au sujet du plaignant. Le plaignant avait publié sur les médias sociaux une vidéo dans laquelle il parlait de se faire du mal et montrait des coupures qu’il s’était infligées sur le torse et les bras. Des amis et des membres de la famille du plaignant, qui avaient vu la vidéo, ont signalé la situation à la police. Des agents ont été dépêchés sur les lieux pour prendre connaissance de la situation.

Le plaignant souffrait de problèmes de santé mentale, et il était en détresse à ce moment là. Plus tôt, il avait appelé sa mère et lui avait dit qu’il était très déprimé et avait l’intention de s’enlever la vie. Le plaignant était très agité – il hurlait et lançait des objets dans son appartement. Lorsque sa mère s’est rendue à sa résidence pour lui parler, le plaignant a refusé d’ouvrir la porte.

L’AT no 1, l’AT no 2, l’AT no 7, l’AT no 5 et l’AT no 4 sont arrivés sur les lieux – une maison à Saint-Eugène – vers 0 h 40. Le plaignant occupait un appartement situé au deuxième étage de l’immeuble à plusieurs logements. Des portes menant au deuxième étage étaient accessibles par des escaliers externes à l’avant et à l’arrière de la structure. On entendait le plaignant crier à l’intérieur de l’appartement. Les agents se sont placés autour de l’immeuble, on parlé à la mère du plaignant et au TC no 1 (le locataire voisin du plaignant), ont demandé à ce dernier de sortir de sa résidence et ont appris que les dossiers de la police comprenaient un avertissement selon lequel le plaignant était armé et dangereux – il avait déjà caché des couteaux dans son appartement. Une commandante des opérations sur les lieux de l’incident – l’AI – a été assignée et a assumé le contrôle général des opérations policières.

Vers 1 h 45, environ une demi-heure après qu’on eut entendu le plaignant dans l’appartement pour la dernière fois, l’AI a déployé des agents pour tenter d’entrer en contact avec le plaignant. Les agents sont montés par l’escalier arrière, se sont approchés et ont cogné à la porte du plaignant, puis ont crié dans l’appartement pour tenter d’obtenir une réponse du plaignant, ce qui aurait indiqué qu’il était toujours en vie. Il n’y a pas eu de réponse. La porte était verrouillée. Les agents sont entrés par l’appartement du TC no 1, puis se sont approchés d’une autre porte menant à l’appartement du plaignant et ont cogné à celle-ci. Ils voyaient, par la vitre brisée de la porte, une chaise bloquant la porte et un réfrigérateur bloquant un couloir. Le plaignant ne répondait toujours pas aux appels des agents.

Lorsqu’elle a appris qu’il n’y avait pas de réponse depuis l’intérieur de l’appartement, l’AI a ordonné aux agents sur place de ne pas enter de force dans l’appartement avant l’arrivée d’agents de l’unité tactique. Un négociateur formé – l’AT no 9 – a tenté d’appeler le plaignant, mais n’a pas réussi à le joindre. On lui a demandé de se rendre sur les lieux et de poursuivre ses efforts. Cette méthode n’a pas donné les résultats escomptés non plus.

Avec l’arrivée sur les lieux d’un agent de l’EIU, l’AT no 3, vers 3 h 15, on a pris la décision d’entrer de force dans l’appartement. Une équipe d’agents, comprenant l’AT no 2 muni d’un bouclier de plexiglas ainsi que d’autres agents ayant des armes létales et non létales à la main, s’est approchée de la porte dont la vitre était brisée vers 3 h 30. L’AT no 1 a foncé dans la porte pour l’ouvrir, puis les agents sont entrés et ont cherché le plaignant. Ils l’ont trouvé suspendu à une tringle de placard avec un câble électrique noir noué autour du cou.

Les agents ont rapidement coupé le câble retenant le plaignant et ont exécuté des manœuvres de réanimation cardiopulmonaire. Une équipe d’ambulanciers qui se trouvait sur les lieux est arrivée et a pris la relève. Le plaignant a été transporté à l’hôpital, où son décès a été constaté à 4 h 19.

Cause du décès

À la lumière de l’autopsie, le médecin légiste a établi une constatation préliminaire, à savoir que le décès du plaignant était attribuable à la pendaison.

Dispositions législatives pertinentes

Articles 219 et 220 du Code criminel -- Négligence criminelle causant la mort

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.
(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :
a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;
b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

Analyse et décision du directeur

Le 14 mars 2022, des agents de la Police provinciale ont trouvé le plaignant pendu dans sa résidence de Saint-Eugène, en Ontario, et celui-ci a succombé à ses blessures peu après. Ainsi, puisque des agents de la Police provinciale se trouvaient dans les environs de la résidence du plaignant à ce moment là, en réponse à des appels de personnes qui s’inquiétaient pour celui-ci, on a communiqué avec l’UES, qui a entrepris une enquête. L’agente qui assurait le commandement général des opérations policières – l’AI – a été désignée en tant qu’agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement au décès du plaignant.

L’infraction possible à l’étude est la négligence criminelle causant la mort, aux termes de l’article 220 du Code criminel. Cette infraction est réservée aux cas de négligence graves qui montrent une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. Un simple manque de diligence n’est pas suffisant pour établir qu’il y a eu négligence criminelle. Ce qui est nécessaire, entre autres, est une conduite qui constitue un écart marqué et important par rapport à la diligence dont aurait fait preuve une personne raisonnable dans les mêmes circonstances. Dans l’affaire qui nous concerne, la question est de savoir s’il y a eu, dans l’intervention de la police, un manque de diligence qui est suffisamment grave pour justifier des sanctions criminelles et qui aurait causé le décès du plaignant, ou qui y aurait contribué. À mon avis, ce n’est pas le cas.
Les agents qui ont participé aux opérations policières qui se sont déroulées dans l’appartement du plaignant et près de celui-ci tôt dans la matinée du 14 mars 2022 avaient un motif légal de le faire, et ce, tout au long des événements en question. Le plus important devoir d’un agent de police est la protection de la vie. Comme ils étaient au courant des actes d’automutilation du plaignant et de son intention, révélée publiquement, de se faire davantage de mal, les agents avaient le devoir de prendre toutes les mesures raisonnables possibles pour l’en empêcher.

En ce qui concerne la manière dont les agents ont exercé leurs fonctions sous le commandement de l’AI, je suis convaincu qu’ils ont agi en tenant dûment compte de la santé et de la sécurité du plaignant. Plus particulièrement, je ne peux pas raisonnablement conclure que la décision de reporter l’entrée des agents dans l’appartement jusqu’à 3 h 30 environ, soit près de trois heures après l’arrivée des premiers agents sur les lieux, a enfreint les limites de diligence prescrites par le droit criminel. Le plaignant n’était pas sain d’esprit à ce moment-là, et il était en possession d’un couteau qu’il avait utilisé pour s’infliger des blessures. Les agents savaient également que le plaignant avait proféré des menaces à l’endroit de quiconque tenterait d’entrer dans l’appartement et ils étaient au courant des avertissements de la police selon lesquels le plaignant avait utilisé des couteaux lors d’interactions précédentes. Dans ces circonstances, je ne peux reprocher à l’AI d’avoir reporté une entrée forcée dans l’appartement jusqu’à l’arrivée d’un agent de l’unité tactique formé pour intervenir dans les situations du genre. Dans l’intervalle, les agents qui étaient sous ses ordres ont pris des mesures raisonnables pour assurer la sécurité du public dans les environs : ils ont érigé un périmètre de sécurité autour de l’appartement et ont fait sortir de chez lui le locataire d’un appartement adjacent; de même, on avait veillé à ce que des ambulanciers attendent à proximité. Si les agents avaient adopté une façon de faire plus proactive, auraient-ils pu sauver la vie du plaignant? Peut-être. Il semble que les agents aient entendu celui-ci pour la dernière fois vers 1 h 13. Toutefois, l’ensemble des risques que comportait la situation appuie le bien-fondé de la méthode choisie par l’AI. Même si on ne l’entendait plus, il y avait un réel danger que le plaignant, silencieux, soit prêt à blesser quiconque entrerait dans l’appartement et en mesure de le faire. La décision de l’AI d’attendre l’arrivée de ressources spécialisées sur les lieux pour atténuer ce risque était donc justifiée.

En conclusion, comme il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ou les agents qui étaient sous ses ordres ont enfreint, dans leur comportement, les limites prescrites par le droit criminel, il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.

Date : 8 juillet 2022

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les enregistrements en question contiennent des renseignements personnels de nature délicate et ne sont donc pas divulgués, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces enregistrements sont résumées ci-dessous. [Retour au texte]

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