Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 22-OFP-068

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la décharge d’une arme à feu par un agent de police sur un homme de 47 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 7 mars 2022, à 11 h 48, le service de police régional de Peel (SPRP) a informé l’UES que des agents avaient déchargé une arme à feu sur le plaignant au cours de son arrestation. Le plaignant résidait à une adresse située sur Southampton Drive, à Mississauga.

Selon le SPRP, le 7 mars 2022, à 9 h 58, des agents du SPRP se sont rendus au domicile du plaignant afin de donner suite à un appel concernant une agression grave contre un membre de la famille. Lorsque les agents du SPRP sont arrivés sur les lieux, ils ont trouvé la femme du plaignant qui avait été poignardée. Elle avait aussi été battue à coup de marteau. Leur fils de 11 ans avait également été poignardé à l’épaule. Ils ont trouvé le plaignant dans le garage. Il était nu et tenait un jeune enfant. Tous deux étaient couverts de sang. Le plaignant avait un couteau à la main et un marteau à ses pieds. Vers 10 h 17, l’AI et l’AT ont affronté le plaignant en dégainant leurs armes à feu et, lorsque l’occasion s’est présentée, ils l’ont arrêté. Au cours de l’arrestation, l’AI a déchargé son arme à feu, sans toucher personne.

Le plaignant s’était infligé un coup de couteau à la jambe avant l’arrivée des agents du SPRP. Il a été transporté en ambulance à l’Hôpital St. Michael’s (HSM). Sa femme et son fils de 11 ans ont également été transportés à l’hôpital.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 7 mars 2022 à 13 h

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 7 mars 2022 à 14 h 50

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
 
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 47 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés.

Le plaignant a participé à une entrevue le 9 mars 2022.

Agent impliqué

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Agents témoins

AT n° 1 A participé à une entrevue
AT n° 2 A participé à une entrevue
AT n° 3 A participé à une entrevue
AT n° 4 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT n° 5 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT n° 6 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT n° 7 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT n° 8 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

Les agents témoins ont participé à une entrevue les 8 et 9 mars 2022.

Éléments de preuve

Les lieux

La décharge de l’arme à feu s’est produite dans une résidence située sur Southampton Drive, à Mississauga.

L’incident a eu lieu dans le garage, au seuil de la porte du garage de la résidence. Il y avait des taches rouges, un manche de couteau noir et une sonde d’arme à impulsions sur le sol du garage. Près de la porte menant à la résidence, une douille a été trouvée. Un projectile a touché la porte menant à la résidence. Des fragments de métal ont été trouvés du côté opposé de la porte, incrustés dans un tapis et dans le sol.

Un examen de la trajectoire a révélé que le projectile a frappé la porte à 24 cm du bas et juste au-dessus de la charnière. Le projectile a pénétré dans la porte et a continué vers le bas à un angle d’environ 45 degrés.

Une camionnette était garée à l’extérieur du garage.

Un agent du SPRP aurait récupéré une lame de couteau trouvée à l’extérieur du garage, dans la voie d’accès pour véhicules, avant l’arrivée des responsables de l’UES.

Figure 1 – The SO’s rifle
Figure 1 – La carabine de l’AI

Figure 2 - Projectile strike in the door
Figure 2 - Impact de projectile dans la porte

Éléments de preuve matériels

Article

Description

Type d’article

4

Cartouche d’arme à impulsions (utilisée)

Équipement policier

5

Cartouche d’arme à impulsions (utilisée)

Équipement policier

6

Cartouche d’arme à impulsions (utilisée)

Équipement policier

7

Cartouche d’arme à impulsions (utilisée)

Équipement policier

12

Sonde d’arme à impulsions (x1)

Équipement policier

13

Fil et sondes d’arme à impulsions (x3)

Équipement policier

14

Arme déchargée – Hornady NATO 5.56

Douille

15

Portes de cartouches et étiquettes d’identification anti-délinquance d’arme à impulsions

Équipement policier

16

Portes de cartouches d’arme à impulsions (x3)

Équipement policier

17

Morceau de métal - cuivre

Fragment de blindage de balle

18

Morceaux de métal - cuivre

Fragment de blindage de balle

19

Fil et sondes d’arme à impulsions (x8)

Équipement policier

Éléments de preuve médicolégaux

Rapport d’analyse de l’arme à impulsions – AT no 1

Numéro

Résumé

1

·       Le 7 mars 2022, à 10 h 12 min 22 s[1][1], l’arme a été déclenchée et la cartouche n° 1 a été déployée pendant 9 secondes.

2

·       Le 7 mars 2022, à 10 h 12 min 23 s, l’arme a été déclenchée et la cartouche n° 2 a été déployée pendant 9 secondes.

3

·       Le 7 mars 2022, à 10 h 12 min 26 s, l’arme a été activée (mise en marche).

·       L’interrupteur à arc de l’arme a été enfoncé pendant 6 secondes.


Rapport d’analyse de l’arme à impulsions – AT no 2

Numéro

Résumé

1

·       Le 7 mars 2022, à 10 h 12 min 16 s, l’arme a été déclenchée et la cartouche n° 1 a été déployée pendant 7 secondes.

2

·       Le 7 mars 2022, à 10 h 12 min 24 s, l’arme a été déclenchée et la cartouche n° 2 a été déployée pendant 5 secondes.

3

·       Le 7 mars 2022, à 10 h 12 min 33 s, l’arme a été activée (mise en marche).

·       L’interrupteur à arc de l’arme a été enfoncé pendant 4 secondes.

4

·       Le 7 mars 2022, à 10 h 12 min 38 s, l’arme a été activée (mise en marche).

·       L’interrupteur à arc de l’arme a été enfoncé pendant 1 seconde.

5

·       Le 7 mars 2022, à 10 h 12 min 42 s, l’arme a été activée (mise en marche).

·       L’interrupteur à arc de l’arme a été enfoncé pendant 1 seconde.

6

·       Le 7 mars 2022, à 10 h 12 min 43 s, l’arme a été activée (mise en marche).

·       L’interrupteur à arc de l’arme a été enfoncé pendant 3 secondes

7

·       Le 7 mars 2022, à 10 h 12 min 47 s, l’arme a été activée (mise en marche).

·       L’interrupteur à arc de l’arme a été enfoncé pendant 1 seconde.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]

Communications radio du SPRP

Les enregistrements n’étant pas horodatés, nous avons utilisé leur chronologie pour obtenir une approximation des heures dans le résumé qui suit.

Le 7 mars 2022, à 10 h, une personne a appelé le 9-1-1 pour signaler qu’un homme [connu maintenant comme étant le plaignant] criait après une femme dans une résidence située sur Southampton Drive. Le plaignant était nu, tenait un couteau et sa main était ensanglantée. La personne a également signalé que le plaignant frappait sa femme et essayait de la tuer. Il l’avait frappée au visage avec un marteau. Le plaignant armé est ensuite rentré dans la résidence, laissant la femme, qui bougeait encore, par terre et en sang.

Un second appelant a composé le 9-1-1 pour signaler qu’un garçon de 11 ans s’était enfui de la résidence du plaignant en disant que son père poignardait sa mère. L’appelant s’est rendu au garage – la porte du garage était ouverte – et il a vu le plaignant nu poignarder sa femme. Le plaignant a demandé à l’appelant de partir, mais ce dernier craignait que la femme ne survive pas. Pendant l’appel, l’appelant a appris que le garçon de 11 ans avait un petit frère, en bas âge, qui avait été vu pour la dernière fois à l’étage. Le garçon de 11 ans avait une blessure à l’arme blanche au bras droit et au dos.

À 10 h, les AT n° 6 et n° 8 et un sergent ont été dépêchés à l’adresse du plaignant sur Southampton Drive, à l’arrière, afin de donner suite à un appel concernant l’utilisation d’armes dangereuses. De nombreuses autres unités, dont l’AT n° 1 et l’AI de l’unité d’intervention en cas d’urgence, ont été déployées sur place.

À 10 h 6, l’AT n° 7 est arrivé sur place et a demandé une ambulance de toute urgence. La femme était consciente et un civil lui prodiguait les premiers soins. L’AT n° 7 a confirmé que les voisins avaient dit que le plaignant était à l’intérieur de la résidence.

À 10 h 10, l’AT n° 8 a signalé que le plaignant, qui tenait un enfant, parlait à la police

À 10 h 11, un agent a signalé que l’enfant était sain et sauf, et qu’ils tentaient toujours d’appréhender le plaignant.

À 10 h 15, un agent a signalé que le plaignant s’était poignardé la jambe.

À 10 h 17, un autre agent a confirmé que le plaignant avait été mis sous garde.

Séquences captées avec la caméra d’intervention de l’AT n° 7

Les séquences, dont voici un résumé, ont été filmées le 7 mars 2022.

À 10 h 5, l’AT n° 7 arrive dans le secteur de la résidence du plaignant. Au loin, une femme, soit l’épouse du plaignant, est assise devant une résidence, dos à la caméra d’intervention; il y a beaucoup de sang sur elle et sur le sol autour d’elle.

À 10 h 6 min 40 s, l’AT n° 7 retourne en courant à son véhicule de police pour chercher de l’équipement médical. Lorsqu’il revient, une femme le rejoint pour l’aider à prodiguer des soins à la femme du plaignant.

L’AT n° 7 prend position dans le siège conducteur d’une camionnette et bloque le champ de la caméra d’intervention. À 10 h 10 min 15 s, quelqu’un crie : « Il est devant ». L’AT n° 7 crie au plaignant de lâcher l’enfant.

L’AT n° 7 retourne auprès de la femme du plaignant et, avec l’aide de la femme qui l’avait rejoint, la porte jusqu’à l’avant d’une résidence voisine.

À 10 h 11 min 10 s, on entend un coup de feu.

Séquences captées avec la caméra d’intervention de l’AT n° 2

À 10 h 10, l’AT n° 2 arrive et se précipite vers le garage de la résidence du plaignant. Un agent de police [connu maintenant comme étant l’AI] se trouve à l’arrière d’une camionnette. Un autre agent se trouve à l’avant. Ils sont tous deux du côté conducteur de la camionnette. La femme du plaignant, couverte de sang, est assise devant la résidence d’un voisin aux côtés d’une autre femme qui lui prodigue des soins.

À 10 h 10 min 53 s, l’AT n° 7 porte la femme du plaignant. La femme qui assistait cette dernière, ainsi qu’un membre de l’unité d’intervention en cas d’urgence [connu maintenant comme étant l’AT n° 1] se sont joints à l’AI. Trois secondes plus tard, l’AT n° 1 fait le tour de la camionnette, suivi de l’AI. À 10 h 11 min 4 s, l’AT n° 1 et l’AI entrent dans le garage. L’AT n° 1 se trouve à l’autre extrémité du garage.

À 10 h 11 min 7 s, l’AT n° 2 se trouve devant l’ouverture du garage. On entend : « Lâche le gamin ». L’AT n° 1 et l’AI sont de part et d’autre d’une boîte en carton qui se trouve devant le plaignant. L’AT n° 1 dit : « Lâche le gamin ou tu vas te faire tirer dessus ». Dans l’obscurité à l’arrière du garage, on voit le haut du corps du plaignant. Son bras gauche est partiellement tendu.

L’AT n° 1 s’approche et immobilise le bras droit du plaignant. À 10 h 11 min 8 s, un point vert apparaît sur le bras gauche du plaignant. Une lumière blanche éclaire brièvement le plaignant. Elle provient de la direction dans laquelle se trouve l’AI, alors que l’AT n° 1 commence à se pencher vers le plaignant.

Le plaignant a le bras droit tendu lorsque l’AT n° 1 s’approche de lui. Ce dernier poursuit son chemin et passe le cadre de la porte. L’AI le suit.

À 10 h 11 min 9 s, l’AT n° 1 a le dos courbé et, alors que la jambe gauche de l’AI est pliée et que son pied ne touche pas le sol, on entend un coup de feu [3].

Alors que l’AT n°1 se trouve au-dessus le plaignant, il crie : « Attrape l’enfant ». À 10 h 11 min 20 s, l’AI se tourne vers la caméra d’intervention en possession de l’enfant. Il donne l’enfant à un agent de police [connu maintenant comme étant l’AT n° 3].

L’arrestation du plaignant par quatre ou cinq agents de police a été filmée. Les agents ont déchargé leurs armes à impulsions. Le plaignant a reçu plusieurs ordres de mettre ses mains derrière le dos.

À 10 h 11 min 25 s, l’AT n° 1 demande si quelqu’un est blessé.

À 10 h 12 min 50 s, on réussit à menotter le plaignant, les mains derrière le dos.

À 10 h 20 min 45 s, après que la résidence ait été sécurisée, l’AT n° 1 demande : « La balle a-t-elle traversé sa poitrine? » L’AT n° 1 examine alors la poitrine et les épaules du plaignant.

À 10 h 24 min 10 s, l’AI dit qu’il s’entretiendra avec le sergent et quitte le garage.

Séquences captées avec la caméra d’intervention de l’AT n° 3

L’AT n° 3 se trouve sur le côté de la résidence du plaignant – on aperçoit l’avant de la camionnette. L’AT n° 3, muni d’une arme à impulsions, s’avance vers le coin avant de la résidence. Deux agents de police en uniforme se trouvent près du capot de la camionnette. Un troisième agent arrive et descend du côté conducteur, puis se dirige vers l’arrière de la camionnette.

À 10 h 10 min 51 s, l’AT n° 1 arrive en tenant sa carabine. Huit secondes plus tard, l’AT n° 1 fait le tour de la camionnette, suivi de l’AI. On peut voir l’AT n° 1 et l’AI qui entrent dans le garage. Un agent de police en uniforme [connu maintenant comme étant l’AT n° 2] se positionne à la porte d’entrée avec son arme à feu chargée. On entend quelqu’un dire : « Lâche le gamin ou tu vas te faire tirer dessus! ».

À 10 h 11 min 10 s, on entend un coup de feu. L’AT n° 2 rengaine son arme à feu et se dirige vers la porte qui donne vers l’intérieur. L’AT n° 2 se trouve devant la caméra et nous empêche de voir l’AT n° 1 et l’AI. On ne peut pas voir le plaignant non plus. L’AI se lève en tenant l’enfant. L’AT n° 2 prend l’enfant et le remet à l’AT n° 3, qui passe l’enfant à quelqu’un d’autre, mais l’enfant bloque le champ de la caméra.

Séquences captées avec la caméra d’intervention de l’AT n° 4

À 10 h 11, l’AT n° 4 arrive. Neuf secondes plus tard, il entre dans le garage de la résidence du plaignant. Il y a un agent de police entre l’AT n° 4 et la porte d’entrée de la résidence. Un agent de police [connu maintenant comme étant l’AT n° 2] se tient dans le cadre de la porte qui donne vers l’intérieur et regarde le sol. Le plaignant est couché sur le ventre. Il est nu de la taille aux pieds.

L’AT n° 2 tient une arme à impulsions. Les agents crient : « Mettez vos mains derrière le dos ». Le plaignant hurle de douleur mais ne se laisse pas faire.

L’AT n° 2 se déplace vers le côté droit du plaignant et décharge son arme à impulsions sur l’arrière de la partie supérieure de la cuisse du plaignant.

À 10 h 12 min 51 s, on réussit à menotter le plaignant.

À 10 h 15, le plaignant dit avoir été poignardé à la jambe. Les agents de police posent un garrot sur sa jambe.

Séquences captées avec un téléphone cellulaire

Le 7 mars 2022, l’UES a obtenu des séquences vidéo d’un civil. En voici un résumé :

On aperçoit le toit d’une camionnette stationnée sur la chaussée. Elle bloque la voie d’accès pour véhicules de la résidence du plaignant. La porte du garage est ouverte. Un véhicule du SPRP stationné est également visible.

À 10 h 12, l’AT n° 3 se tient à gauche de la porte du garage, qui est ouverte.

L’AT n° 1 se trouve à l’arrière du véhicule de police identifié qui est stationné en face de la résidence du plaignant. L’AT n° 1 traverse la route et se dirige vers l’arrière de la camionnette, du côté conducteur. On voit l’AI du côté conducteur de la camionnette, pointant une carabine vers le garage ouvert.

L’AT n° 1 arrive derrière l’AI et fait ensuite le tour de la camionnette, suivi de l’AI. L’AT n° 1 est positionné du côté gauche de la porte du garage. Quant à l’AI, il se trouve du côté droit. Les deux agents ont leurs carabines pointées vers le garage au moment d’entrer. L’AT n°1 et l’AI disparaissent du champ de la caméra alors qu’ils commencent à se rapprocher l’un de l’autre. L’AT n° 3 se déplace et regarde dans le garage depuis le côté gauche. L’AT n° 2 se dirige vers l’ouverture du garage depuis le côté droit. On voit ensuite un éclair blanc provenant de l’arrière du garage.

Les AT n° 2 et n° 3 se rendent à l’arrière du garage, hors du champ de vision de la caméra. Peu de temps après, un agent en uniforme sort du garage en tenant un enfant sous le bras.

Documents obtenus du service de police

L’UES a reçu les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, le SPRP entre le 7 et le 29 mars 2022 :
  • Séquences captées avec une caméra d’intervention
  • Chronologie des événements (x2)
  • Carte de dossier de conduite
  • Liste des preuves matérielles
  • Agents impliqués
  • Dossiers sur la formation et les armes de l’AI jusqu’en mars 2022
  • Certificats de réussite de 2021 du cours d’opérateur tactique de base et d’utilisateur de carabine de l’AI
  • Notes de l’AT n° 3
  • Notes de l’AT n° 6
  • Notes de l’AT n° 1
  • Notes de l’AT n° 2
  • Notes de l’AT n° 8
  • Notes de l’AT n° 4
  • Notes de l’AT n° 5
  • Notes de l’AT n° 7
  • Rapport général d’incident
  • Rapport sur les détails de la personne
  • Enregistrements des communications
  • Photos des lieux
  • Données téléchargées de l’arme à impulsions

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu et examiné les éléments suivants provenant d’autres sources :
  • Dossier médical du plaignant de l’Hôpital St. Michael’s
  • Vidéo captée avec le téléphone cellulaire d’un civil.

Description de l’incident

Le scénario suivant se dégage des preuves recueillies par l’UES, qui comprenaient des entrevues avec le plaignant et les agents présents sur place au moment où le coup de feu a été tiré, et est résumé ci-dessous. L’incident a également été filmé à l’aide d’une caméra d’intervention. Comme il en avait le droit, l’AI a refusé de s’entretenir avec l’UES ou d’autoriser la publication de ses notes.

Dans la matinée du 7 mars 2022, l’homme, sans motifs particuliers, s’est lancé dans une série d’actes violents mettant en cause sa famille. Il a attaqué sa femme avec un couteau et un marteau, et a infligé des coups de couteau à son fils de 11 ans. Son fils s’est enfui chez un voisin et a signalé ce qui se passait. Le voisin a donc appelé la police. Une autre voisine a été témoin de certaines parties de l’agression de l’épouse qui a eu lieu à l’extérieur de la résidence. Elle a également appelé la police.

Quelques instants après que les appels au 9-1-1 aient été reçus, des agents du SPRP ont commencé à arriver sur les lieux, soit à une résidence située sur Southampton Drive, à Mississauga. Certains ont pris position derrière une camionnette stationnée perpendiculairement à la porte de garage ouverte à l’arrière de la résidence. Le plaignant était assis à l’arrière du garage, sur le rebord de la porte ouverte qui donnait accès à l’intérieur de la maison. Il tenait son autre fils, soit un jeune enfant, contre sa poitrine. Les agents lui ont demandé à plusieurs reprises de lâcher l’enfant, mais le plaignant a refusé.

L’AI et son confrère, soit l’AT n° 1, ainsi que l’unité d’intervention en cas d’urgence du SPRP, sont arrivés sur les lieux vers 10 h 10. L’AI a pris position à l’arrière, côté conducteur, de la camionnette stationnée devant le garage; l’AT n° 1 était positionné à l’avant, côté conducteur. Estimant que la situation nécessitait une intervention immédiate, l’AT n° 1 s’est rapproché de son confrère pour entrer dans le garage. Le plan était d’approcher rapidement le plaignant de chaque côté du garage et de le maîtriser à la première occasion, en utilisant, au besoin, leurs carabines C-8, que les deux agents avaient chargées.

Le plaignant a vu les agents entrer dans le garage mais n’a pas lâché son enfant comme on le lui avait ordonné. Il est resté assis sur le rebord de la porte alors que l’AT n° 1 s’approchait par sa droite et l’AI par sa gauche. Un agent s’est approché de l’homme et s’est servi de la bouche de son fusil pour le frapper à la poitrine. Peu après, un autre agent a déchargé sa carabine C-8, puis l’homme a été plaqué au sol sur la plateforme, juste au-dessous du cadre de la porte.

Il s’en est suivi une lutte physique entre les agents de l’unité d’intervention en cas d’urgence, aidés par des agents en uniforme entrant dans le garage, et le plaignant. Au cours de la lutte, le jeune enfant a été libéré de l’emprise de l’homme et a été sorti du garage. Les agents ont déployé leurs armes à impulsions à plusieurs reprises sur l’homme et lui ont donné plusieurs coups de poing. L’homme a finalement été menotté dans le dos.

Après son arrestation, l’homme a été transporté à l’hôpital où il a reçu un diagnostic de fracture de la côte droite.

Le coup de feu que l’AI a tiré n’a pas touché le plaignant. Le projectile a plutôt frappé la porte juste au-dessus des charnières inférieures et a pénétré dans la maison sans blesser personne.

Dispositions législatives pertinentes

Article 86 du Code criminel - Usage négligent

86 (1) Commet une infraction quiconque, sans excuse légitime, utilise, porte, manipule, expédie, transporte ou entrepose une arme à feu, une arme prohibée, une arme à autorisation restreinte, un dispositif prohibé, des munitions ou des munitions prohibées d’une manière négligente ou sans prendre suffisamment de précautions pour la sécurité d’autrui.

(2) Commet une infraction quiconque contrevient à un règlement pris en application de l’alinéa 117h) de la Loi sur les armes à feu régissant l’entreposage, la manipulation, le transport, l’expédition, l’exposition, la publicité et la vente postale d’armes à feu et d’armes à autorisation restreinte.

(3) Quiconque commet l’infraction prévue au paragraphe (1) ou (2) est coupable :

a) soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal :
i) de deux ans, dans le cas d’une première infraction
ii) de cinq ans, en cas de récidive
b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. 

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 7 mars 2022, le SPRP a communiqué avec l’UES pour signaler que l’un de ses agents avait déchargé une arme à feu au cours de l’arrestation d’un homme, soit le plaignant. L’agent a été identifié comme l’agent impliqué, soit l’AI, dans l’enquête de l’UES qui a suivi. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des preuves, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en rapport avec la décharge de l’arme à feu.

Au cours d’une déclaration faite à l’AT n° 1 immédiatement après l’incident, l’AI a expliqué qu’il était sur le point de tirer sur le plaignant, lorsque l’AT n° 1 a frappé le plaignant avec sa carabine. Il (l’AI) n’avait donc plus l’occasion de tirer en toute sécurité. Décidé à décharger son arme, l’AI a réussi à viser vers la droite du plaignant (le côté gauche du plaignant) avant d’appuyer sur la gâchette. Comme rien dans les éléments de preuve ne permet de réfuter l’affirmation de l’AI, je l’accepte aux fins des présentes raisons. Cela étant, la question est de savoir si l’AI a fait preuve de diligence raisonnable en déchargeant son arme à feu.

L’infraction à considérer est l’usage négligent en contravention à l’article 86 du Code criminel. Comme il s’agit d’une infraction relevant de la négligence criminelle, un simple manque de diligence ne suffira pas à fonder la responsabilité. L’infraction est fondée, en partie, sur une conduite qui constitue un écart marqué par rapport au niveau de soins qu’une personne raisonnable aurait exercé dans les circonstances. À mon avis, il n’y a pas suffisamment de preuves pour conclure raisonnablement que la décharge de l’arme à feu par l’AI a représenté un écart marqué par rapport à une norme de diligence raisonnable.

L’AI était en tout temps légalement placé pendant la série d’événements qui ont abouti à l’arrestation du plaignant. Appelé sur les lieux dans ce qui était en fait une prise d’otages, où quelques instants auparavant l’assaillant, soit le plaignant, avait apparemment infligé de graves blessures à sa femme et à son fils aîné, l’agent était tenu de faire ce qu’il pouvait pour empêcher le plaignant de faire du mal à son fils cadet qu’il tenait dans ses bras.,

La décision de l’AI et de l’AT n° 1 de faire irruption dans le garage était raisonnable. Le plaignant avait violemment attaqué sa femme et son fils de 11 ans. Il était maintenant dans le garage et tenait son fils cadet qu’il refusait de lâcher. De plus, il était peut-être encore en possession du couteau et du marteau qu’il venait d’utiliser contre les autres membres de sa famille. Dans ces circonstances, on peut comprendre la nécessité d’agir rapidement pour maîtriser le plaignant comme l’ont fait les agents. L’utilisation de leurs armes depuis une certaine distance était effectivement exclue, car le plaignant tenait l’enfant dans ses bras.

La décision de faire feu est sujette à examen. Si l’AI a eu la présence d’esprit de viser différemment alors que son confrère affrontait physiquement le plaignant, comment se fait-il qu’il n’ait pas été en mesure de s’abstenir d’appuyer sur la gâchette? Cela étant dit, dans les circonstances très tendues dans lesquelles l’AI se trouvait, je ne peux pas rejeter l’explication de l’agent selon laquelle il était capable de faire l’un mais pas l’autre, à savoir de changer la trajectoire de la balle mais pas de s’empêcher de tirer. Le fait que l’AI avait décidé de tirer sur le plaignant et que sa carabine était pointée dans sa direction ne change rien à l’analyse de la responsabilité. Au moment des faits, les agents avaient de bonnes raisons de croire que la vie du jeune enfant était en danger immédiat de lésions corporelles graves ou de mort. Le recours à la force meurtrière dans ce contexte ne semble pas avoir été disproportionné par rapport aux exigences du moment.

Le directeur, M. Martino, a donc conclu que l’agent n’avait pas transgressé les limites de la prudence lorsqu’il a déchargé sa carabine C-8 et, par conséquent, il n’y avait pas lieu de porter des accusations criminelles contre l’agent [4].



Date : 5 juillet 2022

Approuvé électroniquement par


Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les heures proviennent des horloges internes des armes qui ne sont pas nécessairement synchronisées, ni avec le temps réel. [Retour au texte]
  • 2) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats et ne sont pas divulgués en vertu du paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les éléments importants des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
  • 3) La caméra d’intervention de l’AT n° 2 était la plus proche de l’endroit où le coup de feu a été tiré pendant une milliseconde avant que l’horloge ne change à 10 h 11 min 10 s. [Retour au texte]
  • 4) Bien que l’enquête se soit concentrée sur la décharge de l’arme à feu, je suis également convaincu que l’autre force utilisée contre le plaignant — allant du coup de carabine de l’AT n° 1, aux multiples décharges d’armes à impulsions, en passant par des coups de poing donnés par l’AT n° 1 — était légalement justifiée conformément au paragraphe 25(1) du Code criminel. Le plaignant était clairement sujet à une arrestation légale étant donné les attaques qu’il aurait perpétrées sur sa femme et son fils. Il a également fait l’objet d’une mesure de force lorsqu’il a choisi de ne pas libérer son fils cadet sur les ordres des agents et s’est ensuite débattu alors qu’ils tentaient de lui passer les menottes. Compte tenu de l’urgence de placer le plaignant sous garde de manière résolue, le degré de force utilisé par les agents était raisonnable à ce moment-là. Une fois que le plaignant a été menotté, aucune autre force n’a été utilisée contre lui. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.