Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OCI-421

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 32 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 18 décembre 2021, à 2 h 22 du matin, la Police régionale de Peel (PRP) a avisé l’UES que le plaignant avait subi une fracture du nez lors de son arrestation, la veille.

Selon la PRP, le 17 décembre 2021, à 19 h 30, l’agent impliqué (AI) effectuait des contrôles au stationnement de la gare de Cooksville de GO Transit situé au 3210, rue Hurontario, à Mississauga. L’AI a observé une transaction de drogue et est intervenu. Lorsqu’il a tenté d’arrêter les personnes en cause, l’AI a été « aspergé de poivre ». Il a déployé son arme à impulsions et a procédé à l’arrestation.

Le plaignant a été conduit à l’Hôpital Trillium où on lui a diagnostiqué une fracture du nez et on lui a retiré des sondes d’arme à impulsions.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 18 décembre 2021 à 2 h 43

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 18 décembre 2021 à 4 h 14

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 32 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 10 février 2022. [1]

Témoins civils (TC)

TC A participé à une entrevue

Le témoin civil a participé à une entrevue le 3 mars 2022.

Agent impliqué (AI)

AI A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 11 avril 2022.

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 22 décembre 2021.

Retard dans l’enquête

L’entrevue avec le plaignant a été retardée parce qu’il était sous garde et que l’établissement correctionnel où il était détenu se concentraient sur des problèmes liés à la pandémie de COVID-19. Malgré les efforts des enquêteurs, il a également été difficile de contacter le TC pour organiser une entrevue.

Le 23 février 2022, l’UES a été avisée que l’AI était disposé à lui fournir une déclaration. La première date à laquelle l’AI était disponible pour une entrevue était le 11 avril 2022.

Éléments de preuve

Les lieux

Le parc de stationnement 2 de la gare de Cooksville de GO Transit se trouve à l’angle sud-est de la propriété de GO Transit, à l’ouest de la rue Hurontario et au nord de l’avenue Hillcrest. La gare proprement dite est au nord du parc de stationnement. Plusieurs restaurants et autres commerces bordent le sud du parc de stationnement, au nord de l’avenue Hillcrest,.

L’arrestation du plaignant a eu lieu au milieu du parc de stationnement 2 qui était vide à ce moment-là. Quand l’UES est arrivée pour enquêter sur les lieux, il avait plu, mais le stationnement était sec au moment de l’arrestation.

Figure 1 – Cooksville GO Station
Figure 1 – Gare GO de Cooksville

Figure 2 – Parking lot P2
Figure 2 – Parc de stationnement P2

Figure 3 – Area of the arrest in the P2 parking lot
Figure 3 – Lieu de l’arrestation dans le parc de stationnement P2

Éléments de preuve matériels

L’UES a recueilli les éléments suivants sur les lieux :
  • Une tuque noire;
  • Des fils d’arme à impulsions;
  • Deux sondes d’arme à impulsions;
  • Quatre portes de cartouche d’arme à impulsions;
  • Des disques d’identification anticriminel (AFID) d’arme à impulsions.
L’UES a recueilli l’arme à impulsions et la chemise d’uniforme de l’AI au poste de police. L’UES a téléchargé les données opérationnelles internes de l’arme à impulsions avant de rendre l’arme à la PRP. L’UES a recueilli les cartouches tirées de l’arme à impulsions.

D’après les données internes de déploiement de l’arme à impulsions de l’AI, la cartouche 1 a été déployée le 17 décembre 2021 à 19 h 42 min 32 s pendant neuf secondes. La cartouche 2 a été déployée pendant 12 secondes à 19 h 42 min 43 s.

La chemise de l’AI a été récupérée dans un casier; l’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a remarqué qu’elle dégageait une odeur âcre de ce qui correspondait vraisemblablement à du gaz poivré. La chemise n’a pas été soumise à un examen d’expert.

Figure 4 - The SO’s CEW
Figure 4 - L’arme à impulsions de l’AI.


Figure 5 – CEW barb
Figure 5 – Sonde d’arme à impulsions

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]

Enregistrements des communications et rapport de répartition assistée par ordinateur (RAO)

Le 17 décembre 2021, à 19 h 40, l’AI demande au répartiteur de l’inscrire comme étant avec trois personnes à la gare GO de Cooksville, près de l’entrée depuis l’avenue Hillcrest. L’AI dit ensuite qu’il a engagé une poursuite à pied dans le stationnement, vers l’est. À 19 h 41, l’AI dit qu’il a une personne sous garde et que deux autres personnes se sont enfuies vers le sud-est.

L’AI annonce ensuite par radio : [traduction] « 10-33, [3] il m’a aspergé de gaz poivré ». Le répartiteur signale la demande d’assistance de l’AI à d’autres agents. Peu après, l’AI dit qu’il a déployé son arme à impulsions, que l’homme est menotté et que tout va bien. Il ajoute qu’il ne peut pas voir d’un œil et demande une ambulance. Il dit aux agents qui viennent en renfort qu’ils peuvent ralentir.

À 19 h 47, des agents disent qu’ils ont un deuxième individu [le TC] sous garde.

Les autres transmissions radio portent sur l’intervention d’agents de police supplémentaires et comprennent des discussions sur la nécessité d’établir un périmètre pour localiser les personnes qui se sont enfuies.

Enregistrements vidéo de Metrolinx [4]

Sur la vidéo d’une caméra avec vue sur le parc de stationnement 1 (au sud du parc de stationnement 2), on peut voir quatre personnes entrer dans le stationnement. Une personne traverse le stationnement, tandis que les trois autres commencent à se regrouper près d’une clôture. Il semble qu’il s’agit de deux hommes et une femme. Les deux hommes s’assoient le long de la clôture.

L’une des personnes assises le long de la clôture se lève et commence ensuite à s’éloigner. Un agent de police apparaît; il marche le long du talus herbeux, puis se met à courir après l’homme qui a commencé à s’éloigner. L’homme (le plaignant) et l’agent (l’AI) courent et disparaissent du champ de vision de la caméra. L’AI tient son carnet dans la main gauche.

Une caméra avec vue sur le parc de stationnement 2 a enregistré l’AI en train de courir à la poursuite du plaignant le long du côté sud du stationnement. Sur la vidéo d’une caméra installée sur le côté nord du stationnement, on peut voir un objet dans la main droite de l’AI qui projette une lumière blanche; il s’agit possiblement de la lampe de l’arme à impulsions ou d’une partie éclairée de la radio de l’AI. Juste avant d’être plaqué à terre, le plaignant semble se courber vers l’arrière, peut-être sous l’effet du déploiement de l’arme à impulsions ou dans un effort pour se débarrasser de son sac à dos. L’AI plaque alors le plaignant à terre et semble s’agenouiller sur lui. D’abord immobile, le plaignant semble ensuite résister à l’AI.

À 5 min 35 s du début de la vidéo, l’AI fait pivoter le plaignant, puis le relève et le repousse par terre sur l’asphalte, tout en tirant sur ses bras. Le plaignant semble heurter l’asphalte du côté droit.

À 5 min 52 s, le plaignant se retourne sur la gauche et semble lever la main droite. L’AI réagit et le frapper ou le pousser de la main gauche. La lutte continue.

À 6 min 5 s, l’AI donne une série de coups de poing à la tête du plaignant, puis le retourne pour le mettre à plat ventre.

À 8 min, d’autres véhicules de police commencent à arriver.

À 9 min 27 s, un piéton portant un sac marche vers l’est le long du trottoir, du côté nord du stationnement, entre dans le stationnement et s’approche de l’AI qui pointe un objet projetant une lumière blanche (vraisemblablement son arme à impulsions) sur l’homme. L’homme (le TC) recule.

À 9 min 55 s, des voitures de police franchissent l’accotement et entrent dans le stationnement. Les agents sortent de leurs véhicules et l’AI pointe du doigt la direction du TC. Trois des agents attrapent le TC et le jettent à terre.

Un des agents qui vient d’arriver marche vers le plaignant tandis que l’AI s’éloigne. L’AI semble cracher par terre. L’AI se dirige vers l’une des voitures de police et se penche en avant; il semble ensuite se moucher.

Le cinquième agent de police arrivé sur les lieux (l’AT no 1) vient en aide à l’AI. L’AT no 1 marche aux côtés de l’AI vers le sud, mais les deux agents retournent ensuite à l’endroit où se trouve le plaignant. L’AT no 1 semble ramasser quelque chose par terre à cet endroit. L’AT no 1 et l’AI retournent ensuite vers le sud, vers le véhicule de l’AI.

À 43 min 10 s du début de la vidéo, un agent apporte une couverture au plaignant qui est encore à terre.

À 51 min 56 s, une ambulance arrive sur les lieux. Les ambulanciers paramédicaux soulèvent le plaignant et le placent sur une civière.

Enregistrements de caméras corporelles

Caméra corporelle de l’AT no 1

L’AT no 1 arrive sur les lieux à 19 h 46. Trois agents luttent contre un homme (le TC) par terre tandis qu’un autre agent s’occupe du plaignant, qui est allongé par terre. Le plaignant porte un sac à dos rouge. L’agent de police qui s’occupe du plaignant pointe l’AI du doigt et dit à l’AT no 1 que l’AI a été aspergé de gaz poivré.

L’AI est debout, les yeux presque complètement fermés. Il porte une veste noire avec l’écusson de la PRP sur les épaules. Sous sa veste, il porte un gilet de protection avec l’inscription « POLICE » sur le devant. L’AI prend un carnet sur le capot d’un véhicule de police et demande à l’AT no 1 de l’accompagner jusqu’à son véhicule parce qu’il a perdu quelque chose.

L’AT no 1 demande à l’AI son nom et son indicatif d’appel. L’AI lui donne ces deux renseignements. L’AT no 1 annonce sur le réseau radio de la police qu’il est avec l’AI et qu’ils retournent à pied jusqu’au véhicule de l’AI.

L’AI pointe du doigt un objet noir sur un trottoir à proximité. L’AT no 1 braque sa lampe de poche sur l’objet et dit que c’est un masque (de style chirurgical).

L’AI et l’AT no 1 retournent ensuite vers le plaignant et l’AT no 1 aperçoit un pulvérisateur de gaz poivré sur le sol. Il essaie de le ramasser, mais quelqu’un lui dit d’arrêter, car ils ont l’intention de saisir cet objet.

L’AT no 1 et l’AI se dirigent ensuite vers la berline banalisée de l’AI, qui est garée sur Go Access (la rue qui va vers le nord depuis l’avenue Hillcrest pour accéder à la gare de GO Transit). L’AT no 1 avertit l’AI que sa caméra corporelle est en marche.

L’AI gémit de douleur et dit qu’il craint qu’il lui manque un chargeur de pistolet. L’AI, une fois près de son véhicule, crache et souffle pour nettoyer ses narines. Un agent en civil s’approche et, lorsque l’AI lui dit qu’il faut qu’on retrouve son chargeur, l’agent en civil lui répond qu’ils l’ont trouvé.

Un sergent s’approche et quelqu’un demande à l’AI combien de personnes sont impliquées. L’AI dit qu’il y avait quatre personnes, dont trois se sont enfuies en courant. Il dit que l’homme qui s’était battu avec les autres agents faisait partie du groupe, mais ne s’était pas enfui. L’AI déclare [traduction] : « Je suis presque sûr que c’est le même salaud. »

Une ambulance arrive et les ambulanciers paramédicaux prodiguent des soins à l’AI.

Le sergent se dirige vers l’agent en civil et commence à lui parler à voix basse. L’AT no 1 coupe la fonction audio de sa caméra corporelle en expliquant : [traduction] « Je vais couper le son; on discute des techniques d’enquête. »

Caméra corporelle de l’AT no 3

L’AT no 3 arrive et prend le contrôle du plaignant. Quand il commence à s’éloigner, l’AI lui demande de fouiller le plaignant. L’AT no 3 demande où se trouve le pulvérisateur de gaz poivré du plaignant. L’AI pointe du doigt un objet à côté du plaignant. Un pulvérisateur est visible sur le sol à côté du plaignant. Le plaignant dit en pleurant que le gaz poivré était pour des chiens. L’AT no 3 répond [traduction] : « Ouais, pour les chiens, pas pour les policiers. » Le plaignant dit qu’il ne savait pas que l’autre personne (l’AI) était un agent de police. L’AT no 3 demande alors au plaignant s’il a juste été aspergé de gaz poivré ou « juste taser ». Le plaignant répond qu’il a reçu à la fois du gaz poivré et une décharge d’arme à impulsion.

À 19 h 49, les agents s’apprêtent à couper le sac à dos du plaignant pour le fouiller. Ils retournent le plaignant sur le côté et un des agents ramasse un chargeur de pistolet qui se trouvait sous le plaignant. Malgré les supplications du plaignant de ne pas couper son sac à dos, les agents le coupent pour le lui retirer et un des agents lui dit [traduction] : « Faut pas vaporiser du gaz poivré sur des policiers, mon pote ». Le plaignant répète alors en pleurant qu’il ne savait pas que l’homme était un policier. Il dit qu’il a été assommé.

Quand les agents le retournent, le plaignant crie de douleur et dit que quelque chose lui fait mal au ventre. Un agent lui dit que c’est parce qu’il a une pointe de Taser dans le ventre.

Le plaignant commence à vomir et un des agents dit qu’il a des convulsions.

En arrière-plan, le TC explique aux agents [traduction] : « L’homme avait laissé tomber son sac, et je le lui ramenais. »

Le plaignant avoue à la police qu’il a consommé du fentanyl ce jour-là. Une agente en civil arrive et dit que c’est ce qui arrive à quelqu’un qui vaporise du gaz poivré sur un agent de police. Le plaignant répond qu’il a été assommé avant d’asperger l’agent de gaz poivré.

Plus tard, alors que l’AT no 3 tente de lire au plaignant son « droit à l’assistance d’un avocat », le plaignant déclare que l’agent aurait pu allumer les gyrophares de son véhicule pour lui faire savoir qu’il était un agent de police.

À 20 h 27, une ambulance arrive pour s’occuper du plaignant. On aide le plaignant à se relever et on peut voir deux sondes d’arme à impulsions enfoncées dans la poche arrière droite de son pantalon. Une autre sonde est enfoncée dans le côté droit de son abdomen. Les ambulanciers paramédicaux placent le plaignant sur une civière; ses sourcils semblent enflés.

L’AT no 3 entre dans l’ambulance. Une fois dans l’ambulance, l’ambulancière paramédicale qui s’occupe du plaignant lui demande ce qui s’est passé. Elle lui demande depuis combien de temps il garde du gaz poivré sur lui. Le plaignant dit que c’est un répulsif contre les chiens qu’il garde pour se protéger contre les coyotes, parce qu’il en a souvent vu près de l’épicerie Metro, à l’intersection de Central Parkway et Cliff Road. L’ambulancière applique un pansement sur le sourcil gauche du plaignant.

Le plaignant lui dit qu’il est tombé quand l’agent lui a donné un coup de tête au niveau des yeux. Il dit qu’il s’est évanoui au premier coup. Il ajoute qu’il s’est réveillé à plat ventre et que comme l’homme [l’AI] lui fouillait ses poches, il l’a aspergé.

Caméra corporelle de l’AT no 2

L’AT no 2 arrive après avoir participé à l’arrestation du TC. Il participe maintenant aux soins du plaignant. Son implication dans la situation est documentée de manière adéquate par la vidéo corporelle de l’AT no 3 et aucun élément de la vidéo de sa propre caméra corporelle n’ajoute quoi que ce soit à la compréhension des événements.

Éléments obtenus auprès du service de police

L’UES a reçu et examiné les éléments et documents suivants que la PRP lui a remis, sur demande, entre le 18 décembre 2021 et le 11 avril 2022 :
  • Vidéos de caméras corporelles;
  • Enregistrements des communications;
  • Chronologie de l’incident;
  • Notes de l’AT no 1, de l’AT no 2 et de l’AT no 3;
  • Notes de l’AI;
  • Rapport d’incident;
  • Rapport de vérification d’antécédents;
  • Photographie du plaignant;
  • Politique relative aux caméras corporelles.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a reçu les documents suivants d’autres sources entre le 29 décembre 2021 et le 19 janvier 2022 :
  • Vidéos des caméras de sécurité Metrolinx de la gare GO de Cooksville;
  • Dossiers médicaux du plaignant de l’hôpital général de Mississauga (Trillium).

Description de l’incident

La séquence d’événements suivante découle des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec le plaignant et avec l’AI. L’enquête a également bénéficié de vidéos de caméras de sécurité qui ont capturé certaines parties de l’incident.

Dans la soirée du 17 décembre 2021, le plaignant, alors qu’il attendait présumément un autobus à la gare GO de Cooksville, a repéré des personnes qu’il connaissait et les a rejointes dans un parc de stationnement. Ce stationnement faisait partie de la propriété de GO. Au bout d’un moment, un agent – l’AI – s’est approché du groupe. Le plaignant s’est enfui en courant vers l’est.

L’AI était en patrouille dans le cadre du programme d’application ciblée et stratégique de la PRP. Ce programme s’inscrit dans le cadre des efforts de la police visant à mettre en œuvre des mesures proactives d’application de la Loi sur les permis d’alcool, la Loi sur l’entrée sans autorisation et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances dans les secteurs à forte criminalité. Le secteur de la rue Hurontario et de la rue Dundas, à Mississauga, avait été identifié comme l’un de ces secteurs. La police avait notamment des raisons de croire que des gens consommaient de la drogue dans le garage à plusieurs niveaux de Go récemment construit qui dessert la gare de Cooksville. L’agent avait repéré le plaignant et son groupe à distance et avait vu ce qu’il croyait être une transaction directe de drogue. L’AI a alors décidé qu’il avait des motifs d’enquêter sur le groupe pour délits liés à la drogue et entrée sans autorisation. Il s’est approché du groupe dans un véhicule de police banalisé, est sorti de son véhicule, puis s’est approché à pied. Réalisant que le plaignant s’apprêtait à fuir, l’AI lui a dit de ne pas bouger, puis l’a poursuivi à pied lorsque le plaignant s’est mis à courir.

L’AI a rattrapé le plaignant au milieu du stationnement (le parc de stationnement 2), près de la limite est du parc, et l’a plaqué à terre. L’agent a retourné le plaignant à plat ventre et était à califourchon sur son dos en tentant de lui maintenir les bras lorsque le plaignant a récupéré un pulvérisateur de gaz poivré dans une poche et l’a déchargé sur l’AI. Une lutte s’est ensuivie sur le sol. Le plaignant tentait de repousser l’agent et de se relever. L’AI lui a asséné une série de coups de poing de la main gauche et de la main droite à la tête et a déployé son arme à impulsions à deux reprises. À la suite des coups et des décharges de l’arme à impulsions, l’agent a placé le plaignant à plat ventre et l’a menotté dans le dos.

Des ambulanciers paramédicaux sont arrivés sur les lieux et ont retiré les sondes de l’arme à impulsions du corps du plaignant. Les sondes l’avaient atteint à la cuisse droite et à l’abdomen.

Le plaignant a été conduit à l’hôpital où on lui a diagnostiqué une fracture du nez.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 17 décembre 2021, le plaignant a été grièvement blessé durant son arrestation par un agent de la PRP. Cet agent a été désigné comme agent impliqué (AI) aux fins de l’enquête de l’UES qui a suivi. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué le dossier de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec l’arrestation et la blessure du plaignant.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police sont exonérés de toute responsabilité criminelle pour le recours à la force dans l’exécution de leurs fonctions, pour autant que cette force était raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur était enjoint ou autorisé de faire en vertu de la loi.

La preuve établit que l’AI n’a utilisé que la force raisonnablement nécessaire pour mettre le plaignant sous garde. Le plaquage par-derrière est compréhensible étant donné que le plaignant fuyait l’agent et n’avait apparemment pas l’intention de s’arrêter. Par la suite, je suis convaincu que les coups de poing et les décharges de l’arme à impulsions constituaient des réactions proportionnées, dans le contexte d’une altercation physique avec un homme qui avait aspergé l’agent de gaz poivré et tentait vigoureusement de se libérer de son emprise. La vision de l’agent se détériorait à ce moment-là et il était impératif de faire le maximum pour arrêter rapidement le plaignant.

L’AI a affirmé qu’en poursuivant le plaignant, son intention était de l’arrêter pour possession de drogue et intrusion en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et de la Loi sur l’entrée sans autorisation, respectivement. En ce qui concerne la première infraction, je ne suis pas convaincu que l’agent avait des motifs d’effectuer une arrestation légale. Le fait que la gare GO était fermée à cette heure-là, que l’AI savait qu’il y avait une forte criminalité liée à la drogue dans ce secteur et qu’il croyait avoir observé une sorte de transaction de main à main – des considérations que l’AI a mentionnées pour justifier sa décision – ne semble pas suffire à établir des motifs raisonnables et probables d’arrestation. En particulier, l’échange dont l’agent a été témoin entre les membres du groupe a été effectué à distance et décrit en des termes suffisamment vagues pour en miner la valeur probante.

Je ne suis pas non plus entièrement convaincu que l’AI avait des motifs impérieux pour justifier une intervention fondée sur une entrée sans autorisation. Néanmoins, pour ce qui est de cette infraction, il semblerait que la décision de l’agent soit défendable. L’article 2 de la Loi sur l’entrée sans autorisation prévoit, en partie, que l’entrée, sans l’autorisation expresse de l’occupant, dans des lieux où une telle entrée est interdite constitue une infraction. L’entrée est « interdite » en vertu de la Loi lorsque les lieux sont « clos de façon à indiquer l’intention de l’occupant d’empêcher les personnes d’y entrer » : voir l’alinéa 3(1)b). En l’espèce, il est clair que le plaignant était entré dans un parc de stationnement de la gare GO qui était clôturé en partie, sinon en totalité, qui était complètement vide et dont l’entrée/sortie pour les véhicules était bloquée par une sorte de cordage. Il n’est pas certain qu’en se fondant sur cette série de facteurs, un tribunal conclurait que le plaignant avait effectivement commis l’infraction d’entrée sans autorisation. Néanmoins, je suis convaincu que ces facteurs ont fourni à l’agent une base raisonnable pour considérer qu’il avait les motifs requis pour procéder à une arrestation légale.
En conséquence, bien que j’accepte que la blessure du plaignant soit le résultat de la force utilisée contre lui par l’AI, il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’elle était attribuable à une conduite illégale de la part de l’agent. Il n’y a donc pas lieu de déposer des accusations criminelles dans cette affaire et dossier est clos.


Date : 5 juillet 2022

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Le 18 décembre 2021, des enquêteurs de l'UES se sont rendus à l'Hôpital Trillium pour tenter d'interroger le plaignant, mais il n'était pas en mesure de faire une déclaration à ce moment-là en raison d'une intoxication liée à des drogues. [Retour au texte]
  • 2) Les éléments de preuve suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l'Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces éléments de preuve sont résumées ci-après. [Retour au texte]
  • 3) Signifie « agent de police ayant besoin d'aide en urgence ». [Retour au texte]
  • 4) Ces enregistrements vidéo n'avaient pas d'horodatage. Les temps mentionnés sont ceux écoulés depuis le début de la vidéo. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.