Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 22-OFP-065

Attention :

Cette page affiche un contenu graphique pouvant choquer, offenser et déranger.

Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la décharge d’une arme à feu par la police sur un homme de 53 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 4 mars 2022, à 17 h 54, le Service de police de Brantford (SPB) a contacté l’UES et communiqué les renseignements suivants.

Vers 16 h 44, les services médicaux d’urgence (SMU) ont été appelés à une résidence de la rue Victoria pour venir en aide au plaignant, qui était en crise. Le plaignant avait un couteau qu’il avait placé sous sa gorge en disant qu’il voulait se blesser. Les tentatives pour désamorcer la situation ont échoué et un agent de police a déployé une ARWEN (arme antiémeute Enfield), qui s’est également avérée inefficace. Les agents ont continué de négocier avec le plaignant, qui a fini par se rendre de son plein gré. A 17 h 13, le plaignant a été appréhendé en vertu de la Loi sur la santé mentale (LSM) et emmené à l’Hôpital général de Brantford (HGB). Le plaignant ne semblait pas avoir subi de blessure grave durant son interaction avec la police.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 4 mars 2022 à 18 h 53

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 4 mars 2022 à 18 h 30

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 53 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 5 mars 2022.

Témoins civils (TC)

TC A participé à une entrevue

Le témoin civil a participé à une entrevue le 5 mars 2022.

Agent impliqué (AI)

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué; ses notes ont été reçues et examinées

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 N’a pas participé à une entrevue, mais sa déclaration et ses notes ont été reçues et examinées[1]
AT no 4 N’a pas participé à une entrevue, mais sa déclaration et ses notes ont été reçues et examinées[2]
AT no 5 N’a pas participé à une entrevue, mais sa déclaration et ses notes ont été reçues et examinées[3]
AT no 6 N’a pas participé à une entrevue, mais sa déclaration et ses notes ont été reçues et examinées[4]
AT no 7 A participé à une entrevue
AT no 8 N’a pas participé à une entrevue, mais sa déclaration et ses notes ont été reçues et examinées[5]

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 22 mars 2022.

Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est produit dans une résidence de la rue Victoria, à Brantford.

Éléments de preuve matériels

L’UES a pris possession du couteau du plaignant.

Une cartouche d’ARWEN a été récupérée à côté du véhicule de police, ainsi que deux morceaux de corde.

Un échantillon de sang a été prélevé sur une poignée de porte.


Figure 1 - Le couteau du plaignant


Figure 2 – Projectile d’ARWEN


Figure 3 - Douille de cartouche d’ARWEN sur les lieux

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[6]

Photographies prises par l’UES

L’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a photographié et filmé les lieux.

L’ARWEN a été photographiée avant d’être rendue au SPB.


Figure 4 - L’ARWEN de l’AI.

Enregistrement des communications et rapport du système de répartition assistée par ordinateur (RAO) du SPB

L’UES a reçu le rapport de RAO et les enregistrements des communications du SPB le 5 mars 2002. Les renseignements qu’ils contenaient ont confirmé les détails fournis par l’agent impliqué et les agents témoins.

Le service de police a été contacté pour la première fois au sujet de l’incident à 16 h 44. La décharge de l’ARWEN par l’AI a été notée 17 h.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, le SPB a remis à l’UES les éléments et documents suivants entre le 9 mars et le 12 avril 2022 :
  • Notes de l’AI;
  • Procédure relative à l’utilisation de la force;
  • Diaporama sur l’ARWEN (2021);
  • Enregistrements des communications;
  • Rapport de RAO;
  • Rapport général – AT no 1;
  • Notes de l’AT no 4;
  • Notes de l’AT no 1;
  • Notes de l’AT no 7;
  • Notes de l’AT no 3;
  • Notes de l’AT no 8;
  • Notes de l’AT no 2;
  • Notes de l’AT no 6;
  • Notes de l’AT no 5;
  • Registre de formation de l’équipe d’intervention d’urgence (EIU);
  • Rapport supplémentaire – AT no 4;
  • Rapport supplémentaire – AT no 2;
  • Rapport supplémentaire – AT no 6;

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments suivants obtenus auprès d’autres sources :
  • Dossier médical de l’Hôpital général de Brantford concernant le plaignant.

Description de l’incident

La séquence d’événements suivante découle des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec le plaignant, avec un témoin civil et avec plusieurs agents témoins qui étaient à proximité au moment de la décharge de l’ARWEN. L’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES, comme il en avait le droit, mais a autorisé la communication de ses notes sur l’incident.

Dans l’après-midi du 4 mars 2022, le plaignant était en détresse mentale. Il se comportait de façon erratique et était très agité. Préoccupé par le comportement de son père et inquiet pour son bien-être, le TC a dit qu’il allait appeler une ambulance. Le plaignant a saisi un couteau, a mentionné son intention de se suicider et est allé dans une salle de bain au deuxième étage.

Le TC a appelé le 9-1-1 vers 16 h 45.

Des agents de l’EIU du SPB, dont l’AI, ont commencé à arriver sur les lieux – une maison de la rue Victoria – peu après l’appel au 9-1-1. Le TC étant à l’extérieur, les agents ont placé un véhicule de police devant le perron de la maison. Ils ont ensuite attaché une corde entre la poignée de la porte d’entrée de la maison et la barre de poussée du véhicule de police, pour entraver l’ouverture de la porte. Ils avaient l’intention d’empêcher le plaignant de sortir soudainement de la maison en tenant son couteau. Armé d’une ARWEN, l’AI a pris position près du véhicule de police.

Sous la direction de l’AT no 1 de l’EIU, la police a tenté de convaincre le plaignant de se rendre pacifiquement. Depuis une fenêtre du deuxième étage, le plaignant a menacé de se couper et de poignarder les agents. Il est resté très agité durant cet échange et a refusé d’obtempérer aux ordres qu’on lui donnait.

Vers 17 h, le plaignant a réussi à entrouvrir suffisamment la porte d’entrée pour couper la corde qui y était attachée avec son couteau. La porte s’est ouverte et il est sorti sur le perron, le couteau en main. L’AI a tiré avec son ARWEN en visant le bassin du plaignant. Le projectile a frappé plaignant à l’abdomen. Le plaignant a battu retraite dans la maison en fermant la porte derrière lui.

Environ dix minutes après le tir de l’ARWEN, les agents ont finalement convaincu le plaignant de se rendre. Le plaignant a jeté le couteau – que les agents ont récupéré et retiré du perron – et est sorti de la maison en tombant à genoux sur le perron. Un certain nombre d’agents, dont l’AI, ont alors empoigné le plaignant pour le forcer à se mettre à plat ventre et le menotter dans le dos.

Le plaignant a été conduit de là en ambulance à l’hôpital. Il avait une écorchure au ventre, à l’endroit où le projectile de l’ARWEN l’avait frappé.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier,
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public,
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public,
d) soit en raison de ses fonctions,
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 17 de la Loi sur la santé mentale -- Intervention de l’agent de police

17 Si un agent de police a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une personne agit ou a agi d’une façon désordonnée et qu’il a des motifs valables de croire que cette personne :
a) soit a menacé ou tenté de s’infliger des lésions corporelles ou menace ou tente de le faire;
b) soit s’est comportée ou se comporte avec violence envers une autre personne ou de manière à lui faire craindre qu’elle lui causera des lésions corporelles;
c) soit a fait ou fait preuve de son incapacité de prendre soin d’elle-même,
et qu’en plus, il est d’avis que cette personne souffre, selon toute apparence, d’un trouble mental d’une nature ou d’un caractère qui aura probablement l’une des conséquences suivantes :
d) elle s’infligera des lésions corporelles graves;
e) elle infligera des lésions corporelles graves à une autre personne;
f) elle subira un affaiblissement physique grave,
et qu’il serait dangereux d’agir selon les termes de l’article 16, il peut amener sous garde cette personne dans un lieu approprié afin qu’elle soit examinée par un médecin.

Analyse et décision du directeur

Le 4 mars 2022, le plaignant a été frappé par un projectile d’ARWEN tiré par un agent du SPB. Cet agent a été désigné comme étant l’agent impliqué (AI) aux fins de l’enquête de l’UES. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec ce tir.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police sont exonérés de toute responsabilité criminelle pour le recours à la force dans l’exécution de leurs fonctions, pour autant que cette force était raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur était enjoint ou autorisé de faire en vertu de la loi.

Les éléments de preuve établissent que le plaignant, qui souffrait de maladie mentale, était en état de crise de santé mentale au moment des événements en question. N’ayant pas tous ses esprits et exprimant des idées suicidaires, il présentait clairement un danger pour lui-même et pour d’autres personnes lorsqu’il s’est emparé d’un couteau et a menacé de s’en servir contre lui-même et contre les agents. Dans les circonstances, je suis convaincu que son appréhension en vertu de la Loi sur la santé mentale était légale.

Je suis aussi convaincu que la force utilisée par l’AI était justifiée. Confronté à un plaignant instable, qui venait de sortir de la résidence sur le perron avec le couteau toujours en main malgré les ordres répétés de le lâcher, l’agent craignait raisonnablement que le plaignant puisse s’infliger des lésions corporelles graves ou se tuer, ou blesser grièvement ou tuer des agents. Comme une confrontation physique pour tenter de désarmer le plaignant aurait pu aggraver ce risque, il semble que l’agent ait agi raisonnablement lorsqu’il a tenté de désarmer et de neutraliser temporairement le plaignant à distance en utilisant une force à létalité atténuée.

Au bout du compte, comme il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI se soit comporté autrement que légalement tout au long de son interaction avec le plaignant, il n’y a aucune raison de porter des accusations au criminel dans cette affaire. Le dossier est donc clos.

Date : 30 juin 2022

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Depuis le trottoir où il se tenait, l’AT no 3 a vu le plaignant à la porte avec le couteau et a entendu la décharge de l’ARWEN. [Retour au texte]
  • 2) L’AT no 4 était à l’arrière de la résidence et n’a pas vu la décharge de l’ARWEN. [Retour au texte]
  • 3) L’AT no 5 est arrivé après la décharge de l’ARWEN, mais a aidé à appréhender le plaignant. [Retour au texte]
  • 4) L’AT no 6 était à l’arrière de la résidence et n’a pas vu la décharge de l’ARWEN. Il est allé à l’Hôpital général de Brantford. [Retour au texte]
  • 5) L’AT no 7 est arrivé en premier sur les lieux et a vu le plaignant avec le couteau en haut des marches, avant de quitter la résidence avec le plaignant. L’AT no 7 n’a pas été témoin de la décharge de l’ARWEN. [Retour au texte]
  • 6) Les éléments de preuve suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces éléments de preuve sont résumées ci-après. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.