Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 22-OCI-040

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves subies par un homme de 38 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 11 février 2022, à 4 h 35, le Service de police de Kingston (SPK) a signalé ce qui suit à l’UES.

Le 10 février 2022, à 18 h 12, le plaignant était l’une des sept personnes arrêtées lors de l’exécution d’un mandat de saisie de stupéfiants dans un domicile de la rue Park. Le plaignant a été amené au poste de police et placé dans une cellule. Il a déclaré qu’il n’avait consommé aucune drogue. À 19 h 45, des agents du SPK ont remarqué que le plaignant tremblait dans sa cellule. Une ambulance a été dépêchée au poste. Le plaignant a été transporté à l’Hôpital général de Kingston (HGK) et admis à l’unité de soins intensifs (USI).

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 11 février 2022 à 8 h 32

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 11 février 2022 à 9 h 30

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 38 ans, a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 16 février 2022.

Témoins civils

TC no 1 N’a pas participé à une entrevue (proche parent)
TC no 2 N’a pas participé à une entrevue [1]

Agent impliqué

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 10 mai 2022.
 

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 6 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 7 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 8 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 9 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 10 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 11 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 12 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

Les agents témoins ont participé à des entrevues le 25 mars 2022.

Éléments de preuve

Les lieux

Selon toute vraisemblance, le plaignant a ingéré la drogue dans le fourgon de transport du SPK, alors qu’il était en route vers les cellules du SPK.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]

L’UES a obtenu des vidéos et des enregistrements audio pertinents pour l’enquête, dont le contenu est décrit ci-dessous.
 

Communications radio du SPK

Voici un résumé des communications radio pertinentes de la police le 10 février 2022.
  • 37 secondes après le début de l’enregistrement, un agent demande si un fourgon de police est disponible, car plusieurs personnes ont été arrêtées.
  • À 34 min 9 s, l’AT no 11 indique à la radio qu’il vient d’arriver sur la rue Park. Un agent répond et lui demande à bord de quel véhicule il se trouve. L’AT no 11 fournit le numéro du véhicule qu’il conduit et confirme qu’il est à l’arrière du bâtiment.
  • À 39 min 46 s, l’AT no 11 appelle le centre de communications du SPK et indique qu’il se dirige vers le poste de police et qu’il a sept prisonniers à bord.
  • À 41 min 58 s, une agente contacte un sergent pour l’informer qu’elle allait retourner au poste pour aider à fouiller les sept personnes arrêtées. Le sergent indique qu’il y a deux femmes parmi les sept personnes arrêtées.
  • À 46 min 19 s, l’AT no 11 appelle le centre des communications du SPK et indique qu’il est arrivé au poste de police.

Enregistrements relatifs à la mise en détention au poste du SPK

Voici un résumé des enregistrements vidéo pertinents captés dans le bloc cellulaire le 10 février 2022.
  • Dans l’enregistrement d’une durée de 6 min 1 s, on voit l’aire de mise en détention depuis l’arrière du bureau de mise en détention.
  • À 18 h 12 min 11 s, le plaignant entre dans l’aire de mise en détention. Il est accueilli par un agent masculin. Ce dernier lui retire les menottes. Le sergent chargé de la mise en détention [on sait maintenant qu’il s’agissait de l’AT no 4] qui se trouve derrière le bureau confirme le prénom du plaignant.
  • Après qu’on lui ait retiré les menottes, le plaignant s’assoit sur le banc. Cependant, la vue sur le plaignant est obstruée par un pilier. On le voit enlever ses chaussures et les remettre à l’agent qui lui a enlevé les menottes. Il enlève ses bas, les retourne à l’envers, puis les remet.
  • À 18 h 13 min 39 s, l’AT no 4 demande au plaignant s’il a pris de la drogue dans les dernières heures, ce à quoi il répond non. L’AT no 4 demande au plaignant s’il en est certain et clarifie qu’il lui pose cette question pour assurer son bien-être. Le plaignant répond qu’il est certain. On demande au plaignant s’il a des problèmes de santé. Il répond qu’il n’en a pas.
  • À 18 h 13 min 51 s, le plaignant se lève et se tourne pour faire face au mur. Un agent le fouille, puis il se rassoit et le pilier du bureau obstrue de nouveau la vue sur le plaignant.
  • À 18 h 14 min 40 s, l’AT no 4 confirme auprès du plaignant qu’il n’est pas blessé.
  • À 18 h 15 min 51 s, le plaignant dit à l’AT no 4 qu’il a une maladie et qu’il s’évanouit parfois s’il se lève trop rapidement.
  • À 18 h 16 min 8 s, l’AT no 4 remet à l’agent qui accompagne le plaignant un document qu’il venait d’imprimer et demande au plaignant de venir le signer au bureau de mise en détention.
  • À 18 h 16 min 27 s, l’agent qui a effectué la fouille escorte le plaignant hors de l’aire de mise en détention. Le plaignant sort du champ de la caméra.
 

Enregistrements captés dans les cellules du poste du SPK

  • À 18 h 16 min 51 s, le plaignant entre dans une cellule.
  • À 18 h 17 min 55 s, la porte de la cellule s’ouvre et le plaignant sort de la cellule.
  • À 18 h 18 min 1 s, le plaignant entre dans une autre cellule. Il a les mains dans les poches avant de ses jeans. La porte se ferme derrière lui.
  • Il se rend devant le banc, puis revient immédiatement à la porte. Il parle à quelqu’un à travers la fenêtre de la porte de la cellule, mais le son est étouffé et on ne peut entendre ce qui est dit.
  • À 18 h 18 min 31 s, le plaignant se rend au banc, s’assoit et étend ses jambes sur le banc, toujours avec les deux mains dans ses poches. Il se croise les pieds.
  • Le plaignant reste assis sur le banc, le dos contre le mur, les mains dans les poches, les jambes croisées.
  • À 18 h 22 min 29 s, le plaignant se lève du banc, regarde la caméra et fait un signe de la main droite, sans sortir la main gauche de sa poche.
  • Le plaignant reste debout, au-dessus du numéro de cellule sur le plancher, la main droite derrière la tête, la main gauche toujours dans sa poche, et regarde en direction de la porte.
  • À 18 h 23 min 13 s, il lève de nouveau les yeux vers la caméra et fait un signe de la main droite. Le plaignant reste là et, à 18 h 23 min 45 s, il fait de nouveau signe à la caméra. Sa main gauche n’a jamais quitté sa poche.
  • Le plaignant fait un pas en arrière et reste debout à attendre.
  • À 18 h 24 min 24 s, le plaignant regarde de nouveau vers la caméra et agite sa main devant la caméra pendant 15 secondes, puis il remet sa main droite dans sa poche avant.
  • À 18 h 25 min 7 s, il se tourne légèrement vers la caméra et agite de nouveau la main pendant cinq secondes.
  • Le plaignant se rend à la porte de la cellule et regarde par la fenêtre, puis il revient jusqu’au numéro de cellule sur le plancher et, à 18 h 25 min 34 s, il recommence à faire des signes de la main.
  • À 18 h 26 min 3 s, le plaignant se rend à la porte de la cellule et regarde par la fenêtre. On l’entend parler à quelqu’un à l’extérieur de la cellule, mais on ne peut entendre ce qui est dit.
  • À 18 h 26 min 23 s, le plaignant s’assoit, en position verticale, sur le banc.
  • À 18 h 28 min 36 s, le plaignant enlève son T-shirt, le plie et s’allonge sur le banc, la tête sur le T-shirt plié. De temps à autre, il bouge ses jambes, mais reste allongé.
  • À 19 h 10 min 22 s, le plaignant est toujours allongé sur le banc lorsque la porte de la cellule s’ouvre et un homme vêtu d’une chemise grise, d’un pantalon de couleur foncée et d’une casquette de baseball des Toronto Blue Jays apparaît dans l’embrasure de la porte et parle avec le plaignant, lequel reste allongé sur le banc. Le son est étouffé.
  • À 19 h 10 min 55 s, l’homme sort, la porte de la cellule se ferme et le plaignant est couché sur le ventre, la tête sur les mains.
  • À 19 h 27 min 45 s, le plaignant est couché sur le ventre, bouge ses jambes et frotte ses pieds l’un contre l’autre. Sa jambe droite semble trembler légèrement. Il reste allongé dans cette position, les bras repliés sous sa tête et la tête sur les mains, frottant ses pieds l’un contre l’autre.
  • À 19 h 30 min 7 s, le plaignant se retourne sur son côté droit, faisant dos à la caméra. On le voit bouger ses jambes et ses pieds, se recroqueviller et s’étirer par-derrière, croiser ses pieds.
  • À 19 h 33 min 21 s, le plaignant est allongé sur le banc sur son côté droit. Ses pieds semblent trembler.
  • Il place ses jambes dans diverses positions. À plusieurs reprises, il se recroqueville en position de récupération, puis étire ses jambes. Il reste sur son côté droit.
  • À 19 h 38 min 27 s, la main droite et les doigts du plaignant se mettent à trembler.
  • À 19 h 39 min 27 s, le plaignant tente de se retourner sur le dos. Sept secondes plus tard, il est sur le dos, sur le banc, et ses jambes tremblent. Il continue de bouger ses jambes sans arrêt.
  • À 19 h 39 min 49 s, la main gauche du plaignant, posée sur son ventre, tremble. Son bras droit est allongé sur le côté et est partiellement visible; on ne peut voir sa main. Ses jambes se mettent à bouger de plus en plus.
  • À 19 h 40 min 7 s, le haut de son corps se met également à trembler. Le plaignant se tourne sur son côté droit. Les tremblements continuent.
  • À 19 h 41 min 39 s, la porte de la cellule s’ouvre. L’AT no 4 et un autre agent de police en uniforme tactique gris entrent dans la cellule.
  • L’AT no 4 s’approche du banc où se trouve le plaignant et lui demande : [Traduction [3]] « Ça va? ». Le plaignant répond : « Oui ». L’AT no 4 lui demande : « Qu’est-ce qui ne va pas? ». Le plaignant répond : « Rien ». L’AT no 4 lui demande autre chose d’inaudible et le plaignant répond aussi de façon inaudible. Puis l’AT no 4 lui demande : « C’est parce que vous avez froid ou que vous ne vous sentez pas bien? ». Le plaignant répond : « Tout va bien ». L’AT no 4 lui demande : « Avez-vous pris quelque chose? ». La réponse du plaignant est à nouveau inaudible. L’AT no 4 demande au plaignant s’il a un problème médical qui l’amène à avoir des tremblements et le plaignant lui répond que non. L’AT no 4 dit alors au plaignant qu’une ambulance est en route.
  • Le plaignant est toujours allongé face au mur. En raison de l’angle de la caméra, on ne peut voir les visages de l’AT no 4 et de l’agent en uniforme tactique. L’agent en uniforme tactique est resté à la porte, à l’intérieur de la cellule.
  • À 19 h 42 min 3 s, l’AT no 4 tapote le plaignant sur la taille de ses jeans, juste au-dessus de la fesse gauche. Il demande au plaignant s’il a de la difficulté à respirer et le plaignant ne répond pas. L’agent en uniforme tactique s’approche du banc. L’AT no 4 tapote de nouveau le plaignant et se penche au-dessus de lui. Il lui demande de le regarder, puis de s’asseoir.
  • À 19 h 42 min 13 s, le plaignant se relève sans assistance. Il s’assoit sur le banc, les pieds sur le sol, les bras sur les côtés, les mains sur le banc. Il ne semble pas trembler à ce moment-là.
  • Il y a deux personnes à l’extérieur de la porte de la cellule à ce moment-là, mais on ne peut voir que le bas de leurs jambes et leurs pieds.
  • L’AT no 4 demande de nouveau au plaignant : « Qu’est-ce qui ne va pas? ». On ne peut bien entendre la réponse du plaignant. L’agent en uniforme tactique lui demande : « Avez-vous pris quelque chose? ». Le plaignant répond : « Non ». L’agent demande : « Depuis que vous êtes ici? ». Le plaignant répond encore une fois que non. L’agent insiste : « Rien? ». Le plaignant répond de nouveau par la négative. L’agent lui demande s’il a pris quelque chose à l’appartement avant de venir au poste et le plaignant répond « non » de nouveau. L’agent fait remarquer au plaignant qu’il se comporte différemment qu’auparavant et qu’ils essaient de déterminer si le plaignant a un problème médical. Le plaignant répond qu’il va bien et l’agent réplique qu’il ne semble pas aller bien.
  • À 19 h 42 min 38 s, l’AT no 4 sort de la cellule. L’agent en uniforme tactique reste avec le plaignant. Le plaignant est toujours assis sur le banc et ne fait aucun mouvement pendant que l’agent continue à lui parler. Il dit au plaignant qu’ils veulent s’assurer qu’il va bien, qu’une ambulance est en chemin et qu’on va vérifier ses signes vitaux.
  • À 19 h 43 min 10 s, l’agent en uniforme tactique sort de la cellule et reste devant la porte de la cellule, à l’extérieur.
  • Le plaignant reste immobile pendant environ 15 secondes, puis il prend son T-shirt et l’enfile. Il ne semble pas trembler à ce moment-là.
  • Il reste assis sur le banc et continue à parler avec les agents de police à l’extérieur de la cellule.
  • À 19 h 44 min 12 s, on entend une voix d’homme dans le couloir demander au plaignant s’il a parfois des convulsions et il répond par l’affirmative. On lui demande s’il prend des médicaments pour ses crises et il répond que non. On demande au plaignant quand a eu lieu sa dernière crise et il répond que cela remonte à environ trois mois.
  • À 19 h 44 min 29 s, l’AT no 4 entre de nouveau dans la cellule avec un tapis noir. Il le place sur le banc, puis sort. Le plaignant se lève et s’assoit sur le tapis. Il reste assis dans cette position, les mains posées sur le bord du banc, et ne semble pas trembler.
  • À 19 h 46 min 26 s, les pieds du plaignant tremblent légèrement et, environ une minute plus tard, alors qu’il est toujours assis sur le banc, tout son corps semble trembler légèrement. On lui demande de nouveau s’il a pris quelque chose et il continue de répondre « non » et qu’il va « bien », même si, pendant les cinq à six minutes suivantes, les tremblements semblent s’aggraver.
  • À 19 h 51 min 52 s, on entend une voix d’homme dire au plaignant que les ambulanciers paramédicaux sont arrivés. On entend ensuite la voix d’une femme qui parle au plaignant et lui demande de venir s’asseoir sur le lit afin qu’elle puisse vérifier sa tension artérielle et d’autres choses.
  • À 19 h 52 min 20 s, le plaignant se lève du banc et sort de la cellule par ses propres moyens. On entend ensuite la femme demander au plaignant comment il se sent, et il répond qu’il se sent bien. Elle lui demande s’il sait pourquoi il tremble et il répond qu’il n’en a aucune idée.

Documents obtenus du service de police

L’UES a obtenu et examiné les éléments et documents suivants auprès du SPK :
• Rapport du système de répartition assistée par ordinateur
• Enregistrements de communications
• Vidéo de la détention
• Ordre général — Fouilles des personnes
• Ordre général — Soins aux prisonniers et contrôle des prisonniers
• Notes des AT et d’un agent non désigné
• Rapport sur les effets personnels du prisonnier
• Déclaration du sergent
• Copie assermentée du mandat de perquisition
• Résumé de l’agent non désigné

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui ont remis d’autres sources :
  • Documents médicaux du Kingston Health Sciences Centre

Description de l’incident

La preuve recueillie par l’UES — laquelle comprend des entrevues avec le plaignant et l’AI — brosse un portrait clair des principaux événements.

L’après-midi du 10 février 2022, le plaignant se trouvait dans un appartement situé sur la rue Park, à Kingston, lorsque la police est entrée dans l’appartement pour exécuter un mandat de perquisition.

Plus tôt ce jour-là, l’Unité du contrôle des stupéfiants (UCS) du SPK avait obtenu un mandat de perquisition en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Le mandat ciblait plusieurs individus pour trafic de stupéfiants et autorisait la police à fouiller les lieux pour trouver et saisir des stupéfiants et des accessoires destinés à la consommation de drogues. Le plaignant ne faisait pas partie des personnes nommées dans le mandat.

L’AT no 1 et l’AT 3 de l’Unité d’intervention d’urgence (UIU) du SPK ont trouvé le plaignant dans une chambre de l’appartement. L’UIU est entrée dans l’appartement avant les agents de l’UCS afin de sécuriser les lieux, c’est-à-dire détenir les personnes présentes et s’assurer que les lieux étaient sécuritaires. Le plaignant a été menotté et l’AT no 1 l’a brièvement fouillé par palpation, sans incident.

L’AI et d’autres agents de l’UCS sont entrés dans l’appartement et ont fouillé les lieux. L’agent est entré dans la chambre, a procédé à l’arrestation officielle du plaignant et l’a soumis à une nouvelle fouille. L’AI a vérifié ses poches et sa ceinture, et n’a rien trouvé. Il a demandé au plaignant s’il avait de la drogue sur lui. Il a répondu que non.

Le plaignant a été amené au poste dans un fourgon de police où il a été placé dans une cellule vers 18 h 10. Au cours du processus de mise en détention, il a nié avoir de la drogue sur lui ou en avoir consommé. En réalité, le plaignant avait consommé de la méthamphétamine en cristaux.

Les premiers signes physiques d’une surdose sont apparus vers 19 h 30, lorsque ses pieds et ses jambes ont commencé à trembler. Son état s’est détérioré au point où la partie supérieure de son corps et ses membres se sont également mis à trembler. Un employé civil du service a remarqué ce qui se passait sur un moniteur vidéo et a alerté l’AT no 4, l’agent responsable du poste de police.

En compagnie d’un autre sergent, l’AT no 4 s’est rendu dans la cellule pour parler avec le plaignant. Les agents ont demandé au plaignant ce qui n’allait pas et s’il avait consommé quoi que ce soit. Le plaignant a persisté à dire qu’il allait bien et qu’il n’avait consommé aucune drogue. Des ambulanciers paramédicaux ont été dépêchés au poste.

Les ambulanciers paramédicaux sont arrivés et ont pris le plaignant en charge. Vers 20 h, ils ont transporté le plaignant à l’HGK en ambulance.

Le plaignant a reçu des soins pour une surdose de méthamphétamine en cristaux. Il a obtenu son congé de l’hôpital le 15 février 2022 et n’a subi aucune conséquence néfaste pour sa santé.

Dispositions législatives pertinentes

L’article 215 du Code criminel – Défaut de fournir les choses nécessaires à l’existence

215 (1) Toute personne est légalement tenue :

c) de fournir les choses nécessaires à l’existence d’une personne à sa charge, si cette personne est incapable, à la fois :
(i) par suite de détention, d’âge, de maladie, de troubles mentaux, ou pour une autre cause, de se soustraire à cette charge,
(ii) de pourvoir aux choses nécessaires à sa propre existence.

(2) Commet une infraction quiconque, ayant une obligation légale au sens du paragraphe (1), omet, sans excuse légitime, de remplir cette obligation, si :
b) à l’égard d’une obligation imposée par l’alinéa (1)c), l’omission de remplir l’obligation met en danger la vie de la personne envers laquelle cette obligation doit être remplie, ou cause, ou est de nature à causer, un tort permanent à la santé de cette personne.

Articles 219 et 221 du Code criminel -- Négligence criminelle causant des lésions corporelles

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.
(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

221 Quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui est coupable :

a) soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans;
b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Analyse et décision du directeur

Le 11 février 2022, le SPK a signalé à l’UES qu’un homme placé en détention la veille — le plaignant — avait été transporté à l’hôpital et admis aux soins intensifs. L’UES a ouvert une enquête. L’UES a déterminé que l’agent qui a procédé à l’arrestation — l’AI — était l’agent impliqué dans cette affaire. D’après mon évaluation de la preuve, je n’ai aucun motif raisonnable de conclure que l’AI a commis une infraction criminelle en lien avec l’hospitalisation du plaignant.

Les infractions possibles dans cette affaire sont le défaut de fournir les choses nécessaires à l’existence et la négligence criminelle causant des lésions corporelles, en contravention des articles 215 et 221 du Code criminel, respectivement. La première infraction repose, en partie, sur une conduite constituant un écart marqué par rapport au degré de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans les circonstances. La deuxième infraction est réservée aux cas graves de négligence qui témoignent d’une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. Pour démontrer qu’une telle infraction a été commise, il faut démontrer que la conduite constituait un écart marqué et important par rapport à la norme de diligence qui serait considérée comme raisonnable dans les circonstances. Dans l’affaire qui nous concerne, la question est de savoir si l’AI a manqué de diligence et a donc contribué à l’hospitalisation du plaignant, et si ce manque de diligence, le cas échéant, est suffisamment grave pour justifier l’imposition d’une sanction criminelle. À mon avis, cela n’est pas le cas.

Il y a peu de preuves, voire aucune preuve, que l’AI ou l’un des autres agents qui ont joué un rôle dans l’arrestation et la détention du plaignant ont manqué à leur devoir de diligence à l’endroit du plaignant. Dès son appréhension au lieu de l’arrestation, et jusqu’à ce qu’ils constatent sa détresse médicale dans la cellule, les agents ont demandé au plaignant à plusieurs reprises s’il avait de la drogue ou s’il en avait consommé. Il n’a cessé de répondre par la négative. De plus, ni son apparence physique ni son comportement n’ont donné aux agents des raisons de s’inquiéter. Le plaignant semblait bien aller et il était lucide pendant la majeure partie de son séjour en détention. Quelques minutes après avoir découvert que le plaignant était en difficulté, les agents ont fait le nécessaire pour que le plaignant obtienne des soins médicaux spécialisés. De surcroît, le plaignant avait subi deux fouilles (une à l’appartement et l’autre au poste de police) avant d’être placé dans une cellule et aucune des fouilles ne leur a donné raison de croire que le plaignant avait de la drogue sur lui ou avait consommé de la drogue.

On peut donc se demander pourquoi le plaignant n’a pas été fouillé à nu? S’il avait été fouillé à nu, il est possible que l’on aurait découvert qu’il avait de la drogue sur lui ou qu’il avait consommé de la méthamphétamine en cristaux. L’AI a indiqué qu’il ne croyait pas avoir des motifs légitimes de procéder à une telle fouille. On peut présumer que l’AT no 4 était du même avis. Et je ne suis pas convaincu qu’ils avaient tort.

Dans R. c. Golden, [2001] 3 RCS 679, la Cour suprême du Canada a imposé des limites strictes sur les fouilles à nu, car elle a reconnu que les fouilles de cette nature peuvent être dégradantes et humiliantes. En bref, la Cour a statué que la police peut seulement effectuer une fouille à nu dans le cadre d’une arrestation légale et lorsque les agents ont des motifs raisonnables et probables de croire qu’une telle fouille est nécessaire dans les circonstances de l’arrestation. S’il est vrai que le plaignant avait été arrêté pour des infractions relatives à la drogue, il n’avait, à tous autres égards, donné aux agents aucune raison de croire qu’il avait de la drogue cachée sur lui. Il n’était pas la cible du mandat de perquisition. Il avait coopéré pleinement à son arrestation. Il avait été soumis à plusieurs fouilles par palpation. Il a nié à plusieurs reprises avoir de la drogue sur lui ou en avoir consommé. Il a dit qu’il allait bien et il semblait bien aller. Au vu de ce qui précède, je me range à l’évaluation des agents selon laquelle une fouille à nu n’était pas nécessaire.

Pour ces motifs, je n’ai aucun motif raisonnable de croire que l’AI ou les autres agents n’ont pas fait preuve de diligence raisonnable lors de leurs interactions avec le plaignant. Il n’y a donc pas lieu de porter des accusations criminelles dans cette affaire et le dossier est clos.


Date : 10 juin 2022

Approuvé électroniquement par


Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) La TC no 2 a été arrêtée sur les lieux en même temps que le plaignant, mais l’UES n’a pas réussi à la retrouver après l’incident. [Retour au texte]
  • 2) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
  • 3) NdT: Tous les dialogues sont des traductions. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.