Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 22-PCI-031

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves subies par un homme de 64 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 3 février 2022, à 13 h 09, la Police provinciale de l’Ontario a avisé l’UES de la blessure du plaignant. Selon la Police provinciale, le matin du 9 janvier 2022, vers 5 h 26, des agents de la Police provinciale [maintenant connus comme étant l’agent impliqué (AI) et l’agent témoin (AT) no 2] se sont rendus à un établissement résidentiel de soins prolongés, à Clarence-Rockland, pour des troubles.

L’un des résidents, le plaignant, était en crise et se comportait violemment envers le personnel. L’AI et l’AT no 2 ont tenté de négocier avec le plaignant, mais celui-ci est devenu agressif et a attaqué les agents. Les agents l’ont plaqué à terre et l’ont appréhendé en vertu de la Loi sur la santé mentale (LSM).

Le plaignant a été conduit en ambulance à l’hôpital Montfort où il a été soigné pour une coupure à l’œil, puis détenu sous l’autorité de la LSM.

Le 2 février 2022, la famille du plaignant a communiqué avec la Police provinciale pour donner des détails concernant les blessures du plaignant. Il avait deux fractures orbitaires près de la coupure à la tête qu’il avait subie lors de son arrestation.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 3 février 2022 à 14 h 17.

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 3 février 2022 à 15 h 55.

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 64 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 8 février 2022.


Témoins civils (TC)

TC no 1 N’a pas participé à une entrevue (proche parent)
TC no 2 A participé à une entrevue

Le témoin civil a participé à une entrevue le 8 février 2022.

Agent impliqué

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.


Agents témoins

AT no 1 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 4 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.

L’agent témoin a participé à une entrevue le 11 février 2021.


Éléments de preuve

Les lieux

Il n’y avait pas de lieu d’incident pour un examen médico-légal par l’UES. L’incident s’est produit dans une salle à manger spacieuse et inoccupée, dans une aile verrouillée d’un établissement privé et sécurisé de soins de santé de longue durée.

Il n’y avait pas de tapis sur le plancher de l’endroit où l’interaction entre l’AI et l’AT no 2 et le plaignant s’est produite. Il y avait une petite table près des portes brisées où l’AI et l’AT no 2 ont trouvé le plaignant.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]


Séquence vidéo – Établissement résidentiel de soins de longue durée

L’UES a recherché et obtenu des séquences vidéo de l’établissement où l’incident s’est produit. L’UES a reçu quatre fichiers de données montrant la salle à manger. Ces fichiers n’avaient pas d’horodatage; les descriptions ci-après indiquent les minutes et les secondes depuis le début de la vidéo.

Fichier vidéo 1

Le fichier de données vidéo dure trois minutes et 58 secondes. Au début, deux membres du personnel escortent des gens dans la salle à manger. Un membre du personnel [maintenant connu comme étant le TC no 2] est debout dans le couloir en train d’utiliser un téléphone cellulaire.

À une minute et neuf secondes du début de la vidéo, le plaignant entre dans la salle à manger. Il porte des vêtements sombres. Il se retourne et semble parler au TC no 2. Le plaignant se dirige ensuite vers les portes de sortie de la salle à manger et commence à pousser la porte et déverrouiller les serrures de sécurité. Il pousse une porte et la referme en la claquant. Le personnel fait sortir les gens de la salle à manger. Le plaignant est dans le couloir devant la porte qu’il vient de claquer et commence à endommager la porte en l’ouvrant et la fermant violemment. Il s’éloigne ensuite de la porte qui reste ouverte.

Fichier vidéo 2

Ce fichier vidéo dure trois minutes et 48 secondes et commence avec le plaignant qui marche dans le couloir à l’extérieur de la salle à manger. Vingt secondes plus tard, le plaignant se dirige vers la salle à manger dont il brise la deuxième porte. Au bout de quelques minutes, le plaignant saisit la porte de sortie dans le couloir et commence à la secouer.

Fichier vidéo 3

Ce fichier vidéo dure trois minutes et 58 secondes et commence avec le plaignant dans le couloir à l’extérieur de la salle à manger.

À 25 secondes du début de la vidéo, on peut voir deux agents [maintenant connus pour être l’AI, en tête, suivi de l’AT no 2] à la porte d’entrée de la salle à manger. Le TC no 2 les accompagne, mais reste près de la porte d’entrée.

Vingt-trois secondes plus tard, l’Ai, suivi de l’AT no 2, s’approche du plaignant devant la porte de sortie menant au couloir. L’AI semble parler brièvement avec le plaignant. Ils sont dans le couloir, à l’extérieur de la salle à manger. L’AT no 2 est dans la salle à manger, dans l’embrasure de la porte. L’AI saisit le coude gauche du plaignant de la main droite. Le plaignant tire en arrière pour essayer de se dégager. L’AI saisit le poignet gauche du plaignant de la main gauche et pose sa main droite sur le coude gauche du plaignant. Le plaignant fait face à la salle à manger. L’AI pousse le plaignant dans la salle à manger. L’AT no 2 attrape le bras gauche et l’AI, le bras droit, du plaignant. Le plaignant se débat. Le plaignant fait face à la porte et semble tenter de donner des coups de pied à l’AI et de lui piétiner les pieds, ce qui fait perdre à l’AT no 2 le contrôle du bras gauche du plaignant. L’AT no 2 semble chercher quelque chose dans son dos, dans sa ceinture de service. Le plaignant est alors devant l’AI dont le corps bloque momentanément le champ de vision de la caméra. À ce moment-là, les deux agents ont perdu leur emprise sur le plaignant. De son bras droit, le plaignant essaie de frapper l’AI tandis que l’AT no 2 se tient en arrière dans ce qu’on pourrait qualifier comme étant une position de combat.

Le TC no 2 s’approche du plaignant et des deux agents et les observe à distance. Le plaignant tente ensuite de gifler l’AI de la main droite. L’AT no 2 recule tandis que l’AI, de sa main droite, donne un coup de poing au côté gauche du visage du plaignant. Le TC no 2 s’approche, mais n’intervient pas dans l’interaction entre les deux agents et le plaignant.

L’AT no 2 saisit le bras droit du plaignant tandis que l’AI, de la main droite, donne un deuxième coup de poing au côté gauche du visage du plaignant. Sous le coup, le plaignant semble étourdi et recule en chancelant.

Tenant le plaignant respectivement au poignet droit et au bras gauche, l’AT no 2 et l’AI avancent vers la gauche de la porte de la salle à manger et tirent le plaignant vers l’avant et vers le bas pour le mettre à terre. Le front du plaignant heurte le sol. Une brève lutte s’en suit quand les agents essaient de menotter le plaignant dans le dos. Ils ne lui assènent aucun autre coup. Une fois le plaignant menotté, l’AT no 2 et l’AI se relèvent.

L’AI maintient l’épaule du plaignant de la main droite tandis que le TC no 2 se rapproche du plaignant, puis s’éloigne et sort de la salle à manger. Le plaignant est allongé sur le côté droit sur le plancher de la salle à manger. L’AI et l’AT no 2 semblent parler, et l’AI fouille les poches du plaignant avant de le relever en position assise. L’AT no 2 sort de la salle à manger. L’AI tire le plaignant pour l’aider à se mettre debout.

Fichier vidéo 4

La vidéo dure trois minutes et 53 secondes. Le plaignant est debout et l’AI le tient de la main gauche. L’AI semble lui parler. À 41 secondes du début de la vidéo, le plaignant est appuyé contre une table ou assis sur cette table, les mains menottées dans le dos. À peu près à ce moment-là, un troisième agent de police [maintenant connu pour être l’AT no 1 qui porte des gants] entre dans la salle à manger et parle avec l’AI et l’AT no 2. L’AT no 2 retourne dans la salle à manger et se rend à l’endroit où le plaignant est appuyé contre le bord de la table ou assis dessus. L’AT no 2 semble parler tandis que l’AI tient le bras droit du plaignant.


Enregistrements des communications audio

Les enregistrements sonores des communications ont été passés en revue. Ils ne contenaient aucun élément susceptible de faire progresser l’enquête sur la blessure grave du plaignant.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, la Police a remis à l’UES les éléments et documents suivants entre le 7 et le 14 février 2022 :
  • Brève évaluation de santé mentale;
  • Enregistrements des communications audio;
  • Rapport des détails de l’événement (système de répartition assistée par ordinateur);
  • Courriel de réponse de la Police provinciale, liste des témoins et pièces jointes;
  • Courriel de la Police provinciale concernant la liste des agents;
  • Rapport général;
  • Notes de l’AT no 1;
  • Notes de l’AT no 2;
  • Notes de l’AT no 3;
  • Notes de l’AT no 4;
  • Rapport de profil de sujet par la Police provinciale – le plaignant;
  • Dossier de formation de l’AI.
  • Dossier de formation de l’AT no 2;
  • Rapports de victimes (x2);
  • Séquences vidéo du système de sécurité de l’établissement de santé résidentiel.

Les notes prises par l’AT no 3, l’AT no 1 et l’AT no 4 ont été examinées. Elles ne contenaient aucune information susceptible de faire progresser l’enquête sur la blessure grave du plaignant au-delà de ce qui pouvait être établi à partir des séquences vidéo du système de sécurité de la résidence, des entrevues avec l’AT no 2 et le TC no 2 et des dossiers de la police et de l’hôpital obtenus durant l’enquête.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments suivants obtenus auprès d’autres sources :
  • Rapport d’appel d’ambulance du service d’ambulance de Prescott et Russell;
  • Dossiers de l’Hôpital Montfort en rapport avec l’incident;
  • Photographies du plaignant remises par le TC no 1.

Description de l’incident

Les événements importants en question ressortent clairement des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment de séquences vidéo qui ont enregistré l’essentiel de l’incident. L’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES ni autorisé la communication de ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Dans la matinée du 9 janvier 2022, le plaignant, un résident d’un établissement de soins de santé de longue durée à Clarence-Rockland, était très agité. N’étant pas sain d’esprit à ce moment-là, il avait menacé des employés de la résidence et endommagé des biens. Il était dans la salle à manger de l’établissement lorsque deux agents de police l’ont accosté.

Les deux agents – l’AI et l’AT no 2 – avaient été appelés à la résidence par un employé – le TC no 2. À leur arrivée à la résidence, les agents ont rencontré le TC no 2 qui les a escortés jusqu’à la salle à manger. Le plaignant était près d’une porte, de l’autre côté de la salle à manger par rapport à l’endroit où les agents étaient entrés. Le plaignant n’a pas été en mesure de répondre de manière cohérente aux questions des agents quand ceux-ci se sont approchés de lui et lui ont demandé son nom et ce qui se passait.


L’AI a saisi le bras gauche du plaignant, qui a essayé de se dégager. L’AT no 2 est intervenu pour aider l’AI. Les agents ont essayé de maîtriser les bras du plaignant, sans succès. Le plaignant a réussi à se libérer, puis a fait face à l’AI pour le confronter. Il a tenté de frapper l’AI à plusieurs reprises de la main droite. L’AI a réagi en assénant deux coups de poing de la main droite au côté gauche du visage du plaignant.

Après le deuxième coup de poing, l’AI et l’AT no 2, saisissant chacun un bras du plaignant, l’ont plaqué à terre. Le plaignant, incapable d’amortir sa chute, a atterri à plat ventre, la tête la première. Après une autre brève période de lutte, le plaignant a été menotté dans le dos et finalement relevé en position debout.

Après son arrestation, le plaignant a été conduit à l’hôpital où il a été constaté qu’il avait des fractures faciales.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 17 de la Loi sur la santé mentale -- Intervention de l’agent de police

17 Si un agent de police a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une personne agit ou a agi d’une façon désordonnée et qu’il a des motifs valables de croire que cette personne :
a) soit a menacé ou tenté de s’infliger des lésions corporelles ou menace ou tente de le faire
b) soit s’est comportée ou se comporte avec violence envers une autre personne ou de manière à lui faire craindre qu’elle lui causera des lésions corporelles
c) soit a fait ou fait preuve de son incapacité de prendre soin d’elle-même

et qu’en plus, il est d’avis que cette personne souffre, selon toute apparence, d’un trouble mental d’une nature ou d’un caractère qui aura probablement l’une des conséquences suivantes :
a) elle s’infligera des lésions corporelles graves
b) elle infligera des lésions corporelles graves à une autre personne
c) elle subira un affaiblissement physique grave

et qu’il serait dangereux d’agir selon les termes de l’article 16, il peut amener sous garde cette personne dans un lieu approprié afin qu’elle soit examinée par un médecin.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a été grièvement blessé lors de son arrestation par des agents de la Police provinciale à Clarence-Rockland, le 9 janvier 2022. L’un des agents qui a procédé à l’arrestation a été désigné comme agent impliqué (AI) aux fins de l’enquête de l’UES. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec l’arrestation et les blessures du plaignant.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police sont exonérés de toute responsabilité criminelle pour le recours à la force dans l’exécution de leurs fonctions, pour autant que cette force est raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou autorisé de faire en vertu de la loi.

Le plaignant, qui souffrait de la maladie d’Alzheimer et de démence, avait endommagé des biens dans l’établissement de santé résidentiel et menacé le personnel. Dans les circonstances, je suis convaincu que les agents avaient des motifs de l’arrêter en vertu de l’article 17 de la Loi sur la santé mentale et pour l’infraction de méfaits en vertu du Code criminel.

Je suis également convaincu que le degré de force utilisé par l’AI au cours de l’arrestation, bien qu’élevé, était légalement justifié. Confronté au plaignant, qui avait démontré ce matin-là une propension à la violence, qui résistait à son arrestation et tentait d’agresser l’agent, d’abord en lui piétinant les pieds puis en tentant de le frapper plusieurs fois à la tête, l’AI était en droit de recourir à un certain degré de force. Le premier coup de poing asséné par l’AI était clairement justifié. Le deuxième coup de poing était-il vraiment nécessaire compte tenu de l’âge du plaignant, de sa fragilité mentale et de la présence de deux agents sur les lieux? Ce n’est pas aussi clair. Cependant, après avoir soigneusement soupesé ces facteurs, je ne peux pas raisonnablement conclure que le deuxième coup de poing, donné rapidement après le premier, excédait les limites prescrites par le droit criminel. Pour arriver à cette conclusion, j’ai tenu compte du principe de common law selon lequel un agent pris dans le feu de l’action n’est pas tenu de mesurer avec précision la force avec laquelle il réagit; ce qui est requis de sa part est une réaction raisonnable, et pas nécessairement mesurée de façon rigoureuse. R. c. Baxter (1975), 27 CCC (2d) 96; R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S 206. En ce qui concerne le placage au sol qui a suivi le deuxième coup de poing, je suis également d’avis qu’il était justifié par le même principe de droit. Le plaignant s’était avéré un formidable défi malgré ses capacités réduites, et les agents étaient en droit de le mettre à terre afin de mieux maîtriser toute résistance qu’il pourrait continuer de leur opposer. Il est très regrettable que la tête du plaignant ait heurté le sol aussi violemment lors de ce placage à terre, mais cela résultait davantage de la lutte qui continuait de se dérouler, que du recours à une force excessive.

En conséquence, il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI se soit comporté illégalement en présence du plaignant. Il n’y a donc pas lieu de déposer des accusations criminelles dans cette affaire.


Date : 3 juin 2022


Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les éléments de preuve suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces éléments de preuve sont résumées ci-après. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.