Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 22-PCD-018

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’une femme (la « plaignante ») à Chapleau le 20 janvier 2022.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 21 janvier 2022, à 2 h 56, la Police provinciale de l’Ontario a signalé ce qui suit à l’UES.

Le 20 janvier 2022, vers 17 h 16, une femme (on sait maintenant qu’il s’agissait de la plaignante) a envoyé un message texte à un ami. Le message texte contenait une photo d’elle tenant une arme à feu, signifiant qu’elle voulait mettre fin à sa vie. L’ami a téléphoné à la police et des agents se sont présentés à la résidence de la plaignante vers 17 h 31. L’un des agents, l’agent impliqué (AI), est entré dans la résidence par une porte arrière qui n’était pas verrouillée et a appelé la plaignante. Ses appels sont restés sans réponse et l’agent est donc sorti de la résidence en attendant l’arrivée de l’unité tactique. Le 21 janvier 2022, peu avant 1 h 42, des agents de l’équipe tactique ont pénétré dans la résidence et ont trouvé la plaignante, laquelle semblait s’être infligé une blessure par balle à la poitrine.

Un périmètre de sécurité a été établi et le coroner a été contacté.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 21 janvier 2022 à 6 h 13

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 21 janvier 2022 à 13 h 27

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs spécialistes des
sciences judiciaires de l’UES assignés : 3

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont procédé à un examen des lieux. Les lieux ont été photographiés et mesurés au moyen d’un appareil Total Station afin d’élaborer un schéma judiciaire. Une arme à feu et un téléphone cellulaire ont été récupérés sur les lieux.

Personne concernée (« plaignante ») :

femme, décédée

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à des entrevues le 21 janvier 2022 et le 23 janvier 2022.

Agents impliqués

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 31 janvier 2022.

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue
AT no 6 A participé à une entrevue
AT no 7 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à des entrevues le 25 janvier 2022 et le 26 janvier 2022.

Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est produit dans une résidence située à Chapleau. La résidence était située sur une rue ayant une orientation générale nord-sud. Il s’agissait d’un bungalow unifamilial détaché. Il y avait une camionnette dans l’entrée et un tapis clouté derrière les pneus arrière.

La maison comportait trois chambres. Au rez-de-chaussée, il y avait un salon, une salle à manger et une cuisine. Sur le canapé du salon, il y avait une couverture et un oreiller qui semblaient avoir été utilisés. La télévision du salon était allumée. La chambre principale était située dans le coin de la maison. La couverture sur le lit était partiellement tirée. Dans l’autre chambre, des couvertures et des oreillers recouvraient le lit. Un bureau était situé près du hall d’entrée principal. Il n’y avait aucun signe de perturbation ni d’entrée par effraction. Le sous-sol de la maison contenait des meubles et des boîtes et était en cours de réparation ou de rénovation.

Le corps de la plaignante a été retrouvé dans la plus petite des trois chambres, celle qui avait été aménagée en bureau. La porte s’ouvrait vers l’intérieur. Il y avait des classeurs le long du mur, une table avec une imprimante dans un coin et un bureau en forme de L. Il y avait également un ordinateur, un télécopieur et une photocopieuse dans la pièce. La plaignante se trouvait à peu près au milieu de la pièce, sur une chaise de bureau, face à la porte. Elle était affalée dans le fauteuil, la tête contre l’accoudoir droit du fauteuil, jambes étendues. Elle avait subi une blessure par balle à la partie supérieure gauche de sa poitrine. Un fusil reposait sur le sol juste à côté de ses pieds.

La plaignante portait un chandail blanc, un pantalon extensible de couleur bourgogne, des bas et des pantoufles. Aucun sang n’était visible à l’avant de son corps. Des taches noires de poudre à canon rayonnaient autour du trou dans son chandail. Il y avait un trou de perforation dans le dossier de la chaise et un trou dans le mur, semblant indiquer qu’un projectile avait pénétré dans le mur.

Sur le bureau, à côté de son corps, il y avait une boîte de munitions magnum Federal Premium de calibre 44. Il y avait 11 cartouches dans la boîte de 20 cartouches. Il y avait également un téléphone cellulaire à côté des munitions. Le panneau de notification sur l’écran d’accueil du téléphone indiquait que plusieurs appels téléphoniques avaient été manqués.

Le fusil était une carabine magnum à levier de calibre 44. Sa courte longueur totale, soit environ 63,5 centimètres, en faisait un modèle particulier. Dans la chambre du fusil, il y avait une douille arborant le poinçon « REM MAG .44 FC », ce qui correspondait aux munitions se trouvant dans la boîte sur le bureau. Il n’y avait aucune autre cartouche dans le fusil.

Le trou dans le dossier de la chaise était situé au-dessus de l’épaule gauche de la plaignante, laquelle était affalée dans la chaise. Il se trouvait à environ 34,3 centimètres du siège de la chaise. La sortie du trou à l’arrière de la chaise était à 83,5 centimètres du sol. La trajectoire présentait un léger déclin de quatre degrés.

Le trou dans le mur se trouvait à 76 centimètres du sol.

Après le retrait du corps, des tiges de trajectoire ont été utilisées pour illustrer la trajectoire du projectile et la position de la chaise. La trajectoire a été photographiée. Un projectile de gros calibre a été retrouvé dans le mur. Il avait pénétré dans le mur et s’était arrêté dans l’isolation derrière la cloison sèche.

Un étui à fusil muni d’une fermeture éclair a été retrouvé sous le lit dans la chambre principale. L’empreinte de l’arme était encore visible dans l’intérieur en mousse de l’étui. L’empreinte a été comparée au fusil trouvé à côté de la défunte et semblait lui correspondre.

Éléments de preuve matériels

L’arme a été examinée. Il a été déterminé qu’il s’agissait d’une carabine « Henry Repeating Arms » de calibre .44 magnum. Le canon mesurait 330 millimètres. Les recherches effectuées ont révélé qu’il s’agissait du modèle « Big Boy Mares Leg ».

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]

L’UES a obtenu des vidéos, des photographies et des enregistrements audio pertinents pour l’enquête, comme indiqué ci-dessous.
 

Captures d’écran des messages texte

Le 21 janvier 2022, la Police provinciale de l’Ontario a envoyé à l’UES une capture d’écran d’un message du TC no 1. On y voyait deux messages texte de la plaignante et une photo d’une arme à feu. Dans le premier message texte, la plaignante écrivait qu’elle n’avait plus aucune raison de vivre. Dans le deuxième message texte, elle écrivait qu’elle allait maintenant le faire et elle lui disait au revoir.

Le 21 janvier 2022, l’UES a reçu une capture d’écran d’un message de la TC no 3. La TC no 3 disait à la plaignante qu’elle s’inquiétait pour elle et qu’elle l’aimait.
 

Vidéo provenant du robot de l’équipe tactique

Le 24 janvier 2022, la Police provinciale de l’Ontario a fourni à l’UES des enregistrements vidéo pris au moyen d’un robot tactique — « Avatar » — lors de l’opération. Il y avait cinq enregistrements vidéo de six minutes chacun. L’UES a examiné les vidéos; ils n’avaient aucune valeur probante.
 

Enregistrements des communications

Le 24 janvier 2022, la Police provinciale de l’Ontario a fourni à l’UES des enregistrements des communications liés à l’incident. Voici un résumé des communications pertinentes.

Appel au 911 — 20 janvier 2022

Vers 17 h 22 min 5 s, le TC no 1 a signalé qu’il avait reçu un message texte de la plaignante. Le message contenait une photo d’une arme à feu et un message indiquant que la plaignante prévoyait de se suicider. Le TC no 1 a fourni l’adresse de la plaignante et des renseignements sur les circonstances qui ont mené à la détresse de la plaignante. Après avoir reçu le message texte de la plaignante, le TC no 1 a tenté de l’appeler sur son téléphone cellulaire, mais elle n’a pas répondu.

Vers 17 h 25 min 36 s, un répartiteur de la Police provinciale de l’Ontario a informé l’AI et l’AT no 2 de la menace de suicide signalée par le TC no 1.

L’AI et l’AT no 2 se sont rendus à la résidence et ont tenté de localiser la plaignante, mais sans succès. La porte à l’arrière de la résidence n’était pas verrouillée. Les agents ont vérifié l’aire située immédiatement à l’intérieur de la résidence, mais ne l’ont pas trouvée et leurs appels sont restés sans réponse. Dans l’entrée, il y avait une camionnette. Les agents savaient que cette camionnette était associée à la plaignante. Les agents ont pris des mesures pour sécuriser le périmètre de la résidence et ont communiqué avec le Centre de communication de la Police provinciale (CCPP). Un test « ping » a été effectué pour localiser le téléphone cellulaire de la plaignante, mais n’a pas fourni le bon emplacement. Un poste de commandement a établi dans un aréna. Les membres de l’Équipe d’intervention en cas d’urgence (EIU) ont été dépêchés sur les lieux.

Téléphone

Entre 17 h 38 min 11 s et 1 h 57 min 56 s, environ, les agents de police présents sur les lieux étaient en communication avec le CCPP. Ils s’étaient présentés à la porte de la résidence et avaient appelé la plaignante, sans succès. La police avait été informée que l’on avait récemment saisi des armes dans la résidence, mais pas l’arme à feu figurant sur la photo.

Un agent a téléphoné au CCPP et confirmé que la plaignante était décédée d’une blessure par balle à la poitrine.

Entre 21 h 30 min 46 s et 4 h 37 min 32 s, l’Unité tactique et de secours (UTS) aurait utilisé un robot pour entrer dans la résidence. Les membres de l’UTS sont entrés dans la résidence et ont trouvé la plaignante dans une chambre. Un membre de l’UTS a indiqué que la plaignante avait subi une blessure par balle à la poitrine. La plaignante n’avait pas de signes vitaux et les ambulanciers paramédicaux ont confirmé son décès. L’UTS a laissé l’arme à feu et la plaignante sur les lieux.

Documents obtenus du service de police

L’UES a obtenu et examiné les éléments et documents suivants que lui a remis la Police provinciale :
  • Enregistrements des communications
  • Rapport général
  • Rapport sur les biens saisis
  • Courriel de la Police provinciale de l’Ontario concernant l’inexistence d’images captées par un drone
  • Capture d’écran du message du TC no 1
  • Rapport sur les détails de l’événement
  • Rapport sur un homicide/une mort subite
  • Rapport d’incident
  • Rapport d’implication dans un incident — plaignante
  • Notes des AT
  • Liste des agents témoins
  • Déclarations des témoins de la Police provinciale de l’Ontario
  • Vidéos enregistrées par le robot de l’Unité tactique et de secours de la Police provinciale

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui ont remis d’autres sources :
  • Rapport d’incident des services médicaux d’urgence (SMU)
  • Rapport des SMU — envoi d’une ambulance
  • Capture d’écran du message de la TC no 3
  • Rapport préliminaire des résultats de l’autopsie réalisée par le Service de médecine légale de l’Ontario

Description de l’incident

La preuve recueillie par l’UES, laquelle comprend des entrevues avec l’AI et plusieurs agents qui ont joué un rôle dans l’opération policière qui s’est déroulée autour et à l’intérieur de la résidente de la plaignante, dresse le portrait suivant de l’incident.

Dans les jours précédant les événements, la plaignante n’allait pas bien. Vers 17 h 15 le 20 janvier 2022, la plaignante a envoyé un message texte au TC no 1 et au TC no 2. Le message contenait une photo d’une arme à feu et indiquait qu’elle allait se suicider. Le TC no 1 a rapidement alerté la police.

L’AI a été informé de l’appel au 911 et s’est rendu à la résidence de la plaignante pour vérifier comment elle allait. L’AT no 2 et un agent du Service de police Nishnawbe-Aski l’ont également rejoint à la résidence de la plaignante. L’AI a appelé la plaignante depuis l’extérieur de la résidence, mais n’a obtenu aucune réponse. Les agents ont tenté de voir à l’intérieur par les fenêtres de la résidence, mais n’ont pas réussi à localiser la plaignante.

L’AI est entré dans la résidence par une porte arrière non verrouillée et a parcouru une certaine distance dans la maison — appelant la plaignante sans succès — avant de ressortir par la même porte. La police a décidé de déployer des agents de l’équipe tactique sur les lieux, car on avait signalé que la plaignante avait une arme à feu.

Puisque l’incident était devenu un incident impliquant une personne potentiellement armée et barricadée dans sa maison, un commandant des opérations sur le lieu de l’incident critique — l’AT no 1 — a été désigné pour diriger l’intervention policière. Un poste de commandement a été établi dans un aréna à proximité de la résidence. Des agents de patrouille et des agents de l’EIU ont été déployés pour sécuriser le périmètre en attendant l’arrivée d’une équipe de l’UTS. Pendant la période précédant l’arrivée des agents de l’UTS, les appels répétés au numéro de téléphone de la plaignante sont restés sans réponse. L’AI a également réussi à confirmer auprès de sa famille que la photo qu’elle avait envoyée représentait bien l’intérieur de sa maison et l’une des armes à feu appartenant à la famille — une arme d’épaule à levier de calibre 44. Les ambulanciers paramédicaux avaient également été dépêchés et attendaient au poste de commandement de pouvoir entrer dans la résidence de façon sécuritaire.

Des membres de l’UTS ont été envoyés à Chapleau par avion. Ils ont atterri à l’aéroport local peu après 23 h. Vers 23 h 50, ils étaient sur les lieux et prêts à procéder à un déploiement actif. Les AT no 3 et no 6 ont été chargés d’effectuer une reconnaissance des lieux autour du périmètre de la maison. Tout comme les agents qui les ont précédés, ils n’ont pas réussi à localiser la plaignante en regardant par les fenêtres. Un robot a ensuite été déployé dans la résidence et a parcouru les pièces pour tenter de localiser la plaignante, mais sans succès. Vers 1 h 3, ils ont reçu l’autorisation d’envoyer des agents dans la maison avec un chien policier et le maître-chien — l’AT no 7. Le chien a détecté une odeur humaine derrière une porte fermée. Des agents ont ouvert la porte de la pièce — un bureau — et sont entrés. Ils y ont trouvé la plaignante qui gisait sans vie, affalée sur une chaise de bureau. Ils ont constaté qu’elle avait subi une blessure par balle à la partie supérieure gauche de la poitrine et qu’elle avait une blessure de sortie dans le dos. À côté d’elle, sur le sol, ils ont trouvé une carabine à levier de calibre 44. Il était environ 1 h 46.

Des ambulanciers paramédicaux ont été envoyés à la résidence pour examiner la plaignante. Son décès a été confirmé à 1 h 50.

Cause du décès

De l’avis préliminaire du pathologiste chargé de l’autopsie, la plaignante est décédée d’une « blessure par balle à la poitrine ».

Dispositions législatives pertinentes

Articles 219 et 220 du Code criminel -- Négligence criminelle causant la mort

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.
(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :
a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;
b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

Analyse et décision du directeur

Aux premières heures du 21 janvier 2022, des agents de la Police provinciale de l’Ontario ont retrouvé la plaignante sans vie dans sa résidence à Chapleau. Elle était décédée d’une blessure par balle auto-infligée sur le côté gauche de la poitrine. Des agents de la Police provinciale de l’Ontario étaient sur les lieux, autour de la résidence de la plaignante, depuis la fin de l’après-midi du jour précédent. L’un de ces agents — l’AI — a été identifié comme l’agent impliqué aux fins de l’enquête de l’UES, laquelle est maintenant terminée. D’après mon évaluation de la preuve, je n’ai aucun motif raisonnable de conclure que l’AI a commis une infraction criminelle en lien avec le décès de la plaignante.

L’infraction possible dans cette affaire est la négligence criminelle causant la mort, en contravention de l’article 220 du Code criminel. Cette infraction est réservée aux cas graves de négligence qui témoignent d’une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. La simple négligence n’est pas suffisante pour engager la responsabilité. L’agent doit plutôt faire montre d’un écart marqué et substantiel par rapport au degré de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercé. Dans le cas qui nous occupe, la question est de savoir s’il y a quelque indication que l’AI, ou tout autre agent impliqué dans l’opération policière, a manqué de diligence et si ce manque de diligence, le cas échéant, a causé la mort de la plaignante ou y a contribué et si le manquement éventuel est suffisamment grave pour justifier l’imposition d’une sanction criminelle. À mon avis, cela n’est pas le cas.

Lorsqu’il s’est rendu à la résidence de la plaignante pour vérifier si elle allait bien, l’AI exerçait ses fonctions de façon légitime. Une connaissance de la plaignante avait informé la police que la plaignante prévoyait de mettre fin à sa vie de façon imminente au moyen d’une arme à feu. La première obligation d’un agent de police est de protéger la vie. Or, l’agent (ainsi que ceux qui l’accompagnaient et le suivaient) était fondé à prendre les mesures raisonnablement requises pour éviter que la plaignante subisse un préjudice.

Je suis également convaincu que l’AI et les agents qui ont participé aux opérations ayant mené à la découverte du corps de la plaignante dans la maison se sont comportés à tout moment avec le soin et l’attention nécessaires pour assurer le bien-être de la plaignante. L’AI a fait preuve de prudence en se retirant et en attendant l’arrivée des agents de l’équipe tactique avant de pénétrer dans la maison. Il avait de bonnes raisons de croire que la plaignante était en détresse et en possession d’une arme à feu. Une fois sur les lieux, les agents tactiques, sous le commandement général de l’AT no 1, ont agi avec prudence et célérité. Encore une fois, parce qu’ils avaient été informés qu’une arme à feu était potentiellement en jeu, ils ont pris la décision raisonnable de ne pas entrer immédiatement dans la maison. Ils ont plutôt déployé un robot et ont appelé la plaignante à plusieurs reprises. Lorsque tous leurs efforts se sont avérés infructueux, les agents de l’UTS ont pénétré dans la maison et ont localisé la plaignante avec l’aide d’un chien policier. Il était clair que la plaignante était décédée et tout ce qu’ils pouvaient faire à ce moment-là était de demander aux ambulanciers paramédicaux de se rendre sur les lieux.

En bout de compte, il n’est pas clair si la plaignante avait déjà subi une blessure par balle ou était encore vivante lorsque les premiers agents sont arrivés sur les lieux. Effectivement, il est bien possible que la plaignante était déjà morte à leur arrivée. Quoi qu’il en soit, je suis convaincu, pour les motifs qui précèdent, que l’AI et les autres agents qui ont participé aux opérations n’ont pas transgressé les limites de la prudence prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a donc pas lieu de porter des accusations criminelles dans cette affaire.


Date : 20 mai 2022

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.