Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 22-PFP-016

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la décharge d’une arme à feu par la police sur un homme de 51 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 20 janvier 2022, à 14 h 44, la Police provinciale de l’Ontario a contacté l’UES et donné le rapport qui suit.

Le 20 janvier 2022, vers 13 h 02, une femme, le témoin civil (TC) a appelé le 9-1-1 depuis son domicile pour signaler que son époux, le plaignant, avait brandi un couteau et menacé de se suicider. Des agents du détachement de Bancroft et de l’Équipe d’intervention en cas d’urgence (EIU) de la Police provinciale se sont rendus sur les lieux et ont trouvé le plaignant barricadé dans une chambre. Après un échange verbal avec le plaignant, une arme antiémeute ENfield (ARWEN) et une arme à impulsions ont été déchargées. Le plaignant a été appréhendé en vertu de la Loi sur la santé mentale (LSM) et conduit à l’hôpital North Hastings de Quinte Health Care (QHC), à Bancroft, pour une évaluation par un médecin. Le plaignant a reçu un diagnostic d’ecchymoses à l’abdomen. Il a ensuite été libéré sans faire l’objet d’accusations criminelles.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 20 janvier 2022 à 17 h 14

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 21 janvier 2022 à 15 h

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 51 ans, a participé à une entrevue

Le plaignant a participé à une entrevue le 22 janvier 2022.

Témoins civils

TC N’a pas participé à une entrevue (épouse du plaignant)

Agents impliqués

AI no 1 A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 N’a pas participé à une entrevue; ses notes ont été examinées
AT no 4 N’a pas participé à une entrevue; ses notes ont été examinées
AT no 5 N’a pas participé à une entrevue; ses notes ont été examinées

L’AT no 1 et l’AT no 2 ont participé à une entrevue le 27 janvier 2022.

L’AT no 3, l’AT no 4 et l’AT no 5 étaient restés à l’extérieur de la résidence pour assurer la sécurité des lieux. Ils n’ont eu aucune interaction avec le plaignant et n’ont donc pas été interrogés. Leurs notes relatives à l’incident ont été obtenues et examinées.

Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est déroulé dans une chambre au rez-de-chaussée d’une résidence située dans le secteur de la rue Sherbourne Nord et de Rosedale Valley Road, à Bancroft.

Éléments de preuve matériels

Le 20 janvier 2022, à 20 h 30, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES s’est rendu à la résidence en question, à Bancroft, où des photographies et des vidéos des lieux ont été prises. L’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a examiné et récupéré un projectile et une douille d’ARWEN. Il a aussi examiné et saisi une arme à impulsions et ses accessoires (cartouche, sondes et pastilles d’identification antifélon).

Éléments de preuves médicolégaux

Les données téléchargées à partir de l’arme à impulsions ont révélé qu’elle avait été déchargée le 20 janvier 2022 à 13 h 21, pendant six secondes.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[1]

Cet incident s’est entièrement déroulé à l’intérieur d’une résidence et, de ce fait, aucun enregistrement audio, vidéo ou photographique de l’interaction n’a été pris par une tierce personne. Les agents de l’EIU de la Police provinciale ne portaient pas de caméras corporelles.

Enregistrements de la répartition assistée par ordinateur (RAO) et des communications

La Police provinciale a fourni à l’UES les enregistrements de RAO et des communications du 9-1-1 du 22 janvier 2022 à 10 h 26, pour l’interaction qui s’est produite le 20 janvier 2022 dans le secteur de la rue Sherbourne Nord et de Rosedale Valley Road, à Bancroft. Ces enregistrements ont révélé ce qui suit : le 20 janvier 2022, à 13 h 02, la TC a appelé la Police provinciale au 9-1-1 pour signaler que son époux, le plaignant, tenait un couteau contre son poignet et menaçait de se suicider. La TC a ajouté que le plaignant traversait une crise de santé mentale.

Des membres du détachement et de l’EIU de la Police provinciale se sont rendus à la résidence et ont interagi avec le plaignant; une ARWEN et une arme à impulsions ont été déchargées. Les notes relatives à l’appel indiquaient que le plaignant « voulait mourir ».

Le plaignant a été appréhendé en vertu de la LSM et conduit à l’hôpital North Hastings, à Bancroft, à 13 h 54.

À 22 h 37, le plaignant a été libéré. Il n’avait pas été blessé. Aucun chef d’accusation pour infraction criminelle n’a été porté contre lui.

Éléments obtenus auprès du service de police

L’UES examiné les dossiers suivants que lui a remis la Police provinciale :
  • Communications de la RAO et du 9-1-1;
  • Rapport général;
  • Rapport d’appréhension en vertu de la LSM;
  • Notes des ATs.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments suivants obtenus auprès d’autres sources :
  • Dossiers médicaux de l’hôpital North Hastings de QHC (Bancroft).

Description de l’incident

Les événements importants en question ressortent clairement des éléments de preuve recueillis par l’UES et peuvent être brièvement résumés comme suit. L’AI no 2 n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES ni autorisé la communication de ses notes, comme c’était son droit.

Dans l’après-midi du jour en question, des agents ont été envoyés à une maison, à Bancroft, à la suite de l’appel de la TC signalant que son époux, le plaignant, était dans leur chambre et menaçait de se faire du mal avec un couteau.

Des agents de l’EIU, dont l’AI no 1, sont arrivés à la résidence où ils ont trouvé le plaignant dans une chambre avec un couteau. Armé d’une ARWEN, l’AI no 1 a pris position près de la porte ouverte d’un bureau intégré à la pièce où se trouvait la chambre. Il était agenouillé devant l’AT no 1, lequel était debout près de la porte. L’AT no 1 parlait avec le plaignant pour tenter de désamorcer la situation. Le plaignant, debout près d’un lit, a prévenu les agents que s’ils entraient dans la chambre, il se couperait ou qu’il les attaquerait avec le couteau.

L’AT no 1 a finalement réussi à convaincre le plaignant de lui permettre, ainsi qu’à l’AI no 1, d’entrer dans le bureau. Les agents sont entrés dans la pièce, mais peu après, le plaignant est devenu de plus en plus agité et a levé le couteau vers sa poitrine. Craignant que le plaignant soit sur le point de se faire du mal, l’AI no 1 a déchargé son ARWEN dans sa direction. Au même moment, l’AI no 2, qui se tenait sur le seuil d’une autre porte de la chambre, a déchargé son arme à impulsions sur le plaignant. Ces deux décharges ont été efficaces; le plaignant s’est écroulé par terre.

Les agents se sont précipités vers lui, ont pris le couteau et l’ont menotté.

Des ambulanciers paramédicaux qui attendaient dans les environs, prêts à intervenir, ont transporté le plaignant à l’hôpital.

Le plaignant a reçu un diagnostic d’ecchymoses à l’abdomen. Il a été libéré de l’hôpital plus tard dans la journée.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 17 de la Loi sur la santé mentale -- Intervention de l’agent de police

17 Si un agent de police a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une personne agit ou a agi d’une façon désordonnée et qu’il a des motifs valables de croire que cette personne :
a) soit a menacé ou tenté de s’infliger des lésions corporelles ou menace ou tente de le faire
b) soit s’est comportée ou se comporte avec violence envers une autre personne ou de manière à lui faire craindre qu’elle lui causera des lésions corporelles
c) soit a fait ou fait preuve de son incapacité de prendre soin d’elle-même
et qu’en plus, il est d’avis que cette personne souffre, selon toute apparence, d’un trouble mental d’une nature ou d’un caractère qui aura probablement l’une des conséquences suivantes :
a) elle s’infligera des lésions corporelles graves
b) elle infligera des lésions corporelles graves à une autre personne
c) elle subira un affaiblissement physique grave
et qu’il serait dangereux d’agir selon les termes de l’article 16, il peut amener sous garde cette personne dans un lieu approprié afin qu’elle soit examinée par un médecin.

Analyse et décision du directeur

Le 20 janvier 2022, le plaignant a été frappé par un projectile d’ARWEN tiré par un agent de la Police provinciale de l’Ontario à Bancroft. L’UES a été avisée de l’incident, a ouvert une enquête et désigné deux agents en tant qu’agents impliqués (AI). L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que les agents impliqués aient commis une infraction criminelle en lien avec l’incident.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police sont exonérés de toute responsabilité criminelle lorsqu’ils ont recours à la force dans l’exécution de leurs fonctions, pour autant que cette force est raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire en vertu de la loi.

La présence sur les lieux de l’AI no 1, de l’AI no 2 et des autres agents qui se sont rendus à l’adresse du plaignant était légale tout au long de l’incident. Étant donné l’appel de l’épouse du plaignant signalant que le plaignant tenait un couteau avec l’intention de se faire du mal, les agents étaient tenus de se présenter à la résidence pour faire ce qui était raisonnablement en leur pouvoir pour empêcher que les menaces du plaignant ne se matérialisent.

Je suis en outre convaincu que les agents agissaient légalement pour appréhender le plaignant au moment où ils ont déchargé leurs armes. Compte tenu de ce qu’on leur avait dit et de ce qu’ils avaient constaté sur les lieux concernant la santé mentale et le comportement du plaignant, les agents étaient en droit d’essayer de l’appréhender en vertu de l’article 17 de la Loi sur la santé mentale.

La force utilisée par les agents pour réaliser leurs objectifs légitimes était légalement justifiée. Les tentatives pour résoudre la situation par le dialogue s’étaient avérées infructueuses et le plaignant semblait sur le point de s’automutiler – il avait levé le couteau contre sa poitrine et sa respiration s’était accélérée lorsque l’AI no 1 et l’AI no 2 ont déchargé leurs armes. Dans les circonstances, je ne peux pas raisonnablement conclure que les agents ont agi de manière déraisonnable lorsqu’ils ont tenté d’empêcher le plaignant de s’infliger des lésions corporelles graves ou la mort, en le neutralisant avec une arme à impulsions et une ARWEN – des armes qui devaient permettre aux agents d’immobiliser immédiatement le plaignant et de s’approcher de lui en toute sécurité pour le placer sous garde. C’est précisément ce qui s’est passé et le plaignant n’a subi qu’une ecchymose sous l’impact du projectile de l’ARWEN.

Au bout du compte, comme il n’y a aucun motif raisonnable de croire que les agents impliqués se soient comportés autrement que légalement tout au long de leur interaction avec le plaignant, il n’y a aucune raison de porter des accusations au criminel dans cette affaire. Le dossier est donc clos.

Date : 19 mai 2022

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les éléments de preuve suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces éléments de preuve sont résumées ci-après. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.