Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 18-OCI-032

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).

On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave qu’aurait subie un homme de 27 ans (le plaignant) lors de son arrestation le 3 février 2018.

L’enquête

Notification de l’UES

Vers 9 h 55, le 3 février 2018, la Police provinciale de l’Ontario (PPO) a informé l’UES de la blessure subie par le plaignant pendant sa mise sous garde.

La PPO a signalé que, plus tôt le même jour, vers 20 h, un agent de police avait tenté d’immobiliser un véhicule. Le véhicule avait quitté l’autoroute 17 au restaurant Twin Towers dans la ville de Dryden, et l’agent de police avait remarqué que la passagère et le conducteur avaient essayé de changer de place.

Il y avait eu une lutte pendant l’arrestation du plaignant, et les agents de police avaient fini par placer le plaignant dans un véhicule de police pour ensuite l’amener au détachement de Dryden de la PPO. Le plaignant était tombé évanoui et on lui avait administré une dose de Narcan [1]. Il avait ensuite été transporté à l’hôpital, où on lui avait diagnostiqué une fracture du pied.

La scène n’avait pas été bouclée pour l’UES.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Plaignant :

Homme âgé de 27 ans; a participé à une entrevue, et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 Déclaration écrite fournie (non datée)
TC no 4 Déclaration écrite : 4 février 2018

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées
AT no 2 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées
AT n° 3 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées
AT n° 4 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

Agents impliqués (AI)

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.


Description de l’incident

Le 3 février 2018, l’agent témoin (AT) no 1 a quitté le détachement de Dryden de la PPO et a conduit en direction est sur l’autoroute 17, où il a remarqué qu’une BMW noire franchissait la ligne centrale sur la chaussée. L’AT no 1 s’est placé derrière la BMW, qui a ensuite tourné dans une entrée au restaurant Twin Towers, situé au 13790, autoroute 17, dans la ville de Dryden.

L’AT no 1 a remarqué que le conducteur, le plaignant, et la passagère, la témoin civile (TC) no 1, changeaient de place. L’AT no 1 s’est approché de la BMW et a arrêté le plaignant pour entrave à un agent de police. Le plaignant a résisté aux efforts de l’AT no 1 alors que celui-ci tentait de le maîtriser. L’AT no 1, assisté d’un agent de la PPO à la retraite, le TC no 4, a ensuite pris le contrôle du plaignant, qui a été menotté et transporté au détachement de Dryden de la PPO.

Dans l’entrée sécurisée du détachement de Dryden se trouvaient des agents du Service de police de Dryden (SPD), l’AT no 4 et l’agent impliqué (AI), ainsi qu’un agent du Service de police visé par le Traité no 3. Le plaignant refusait de coopérer et on a eu recours à de la force physique pour l’amener au secteur d’hébergement du poste de police. À cet endroit, le plaignant a résisté aux efforts des agents de police pour le contrôler et retirer ses vêtements. Le plaignant a été mis au sol et ses vêtements ont été enlevés, à l’exception de son caleçon, et il a ensuite été placé dans une cellule.

Une fois que le plaignant était dans la cellule, on lui a remis une blouse de cellule à enfiler. Par la suite, on a constaté que le plaignant semblait sans réaction dans sa cellule, et on lui a administré une dose de Narcan pour le transporter ensuite à l’hôpital, où on lui a diagnostiqué une fracture du pied gauche.

Nature des blessures et traitement

Une radiographie du pied gauche du plaignant a révélé une fracture oblique à la base du troisième métatarsien [2]. La fracture semblait durcir et était considérée comme une fracture subaiguë ou chronique [3]. Il semblait y avoir une fissure sans déplacement à la base du deuxième os métatarsien. Il y avait également une fracture longitudinale subaiguë du quatrième os métatarsien [4].

Éléments de preuve

Les lieux

Bien qu’il ait été difficile de déterminer à quel moment le plaignant a pu être blessé, il a été déterminé que cela s’était produit au détachement de Dryden de la PPO, dans l’aire d’hébergement.

Éléments de preuves médicolégaux

Aucun élément n’a été soumis pour analyse au Centre des sciences judiciaires.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou photographiques

Le 9 février 2018, on a obtenu des séquences de télévision en circuit fermé (TVCF) de l’entrée sécurisée, de l’aire d’hébergement et du bloc cellulaire du détachement de Dryden de la PPO, remontant au 3 février 2018. L’enregistrement n’a pas de son. Un examen de la vidéo a permis de voir ce qui suit :

  • À 16 h 13 m 24 s, l’AT no 1 a ouvert la portière arrière droite d’un véhicule de police bleu. Le plaignant est sorti du véhicule de police sans aide et est resté debout du côté intérieur de la portière ouverte. Ses mains étaient menottées du côté avant de son corps. L’AT no 1 faisait face au plaignant. L’AI était à gauche de l’AT no 1;
  • À 16 h 13 m 28 s, l’AT no 1 et l’AI ont saisi le plaignant par les bras et l’ont poussé vers l’entrée et dans l’aire d’hébergement du poste de police; 
  • À 16 h 13 m 43 s, on a poussé le plaignant pour l’obliger à s’asseoir sur un banc à côté d’un bureau dans l’aire d’hébergement. Les AT nos 3 et 2 étaient présents. L’AT no 1 était à la gauche et l’AT no 4 à la droite du haut du corps du plaignant, et l’AI était près de ses jambes. Les agents de police avaient de la difficulté à contrôler le plaignant;
  • À 16 h 13 m 57 s, les jambes du plaignant ont été levées par l’AT no 4 ou l’AI;
  • À 16 h 14 m 18 s, l’AI a retiré le pantalon du plaignant;
  • À 16 h 14 m 40 s, l’AT no 2 a retiré les chaussettes du plaignant;
  • À 16 h 14 m 51 s, l’AT no 4 a abaissé les jambes du plaignant au sol;
  • À 16 h 15 m 05 s, l’AI avait le pied gauche sur le pied gauche du plaignant, couvrant ses orteils, tandis que l’AT no 1, l’AT no 4 et l’AI tentaient tant bien que mal d’enlever la chemise du plaignant;
  • À 16 h 16 m 32 s, les agents de police ont poussé sur le haut du corps du plaignant et ont mis le plaignant au sol. Le plaignant a été menotté;
  • À 16 h 17 m 27 s, l’AT no 1 et l’AI ont tiré le plaignant debout en saisissant le haut de ses bras. Le plaignant portait des menottes et avait les mains derrière le dos; 
  • À 16 h 17 m 34 s, l’AI a fouillé les vêtements du plaignant, qui portait toujours son caleçon;
  • À 16 h 17 m 42 s, l’AT no 1 était derrière le plaignant et tenait le haut de ses bras. L’AT no 1 a poussé le plaignant vers le vestibule no 2. Le plaignant marchait, et il était difficile de déterminer s’il boitait;
  • À 16 h 17 m 51 s, le plaignant a été placé dans la cellule no 7 sur un lit, et il était agenouillé face au mur;
  • À 16 h 18 m 02 s, l’AI a placé une blouse de cellule par dessus la tête du plaignant;
  • À 16 h 18 m 25 s, l’AI a retiré les menottes au plaignant;
  • À 16 h 28 m 54 s, le plaignant était assis sur le plancher de la cellule et frottait son pied gauche;
  • À 16 h 34 m 59 s, le plaignant s’est couché sur le dos avec la tête à côté de la toilette en métal;
  • À 16 h 36 m 48 s, le plaignant s’est roulé vers la gauche en semi-position de récupération;
  • À 16 h 47 m 42 s, l’AT no 2 est entré dans la cellule et le plaignant s’est mis dans la position assise, le dos tourné vers la toilette;
  • À 16 h 48 m 46 s, l’AT no 2, l’AI et l’AT no 4 sont entrés dans la cellule et ont levé le plaignant par les bras et l’ont assis sur le lit; 
  • À 16 h 58 m 23 s, trois ambulanciers paramédicaux des Services médicaux d’urgence (SMU) sont entrés dans la cellule;
  • À 17 h 29 m 15 s, un ambulancier paramédical et l’AT no 2 ont sorti le plaignant de la cellule no 7 et l’ont placé sur une civière;
  • À 17 h 30 m 36 s, les ambulanciers paramédicaux ont quitté l’entrée sécurisée avec le plaignant, qui se trouvait sur une civière roulante. 

Enregistrements de communications

Les enquêteurs ont obtenu et examiné les enregistrements de communications de la police.

Éléments obtenus auprès du Service de police

Sur demande, l’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants du détachement de Dryden de la PPO, du SPD et du Service de police visé par le Traité no 3 :

  • Rapport d’arrestation;
  • Enregistrement de communications radio de la police;
  • Vidéos du détachement de Dryden de la Police provinciale de l’Ontario (PPO) de l’entrée sécurisée, de l’aire d’hébergement et des cellules;
  • Rapports d’entrevue (PPO) de deux témoins civils non désignés;
  • Liste des agents en cause;
  • Notes du TC no 2 et des AT nos 1-4;
  • Procédure : Manuel de soins aux prisonniers;
  • Procédure – Garde et contrôle d’un prisonnier;
  • Procédure : Transport des prisonniers;
  • Déclarations écrites des TC nos 3 et 4.

L’UES a obtenu et a examiné les documents suivants provenant d’autres sources :

  • Dossiers médicaux du plaignant relativement à cet incident;
  • Rapport des appels au Service d’ambulance (x2).

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 3 février 2018, vers 14 h 40, l’agent témoin (AT) no 1 effectuait une patrouille régulière sur l’autoroute 17 dans la ville de Dryden, dans un véhicule de police non identifié, lorsqu’il a vu une BMW noire traverser la ligne centrale jaune sur la chaussée et conduire à 25 km/h en dessous de la limite de vitesse. L’AT no 1 a conclu que le conducteur conduisait peut-être avec facultés affaiblies et a suivi la BMW dans une entrée au restaurant Twin Towers situé au 13790, autoroute 17, et a activé ses feux d’urgence. Pendant qu’il était encore assis dans son véhicule de police et qu’il était stationné derrière la BMW, l’AT no 1 a vu la passagère dans le siège avant, la témoin civile (TC) no 1, et le conducteur, le plaignant, changer de place, la TC no 1 s’asseoir derrière le volant. La BMW a alors commencé à reculer vers le véhicule de police de l’AT no 1, qui a activé sa sirène pour alerter les occupants de la BMW. L’AT no 1 a ensuite utilisé sa radio de police pour appeler du renfort.

Le TC no 3, un agent de la PPO à la retraite qui était assis à l’intérieur du restaurant au moment des faits et qui avait une vue dégagée du stationnement, a vu les deux véhicules automobiles entrer dans le stationnement et s’arrêter. Pendant que l’agent était toujours assis à l’intérieur du véhicule de police non identifié, le TC no 3 a constaté que la BMW commençait à reculer et que l’agent de police a fait reculer son propre véhicule tout en lâchant un petit coup de sirène.

L’enregistrement des communications de la police confirme qu’à 14 h 41 m 54 s, l’AT no 1 a appelé et a dit qu’il se trouvait dans le stationnement de l’établissement Twin Towers et qu’il avait procédé à un arrêt routier et a fourni la description du véhicule en précisant qu’il s’agissait d’un VUS BMW X6 noir et le numéro de la plaque d’immatriculation, afin qu’on procède à une vérification dans le système informatique. À 14 h 42 m 33 s, l’AT no 1 a dit : [traduction] « Pouvez-vous m’envoyer une autre unité? Ils viennent de changer de place. »

L’AT no 1 s’est alors approché de la porte du conducteur de la BMW et a parlé à la TC no 1, qui était assise dans le siège du conducteur, lui demandant de fournir son permis, la preuve d’immatriculation et son assurance. L’AT no 1 a également demandé à la TC no 1 pourquoi elle avait changé de place, ce qu’elle a nié. L’AT no 1 a demandé à la TC no 1 de lui remettre les clés de la BMW, mais elle semblait incertaine de la façon d’éteindre le moteur. L’AT no 1 a indiqué qu’il était convaincu à ce moment-là qu’il avait des motifs raisonnables d’arrêter la TC no 1 et le plaignant pour entrave à la police (contrairement à l’article 129 du Code criminel).

L’AT no 1 s’est alors dirigé vers la portière du passager avant, où il a parlé au plaignant, l’informant qu’il était en état d’arrestation et qu’il devait sortir de la voiture. Lorsque le plaignant a refusé de le faire, l’AT no 1 lui a dit une deuxième fois de sortir de la voiture. Lorsque le plaignant est de nouveau resté immobile, indiquant plutôt qu’il allait appeler son père, l’AT no 1 a passé la main par l’ouverture de la vitre baissée et a ouvert la portière. L’AT no 1 a alors saisi le poignet gauche du plaignant avec sa main droite, et ce dernier a commencé à se débattre et à résister.

L’AT no 1 a indiqué qu’il avait été surpris par la force du plaignant. Il a dit à plusieurs reprises au plaignant de cesser de résister alors qu’il se débattait. Puis, l’AT no 1 a dégainé son arme à impulsions électriques (AIE) et a dit au plaignant de sortir de la voiture, car sinon il recevrait une décharge.

Cette preuve concorde avec la déclaration du TC no 3, qui a expliqué qu’il avait observé la tentative de l’AT no 1 de retirer le passager de la BMW et qu’une lutte avait suivi, durant laquelle le passager, le plaignant, résistait vigoureusement et violemment. Le TC no 3 avait alors vu l’agent s’éloigner du passager et il semblait pointer quelque chose vers le plaignant, ce que le TC no 3 supposait être du gaz poivré. Le TC no 4, un deuxième témoin à l’intérieur du restaurant qui était lui aussi un agent de police à la retraite, a observé l’AT no 1 à la portière du passager et a vu une sorte d’agitation et a précisé que l’AT no 1 soit avait reculé, soit avait été repoussé de la portière du passager. Les TC nos 3 et 4 ont alors quitté le restaurant pour voir s’ils pouvaient prêter main-forte.

Lorsqu’il s’est approché du lieu de l’incident, le TC no 4 a constaté que le plaignant était toujours assis dans le véhicule et que ses jambes étaient partiellement hors de celui-ci. Il a ensuite entendu l’AT no 1 dire au plaignant qu’il était en état d’arrestation, et le plaignant a répondu : [traduction] « Vous ne m’arrêtez pas! » Le plaignant a alors commencé à agiter ses jambes en la direction de l’AT no 1, qui tentait de saisir son bras. L’AT no 1 a réussi à prendre le contrôle du plaignant et l’a sorti de la voiture, le plaçant contre le côté de celle-ci. Alors que le TC no 4 s’approchait de la voiture de patrouille, il a demandé à l’AT no 1 s’il avait besoin d’aide, et il a aidé l’AT no 1 à maîtriser le plaignant, qui était alors à l’extérieur du véhicule, mais qui luttait et résistait encore. Comme le plaignant résistait physiquement à l’AT no 1, le TC no 4 est intervenu, tout en informant le plaignant qu’il était là pour aider l’agent. Le TC no 4 a saisi le bras gauche du plaignant pour tenter de le contrôler, tandis que le plaignant continuait d’offrir de la résistance.

Le TC no 4 a entendu l’AT no 1 dire au plaignant qu’il recevrait une décharge électrique s’il ne cessait pas de résister, mais le plaignant a continué de se battre. Le plaignant a alors donné un coup de pied arrière au TC no 4, entrant en contact avec son tibia gauche. Le TC no 3 a indiqué qu’il avait entendu le plaignant répéter [traduction] « vous ne m’arrêtez pas! » et « vous ne pouvez pas m’arrêter! », tandis que l’AT no 1 lui disait à plusieurs reprises de cesser de résister. Le TC no 3 a décrit le plaignant comme résistant à l’AT no 1 et à lui, pendant qu’il leur donnait simultanément des coups de pied. Le TC no 4 a précisé que le plaignant portait des sandales et qu’une des sandales s’était détachée pendant la lutte.

Le TC no 4 a indiqué que les trois hommes étaient tombés au sol parce que le plaignant résistait violemment et que le sol était recouvert de neige et de glace, ce qui faisait qu’il était difficile d’y adhérer. Une fois au sol, le TC no 4 a constaté que le plaignant avait les bras sous son torse, et l’AT no 1 a de nouveau dit au plaignant que s’il n’arrêtait pas de résister, il allait lui envoyer une décharge.

L’AT no 1 a expliqué qu’il avait observé le plaignant sur le ventre avec les bras sous le corps; et le plaignant avait alors saisi l’avant-bras gauche de l’AT no 1, qui lui avait donné un coup de genou à l’abdomen afin de le distraire et de lui faire lâcher prise. Le TC no 4 a expliqué qu’il avait tiré le bras gauche du plaignant de dessous de son corps et qu’il le tenait dans une « clé de bras », alors que l’AT no 1 avait réussi à menotter sa main droite; puis, le TC no 4 lui avait présenté le bras gauche du plaignant, qui avait été menotté, les mains dans le dos. Une fois qu’il était debout, le plaignant a donné un coup de pied au TC no 4.

Le TC no 3 a décrit la lutte comme [traduction] « deux longues minutes de résistance violente de la part du suspect », après quoi le plaignant avait été menotté, mais avait continué de résister et de lutter pour tenter de s’éloigner des AT nos 1 et 4; puis, le plaignant avait été placé contre le côté de la BMW et fouillé. Le TC no 4 a indiqué que l’AT no 1 avait dû tenir le plaignant, en raison de sa résistance continue, tandis que le TC no 4 fouillait les poches du plaignant et que le plaignant avait de nouveau tenté plusieurs fois de donner des coups de pied arrière au TC no 4.

L’AT no 1 a décrit le plaignant comme refusant de marcher et comme continuant de résister pendant qu’on l’amenait à l’arrière du véhicule de police et qu’on le plaçait à l’intérieur.

Le TC no 3 a vu l’AT no 1 tenter de placer le plaignant sur le siège arrière du véhicule de police, réussissant à le faire entrer partiellement dans la voiture, mais le plaignant avait levé les jambes apparemment pour empêcher l’AT no 1 de fermer la portière. L’AT no 1 a constaté qu’une fois qu’il était à l’intérieur de la voiture, le plaignant se débattait dans tous les sens et faisait bouger la voiture, tandis que le TC no 3 a constaté qu’il avait commencé à crier et à donner des coups de pied dans la lunette arrière de la voiture de patrouille, laquelle était renforcée par des bandes d’acier. Le TC no 4 a aussi vu le plaignant donner des coups de pied contre l’intérieur de la portière de la voiture au moins une fois.

Plus tard ce soir-là, la jambe du TC no 4 était assez douloureuse; il a précisé qu’il avait un hématome de deux pouces et une petite abrasion à son tibia gauche, où le plaignant lui avait donné un coup de pied.

Le TC no 4 et le TC no 3 ont tous deux constaté, après la fin de la lutte, que l’AT no 3 et l’AT no 2 étaient arrivés dans des véhicules distincts, mais ni l’un ni l’autre n’a participé à la lutte avec le plaignant. Cette preuve concorde avec celle de l’AT no 3 et de l’AT no 2 et contredit le témoignage de la TC no 1, qui a affirmé que c’était un homme et une femme qui avaient lutté avec le plaignant au côté de la voiture.

Durant son témoignage, la TC no 1 a déclaré que l’AT no 1 avait saisi le plaignant et l’avait tiré hors de la voiture et sur le sol, tout en disant au plaignant de cesser de résister. La TC no 1 s’était alors déplacée au siège du côté passager de la voiture, afin de mieux voir ce qui se passait, lorsqu’elle avait constaté qu’il y avait maintenant deux agents de police qui se battaient avec le plaignant, une agente et l’AT no 1, qui avait son genou sur le dos du plaignant. Elle a décrit les deux agents de police, l’homme et la femme, comme appuyant leur poids sur le plaignant et comme exerçant un contrôle complet sur lui, même s’il ne résistait pas, pendant qu’ils lui disaient continuellement de cesser de résister.

La TC no 1 a indiqué que le plaignant avait lutté pendant une courte période avec les deux agents de police et qu’après cela, ils l’avaient remis debout et l’avaient traîné jusqu’à la voiture de patrouille.

Compte tenu des incohérences flagrantes et importantes entre le témoignage de la TC no 1 et celui des autres témoins présents et le témoignage du plaignant lui-même, qui a clairement décrit la deuxième personne avec laquelle il se battait comme un homme et un civil, et non comme une agente de police, je conclus que le témoignage de la TC no 1 n’est absolument pas fiable et je rejette son témoignage dans son intégralité.

Le plaignant allègue qu’il avait quitté le véhicule de plein gré et que, pendant qu’il le faisait, l’AT no 1 avait dégainé son arme à impulsions et qu’ensuite il s’était agenouillé et avait levé les mains. Un autre homme, le TC no 4, l’avait alors placé dans une prise d’étranglement, lui avait donné un coup de genou au dos et l’avait frappé à l’arrière du cou avec son poing. Le plaignant allègue en outre que l’AT no 1 lui avait donné trois coups de poing au nez et au visage et lui avait donné un coup de genou au ventre, tandis que le plaignant leur avait dit de cesser de le frapper puisqu’il coopérait. Le plaignant affirme qu’il n’a jamais juré contre les hommes. Le plaignant allègue également que le TC no 4 lui avait alors dit [traduction] « si vous faites un autre mouvement, je vais simplement le casser », et puis avait finalement lâché le cou du plaignant. Le plaignant avait alors été menotté les mains derrière le dos et traîné jusqu’au véhicule de police, où il avait été jeté sur le siège arrière. Le plaignant a indiqué qu’il saignait du visage dans la voiture de patrouille et qu’il crachait du sang; il avait aussi une petite entaille au-dessus de son sourcil gauche, causée par un coup de poing donné par l’AT no 1.

Le plaignant, même s’il a nié avoir jamais résisté à l’AT no 1, a admis qu’il avait dit à l’agent à l’époque qu’il ne retournait pas en prison et qu’une fois à l’intérieur du véhicule de police, il avait cassé la poignée de la portière de la voiture de patrouille, tout en espérant réussir à utiliser la clé de rechange de la BMW pour s’échapper.

Le plaignant a indiqué que la BMW avait alors été fouillée et qu’on lui avait dit qu’une « pipe à meth » avait été trouvée à l’intérieur, et il a nié que c’était la sienne. Le plaignant a plutôt affirmé aux enquêteurs de l’UES lors de son entrevue qu’il n’avait consommé aucun type de drogue ou d’alcool ce jour-là. Cette preuve semble être directement contredite par les dossiers médicaux, qui indiquent que l’examen toxicologique du plaignant avait révélé qu’il avait 13 mmol/l d’éthanol (alcool) dans le sang (ou l’équivalent de 60 mg d’alcool dans cent millilitres de sang) en plus de cocaïne, de méthamphétamines et d’amphétamines.

Le plaignant n’allègue pas qu’il a subi une blessure grave durant son interaction avec les AT nos 1 et 4 dans le stationnement du restaurant Twin Towers.

En ce qui concerne la façon dont le plaignant a subi sa blessure, il prétend que, lorsqu’il est arrivé dans l’entrée sécurisée du détachement de la PPO, les agents de police sont venus à la portière de la voiture de patrouille, l’ont saisi par les menottes et l’ont jeté au sol. Le plaignant a précisé qu’un [traduction] « gros gars », vraisemblablement l’agent impliqué (AI), et l’AT no 1 et deux autres agents de police du SPD l’avaient maîtrisé dans l’aire d’hébergement du poste de police. Il allègue que le policier de grande taille avait alors saisi son pied et qu’il aurait dit [traduction] « lâchez mon pied, vous allez le casser! » Le plaignant a alors senti quelque chose bouger dans son pied et croyait que son pied était [traduction] « foutu ».

Les agents de police avaient alors mis le plaignant par terre et avaient retiré tous ses vêtements, y compris son pantalon, sa chemise et son sous-vêtement, et l’avaient jeté nu dans une cellule, où on lui avait donné une blouse. Le plaignant avait alors menti aux agents de police et leur avait qu’il avait avalé une « quantité importante » de pilules de fentanyl, après quoi il avait été transporté à l’hôpital. Le plaignant allègue avoir dit au médecin que son pied était cassé. Le plaignant a nié avoir jamais eu un pied cassé avant son interaction avec la police.

Heureusement, toute l’interaction entre le plaignant et la police au détachement de la PPO a été enregistrée sur vidéo, ce qui laisse peu de doute sur ce qui s’est réellement passé.

La vidéo révèle que les agents de police ne se sont pas rendus à la portière de la voiture de patrouille et n’ont pas saisi le plaignant par les menottes et ne l’ont pas jeté par terre, mais plutôt que le plaignant est sorti du véhicule de police tout seul et s’est tenu debout à l’intérieur de la portière ouverte de la voiture, et qu’ensuite l’AT no 1 et l’AI l’ont saisi par les bras et l’ont poussé vers l’entrée et dans l’aire d’hébergement.

On peut voir qu’une fois qu’il était à l’intérieur de l’aire d’hébergement, on l’avait forcé à s’asseoir en le poussant sur une banquette. Étaient présents à ce moment-là l’AT no 3, l’AT no 2, l’AT no 1, l’AT no 4 (SPD) et l’AI, et tous luttaient avec le plaignant.

On voit ensuite les agents de police enlever les vêtements du plaignant, apparemment sans sa collaboration. Bien que je note qu’à 16 h 15 m 05 s, on voit l’AI couvrir le pied gauche du plaignant avec son pied, je note que ce n’est pas ainsi que le plaignant allègue que son pied a été blessé, prétendant plutôt que cela s’est produit lorsque « le gros agent » a saisi son pied.

Bien que le plaignant ait allégué que tous ses vêtements avaient été retirés avec force et qu’il avait été violemment poussé tout nu dans une cellule, il ressort clairement de la vidéo que le plaignant portait son caleçon, qui avait été fouillée et qu’il avait marché à la cellule, encore une fois sans aucune aide, mais que l’AT no 1 tenait le haut de ses bras et le poussait vers l’avant. On lui avait ensuite remis une blouse et on lui avait ôté les menottes.

Bien qu’on ne puisse le voir dans la vidéo, l’AT no 4, dans sa déclaration aux enquêteurs de l’UES, a indiqué que, pendant qu’il tentait d’enlever les chaussures du plaignant alors qu’il était assis sur le banc dans l’aire de mise en détention, le plaignant avait bougé le pied et avait plié la jambe comme s’il s’apprêtait à donner un coup de pied, et l’AT no 4 avait réagi en saisissant le pied du plaignant, quoiqu’il pensait qu’il s’agissait du pied droit, et le plaignant avait dit immédiatement [traduction] « il est cassé, mon pied est cassé ».

En raison de toutes les contradictions évidentes entre le témoignage des témoins au stationnement du restaurant Twin Towers et le témoignage du plaignant et des contradictions entre les images vidéo et le témoignage du plaignant, et dans le témoignage de la TC no 1, je conclus que le témoignage du plaignant ne constitue pas un récit fiable des faits. Manifestement, j’accepte plus volontiers la preuve vidéo que la preuve fournie par le plaignant et je rejette les allégations du plaignant dans ce contexte. De plus, comme le témoignage du plaignant n’est manifestement pas fiable en ce qui concerne les aspects qui peuvent être confirmés positivement par d’autres éléments de preuve, je conclus que je ne suis pas en mesure d’accepter intégralement le témoignage du plaignant, sauf lorsqu’il est corroboré par d’autres éléments de preuve indépendants, autres que celui de la TC no 1, qui est tout aussi peu fiable.

En ce qui concerne la déclaration de l’AT no 4 selon laquelle le plaignant semblait sur le point de donner des coups de pied, je n’ai aucune difficulté, compte tenu des observations des témoins civils et des agents de police sur le terrain de stationnement, à accepter que le plaignant continuait de donner des coups de pied aux agents de police une fois au poste, comme il l’avait déjà fait dans le stationnement.

De plus, compte tenu de la preuve contenue dans les dossiers médicaux selon laquelle au moins deux des fractures au pied gauche du plaignant étaient préexistantes et compte tenu du fait que le plaignant portait des sandales ou, comme l’a affirmé l’AT no 3, des tongs, au milieu d’une journée enneigée et glacée en février, et que l’AT no 4 avait immédiatement entendu le plaignant dire que son pied était cassé lorsqu’il l’avait tenu, je n’ai aucune difficulté à accepter que le pied du plaignant était déjà cassé avant son interaction avec la police.

Bien que les dossiers médicaux indiquent clairement que les fractures à la base des troisième et quatrième métatarsiens étaient préexistantes et en voie de guérison, il semble que la fracture à la base du deuxième métatarsien était peut-être récente. Je conclus que cela serait compatible avec le fait qu’on voit le plaignant, à 16 h 28 m 54 s dans la vidéo, après avoir été placé dans la cellule, frotter son pied gauche et l’enflure au pied décrite dans ses dossiers médicaux. Je m’empresse toutefois d’ajouter que cette preuve est aussi compatible, voire plus comptable, avec l’aggravation par le plaignant d’une blessure antérieure lorsqu’il a donné des coups de pied contre l’intérieur et les bandes de renforcement en acier de la portière de la voiture de patrouille après avoir été placé dans celle-ci, qu’avec son aggravation soit par l’AI lorsqu’il a placé son pied gauche sur le pied gauche du plaignant, soit par l’AT no 4 quand il a saisi et tenu son pied gauche. De plus, je n’ai aucune difficulté à accepter qu’en raison de deux fractures antérieures au pied gauche, le simple fait de saisir le pied du plaignant pour éviter qu’il donne des coups de pied lui ait causé une vive douleur. Je note également que le rapport du radiologue indique que [traduction] « les changements constatés en milieu clinique pourraient être dus à une blessure liée au stress », ce que j’ai interprété comme signifiant que le stress seul, et non un traumatisme, pourrait être à l’origine de la [traduction] « fissure sans déplacement à la base du deuxième métatarsien ».

Par conséquent, même s’il existe certaines preuves qu’une fissure est survenue dans le pied gauche du plaignant durant son interaction avec la police, lequel pied avait été fracturé à deux reprises par le passé, je dois déterminer si la police a eu recours à une force excessive dans ses rapports avec le plaignant. Bien que le plaignant n’allègue pas que son pied a été blessé pendant qu’il était dans le stationnement, les seuls gestes, tels qu’ils ont été observés dans la vidéo et mentionnés dans les déclarations des témoins de la police, qui auraient pu causer la blessure étaient le geste de l’AI consistant à placer son pied sur le pied gauche du plaignant pour le maîtriser tout en luttant avec lui pour enlever ses vêtements ou le geste de l’AT no 4 consistant à saisir le pied du plaignant pour l’empêcher de donner des coups de pied.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, un agent de police, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, est fondé à employer la force nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. Par conséquent, pour que les agents de police en cause aient droit à une protection contre des poursuites en vertu de l’article 25, il doit être établi qu’ils exécutaient une obligation légale, qu’ils agissaient pour des motifs raisonnables et qu’ils n’ont pas employé plus de force que nécessaire.

Sur la foi du dossier devant moi, il est clair que l’AT no 1 avait amplement de motifs de croire, lorsqu’il a arrêté initialement la BMW, que le conducteur conduisait peut-être avec les facultés affaiblies et, plus tard, lorsqu’il a vu le conducteur et la passagère changer de place et que la TC no 1, bien qu’elle soit assise dans le siège du conducteur, ne savait pas comment couper le moteur et retirer les clés du contact, et qu’elle avait permis à la voiture de reculer et de presque entrer en contact avec le véhicule de l’AT no 1, que la TC no 1 et le plaignant tentaient d’entraver l’enquête en essayant de cacher qui était véritablement le conducteur. Lorsque l’AT no 1 tentait d’arrêter le plaignant et que ce dernier résistait violemment, il avait également des motifs raisonnables d’arrêter le plaignant pour voies de fait puisqu’il résistait à son arrestation (art. 270 du Code criminel). Par conséquent, l’appréhension et l’arrestation du plaignant étaient conformes à une obligation légale et fondées sur des motifs raisonnables, et les agents de police seraient à l’abri des poursuites intentées en vertu du paragraphe 25 (1), pourvu qu’ils n’aient pas eu recours à plus de force que ce qui était nécessaire ou justifié dans les circonstances.

Étant donné la découverte d’une pipe à méthamphétamines dans la BMW et de poudre de méthamphétamines dans le soutien-gorge de la TC no 1 et puisque le plaignant a dit à l’AT no 1 que la TC no 1 avait dissimulé de la méthamphétamine sur son corps, il était également nécessaire et prudent de procéder à une fouille complète du plaignant avant de le placer dans la cellule, dans le but de confisquer toute drogue ou autre chose qui pourrait lui causer du préjudice. Il m’est impossible de conclure que, lorsque le plaignant a continué de résister au moment du retrait de ses vêtements, l’action de l’AI de placer son pied sur le pied gauche du plaignant, en ignorant que le pied avait déjà été fracturé à deux reprises par le passé et qui n’était pas encore guéri, afin de continuer à contrôler le plaignant et d’ôter ses vêtements selon le besoin, constituait un usage excessif de la force dans les circonstances. Il est clair que le geste de l’AI n’était aucunement censé constituer un recours à la force ou causer des blessures au plaignant, mais visait simplement à accomplir rapidement et efficacement la fouille.

Il est également clair que le plaignant avait tendance à donner des coups de pied lors de ses interactions avec les agents de police, comme en témoigne son comportement dans le stationnement, lorsqu’il avait tenté de donner des coups de pied à l’AT no 1 et lorsqu’un de ses coups de pied était entré en contact avec le TC no 4, et lorsqu’il avait donné des coups de pied à la portière et à la vitre de la voiture de police, comme l’avaient constaté de nombreux témoins. Par conséquent, il était raisonnable pour l’AT no 4 de croire que lorsque le plaignant avait plié sa jambe, au moment où la police tentait de retirer ses vêtements, son intention était de donner de nouveau des coups de pied aux agents et il était raisonnable pour l’AT no 4 de saisir son pied pour l’empêcher de le faire. Encore une fois, je conclus que l’AT no 4 n’a pas saisi intentionnellement le pied du plaignant pour lui infliger de la douleur ou exercer de la force sur lui, mais simplement pour l’empêcher de donner des coups de pied.

De plus, en ce qui concerne le placement par l’AI de son pied sur le pied gauche du plaignant ou le fait pour l’AT no 4 de saisir son pied, je conclus que les agents n’auraient pas pu anticiper que ces gestes apparemment anodins causeraient ou auraient pu causer une blessure grave au plaignant et, selon toute vraisemblance, d’après les dossiers médicaux, ne l’auraient pas fait si le plaignant n’avait pas déjà deux fractures préexistantes à ce pied.

Par conséquent, en ce qui a trait aux actions de l’AT no 4 et de l’AI, je ne peux conclure qu’elles équivalaient à un recours excessif à la force dans ces circonstances. Pour en arriver à cette conclusion, je garde à l’esprit la directive fournie par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206, qui dit ceci : 
 
Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux-ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme le juge Anderson l’explique dans R. v. Bottrell (1981), 60 C.C.C. (2d) 211 (C. A. C.-B.) :

[traduction] Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p. 218]

Après avoir examiné tous les éléments de preuve en l’espèce et avoir tiré des conclusions de fait fondées sur les éléments de preuve fiables et crédibles qui m’ont été présentés, je conclus que les autres éléments de preuve ne me convainquent pas qu’il y a des motifs raisonnables de croire que l’AI ou l’AT no 4, voire tout agent de police qui a eu affaire au plaignant le 3 février 2018, a eu recours à une force excessive. Par conséquent, comme je ne dispose pas de motifs pour porter des accusations criminelles, aucune ne sera portée.


Date : 18 décembre 2018




Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) La Narcan est une forme nasale du Naloxone, qui est utilisé pour le traitement d’urgence d’une surdose d’opioïdes confirmée ou soupçonnée. [Retour au texte]
  • 2) Une fracture oblique est une fracture à un angle autre que 90 degrés. [Retour au texte]
  • 3) Une fracture aiguë est considérée comme venant tout juste de se produire, tandis qu’une fracture subaiguë est considérée comme ayant eu lieu des semaines ou des mois avant sa découverte et comme étant en voie de guérison. Une fracture chronique est considérée comme étant survenue à un moment donné avant sa découverte et comme n’ayant pas guéri au fil du temps. [Retour au texte]
  • 4) Une fracture transversale est une fracture perpendiculaire au corps de l’os. [Retour au texte]

Note:

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