Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OCI-352

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet d’une blessure grave subie par un homme de 38 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 19 octobre 2021, à 10 h 54, le plaignant a avisé l’UES qu’il avait été blessé par des agents du Service de police de Hamilton (SPH).

Selon le plaignant, le 2 juillet 2019, vers 19 h 30, il se trouvait au domicile de ses parents, dans une région rurale située près d’Ancaster, lorsque des agents du SPH ont procédé à son arrestation et lui ont donné des coups de poing et des coups de genou lors de son arrestation. Plusieurs chefs d’accusation ont été portés contre lui pour voies de fait contre un agent de police.

Au moment de son arrestation, le plaignant s’est plaint qu’il était blessé. Il a été transporté au Centre de soins de santé St-Joseph de Hamilton. Le plaignant a indiqué qu’il est resté à l’hôpital environ cinq minutes et que les agents ont indiqué au personnel médical quelles étaient ses blessures. Il a reçu son congé de l’hôpital, sous la garde de la police, sans avoir été examiné et sans avoir reçu des soins.

Le plaignant a déclaré qu’il a été placé en garde à vue et libéré en fin de journée le 3 juillet 2019.

Le 4 juillet 2019, le plaignant s’est présenté à l’Hôpital général de Hamilton où on lui a diagnostiqué une fracture de l’os orbital.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 19 octobre 2021 à 12 h 49

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 19 octobre 2021 à 13 h 12

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Personne concernée (« plaignant ») :

A participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 20 octobre 2021.

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à des entrevues entre le 4 novembre 2021 et le 23 novembre 2021.

Agents impliqués

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 17 décembre 2021.

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à des entrevues entre le 15 novembre 2021 et le 19 novembre 2021.

Éléments de preuve

Les lieux

Il n’y avait pas de scène à examiner à des fins d’expertise judiciaire par l’UES. L’arrestation a eu lieu sur l’allée de gravier située devant une résidence d’Alberton Road, à Ancaster.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]

L’UES a tenté d’obtenir, auprès du plaignant et des témoins civils, y compris le propriétaire de la propriété où s’est produit l’incident, des enregistrements audio ou vidéo, ou des photographies, qui pourraient être utiles à l’enquête, mais il n’y en avait pas.
 

Enregistrement de l’appel au 911

L’enregistrement audio de l’appel de la TC no 2 au 911 a une durée de 28 minutes et 11 secondes. Au cours de cet appel, la TC no 2 fournit au téléphoniste du 911 des renseignements sur le comportement du plaignant et son interaction avec sa famille.

On entend des voix d’hommes indiscernables et non identifiables qui se disputent en arrière-plan et la voix de la TC no 2 qui s’adresse occasionnellement à sa fille.
L’appel au 911 prend fin lorsque l’AI et l’AT no 1 arrivent sur les lieux.

Documents obtenus du service de police

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis le SPH :
  • Registre de contrôle des cellules
  • Chronologie
  • Enregistrement d’une communication audio
  • Rapports sur les effets personnels — mise en détention
  • Rapport de la mise en détention
  • Rapport général
  • Rapport sur l’arrestation et la mise en détention — Hamilton
  • Notes des AT
  • Dépositions de deux témoins civils
  • Rapports d’incident supplémentaires
  • Registre du recours à la force — AI et AT no 1
  • Résumé du témoignage anticipé de l’AT no 1 et de l’AT no 2
Les enquêteurs de l’UES ont demandé au SPH de fournir une copie des enregistrements audio et vidéo de la salle de mise en détention et de l’aire des cellules, mais aucun enregistrement n’était disponible en raison du temps qui s’est écoulé entre le moment où le plaignant a été arrêté et le moment où l’UES a été avisée de l’incident.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui ont remis d’autres sources :
  • Documents de Hamilton Health Sciences (Hôpital général de Hamilton)
  • Documents de Hamilton Health Sciences (clinique sans rendez-vous Main West)
  • Documents du Centre de soins de santé St-Joseph de Hamilton

Description de l’incident

La preuve recueillie par l’UES, laquelle comprend des entrevues avec le plaignant, l’AI et plusieurs agents témoins et témoins civils qui ont été témoins de différentes parties de l’incident, dresse le portrait suivant de l’incident.

Dans la soirée du 2 juillet 2019, les agents ont été dépêchés à une adresse rurale située sur Alberton Road. La TC no 2, l’ancienne conjointe du plaignant, s’était rendue à la résidence pour y déposer sa fille, dont le plaignant était le père. À son arrivée, le plaignant se battait à l’extérieur avec son père et son frère, ce qui l’a amenée à appeler la police.

Les premiers agents sur les lieux étaient l’AI et l’AT no 1, suivis de l’AT no 2. À la demande des parents du plaignant, les agents ont décidé de ne pas arrêter le plaignant, mais de s’assurer qu’il quitte la propriété. Le plaignant et sa fille étaient partis dans les champs adjacents à la propriété, et les trois agents sont partis à leur recherche. Lorsque les agents l’ont trouvé et lui ont dit qu’il devait partir, le plaignant n’était pas combatif. Puisqu’il avait bu, des arrangements ont été pris pour que sa petite amie vienne le chercher et le ramène chez elle.

Les agents ont attendu avec le plaignant, dans le garage et près de l’allée, que sa petite amie arrive. Le plaignant était contrarié d’avoir été sommé de quitter la propriété. Il jouait à se bagarrer avec son chien, a laissé entendre qu’il pourrait ordonner à son chien d’attaquer les agents, et a déblatéré contre sa famille et la police. À un moment donné, le plaignant a empiété sur l’espace personnel de l’AI dans l’allée et l’a poussé avec son coude droit.

Lorsque le plaignant l’a poussé, l’AI l’a immédiatement saisi par le bras droit, l’a mis au sol et lui a dit qu’il était en état d’arrestation. Le plaignant a résisté à son arrestation au sol, en refusant de libérer ses bras afin que les agents lui passent les menottes et en mordant la partie inférieure de la jambe gauche de l’AT no 1, lequel était intervenu pour aider l’AI. L’AI a vu le plaignant mordre l’AT no 1 et a réagi en donnant un coup de poing, au moyen de sa main droite, sur le côté gauche du visage du plaignant. Le plaignant a cessé de mordre l’AT no 1 et celui-ci l’a menotté dans le dos.

Les agents ont remis le plaignant sur ses pieds. Il a alors craché en direction de l’AI, lequel lui a donné un coup de genou dans l’abdomen. L’AI lui a donné d’autres coups de genou — trois dans la jambe droite — lorsque le plaignant a résisté aux efforts des agents pour le placer sur la banquette arrière du véhicule de police.

Après son arrestation, le plaignant a été amené à l’hôpital. Il a reçu son congé de l’hôpital et les agents l’ont amené au poste de police. Il a été libéré le lendemain après une audience de mise en liberté sous caution.

Le 4 juillet 2019, le plaignant s’est présenté dans une clinique médicale et on lui a diagnostiqué une fracture de la pommette gauche et une petite fracture du coude gauche, laquelle aurait pu être une ancienne blessure.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 2 juillet 2019, lors de son arrestation par des agents du SPH, le plaignant a subi une blessure grave. Il a communiqué avec l’UES le 19 octobre 2021 pour signaler l’incident. L’UES a ouvert une enquête. L’un des agents qui a participé à l’arrestation — l’AI — a été identifié comme étant l’agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation de la preuve, je n’ai aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en lien avec l’arrestation du plaignant et la blessure qu’il a subie.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle s’ils doivent recourir à la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’exécution d’un acte qu’ils étaient tenus ou autorisés à accomplir en vertu de la loi.

Le plaignant s’est battu avec son frère et son père, puis a délibérément poussé l’AI afin de le provoquer. Son arrestation pour voies de fait était clairement justifiée.

Le plaignant a résisté à son arrestation et l’AI avait des raisons légitimes de recourir à la force. La mise au sol par l’AI était une tactique raisonnable dans les circonstances. La poussée donnée par le plaignant était le point culminant d’une série de comportements de plus en plus agressifs, et l’agent était fondé, dans les circonstances, à dissuader tout autre acte de violence en mettant le plaignant dans une position désavantageuse au sol. Le plaignant s’est débattu avec les agents au sol alors qu’ils tentaient de saisir ses bras, et l’AI l’a frappé une fois au visage pendant qu’il mordait ou tentait de mordre la jambe de l’AT no 1. Le coup de poing était fondé puisque l’AI devait immédiatement mettre fin à ce que faisait le plaignant et l’empêcher de blesser l’AT no 1. Les coups de genou portés par l’AI après que le plaignant ait été menotté m’apparaissent également comme une réponse mesurée et proportionnelle pour parer à la combativité continue du plaignant. Le premier coup de genou a permis de distraire temporairement le plaignant afin que les agents puissent tirer son chandail sur sa tête pour éviter qu’il leur crache dessus, et les trois coups de genou près du véhicule ont été portés parce que le plaignant refusait d’entrer dans le véhicule. Une fois le plaignant dans le véhicule de police, les agents n’ont plus utilisé la force.

Il a été allégué que les agents ont utilisé une force excessive contre le plaignant, y compris de multiples coups de genoux à la tête et des coups de poing au visage alors qu’il était au sol, mais il serait peu judicieux et peu sûr de fonder des accusations sur cette preuve. De toute évidence, ce témoignage minimise le comportement agressif exhibé par le plaignant envers les agents pendant qu’ils attendaient l’arrivée de sa petite amie. Par exemple, bien que plusieurs parties en aient été témoins, ce témoignage ne mentionne pas que le plaignant s’est approché nez à nez de l’AI avant que l’AI décide de le mettre au sol. À la lumière de ces faiblesses parmi tant d’autres, je suis convaincu que ce témoignage n’est pas suffisamment fiable pour le soumettre à un juge des faits.

Par conséquent, bien que j’accepte que la pommette du plaignant (et possiblement le coude gauche) ait été fracturée lors de l’altercation physique liée à son arrestation, je n’ai aucun motif raisonnable de croire que l’AI ou les deux autres agents impliqués se sont comportés autrement qu’en toute légalité.

Il n’y a donc pas lieu de porter des accusations criminelles dans cette affaire et le dossier est clos.


Date : Le 16 février 2022

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.