Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OCI-316

Attention :

Cette page affiche un contenu graphique pouvant choquer, offenser et déranger.

Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet d’une blessure grave subie par un homme de 26 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 22 septembre 2021, à 12 h 32, le plaignant a avisé l’UES qu’il avait subi une blessure lors d’une interaction avec le Service de police de Barrie (SPB).

Le plaignant a indiqué qu’il avait été arrêté par des agents de police du SPB le 5 juillet 2021, vers 15 h, et qu’il avait ensuite été placé dans une cellule en attendant son audience de mise en liberté sous caution. Le plaignant a fait des siennes et a crié pendant environ huit heures. Trois agents sont entrés dans sa cellule afin de lui enlever son chandail et l’empêcher de se faire du mal. Le plaignant s’est assis sur le lit de la cellule en tenant le chandail contre sa poitrine et deux des agents l’ont maîtrisé. L’agent le plus court lui a assené un coup sur le nez avec la paume de la main, puis a enfoncé son doigt dans son oreille, le blessant au conduit auditif. Le plaignant a indiqué aux agents du SPB qu’il était blessé, mais ils ont refusé de l’amener à l’hôpital à ce moment-là.

Lorsque le plaignant a été libéré le 7 juillet 2021, il s’est présenté au Centre régional de santé Royal Victoria à Barrie où on lui a diagnostiqué une fracture du nez [1].

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 23 septembre 2021 à 7 h 40

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 23 septembre 2021 à 8 h 18

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Personne concernée (« plaignant ») :

A participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 23 septembre 2021.

Agents impliqués

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Témoins employés du service

TES no 1 A participé à une entrevue
TES no 2 A participé à une entrevue
TES no 3 A participé à une entrevue
TES no 4 A participé à une entrevue

Les témoins employés du service ont participé à des entrevues le 29 septembre 2021 et le 1er octobre 2021.

Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est produit dans une cellule du SPB.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]

Vidéo de la mise en détention

La vidéo a été enregistrée le 5 juillet 2021. On y voit ce qui suit.

À 15 h 54 min 24 s, on voit le plaignant dans le coin supérieur de l’image. Il entre dans l’aire de mise en détention et un agent en uniforme lui dit de s’asseoir sur le banc en métal situé au milieu de la pièce. Le banc en métal fait face à la caméra. Deux agents en uniforme sont entrés dans l’aire de mise en détention avec le plaignant; l’un se tient immédiatement à sa gauche et l’autre se tient contre le mur, à la gauche du plaignant. Le plaignant est présenté au TES no 3, qui est hors champ au bas de l’image.

Le TES no 3 demande au plaignant s’il comprend pourquoi il a été arrêté. Le plaignant hoche la tête et répond : « Oui ». Le TES no 3 demande au plaignant s’il veut appeler un avocat et le plaignant répond : « Oui ». Le TES no 3 demande au plaignant s’il a déjà subi des blessures ou s’il souffre de certaines maladies, et le plaignant répond : [Traduction] « Je fais de l’inflammation aux reins ». Le TES no 3 demande au plaignant s’il a des problèmes de santé mentale dont ils devraient être au courant et le plaignant répond : « Non ».

Vidéo de la cellule

La vidéo de la cellule a été enregistrée le 5 juillet 2021. On y voit ce qui suit.

À 15 h 55, le plaignant entre dans la cellule. Il porte un T-shirt noir, un pantalon ajusté en molleton gris, des bas noirs et un masque chirurgical bleu. La cellule est dotée d’un banc en béton sur le côté gauche et d’une cloison au bout du banc. La cloison sépare le reste de la cellule de la zone où se trouve l’évier. La portion de la vidéo qui filme la zone derrière la cloison est masquée par des pixels. Il y a un évier derrière la zone masquée.

À 16 h 3 min 3 s, une main passe au plaignant un chandail à capuchon noir par la porte de la cellule. Le plaignant l’enfile. Le plaignant fait les cent pas, lève ses genoux de haut en bas et fait de la boxe simulée.

À 16 h 6 min 7 s, le plaignant se lève et se dirige vers la porte de la cellule. Le plaignant fait les cent pas dans la cellule pendant un moment, puis s’assoit sur le banc. Le plaignant passe du temps sur le banc, à la porte de la cellule et à faire les cent pas dans la cellule.

À 16 h 18 min 30 s, le plaignant passe ses mains devant lui par la porte de la cellule, on lui met des menottes et on le fait sortir de la cellule.

À 16 h 30 min 6 s, le plaignant revient dans la cellule, toujours menotté à l’avant, et se dirige vers l’évier. Le plaignant revient vers la porte de la cellule, on lui enlève les menottes et il s’assoit sur le banc.

À 17 h 43, le plaignant cogne à plusieurs reprises sur la porte de la cellule avec le côté de ses poings, et il semble crier. Pendant une heure, le plaignant alterne entre faire les cent pas dans la cellule, frapper la porte de la cellule et parler avec quelqu’un à la porte.

À 18 h 30 min 39 s, le plaignant enlève son chandail, le pose sur le banc et continue à frapper à la porte de la cellule, à faire les cent pas et à faire de la boxe simulée.

À 18 h 38 min 19 s, le plaignant prend le chandail et noue la manche bien serrée autour de son cou. Le plaignant enroule le chandail de diverses façons et s’agenouille devant l’évier. Le plaignant se lève, pose le chandail sur le banc, se dirige vers la porte de la cellule et semble parler à quelqu’un à l’extérieur de la porte de la cellule. Le plaignant ramasse le chandail, s’assoit sur le banc et le tient contre sa poitrine.

À 18 h 39 min 34 s, le TES no 3 entre dans la cellule, suivi du TES no 2 et de l’AI. Le TES no 3 tente d’enlever le chandail au plaignant, mais le plaignant l’esquive. Pendant ce temps, le TES no 2 se tient debout contre le mur. L’AI tente d’agripper le chandail pendant que le TES no 3 tient le chandail de la main droite et repousse le plaignant de la main gauche. Le plaignant glisse d’avant en arrière sur le banc. L’AI pose sa main droite sur le haut du corps du plaignant et ce dernier glisse par-derrière vers le mur. Ce faisant, sa tête entre en contact avec le mur. Le TES no 3 s’empare du chandail et le lance au TES no 2 derrière lui.

À 18 h 39 min 46 s, l’AI pose sa main gauche sur la tête du plaignant et le force à se coucher sur le côté sur le banc. Le plaignant s’allonge sur son flanc gauche, et l’AI monte sur le torse du plaignant et le maintient immobilisé. L’AI fait dos à la caméra. On ne voit donc pas clairement où se trouvent ses mains à ce moment-là. Le TES no 3 est debout à côté du banc et tient les jambes du plaignant de la main droite. Sa main gauche est sur le côté de son corps. Le TES no 2 se tient debout sur le côté du banc et n’a aucun contact physique avec le plaignant.

À 18 h 40 min 2 s, l’AI descend du plaignant et cesse de tenir la tête du plaignant. L’AI sort de la cellule, suivi du TES no 2 et du TES no 3. Le plaignant se tient le derrière de la tête pendant quelques secondes, puis s’allonge sur le dos en se tenant la tête.

À 18 h 40 min 40 s, le plaignant s’assoit, regarde sa main et se recouche sur le dos. Le plaignant se met à avoir des spasmes et des convulsions.

À 18 h 42 min 34 s, le plaignant porte sa main droite à sa tête, se lève et se dirige vers la porte de la cellule.

À 18 h 45 min 30 s, le plaignant se lève et se dirige vers la porte de la cellule.

Pendant le reste de la vidéo, le plaignant fait les cent pas, frappe à la porte, crie, s’assoit et s’allonge.

En raison d’un problème technique, aucun son n’a été capté dans la vidéo de la cellule. L’UES a donc obtenu les vidéos provenant des cellules adjacentes pour le 5 juillet 2021 afin de vérifier si on y entend des sons provenant de la cellule du plaignant. L’écho rend la tâche difficile, mais on entend le plaignant dire, juste avant l’altercation physique, [Traduction] « Tabassez-moi », alors qu’il refuse de se départir de son chandail. Une fois que les agents ont quitté la cellule, on entend une voix de l’extérieur de la cellule dire : [Traduction] « Ne jouez pas à des jeux ».

Documents obtenus du service de police

L’UES a examiné les éléments et documents suivants qui lui ont été fournis par le SPB :
  • Rapport sur l’arrestation et la mise en détention
  • Rapport d’arrestation
  • Appel au 911
  • Vidéo de la détention
  • Registres de la détention
  • Détails de l’événement
  • Notes du TES no 1, du TES no 2 et du TES no 3
  • Procédure — Fouilles des personnes
  • Politique — Soins aux prisonniers et contrôle des prisonniers
  • Procédure — Problèmes de santé mentale, troubles émotionnels et déficiences développementales
  • Procédure — Emploi de la force
  • Sommaire de la déposition du TES no 4

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui ont remis d’autres sources :
  • Dossier médical — Hôpital Royal Victoria

Description de l’incident

Le scénario suivant se dégage de la preuve recueillie par l’UES, laquelle comprend des entrevues avec le plaignant et deux agents spéciaux qui étaient présents lors des événements en question, ainsi qu’un enregistrement vidéo de l’incident. Comme la loi l’y autorise, l’AI a choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES et de ne pas autoriser la communication de ses notes.

Dans l’après-midi du 5 juillet 2021, le plaignant a été arrêté sans incident à son domicile à Barrie, transporté au poste de police et placé dans une cellule vers 16 h. Au cours des deux heures qui ont suivi, il a fait les cent pas dans la cellule, a fait de la boxe simulée et a frappé et donné des coups de pied à la porte de la cellule.

Vers 18 h 40, le plaignant a noué l’une des manches de son chandail noir à manches longues autour de son cou. Cela a attiré l’attention des agents spéciaux chargés de surveiller les cellules ce soir-là — les TES no 2 et no 3 — qui en ont ensuite informé l’agent responsable — l’AI. Ils ont tous les trois décidé de se rendre dans la cellule du plaignant pour lui retirer le chandail.

Au moment où les agents sont arrivés dans sa cellule, quelques secondes après qu’il ait enroulé le chandail autour de son cou, le plaignant l’avait enlevé et était assis sur le banc de la cellule. Le plaignant a refusé de donner son chandail au TES no 3, qui était le premier à entrer dans la cellule. Le TES no 2 et l’AI sont entrés dans la cellule immédiatement après le TES no 3. Le TES no 3 a agrippé le chandail et a tenté en vain de l’enlever au plaignant. À peu près au même moment, l’AI a saisi la tête du plaignant à deux mains et l’a repoussé contre le mur derrière le banc de la cellule. L’arrière de la tête du plaignant a heurté le mur. Dans le même mouvement, le sergent a utilisé ses deux mains sur le côté droit de la tête du plaignant pour le forcer à s’étendre sur le banc. C’est à ce moment que le TES no 3 a réussi à arracher le chandail et l’a donné au TES no 2. L’AI, dont les mains étaient toujours sur le côté droit de la tête du plaignant, a maintenu le plaignant dans cette position pendant environ 15 secondes, puis a enlevé ses mains et est sorti de la cellule. Les agents spéciaux sont sortis derrière lui.

Le plaignant a été libéré le 6 juillet 2021. Le lendemain, il s’est rendu à l’hôpital puisqu’il se sentait léthargique, étourdi et nauséeux. On lui a diagnostiqué une commotion cérébrale.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant aurait subi une commotion cérébrale le 5 juillet 2021, alors qu’il était sous la garde du SPB. Lorsque l’UES a été avisée de l’incident le 22 septembre 2021, une enquête a été ouverte [3]. L’AI a été identifié comme étant l’agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation de la preuve, il n’y a aucun motif raisonnable de conclure que l’AI a commis une infraction criminelle en lien avec la blessure subie par le plaignant.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle s’ils emploient la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’exécution d’un acte qu’ils étaient tenus ou autorisés à accomplir.

Le plaignant a été arrêté sur la base d’un mandat non exécuté et était détenu pour des raisons légitimes lorsque l’altercation dans la cellule s’est produite. Après sa mise en détention, les agents avaient le devoir de veiller à son bien-être en attendant que son cas soit traité conformément à la loi. Après avoir vu le plaignant enrouler fermement son chandail autour de son cou, et craignant à juste titre qu’il tente de se faire du mal avec, les agents ont légitimement tenté de lui retirer son chandail. La question est de savoir si l’agent impliqué — l’AI — a utilisé une force appropriée pour atteindre son objectif.

J’estime que la force utilisée par le sergent pour pousser le plaignant contre le mur de la cellule puis le tenir sur le banc de la cellule était raisonnable, même si le fait que la tête du plaignant a frappé le mur semble être à l’origine de sa commotion cérébrale. Le plaignant avait refusé de remettre son chandail au TES no 3 et s’était ensuite débattu pour empêcher l’agent de le lui enlever. Au vu des circonstances, il ne semble pas que l’AI ait dépassé les limites de la force autorisée lorsqu’il est intervenu pour immobiliser le plaignant, d’abord contre le mur de la cellule, puis contre le banc de la cellule. C’est grâce aux interventions du sergent que le TES no 3 a pu enlever le chandail au plaignant.

Ce qui est plus discutable est que l’AI semble avoir recouru à des points de pression pour maîtriser le plaignant. Comme l’ont décrit les agents spéciaux, pendant qu’il luttait avec le plaignant contre le mur et le banc, l’AI a utilisé l’un de ses doigts pour appliquer une pression derrière l’oreille droite du plaignant, probablement pour lui faire mal afin qu’il se soumette. L’utilisation de cette technique soulève deux préoccupations : d’abord, la durée pendant laquelle la pression a été exercée, puis, le fait que le TES no 3 a enlevé le chandail au plaignant peu après son immobilisation sur le banc. Dans la vidéo de la cellule, on ne voit pas ce que l’AI fait avec ses mains, mais on voit qu’il tient la tête du plaignant contre le banc de la cellule pendant environ 15 secondes — après que le TES no 3 ait réussi à s’emparer du chandail. À mon avis, l’effet cumulatif de cette preuve indique que la force utilisée par le sergent frôle la force excessive.

Cependant, tout compte fait, je ne suis pas convaincu que la preuve est suffisante pour raisonnablement conclure que l’AI a employé une force illégale. Bien que brièvement, le plaignant s’est débattu contre les agents pour les empêcher de lui enlever son chandail et leur a donné des raisons de croire qu’il ne céderait pas pacifiquement. Il semblerait également que l’AI n’ait pas vu le TES no 3 s’emparer du chandail. Même s’il l’avait vu, l’agent aurait été fondé à continuer de maîtriser le plaignant en appliquant une pression sur le point de pression pendant un certain temps, jusqu’à ce qu’il soit certain que le plaignant avait complètement cédé. Le temps qui s’est écoulé avant que l’AI relâche le point de pression a peut-être frôlé les limites de la force appropriée, mais je ne suis pas convaincu qu’il y a des motifs raisonnables de considérer que l’AI a transgressé les limites de la force justifiable, étant donné la latitude accordée aux agents impliqués dans des confrontations physiques — l’attente est que les agents réagissent de façon raisonnable, et non qu’ils mesurent la force appliquée avec précision : R v Baxter (1975), 27 CCC (2d) 96 (Ont. CA); R c. Nasogaluak, [2010] 1 RCS 206.

Pour ces motifs, il n’y a aucune raison de porter des accusations criminelles contre l’agent impliqué dans cette affaire et le dossier est clos.


Date : 20 janvier 2022


Approuvé électroniquement par


Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) L’enquête n’a pas permis de corroborer cette allégation. Elle a plutôt révélé qu’on avait diagnostiqué une commotion cérébrale au plaignant. [Retour au texte]
  • 2) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
  • 3) Le plaignant a été libéré le 6 juillet 2021, a reçu un diagnostic de commotion cérébrale le 7 juillet 2021 et a signalé l’incident à l’UES le 22 septembre 2021. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.