Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-TCI-318

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves subies par un homme de 26 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 23 septembre 2021, à 16 h 34, le Service de police de Toronto (SPT) a avisé l’UES de ce qui suit.

Ce matin-là, vers 6 h 25, des agents du SPT se sont rendus à une adresse de Bevdale Road, à Toronto, en réponse à un appel pour invasion de domicile. Un suspect a sauté d’une fenêtre du deuxième étage et s’est enfui à pied. Avec l’aide d’un chien policier, l’homme a été retrouvé caché dans des buissons non loin de là. L’homme a résisté à son arrestation et a été neutralisé par le chien policier.

L’homme a été conduit à l’Hôpital général de North York où on lui a diagnostiqué des fractures de côtes, un poumon perforé et des morsures de chien.

L’homme, identifié comme étant le plaignant, allait être détenu à la 32e division pour une enquête sur le cautionnement dans la matinée.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 23 septembre 2021 à 17 h 28

Date et heure de l’intervention de l’UES : 23 septembre 2021 à 17 h 29

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 7

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 26 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 24 novembre 2021.

Témoins civils

TC A participé à une entrevue

Le témoin civil a participé à une entrevue le 15 octobre 2021.

Agents impliqués

AI A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 16 décembre 2021.

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 6 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 7 A participé à une entrevue
AT no 8 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue entre le 27 octobre et le 29 novembre 2021.
 

Éléments de preuve

Les lieux

L’arrestation du plaignant s’est déroulée dans un jardin, à l’arrière d’une maison de Bevdale Road, à Toronto. Les agents ont trouvé le plaignant derrière une petite piscine hors terre, à côté de la clôture et près de quelques buissons.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]

Résumé des communications de la police

Le 23 septembre 2021, à 6 h 24, le centre des communications du SPT reçoit un appel téléphonique d’une femme demandant l’aide de la police à une adresse de Bevdale Road. On peut entendre une lutte et des voix fortes en arrière-plan. L’appelante dit qu’il y a un intrus [maintenant connu comme étant le plaignant] chez elle, et que son fils maintient l’intrus plaqué à terre. Elle dit que qu’elle ne connait pas le plaignant et qu’il est entré par effraction chez elle et a ligoté sa fille. Elle dit que le plaignant essaye de se relever et que son fils a besoin d’aide.

À 6 h 26, un appel est lancé aux unités de la 32e Division sur le réseau radio de la police pour un incident en cours impliquant un intrus dans une maison de Bevdale Road. Plusieurs agents de police répondent qu’ils se rendent sur les lieux.

Le répartiteur transmet immédiatement les mises à jour que lui donne le préposé aux appels, qui reste en ligne avec l’appelante jusqu’à ce que les agents arrivent chez elle.

L’appelante demande une ambulance pour sa fille. Elle dit que le plaignant a une arme à feu, mais que ce c’est une arme factice et qu’elleest par terre. Elle dit plus tard que l’arme est sur son lit. Le fils de l’appelante prend le téléphone des mains de sa mère et dit que le plaignant est entré chez eux par effraction. Il est essoufflé et explique qu’il a plaqué le plaignant par terre et qu’il l’a enfermé dans la chambre de sa sœur. Il fournit une description du plaignant. Il dit qu’il n’avait jamais vu le plaignant et que le plaignant lui a dit qu’il s’était trompé de maison. Il ajoute que le plaignant a ligoté les poignets de sa sœur, une adolescente, avec un cordon de charge d’ordinateur portable.

À 6 h 30, un agent de police annonce qu’il est arrivé sur les lieux. Au téléphone, on l’entend frapper à la porte. Le fils de l’appelante lui ouvre la porte et le dirige vers la chambre de sa sœur. Il dit ensuite à la préposée à l’appel que le plaignant s’est échappé par la fenêtre.

À 6 h 31, l’AT no 6 dit que le plaignant a sauté par une fenêtre du deuxième étage et demande qu’on envoie un chien policier du SPT. L’AT no 1 et des agents du Groupe d’intervention d’urgence (GIU) disent qu’ils se rendent sur les lieux.

À 6 h 33, un agent dit qu’une réplique d’arme à feu Airsoft a été récupérée dans la chambre à coucher et que le plaignant a été vu pour la dernière fois environ sept minutes avant l’arrivée de la police.

À 6 h 36, l’AT no 1 avise le répartiteur qu’il est sur les lieux.

À 6 h 53, les agents du GIU – l’AI et les ATs nos 3, 4, 5, 7 et 8 – arrivent sur les lieux.

À 6 h 56, l’AT no 1 dit au répartiteur qu’il part à la recherche du plaignant dans la rue.

À 7 h 06, un agent annonce que le drone a été déployé, et un agent demande au répartiteur d’effectuer une recherche sur le véhicule du plaignant qui est garé sur Bevdale Road.

À 7 h 34, un homme [maintenant connu comme étant le TC] appelle le centre de communications du SPT pour signaler qu’à 7 h 16, un homme – le plaignant – était dans son jardin, mais qu’il est maintenant parti. Il explique qu’il a trouvé la clôture brisée et que le plaignant s’était caché tout au fond de son jardin, derrière la piscine. A 7 h 35, le répartiteur diffuse les renseignements communiqués par le TC.

À 7 h 38, l’AT no 5 dit qu’il a détecté une source de chaleur dans le jardin à l’arrière de la maison.

À 7 h 39, un agent du GIU dit que des membres du GIU sont à l’adresse.

À 7 h 40, un agent du GIU dit qu’ils croient qu’ils « ont » le plaignant.

À 7 h 41, un agent du GIU confirme qu’ils ont le plaignant sous garde.

À 7 h 42, un agent du GIU demande que les ambulanciers paramédicaux tactiques les rejoignent et ajoute qu’ils ont le plaignant.

À 7 h 42, l’AT no 1 dit au répartiteur qu’il faut faire venir un agent de la police technique pour photographier une morsure de chien.

À 7 h 44, un agent du GIU demande aux autres membres du GIU combien d’armes à impulsions ont été déployées. Un agent répond qu’une arme à impulsions a été déployée et qu’une cartouche a été déchargée, mais qu’il ignore le nombre de cycles. Il dit qu’il a la cartouche qui a été tirée.

À 8 h 22, un agent dit qu’on conduit le plaignant en ambulance à l’Hôpital général de North York.
 

Vidéo de surveillance

L’UES a obtenu une vidéo d’une caméra de surveillance sur les lieux de l’arrestation. Il y avait trois clips vidéo de 12 secondes; l’enregistrement audio était inintelligible. La caméra était activée par le mouvement. Il semble qu’elle était située derrière une piscine hors sol.

Le 23 septembre 2021, à 7 h 02, quelqu’un retire une planche de la clôture en bois depuis l’autre côté. Le plaignant entre dans le jardin en rampant à travers l’ouverture.

À 7 h 16, le plaignant est tout près de la caméra. On peut voir le côté gauche de son torse et sa tête. Il semble être à genoux, la tête baissée dans les mains, presque par terre; il est immobile et silencieux. Il relève brièvement la tête et regarde en direction de la caméra, puis rabaisse la tête.
 

Vidéo sur téléphone cellulaire du TC

Le TC a enregistré une minute et neuf secondes de l’interaction sur son téléphone cellulaire. Il dit à quelqu’un en arrière-plan : [traduction] « Ils l’ont attrapé. »

L’enregistrement n’a pas capté le contact initial entre les agents du GIU et le plaignant. Au début de la vidéo, le plaignant avait déjà été tiré sur la pelouse depuis sa cachette, derrière la piscine.

L’audio de l’enregistrement est très faible, mais les voix semblent correspondre à des ordres donnés par la police. Pendant la majeure partie de l’enregistrement, la caméra est focalisée sur la moustiquaire de la fenêtre à travers laquelle le TC filme plutôt que sur l’interaction, et il est donc très difficile de voir ce qui se passe.

Trois agents du GIU sont aux prises avec le plaignant qui est par terre. L’AT no 1 et son chien policier sont à quelques mètres de là et observent l’interaction. Un agent du GIU est à la gauche de l’AT no 1 et observe également l’interaction.

À environ 44 secondes du début de la vidéo, on aide le plaignant à se relever et on l’éloigne de la piscine. Il est menotté dans le dos. On le fouille rapidement par palpation et on lui fait traverser la pelouse en direction du portillon, à l’avant de la maison et hors du champ de vision de la caméra.

Résumé des images de la caméra corporelle de l’AT no 6

La caméra de l’AT no 6 est active de 7 h 08 à 8 h 05.

Le 23 septembre 2021, à 7 h 10, l’AT no 6 établit un périmètre de sécurité sur Bevdale Road avec du ruban jaune. Dans les limites de ce périmètre, l’AT no 6 examine la voiture du plaignant, une Toyota Matrix blanche à quatre portes. Elle est garée et il n’y a personne à l’intérieur.

L’AT no 6 s’approche de deux hommes au milieu de Bevdale Road, dont l’un porte un uniforme du SPT. L’autre homme est en complet et est vraisemblablement aussi un membre du SPT. L’AT no 6 dit aux agents qu’à son arrivée à l’adresse sur Bevdale Road, la résidente frénétique lui a demandé de monter à l’étage. Il est donc monté à l’étage où il a été accueilli par le fils de la dame, qui lui a dit que le plaignant était dans la chambre. L’AT no 6 explique qu’il a alors ouvert la porte de la chambre et remarqué que la fenêtre était ouverte et sans moustiquaire. Il est entré dans la chambre et, par la fenêtre, il a vu des effets personnels dans l’allée asphaltée en contrebas. L’AT no 6 ajoute qu’avant de sortir de la maison, il a parlé à la fille de la femme, qui lui a dit qu’elle avait été ligotée avec des cordons téléphoniques et des chargeurs pendant une heure. Elle a dit que le plaignant l’avait frappée et agressée.

L’AT no 6 dit aux autres agents que le fils, quand il a entendu le vacarme, est intervenu et a plaqué le plaignant à terre où il l’a maintenu pendant que sa mère appelait la police. Environ sept minutes s’étaient écoulées entre la dernière fois où le plaignant avait été vu dans la chambre et l’arrivée des agents.

À 7 h 21, l’AT no 6 s’approche du véhicule du plaignant et regarde par les fenêtres fermées. Il éclaire l’intérieur avec sa lampe de poche et note quelque chose dans son carnet de service. Il regarde les objets éparpillés sur la chaussée, près de l’arrière du véhicule. À un moment donné, l’enregistrement audio est coupé.

À 7 h 44, l’AT no 6 et un autre agent du SPT s’éloignent en courant du véhicule du plaignant vers le virage de la rue. Au même moment, trois agents du GIU traversent à pied la pelouse d’une maison en direction de la chaussée. L’AT no 6 s’approche de l’ambulance qui est garée. Les portes latérales et arrière de l’ambulance sont ouvertes et un ambulancier est à l’intérieur, devant la porte latérale; ambulancier est sur la chaussée, devant la porte arrière. Un agent du GIU est à côté de l’ambulance.

À 7 h 49, on fait assoir le plaignant à l’arrière de l’ambulance, face aux portes arrière, et on lui prodigue des soins. Il est penché en avant et menotté dans le dos.

À 7 h 50, la fonction audio de la caméra corporelle est activée. On peut entendre le plaignant s’identifier et converser avec l’ambulancier qui est assis à l’arrière de l’ambulance. On demande au plaignant s’il s’est fait mal au dos quand il s’est enfui de la maison ou quand le chien l’a mordu. La réponse du plaignant est inintelligible. L’ambulancier palpe le haut du dos du plaignant, entre les omoplates, et le long de sa colonne vertébrale. Le plaignant dit qu’il ne sent rien. Le plaignant parle très lentement; il marmonne et semble léthargique. Il dit qu’il a pris « huit… (inintelligible) Xanax et Meth. »

À 7 h 53, l’AT no 6 est sur la chaussée, à côté de l’ambulance, et parle avec d’autres agents. Un agent non identifié dit qu’il estime la hauteur de la chute depuis la fenêtre à environ 6,1 mètres (20 pieds).

Éléments de preuve matériels

Le 21 janvier 2022, l’UES a récupéré les données de l’arme à impulsions utilisée par l’AI lors de l’arrestation du plaignant. Ces données établissent ce qui suit :

  • À 7 h 39 min 29 s, l’arme à impulsions a été déclenchée pendant cinq secondes;
  • À 7 h 40 min 5 s, l’arme à impulsions a été déclenchée pendant cinq secondes;
  • À 7 h 40 min 11 s, l’arme à impulsions a été déclenchée pendant cinq secondes;
  • À 7 h 40 min 27 s [2], l’arme à impulsions a été déclenchée pendant cinq secondes.

Éléments obtenus auprès du service de police

L’UES examiné les dossiers suivants que lui a remis le SPT :

  • Rapport sur les détails de l’événement;
  • Vidéo de caméra corporelle;
  • Enregistrements des communications;
  • Liste de témoins civils;
  • Notes de l’AI et des ATs;
  • Rapport d’incident et rapports supplémentaires;
  • Photographies des lieux;
  • Politique du SPT relative au recours à la force.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu et examiné les dossiers médicaux du plaignant de l’hôpital, des séquences vidéo de la résidence où le plaignant a été arrêté et la vidéo du téléphone cellulaire du TC.

Description de l’incident

Le scénario suivant se dégage des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec le plaignant, l’AI et d’autres agents qui ont participé à l’arrestation du plaignant ou y étaient présents. L’enquête a également bénéficié de la vidéo d’une caméra de sécurité qui a capturé une partie de l’incident.

Dans la matinée du 23 septembre 2021, des agents du SPT ont été envoyés pour une invasion de domicile en cours dans une résidence de Bevdale Road. La propriétaire avait appelé le 9-1-1 vers 6 h 25 pour signaler qu’un inconnu était entré chez elle, avait agressé sa fille et avait résisté à son fils quand celui-ci s’était porté au secours de sa mère et de sa sœur. L’appelante a en outre signalé que l’inconnu avait une arme à feu.

L’intrus était le plaignant. Intoxiqué par la méthamphétamine, le plaignant était entré dans la maison dont il ne connaissait pas les occupants et avait entrepris de les terroriser. Enfermé dans une pièce du deuxième étage par le fils de l’appelante au 9-1-1, le plaignant a sauté d’une fenêtre sur l’allée en contrebas et s’est enfui. Le plaignant a ensuite escaladé une clôture et s’est frayé un chemin en traversant les jardins à l’arrière de maisons voisines jusqu’à ce qu’il atteigne une clôture entourant une propriété. Décidant de ne pas escalader la clôture pour éviter d’être repéré par les agents de police arrivés entre-temps dans le secteur, le plaignant a retiré quelques planches de la clôture, a rampé dessous et s’est caché dans le coin sud-est du jardin, à côté d’une petite piscine et de quelques buissons.

Le plaignant s’était enfui de la maison au moment où les premiers agents sont arrivés. Compte tenu de la nature de l’appel, une équipe d’agents du GIU avait aussi été dépêchée. Une recherche dans les propriétés voisines a été organisée et il a été décidé qu’un maître-chien – l’AT no 1 – suivrait son chien policier sur la piste du plaignant. Un drone a également été déployé pour aider à localiser le plaignant.

Vers 7 h 35, le TC a appelé la police pour signaler qu’un homme – le plaignant – s’était introduit par effraction dans son jardin et s’était caché au fond du jardin, derrière la piscine. Quand il a reçu cette information, l’opérateur du drone a positionné l’engin au-dessus de la propriété en question et a annoncé qu’il avait détecté une source de chaleur dans le jardin. L’AT no 1 et son chien, suivis d’un groupe d’agents du GIU, se sont dirigés vers cet endroit.

Une fois dans le jardin, comme le chien policier semblait avoir détecté une odeur humaine, l’AT no 1 a détaché sa laisse pour le laisser fouiller librement. Le chien s’est approché d’un buisson dans le coin sud-est du jardin et a immédiatement mordu le plaignant, en bas et à droite du torse. L’AT no 1 a ordonné au chien de lâcher prise, et les agents du GIU derrière lui ont avancé pour arrêter le plaignant.

Le plaignant a résisté à son arrestation et une lutte s’est ensuivie. L’AI était le premier agent du GIU à confronter le plaignant. Il lui a donné quelques coups de pied en haut et à droite du torse lorsqu’au lieu de présenter les mains comme on le lui ordonnait, le plaignant a tendu son bras droit sous un buisson. Le plaignant a continué de se débattre et d’autres agents sont intervenus pour le saisir et lui maîtriser les bras. Au cours de cette lutte, l’AT no 7 et l’AT no 8 ont asséné des coups au plaignant; l’AI a sorti son arme à impulsions et l’a déchargée plusieurs fois sur le plaignant. Après la dernière décharge de l’arme à impulsions et un coup de genou dans le dos asséné par l’AT no 8, le plaignant a été menotté dans le dos par l’AT no 2.

Le plaignant a été conduit de là en ambulance à l’hôpital. On lui a diagnostiqué une fracture de la sixième côte droite ayant entraîné un léger pneumothorax droit.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 23 septembre 2021, le plaignant a été grièvement blessé au cours de son arrestation par des agents du SPT. Un des agents qui a procédé à cette arrestation a été désigné comme agent impliqué (AI) aux fins de l’enquête de l’UES. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec l’arrestation et les blessures du plaignant.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police sont exonérés de toute responsabilité criminelle lorsqu’ils ont recours à la force dans l’exécution de leurs fonctions, pour autant que cette force est raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire en vertu de la loi.

Ayant été avisés des actes de violence que le plaignant venait de commettre dans la maison de Bevdale Road, les agents avaient des motifs légitimes de chercher à le placer sous garde.

Quant à la force utilisée contre le plaignant par l’AI et d’autres agents, je suis convaincu qu’elle était légalement justifiée. Étant donné le signalement de la violente invasion de domicile que le plaignant venait de perpétrer, les agents avaient des raisons de croire qu’il était armé et dangereux. Il était donc impératif de placer le plaignant sous garde le plus tôt possible. Dans les circonstances, je ne peux pas reprocher à l’AT no 1 d’avoir lâché son chien dans le but de neutraliser le plaignant à distance avant que les agents n’interviennent. Par la suite, quand le plaignant a résisté aux agents, a refusé de libérer ses mains pour être menotté et a donné aux agents des raisons de craindre qu’il cherchait à s’emparer d’une arme quand il a tendu la main sous un buisson puis gardé sa main gauche cachée contre sa poitrine, les agents avaient le droit de recourir à un certain degré de force. Deux coups de pied sur le côté droit du plaignant et quatre décharges d’arme à impulsions par l’AI, deux à trois coups de poing à gauche et à droite de l’estomac du plaignant, au-dessus de la taille, suivis d’un coup de genou dans le dos par l’AT no 8, et plusieurs coups de pied à la jambe droite du plaignant par l’AT no 7 – tous ces coups assénés par les agents pendant que le plaignant résistait physiquement à leurs efforts pour le maîtriser – ne sembleraient pas constituer une réaction disproportionnée à la situation à laquelle les agents étaient confrontés.

Pour arriver à cette conclusion, j’ai écarté un élément de preuve selon lequel le plaignant a été soumis à une force inutile par les agents. L’auteur de cette affirmation était tellement intoxiqué au moment de ces événements qu’il serait imprudent et dangereux d’y accorder quelque crédit que ce soit.

Il n’est pas possible de déterminer avec certitude si les blessures du plaignant résultaient de la force utilisée contre lui par la police ou de sa chute depuis la fenêtre du deuxième étage de la maison et de sa fuite subséquente. Quoi qu’il en soit, pour les raisons qui précèdent, je suis convaincu que ces blessures ne sont pas raisonnablement attribuables à une conduite illégale de la part de l’AI ou des autres agents qui ont participé à l’arrestation du plaignant. Il n’y a donc pas lieu de déposer des accusations criminelles dans cette affaire, et le dossier est clos.


Date : 21 janvier 2022

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les éléments importants des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
  • 2) Les heures sont dérivées de l’horloge interne de l’arme à impulsions, qui n’est pas nécessairement synchronisée avec l’heure réelle. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.