Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OFI-308

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves subies par un homme de 35 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 16 septembre 2021, à 19 h, la Police régionale de York (PRY) a avisé l’UES d’un incident impliquant la décharge d’une arme à feu sur une personne par la police.

Selon le rapport de la PRY, le 16 septembre 2021, la PRY avait obtenu un mandat Feeney [1] pour entrer dans un appartement d’un immeuble du boulevard Inverlochy, à Markham, pour arrêter le plaignant. À 18 h 34, des agents de l’Unité d’intervention d’urgence (UIU) ont enfoncé la porte et le plaignant s’est précipité sur les agents en brandissant un haltère. L’agent impliqué (AI) a déployé une arme antiémeute Enfield (ARWEN) dont le projectile a frappé les côtes gauches du plaignant. Une lutte s’est ensuivie et le plaignant a été arrêté. Le plaignant a été emmené à l’hôpital McKenzie Health pour une côte possiblement fracturée.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 16 septembre 2021 à 19 h 42

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 16 septembre 2021 à 22 h 15

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

L’UES a obtenu des vidéos prises par un drone de la PRY et des vidéos de la caméra corporelle d’un agent de l’UIU de la PRY.

Le rapport d’appel d’ambulance a été demandé et la documentation médicale a été obtenue.

Huit agents ont été désignés en tant qu’agents témoins et six ont participé à une entrevue avec les enquêteurs de l’UES. Les notes des deux autres agents témoins ont été obtenues.

Un agent impliqué a participé à une entrevue, mais ses notes n’ont pas été obtenues.

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 35 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 20 octobre 2021.

Agents impliqués

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 29 septembre 2021.

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue
AT no 6 A participé à une entrevue
AT no 7 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 8 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.

Les agents témoins ont participé à une entrevue entre le 18 et le 20 septembre 2021.

Éléments de preuve

Les lieux

Le 16 septembre 2021, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES s’est rendu à un appartement du boulevard Inverlochy concernant une blessure par arme à feu. Un ruban sécurisait les lieux.

Il s’agissait d’un immeuble d’appartements à plusieurs étages. Entre la chaussée et l’allée de garage, un téléphone blanc et un déambulateur pliable avaient été jetés sur la pelouse depuis un des balcons. De nombreux morceaux de verre brisé jonchaient l’allée. Un panneau de verre du garde-corps d’un balcon du quatrième étage était brisé. Il était directement au-dessus des morceaux de verre trouvés dans l’allée et dans l’herbe. Un autre appartement avait une fenêtre brisée.

La porte de l’appartement visé par le mandat Feeney avait été forcée et était endommagée. Il semblait qu’un bélier avait été utilisé pour la défoncer. L’appartement comprenait une petite cuisine, un salon, une salle de bain à trois pièces, une chambre à coucher et un balcon.

L’appartement était en désordre et présentait des signes évidents de perturbations. Il y avait des haltères sur le plancher. Des morceaux de meubles cassés jonchaient le sol de la cuisine et du couloir. Il y avait un banc de musculation dans le salon. La fenêtre supérieure en verre, qui donnait le balcon, était brisée et des éclats de verre jonchaient le balcon.

Un étui de projectile ARWEN de 37 mm était dans le corridor, près de la porte de l’appartement. L’ARWEN était à l’intérieur de l’appartement, à côté de la porte ouverte, et le projectile était dans le couloir de l’appartement.

Il y avait une flaque de sang séché et des traces de sang dans le salon. Dans la cuisine, un manche de vadrouille extensible cassé semblait correspondre à un tube métallique cassé trouvé sur la pelouse sous le balcon. Il y avait aussi dans la cuisine un haltère de 4,5 kilogrammes, sous une chaise renversée. D’autres haltères étaient à côté du banc de musculation.

Les enquêteurs ont prélevé l’étui et le projectile ARWEN ainsi qu’un échantillon de sang dans le salon. Ils ont photographié les lieux et des pièces à conviction.

Un agent de l’UIU a retiré les munitions de l’ARWEN en présence d’un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES. L’arme contenait trois cartouches actives. L’ARWEN et les cartouches ont été photographiées. Un agent de l’UIU a fourni une cartouche ordinaire et une cartouche à énergie réduite d’ARWEN. La cartouche à énergie réduite était marquée comme telle et contenait un projectile noir. La cartouche ordinaire n’avait pas ce marquage et le projectile était vert. La cartouche déployée lors de cet incident n’avait pas le marquage d’énergie réduite et le projectile était vert.

Les enquêteurs ont mesuré les lieux.

Schéma des lieux

Éléments de preuve matériels

Les enquêteurs ont récupéré sur les lieux un étui de cartouche et un projectile d’ARWEN.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]

Vidéo de téléphone jetable

Une caméra corporelle a enregistré la mise en place d’un téléphone jetable. Quatre vidéos ont été enregistrées. La résolution était médiocre et la prise de vue était depuis le sol, en visant vers le haut. Ces vidéos étaient sans valeur pour l’enquête, à l’exception de la vidéo numéro deux.

Sur la vidéo numéro deux, on peut voir le placement du téléphone jetable sur le balcon d’un appartement près de l’appartement du plaignant. À 16 h 24, un agent de police, l’AT no 1, enjambe la balustrade de l’appartement. Dans les secondes qui suivent, l’AT no 1 laisse tomber un téléphone sur le balcon de l’appartement du plaignant. On peut voir des éclats de verre sur le plancher en béton. La vue suivante est vers le sol en contre bas.

On a appris par la suite que le plaignant avait jeté le téléphone depuis le balcon; ceci n’a cependant pas été filmé sur la vidéo.
 

Vidéos de drone

L’UES a obtenu quatre vidéos prises par un drone de la PRY. Ces vidéos n’avaient ni horodatage ni audio. Les trois premières vidéos étaient utiles pour l’enquête.

La première vidéo dure 3 min 28 s. Elle montre le balcon de l’appartement du plaignant, qui a deux grandes fenêtres fixes, côte à côte, et une fenêtre coulissante au-dessous de chaque fenêtre fixe. Face au balcon depuis l’extérieur, la fenêtre de droite est brisée, avec un grand trou au milieu. Il y a une porte à droite de la fenêtre. On peut voir divers débris et un scooter électrique sur le balcon. Dans le salon, il y a un banc d’haltérophilie et un miroir. Personne et aucun mouvement ne sont visibles. On peut voir des agents de l’UIU sur le balcon à droite.

La deuxième vidéo dure 9 min 55 s. A 3 min 56 s du début de la vidéo, on peut voir un membre de l’UIU sur le balcon à droite de celui de l’appartement. Il n’y a aucun mouvement dans l’appartement du plaignant. Le drone finit sa trajectoire au niveau du sol.

La troisième vidéo dure 1 min 51 s. Le drone démarre du sol et monte jusqu’à l’extérieur de l’appartement du plaignant. Quatre agents de l’UIE sont sur le balcon à droite de celui de l’appartement et un agent est sur le balcon supérieur à droite. Une corde pend du balcon supérieur à droite au balcon de l’étage au-dessous. À 1 minute du début de la vidéo, un agent de l’UIU, attaché à la corde, enjambe le garde-corps et se penche au-delà de la séparation du balcon de l’appartement du plaignant. Cet agent semble tenir quelque chose dans la main droite. On peut voir une silhouette sombre traverser en courant le salon depuis la cuisine de l’appartement du plaignant. L’agent retourne sur le balcon de l’appartement à droite. Tous les agents de l’UIU se précipitent à l’intérieur en courant. La vidéo se termine au bout de 1 min 51 s

Enregistrements du négociateur

La PRY a remis à l’UES trois fichiers audio, dont aucun n’avait de date ni d’heure.

Le premier fichier audio dure 7 min 31 s et débute par l’appel d’un négociateur de la police qui demande au plaignant s’il va bien et s’il peut l’entendre. Le plaignant répond par une injure et raccroche. Le négociateur, qui s’est identifié par son prénom, rappelle à plusieurs reprises, et le plaignant ne cesse de couper l’appel. On peut entendre des agents parler en arrière-plan, mais leur conversation est inintelligible. On entend quelqu’un frapper à la porte et le négociateur parler au plaignant et lui demander s’il craint d’aller en prison. Il dit au plaignant qu’il s’agit d’accusations mineures et qu’on pourrait régler la situation. Le négociateur demande au plaignant s’il peut l’entendre, puis s’il va bien, après quoi l’enregistrement prend fin.

Le deuxième fichier audio dure 52 min. Le négociateur appelle le plaignant 15 fois et, à quatre reprises, les appels vont sur une boîte vocale sans message. Le négociateur dit au plaignant qu’ils pourraient trouver une solution. Le plaignant l’insulte et lui dit d’arrêter d’appeler. Le plaignant dit au négociateur qu’il ne va pas écouter.

Le troisième fichier audio dure 5 min 54 s Le négociateur appelle le plaignant huit fois et, à cinq reprises, les appels vont sur une boîte vocale sans message. Il n’y a pas de dialogue dans ce fichier audio.
 

Enregistrements des communications

Le 16 septembre 2021, à 9 h 59, des agents en uniforme sont envoyés à l’appartement du plaignant, sur le boulevard Inverlochy, pour l’arrêter pour accusations de Vol, Proférer des menaces et Défaut de se conformer à l’ordonnance de probation. Le Bureau des enquêtes criminelles dit qu’il s’agira d’une arrestation en frappant à la porte.

À 11 h 09, un agent de police signale que le plaignant leur a lancé un pied-de-biche du haut de son balcon. Le plaignant cogne et crie dans son appartement, et il semble en train de faire des dégâts.

À 11 h 35, on apprend que la mère du plaignant a été contactée et a dit que son fils l’avait déjà agressée. Elle craint que la santé mentale de son fils se soit détériorée. Il est censé vivre avec son grand-père, mais ce dernier n’est pas dans l’appartement.

A 12 h 08, l’équipe de l’UIU chargée de l’arrestation est en place. Le plaignant fait des va-et-vient constants entre l’intérieur de l’appartement et le balcon et parle au téléphone.

A 12 h 11, on annonce que le Bureau des enquêtes criminelles essaie d’obtenir un mandat Feeney.

À 12 h 26, le plaignant jette une bouteille de bière de son balcon et, à 12 h 42, il défie l’UIU d’entrer et de voir ce qui va se passer.

A 12 h 53, un périmètre de sécurité est établi à l’extérieur de l’immeuble.

À 13 h 03, un agent d’intervention en situation de crise parle au plaignant, mais sans succès.

À 14 h 41, le plaignant est sur le balcon et crie après les gens en contrebas. Il saigne à la main droite.

À 15 h 05, la mère du plaignant dit que si la police entre, il va se couper la gorge. Le plaignant a dit qu’il avait assez d’alcool, de nourriture et de drogues pour tenir toute la journée.

A 16 h 23, l’UIU place un téléphone jetable sur le balcon depuis un balcon voisin. Le plaignant brise la fenêtre de son balcon.

A 18 h 31, l’équipe d’intervention est prête à entrer.

À 18 h 34, les agents entrent et, à 18 h 35, on appelle les ambulanciers paramédicaux pour le plaignant, qui a été placé sous garde et a une coupure au visage. Le plaignant est debout, il respire et il parle.

Éléments obtenus auprès du service de police

L’UES examiné les dossiers suivants que lui a remis la PRY :
  • Rapport général d’incident (x5);
  • Résumé détaillé de l’appel;
  • Mandat Feeney;
  • Procédure générale – utilisation de la force;
  • Procédure générale – traitement d’un délinquant;
  • Antécédents d’implication de la PRY avec le plaignant;
  • Liste des agents;
  • Enregistrement audio et notes du négociateur;
  • Notes des ATs;
  • Photos (et tweets) de First Response Photography extraites de Twitter.com;
  • Dossier de formation de l’AI;
  • Enregistrements des communications de la PRY;
  • Vidéo de drone de la PRY;
  • Vidéo de la caméra corporelle d’un agent de la PRY;
  • Vidéo du téléphone jetable de la PRY.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments suivants obtenus auprès d’autres sources :
  • Rapports d’appel d’ambulance;
  • Dossiers médicaux – Centre Sunnybrook des sciences de la santé
  • Photos des blessures.

Description de l’incident

Le scénario suivant se dégage du poids des éléments de preuve recueillis par l’UES, qui comprenaient des entrevues avec le plaignant, l’AI et d’autres agents qui ont participé à l’arrestation du plaignant. L’enquête a également bénéficié d’un examen des enregistrements des communications de la police et de vidéos enregistrées par un drone qui ont capturé certaines parties de l’incident.

Dans la matinée du 16 septembre 2021, des agents en uniforme se sont présentés au domicile du plaignant – un appartement sur Inverlochy Boulevard, à Markham – pour l’arrêter pour vol, profération de menaces et violation des conditions de sa probation. Le plaignant a refusé de sortir de son appartement et de se rendre. Il était furieux et a commencé à détruire des objets dans son appartement. À un moment donné, alors que d’autres agents arrivaient sur les lieux, le plaignant a lancé un pied-de-biche dans leur direction depuis son balcon. Par la suite, il a aussi jeté une bouteille de bière et d’autres objets de son balcon. Comme la situation s’était transformée en une confrontation qui risquait de devenir violente, des agents de l’UIU ont été déployés sur les lieux.

En début d’après-midi, les membres de l’UIU avaient encerclé et confiné l’appartement du plaignant et étaient postés dans le corridor à l’extérieur de l’appartement et sur des balcons voisins. Des efforts pour communiquer avec le plaignant et négocier sa reddition en toute sécurité ont échoué. Le plaignant a refusé de répondre au téléphone la plupart du temps quand les négociateurs de la police ont tenté de le joindre et les quelques fois où il a répondu à leurs appels, il était en colère et les a injuriés. Le plaignant a également repoussé les tentatives d’un professionnel de la santé mentale appelé sur les lieux. Il a maintenu une attitude provocatrice tout au long de l’incident. Il a placé des meubles contre la porte pour empêcher de l’ouvrir vers l’intérieur et a menacé les agents de ce qu’il ferait s’ils entraient dans son appartement.

À mesure que le temps passait, un plan d’entrée a commencé à se dessiner après l’obtention d’un mandat Feeney pour l’arrestation du plaignant dans son appartement. Une équipe d’agents de l’UIU munis d’armes létales et d’armes à létalité atténuée entreraient de force dans l’appartement au moment opportun pour placer le plaignant sous garde. La police avait été informée par la mère du plaignant que sa santé mentale se détériorait. Elle leur avait également dit que son fils avait menacé de se trancher la gorge si les agents entraient dans l’appartement. Après avoir reçu cette information, les agents ont ajusté leur plan pour minimiser le risque que le plaignant se blesse. Il a notamment été décidé que les agents de l’UIU n’entreraient qu’après confirmation que le plaignant n’était pas sur son balcon. Ceci serait confirmé par un agent posté dans un immeuble voisin avec un télescope d’observation pour surveiller l’intérieur de l’appartement du plaignant à travers les fenêtres du balcon, et par des agents postés sur un balcon voisin.

Armé d’une ARWEN, l’AI faisait partie de l’équipe de l’UIU qui entrerait dans l’appartement. Cette équipe comprenait aussi l’AT no 4, qui utiliserait un bélier pour forcer la porte, l’AT no 3, équipé d’un bouclier balistique et d’une arme à impulsions, et l’AT no 2, armé d’une carabine C8. Le signal pour entrer dans l’appartement a été donné vers 18 h 30.

Un agent a déverrouillé la porte au moyen d’une clé passe-partout, puis l’AT no 4 a donné un coup dans la porte avec le bélier. La porte a été enfoncée, mais ne s’est pas ouverte complètement à cause des objets que le plaignant avait placés derrière. Alors que l’AT no 4 prenait position pour frapper de nouveau la porte, l’AI a déchargé son ARWEN dans l’appartement depuis le corridor. Au bruit du coup de bélier, le plaignant s’était précipité vers la porte en brandissant un haltère dans la main gauche. Il était à moins de cinq mètres du seuil de la porte quand le projectile de l’ARWEN tiré par l’AI l’a frappé au côté gauche du torse. L’impact a temporairement immobilisé le plaignant, qui est tombé par terre en position accroupie.

L’AT no 2 est entré en premier dans l’appartement après la décharge de l’ARWEN. Il a trouvé le plaignant derrière la porte et l’a traîné dans le salon où une lutte s’est ensuivie. Le plaignant était à plat ventre par terre, mais refusait de libérer ses bras de sous son torse pour se laisser menotter. D’autres membres de l’équipe sont entrés et se sont joints à la mêlée. L’AT no 3 s’est placé à droite du plaignant et l’a frappé trois fois. L’AT no 4, à gauche du plaignant, lui a donné un coup de poing dans le triceps gauche, puis un autre coup de poing à l’omoplate. L’AT no 1, qui était entré dans l’appartement par le balcon, a donné un seul coup de poing au haut de l’épaule droite du plaignant. Les agents sont finalement parvenus à maîtriser les bras du plaignant et à le menotter dans le dos.

Après son arrestation, le plaignant a été conduit à l’hôpital où on lui a diagnostiqué une fracture d’une côte gauche, une fracture du nez et une lacération à la rate. Il avait également une grande marque sur le côté gauche du torse – le résultat de l’impact du projectile ARWEN – qui correspondait aux blessures aux côtes et à la rate.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 16 septembre 2021, le plaignant a été grièvement blessé au cours de son arrestation quand un agent de la PRY a tiré sur lui. Cet agent a été désigné comme agent impliqué (AI) aux fins de l’enquête de l’UES qui a suivi et qui est maintenant terminée. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec ce tir.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police sont exonérés de toute responsabilité criminelle lorsqu’ils ont recours à la force dans l’exécution de leurs fonctions, pour autant que cette force est raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire en vertu de la loi.

Au moment où l’AI a déchargé son ARWEN sur le plaignant, les agents disposaient d’un mandat en vigueur les autorisant à entrer au domicile du plaignant pour procéder à son arrestation. En conséquence, les agents agissaient légalement pour placer le plaignant sous garde.

Quant au bien-fondé de la décharge de l’ARWEN par l’AI, je suis convaincu qu’elle était légalement justifiée. Les agents qui ont forcé la porte de l’appartement avaient de bonnes raisons de croire qu’ils seraient confrontés à un individu instable et violent. Le plaignant les avait menacés pendant plusieurs heures avant l’ouverture forcée de la porte. Il avait également lancé des objets depuis son balcon, dont un pied-de-biche, mettant en danger la sécurité des agents au sol et de passants. En outre, les agents savaient qu’il avait dit à sa mère qu’il se trancherait la gorge si la police entrait dans son appartement, ce qui soulevait une réelle inquiétude quant au fait qu’il était armé d’un couteau. Dans les circonstances, il était impératif de neutraliser le plaignant le plus rapidement possible une fois la porte ouverte. L’AI a expliqué qu’il avait déchargé son ARWEN quand il a vu le plaignant foncer vers la porte avec un haltère dans la main gauche. Son témoignage est étayé par le récit de l’AT no 1 qui, regardant l’entrée de ses collègues depuis une fenêtre du balcon, a vu le plaignant s’approcher de la porte avec un objet dans la main droite. Selon cette version des événements, les agents risquaient clairement une attaque imminente de la part du plaignant qui tenait une arme, quand l’AI, raisonnablement à mon avis, a tiré une balle moins létale sur lui. Selon un élément de preuve, le plaignant avait les mains vides. Je ne suis pas enclin à accepter cet élément de preuve, mais quoi qu’il en soit, cette divergence n’a guère d’importance. En effet, à la lumière du comportement belliqueux du plaignant tout au long de la confrontation, je ne peux pas raisonnablement conclure que l’AI était déraisonnable lorsqu’il a agi pour immobiliser temporairement le plaignant à distance en déchargeant son ARWEN, que le plaignant ait ou non une arme en mains. En fait, la décharge a bel et bien stoppé le plaignant dans son élan, donnant aux agents le temps de s’approcher de lui alors qu’il était dans une position désavantageuse.

Je suis également convaincu que la force physique exercée par les agents après la décharge de l’ARWEN, notamment les coups de poing assénés par l’AT no 1, l’AT no 3 et l’AT no 4, relevait de la force autorisée. Comme il l’avait prévenu, le plaignant s’est opposé physiquement à son arrestation et a résisté aux efforts des agents qui essayaient de le menotter. À ce moment-là, il y avait des éclats de verre à l’endroit où le plaignant luttait avec les agents, ce qui posait un risque de blessure si la lutte se prolongeait à terre. Dans les circonstances, il semblerait que les coups portés par les agents, chacun agissant indépendamment pour maîtriser le plaignant, étaient mesurés et proportionnés à la situation. Après le dernier coup, les agents ont réussi à menotter le plaignant dans le dos. Aucun autre coup n’a été porté. [3]

En conséquence, bien que j’accepte que les blessures aux côtes et à la rate soient le résultat de la décharge de l’ARWEN et que le plaignant a eu le nez cassé dans la mêlée qui a suivi, il n’y a aucun motif raisonnable de croire que les agents qui ont participé à l’arrestation du plaignant se soient comportés autrement que légalement tout au long d leur intervention. Il n’y a donc pas lieu de déposer des accusations criminelles dans cette affaire, et le dossier est clos.


Date : 14 janvier 2022


Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Nommé d’après la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Feeney, [1997] 2 R.C.S. 13 et obtenu en vertu de l’article 529 du Code criminel, un mandat Feeney autorise un agent de police à entrer de force dans une maison d’habitation pour procéder à une arrestation. [Retour au texte]
  • 2) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les éléments importants des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
  • 3) Selon un élément de preuve, le plaignant aurait reçu un coup de poing au nez après avoir été menotté et relevé en position assise sur le sol. Je ne suis pas enclin à donner effet à cette allégation à la lumière des faiblesses associées à cet élément de preuve. Qui plus est, on ne connait pas l’identité de l’agent responsable du coup de poing en question. Dans les circonstances, même si l’allégation, si elle est vraie, équivaudrait à une force excessive et à des voies de fait, cet élément de preuve ne permet pas de croire raisonnablement qu’un agent identifiable a commis une infraction criminelle. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.