Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OFD-007

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la mort d’un homme de 27 ans (le « plaignant ») survenue lors d’une interaction avec la police.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 5 janvier 2021, à 14 h 59, le Service de police régional de Niagara (SPRN) a informé l’UES qu’un agent avait tiré sur un homme dont on ignorait l’identité à ce moment-là.

Le SPRN a signalé que des agents de police avaient donné suite à un appel provenant d’une entreprise située sur Lundy’s Lane à Niagara Falls à 13 h 30, concernant un conducteur dont les facultés auraient été affaiblies. Un employé de l’entreprise avait signalé qu’un homme et une femme étaient inconscients dans une camionnette. Les agents du SPRN sont arrivés sur les lieux et les occupants de la camionnette ont pris la fuite à bord du véhicule. Le même véhicule avait été impliqué dans plusieurs poursuites plus tôt dans la journée à Welland, et possiblement aussi à Hamilton.

À 14 h 11, des agents du SPRN ont tenté d’utiliser une herse sur Niagara Parkway près de York Road, sans succès. On avait également tenté de procéder à un barrage routier roulant. Un agent de la Police provinciale de l’Ontario avait également déployé une herse. Un véhicule du Service de police des parcs du Niagara a ensuite été percuté.

À 14 h 21, la camionnette s’est arrêtée dans un fossé à l’intersection de Line 3 Road et de Niagara Parkway. À 14 h 22, on a signalé que du gaz poivré avait été utilisé, puis que des coups de feu avaient été tirés. Le SPRN a indiqué qu’un agent de police était impliqué dans la fusillade.

Le SPRN a ensuite indiqué que la mort de l’homme avait été constatée à 15 h 35 à l’hôpital de Niagara Falls. 

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 5 janvier 2021 à 15 h 19

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 5 janvier 2021 à 16 h 45

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 7

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 3

Nombre de spécialistes de la reconstitution des collisions de l’UES assignés : 1

Personne concernée (« le plaignant »)

homme de 27 ans, décédé

Témoins civils

TC 1 A participé à une entrevue
TC 2 A participé à une entrevue
TC 3 A participé à une entrevue
TC 4 A participé à une entrevue
TC 5 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue entre les 5 et 14 janvier 2021.

Agents impliqués

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

L’AI a participé à une entrevue le 14 juin 2021.

Agents témoins

AT n° 1 A participé à une entrevue
AT n° 2 A participé à une entrevue
AT n° 3 A participé à une entrevue
AT n° 4 A participé à une entrevue
AT n° 5 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT n° 6 A participé à une entrevue
AT n° 7 A participé à une entrevue
AT n° 8 A participé à une entrevue
AT n° 9 A participé à une entrevue
AT n° 10 A participé à une entrevue
AT n° 11 A participé à une entrevue
AT n° 12 A participé à une entrevue
AT n° 13 A participé à une entrevue
AT n° 14 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT n° 15 A participé à une entrevue
AT n° 16 A participé à une entrevue
AT n° 17 A participé à une entrevue
AT n° 18 A participé à une entrevue
AT n° 19 A participé à une entrevue
AT n° 20 A participé à une entrevue
AT n° 21 A participé à une entrevue
AT n° 22 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT n° 23 A participé à une entrevue
AT n° 24 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT n° 25 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT n° 26 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT n° 27 A participé à une entrevue
AT n° 28 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT n° 29 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT n° 30 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT n° 31 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT n° 32 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT n° 33 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT n° 34 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT n° 35 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT n° 36 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont été interrogés entre le 5 janvier et le 16 avril 2021.

Témoins employés du service

TES Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

Retard dans l’enquête

L’entrevue d’un agent témoin a été retardée, car ce dernier n’était pas de service en raison d’une blessure. Ensuite, on a jugé nécessaire de mener une entrevue avec un agent supplémentaire et cette entrevue a eu lieu le 16 avril 2021.

Le 19 février 2021, l’UES a demandé à réaliser une entrevue avec l’AI, mais n’a seulement été informé que l’AI lui fournirait une déclaration le 31 mai 2021.

L’UES n’a reçu le rapport de l’autopsie que le 21 juin 2021.

Éléments de preuve

Les lieux

La Niagara Parkway (également connue sous le nom de Niagara River Parkway) est une route panoramique qui suit la rive ouest de la rivière Niagara, de Fort Erie au sud à Niagara-on-the-Lake au nord. Line 3 Road croise la Niagara Parkway à angle droit, à environ quatre kilomètres au sud de Niagara-on-the-Lake. Il s’agit d’un secteur rural, avec des vignobles et de grandes résidences du côté ouest de la route, et l’escarpement de la rivière Niagara du côté est de la route. À l’intersection, il y a une piste cyclable/piste piétonnière et une passerelle du côté est de la Niagara Parkway. Un garde-fou protège le côté ouest de la passerelle.

Le plaignant conduisait une camionnette Ford F-150 rouge à cabine double (quatre portes). Cette camionnette a été retrouvée dans le fossé est, au nord de l’intersection et à l’est du sentier pédestre. La camionnette était entourée de véhicules de police à l’avant, à l’arrière et du côté du conducteur.

Les traces de pneus sur le sol, au sud de la camionnette, correspondent aux pneus de la camionnette qui ont tourné alors que le véhicule était à l’arrêt, créant ainsi des sillons sur le sol. Une trace dans l’asphalte près de la passerelle indique que la camionnette a roulé sur une jante avant de quitter la chaussée.

Une Chevrolet Tahoe de la Police provinciale de l’Ontario (PPO) était placée perpendiculairement devant la camionnette. Une Dodge Charger de la Police provinciale de l’Ontario était placée perpendiculairement à la porte du conducteur de la Chevrolet Tahoe. Le côté passager de la Chevrolet Tahoe n’était pas endommagé par la collision, ce qui indique que la camionnette du plaignant n’avait pas percuté la Chevrolet Tahoe.

Une Ford Explorer de la Police provinciale de l’Ontario était positionnée du côté du conducteur de la camionnette Ford F-150. Le côté passager de la Ford Explorer de la Police provinciale de l’Ontario présentait des dommages causés par la collision, ce qui indique qu’elle a percuté la camionnette. L’espace entre la Ford Explorer de la Police provinciale de l’Ontario et la camionnette Ford F-150 était très limité.

La vitre de la portière du conducteur de la Ford F-150 était brisée mais en place. Le trou dans la vitre correspond au passage d’une matraque car on avait tenté de retirer la vitre de la porte. La vitre de la portière arrière côté conducteur était baissée.

À l’intérieur de la camionnette, l’UES a trouvé deux douilles de pistolet sur le siège arrière (sur le schéma des lieux, les douilles trouvées semblent être dans la caisse de la camionnette, mais le schéma ne tient pas compte du fait que la camionnette était un modèle à cabine double à quatre portes).

Lors de l’examen de la camionnette sur les lieux et dans les jours qui ont suivi, un trou de balle a été découvert dans la console centrale du siège avant. Ce trou passait du siège arrière de la camionnette vers le bas jusqu’à la console avant.

Schéma des lieux

Éléments de preuve matériels

L’examen de la camionnette a révélé la présence d’au moins deux chalumeaux de butane à l’intérieur du véhicule.

À l’intérieur de la camionnette, il y avait un trou de balle à l’arrière de la console centrale située entre les deux sièges avant. La trajectoire du trou partait de la vitre de la portière arrière, côté conducteur, et descendait vers le bas. La balle est sortie de la console et a pénétré dans la partie inférieure du siège passager avant.

Deux douilles ont été retrouvées sur le siège arrière de la camionnette.


Figure 1 – La camionnette encerclée par les véhicules de police


Figure 2 – L’arme à feu et les chargeurs de l’AI.


Figure 3 – Vitre du côté conducteur de la camionnette


Figure 4 – Photo d’objets sur le plancher du siège du passager arrière de la camionnette (photo prise par le SPRN).


Figure 5 – Photo du chalumeau de butane (Photo prise par le SPRN)

Éléments de preuves médicolégaux

Le 25 février 2021, le Centre des sciences judiciaires (CSJ) a signalé que des agents lacrymogènes (éléments de l’aérosol d’oléorésine capsicum [OC]) avaient été trouvés dans des prélèvements effectués dans les voies nasales du plaignant.

Le 14 avril 2021, le CSJ a également confirmé que les deux douilles trouvées dans la camionnette provenaient du pistolet de l’AI.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[1]

L’UES a fait le tour du secteur à la recherche de photographies et d’enregistrements audio et vidéo pertinents. Aucun enregistrement vidéo n’a été obtenu des résidences et des entreprises du secteur.

Système de télévision en circuit fermé (CCTV) d’un commerce situé sur Lundy’s Lane

L’enregistrement vidéo d’un commerce situé sur Lundy’s Lane montre la camionnette rouge du plaignant arrivant dans le stationnement arrière à 12 h 43. Le plaignant a mal garé la camionnette en travers de l’extrémité ouverte des places de stationnement dans le parc de stationnement. À 13 h 11, trois personnes se sont approchées du côté conducteur de la camionnette rouge. L’un des hommes a utilisé un téléphone cellulaire pour passer un appel.

À 13 h 23, deux VUS du SPRN sont arrivés et se sont arrêtés devant la camionnette rouge, l’un à l’angle avant du côté passager et l’autre à l’angle avant du côté conducteur. Un agent de police s’est approché de la portière du conducteur, tandis que l’autre agent de police a placé une herse derrière les pneus avant de la camionnette. Il a ensuite déplacé la herse devant les pneus de la camionnette. L’agent qui se trouvait du côté passager de la camionnette a alors frappé à la vitre de la porte avant côté passager. Les feux de position de la camionnette se sont allumés et la camionnette a quitté le stationnement en marche arrière. Les deux agents de police, armes à feu dégainées, ont marché de chaque côté de la camionnette. Ils ont ensuite rengainé leurs armes à feu, sont retournés à leurs véhicules et ont quitté le stationnement.

Système CCTV - Centre des opérations en temps réel du SPRN (COTR)

À 13 h 39, l’enregistrement vidéo du COTR montre un VUS du SPRN qui tourne de Drummond Road à Lundy’s Lane en direction ouest. Alors que le véhicule de police roulait en direction ouest, l’agent de police [l’AI] a allumé les gyrophares et a fait demi-tour, au moment où la camionnette rouge le dépassait en direction est à grande vitesse. À Drummond Road, le conducteur de la camionnette rouge s’est garé dans le stationnement d’un restaurant Red Lobster afin d’éviter la circulation qui était arrêtée à un feu rouge à Drummond Road. Le garde-boue côté conducteur de la camionnette était manquant.

Le plaignant a traversé le stationnement du restaurant en direction sud. L’AI le poursuivait. Le plaignant s’est ensuite engagé sur Drummond Road, a roulé en direction nord et a tourné en direction est sur Lundy’s Lane. L’AI était toujours à sa poursuite.

Lundy's Lane devient la rue Ferry à la prochaine grande intersection, soit la rue Main. À cette intersection, le plaignant a traversé l’intersection en direction est. L’AI le poursuivait toujours.

En continuant vers l’est, la rue Ferry devient l’avenue Victoria. À 13 h 42, le plaignant roulait en direction est sur l’avenue Victoria et a brûlé un feu rouge à Clifton Hill. Aucun véhicule de police ne le poursuivait à ce moment-là.

Rapport sur le vol d’un véhicule

La camionnette Ford F-150 rouge que conduisait le plaignant avait été signalée comme volée dans la région de Hamilton le 15 décembre 2020.

Interaction du Service de police de Hamilton (SPH) avec le véhicule

Le 5 janvier 2021 à 9 h 5, un agent a aperçu un véhicule suspect garé dans le stationnement du restaurant Tim Hortons situé au 1242 de l’autoroute 8, à Winona. La camionnette Ford F-150 rouge bloquait partiellement la voie du service au volant. Le moteur du véhicule était en marche et le conducteur était endormi au volant. L’agent a vérifié le numéro de la plaque d’immatriculation et a découvert que le véhicule avait été signalé comme volé.

Le conducteur de la camionnette a ensuite pris la fuite, et son véhicule a été vu pour la dernière fois roulant à grande vitesse en direction est sur l’autoroute 8, en direction de la circulation en sens inverse. Aucune poursuite n’a été entamée et il n’y a pas eu d’autre interaction avec le véhicule de la part du SPH.

Le SPRN et la Police provinciale de l’Ontario ont été informés de l’incident.

Vidéo captée à l’aide du système CCTV du restaurant Tim Horton - Winona

Dans une vidéo captée au restaurant Tim Hortons de Winona, on peut voir une camionnette entrant dans le stationnement du restaurant le 5 janvier 2021 à 5 h 55. Le conducteur de la camionnette s’est garé sur les marquages destinés à délimiter l’aire de stationnement de la voie de service au volant. Les phares de la camionnette sont restés allumés. L’enregistrement vidéo n’était pas assez clair pour permettre de déterminer le nombre d’occupants dans le véhicule.

À 9 h 12, la camionnette, une Ford rouge à cabine double, s’est avancée et a tourné à gauche, hors du champ de vision de la caméra. Le côté passager de la camionnette ne semblait pas avoir été endommagé à ce moment-là. Aucun véhicule de police n’était visible sur la séquence vidéo.

Enregistrements de rapports et de communications du Système de répartition assistée par ordinateur (RAO) de la Police provinciale de l’Ontario

Le 5 janvier 2021 à 11 h 19, un appelant a signalé qu’une camionnette stationnée dans une résidence avait l’avant endommagé. L’appelant a déclaré qu’il y avait deux hommes et une femme dans le véhicule. L’appelant pense que le véhicule a probablement été volé et que l’un des occupants titubait dans tous les sens, probablement sous l’influence de la drogue.

À 11 h 30, un agent de la Police provinciale de l’Ontario a signalé que le véhicule avait fui le secteur en direction de l’est, mais qu’il ne s’était pas lancé à sa poursuite. À 11 h 31, on a signalé qu’une herse avait été déployée et à 11 h 32, on a signalé que la herse avait endommagé un pneu du côté conducteur du véhicule. Des agents de la Police provinciale de l’Ontario s’étaient lancés à la poursuite de la camionnette qui se dirigeait vers le nord.

À 11 h 34, le sergent des communications de la Police provinciale de l’Ontario a ordonné que la poursuite prenne fin et les agents impliqués ont respecté cet ordre. On a demandé que le SPRN et le SPH soient informés de la présence de la camionnette.

À 11 h 56, on a signalé que le véhicule suspect avait heurté une maison et un véhicule stationné en tentant d’échapper à la police.

À 12 h 39, l’agent de police qui s’était rendu au domicile a signalé qu’il était en route vers le poste de police avec une personne mise sous garde.

Vers 13 h 47, un agent de la Police provinciale de l’Ontario a signalé qu’il avait retrouvé le véhicule suspect. L’agent a indiqué que la camionnette avait brûlé un feu rouge, mais qu’il n’était pas à sa poursuite. L’agent a ensuite signalé qu’il tentait d’arrêter le véhicule et que la camionnette avait roulé par-dessus un trottoir. L’agent de police a indiqué qu’il allait mettre fin à ses efforts pour arrêter le véhicule. Il a signalé que le hayon de la camionnette s’était ouvert.

Plus tard (heure non indiquée sur l’enregistrement des communications), l’AT n° 2 de la Police provinciale de l’Ontario a signalé qu’il avait vu le véhicule suspect et qu’il était suivi par environ huit véhicules de police se dirigeant vers le nord sur Niagara Parkway. Un autre agent de police a confirmé qu’une herse avait été déployée avec succès. Un agent de la Police provinciale de l’Ontario qui suivait le véhicule suspect a fourni des renseignements sur l’emplacement du véhicule. Il a indiqué qu’environ six véhicules de police tentaient d’encercler le véhicule suspect, mais que le conducteur de la camionnette continuait d’essayer de leur échapper. L’AT n° 2 a confirmé que le pneu avant droit de la camionnette avait été endommagé.

Un agent de la Police provinciale de l’Ontario a signalé qu’un contact avait été établi avec le véhicule. L’AT n° 1 de la Police provinciale de l’Ontario a alors signalé que des coups de feu avaient été tirés. L’AT n° 2 de la Police provinciale de l’Ontario a indiqué qu’il avait fait sortir la passagère de la camionnette. L’AT n° 1 a déclaré que le suspect était toujours dans le véhicule et qu’il essayait toujours d’accélérer pour s’enfuir. L’AT n° 1 a ensuite indiqué que la camionnette s’était immobilisée et que le conducteur avait été atteint de deux projectiles. La passagère de la camionnette avait été identifiée.

Un employé du centre de communication de la Police provinciale de l’Ontario a par la suite communiqué avec l’AT n° 1 et a demandé un résumé de la situation. L’AT n° 1 a indiqué que des agents de la Police provinciale suivaient des véhicules du SPRN et que, pendant qu’il installait une herse, il a vu des véhicules entrer en collision, sans savoir s’il s’agissait de véhicules du SPRN ou de la Police provinciale de l’Ontario. Il a vu la camionnette se faire bloquer, mais le conducteur de la camionnette a continué d’accélérer et a pu continuer en percutant quelques véhicules avant de se retrouver coincé contre des buissons. La camionnette a continué à avancer et l’AT n° 1 s’est garé près d’une Chevrolet Tahoe de la Police provinciale de l’Ontario que le conducteur de la camionnette essayait de pousser hors de son chemin. L’AT n° 1 a confirmé qu’il s’agit bien d’un agent de police du SPRN qui a tiré les coups de feu. Il a déclaré que le conducteur de la camionnette avait percuté l’AT n° 3.

Enregistrements de rapports et de communications du Système de répartition assistée par ordinateur (RAO) du SPRN

Le 5 janvier 2021, à 9 h 52, un automobiliste a appelé le SPRN pour signaler qu’il suivait une camionnette Ford F-150 de couleur bourgogne qui circulait sur toute la route. L’appelant a déclaré que la camionnette avait des dommages sur le côté et qu’elle s’était arrêtée dans le stationnement d’une école à Fenwick. L’appelant a déclaré qu’un occupant de la camionnette, qui n’était pas le conducteur, était en train de décharger de grands bacs en plastique et était probablement au courant que l’appelant était au téléphone. À 9 h 57, des agents de police ont été dépêchés à l’école.

Un agent de police a déclaré qu’il suivait le véhicule cible en direction ouest sur Canboro Road, que la camionnette roulait « à une bonne vitesse » et dépassait les véhicules à 130 km/h. L’agent de police a ensuite indiqué que la camionnette Ford marron se dirigeait vers le nord sur Victoria Road et que l’agent interrompait la poursuite. L’agent de police est retourné à l’école et s’est entretenu avec le plaignant. L’agent a indiqué qu’il y avait trois occupants dans le véhicule, et a fourni le numéro de la plaque d’immatriculation au répartiteur. Ce dernier a indiqué qu’il s’agissait du même véhicule que celui mentionné par le SPH plus tôt dans la matinée dans le cadre d’une poursuite.

À 13 h 28, un employé d’un commerce situé sur Lundy’s Lane a signalé que deux personnes étaient inconscientes dans une camionnette garée dans le stationnement arrière. La camionnette était garée dans le stationnement depuis environ dix minutes. L’appelant a signalé que le côté conducteur du véhicule était endommagé et a fourni le numéro de la plaque d’immatriculation du véhicule. Le répartiteur a conseillé à l’appelant de ne pas s’approcher du véhicule. Des agents de police et des ambulanciers ont été dépêchés sur les lieux.

À 13 h 38, des agents de police étaient sur les lieux. À 13 h 39, la camionnette a fui vers l’est sur Lundy’s Lane.

Un agent de police [l’AI] a tenté de cerner la camionnette près d’un restaurant Red Lobster, mais le conducteur a poursuivi sa route. Selon les renseignements obtenus, la camionnette se faufilait dans la circulation. L’AI a indiqué que la route était dégagée et que la camionnette roulait à environ 100 km/h. À 13 h 41, l’AT n° 11 a ordonné que la poursuite soit interrompue. L’AI a confirmé qu’il avait mis fin à la poursuite à l’intersection de Clifton Hill et de Lundy’s Lane, et que la camionnette avait brûlé un feu rouge à cet endroit. Le COTR a signalé l’emplacement de la camionnette et l’AI a déclaré qu’il « conduisait tranquillement » vers la camionnette. Le Service de police des parcs du Niagara (SPPN) et la Police provinciale de l’Ontario ont été informés de la situation.

À 13 h 55, la Police provinciale de l’Ontario a indiqué qu’elle avait retrouvé le véhicule, mais qu’elle ne le poursuivait pas. À 13 h 56, on a signalé que la Police provinciale de l’Ontario tentait d’arrêter le véhicule, mais qu’après une brève poursuite, à 13 h 57, elle ne poursuivait plus le véhicule.

À 14 h 2, l’AT n° 11 a ordonné qu’aucun agent du SPRN ne poursuive la camionnette à grande vitesse, et a déclaré qu’il serait préférable que le conducteur abandonne le véhicule et que des chiens policiers puissent ensuite suivre la piste du conducteur.

À 14 h 11, des agents du SPRN ont repéré le véhicule et ont déployé une herse à l’intersection de York Road et de Niagara Parkway. À 14 h 12, on a signalé que la camionnette roulait en direction est à grande vitesse.

La Police provinciale de l’Ontario a été informée de la poursuite et est intervenue. À 14 h 15, on a signalé qu’un pneu du côté passager de la camionnette avait été endommagé. À 14 h 16, on a signalé que la camionnette se dirigeait vers Niagara-on-the-Lake.

À 14 h 17, l’AT n° 11 a demandé à un agent du SPRN de se placer devant la camionnette pour essayer de la ralentir. Les agents de police ont réussi. L’AT n° 11 a continué à encourager les agents de police à ralentir le véhicule avant qu’il n’atteigne Niagara-on-the-Lake. On a alors signalé que la Police provinciale de l’Ontario avait déployé une herse devant la camionnette.

À 14 h 21, l’AT n° 23 du SPPN a signalé que la camionnette avait percuté son véhicule et qu’il se trouvait de nouveau en tête de la file de véhicules qui tentaient de l’appréhender.

À 14 h 21, on a signalé que la camionnette se trouvait dans un fossé sur Line 3 Road. À 14 h 22 min 13 s, un aérosol de OC a été utilisé et, à 14 h 22 min 19 s, un agent du SPPN a signalé que des coups de feu avaient été tirés. À 14 h 30, des agents de l’Unité d’intervention en cas d’urgence du SPRN ont indiqué qu’ils étaient en train de sortir le conducteur du véhicule et de commencer la réanimation cardio-pulmonaire.

À 14 h 38, on a signalé que la passagère de la camionnette avait été identifiée (nom incorrect fourni, il s’agit en fait du TC n° 1) et qu’elle avait affirmé avoir rencontré le conducteur sur Internet la veille.

Éléments obtenus auprès des services de police

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, le SPRN :
  • Une copie du résumé de l’appel concernant l’intervention de la police auprès du commerce situé sur Lundy’s Lane à Niagara Falls
  • Un enregistrement de la caméra de CCTV du commerce situé sur Lundy’s Lane
  • Un enregistrement de la caméra de CCTV du centre de surveillance COTR
  • Une liste des résidences sollicitées par le SPRN après l’incident
  • Une liste des témoins civils interrogés et des copies des entrevues avec les témoins civils
  • Une copie des enregistrements des communications radio et téléphoniques
  • Un résumé de l’entrevue du TC n° 1 par le SPRN
  • Une liste des objets saisis dans la camionnette en cause
  • Un résumé des infractions répertoriées du plaignant
  • Une liste d’incidents impliquant le plaignant
  • Une liste des véhicules de police utilisés par les agents impliqués
  • Les notes de tous les agents témoins désignés
  • Un résumé de la formation du SPRN pour l’AI
  • Des photos prises lors de l’examen de la camionnette en cause par le SPRN
  • Des photos des lieux, prises avant et après l’examen de ceux-ci par l’UES
  • Des photos prises de la dépouille du plaignant à l’hôpital
L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, la Police provinciale de l’Ontario :
  • Des enregistrements des communications
  • Le rapport du système RAO concernant la poursuite de la camionnette dans l’après-midi du 5 janvier 2021
  • Le rapport sur les détails de l’incident concernant un appel à une résidence
  • Les notes des cinq témoins désignés
  • Les données GPS des agents témoins impliqués
L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, le SPH :
  • Un rapport d’incident général concernant le signalement d’une camionnette volée
  • Un rapport d’incident général concernant la camionnette qui a été retrouvée stationnée dans un restaurant Tim Hortons
  • Une copie d’un enregistrement d’un système de CCTV obtenu du restaurant Tim Hortons à Winona
  • Un courriel expliquant l’activité policière liée à la découverte de la camionnette au restaurant Tim Hortons
  • Un rapport d’incident général (incident non lié)

Éléments obtenus auprès de la Commission des parcs du Niagara

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, la NPPS :
  • Les notes des trois agents témoins désignés de la NPPS

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments et documents suivants d’autres sources :
  • Un enregistrement vidéo de la scène capté par le TC n° 4 le 5 janvier 2021.

Description de l’incident

Le scénario suivant se dégage des éléments de preuve recueillis par l’UES, qui comprenait des entrevues avec l’AI, plusieurs témoins civils et des agents qui ont vu certaines parties de l’incident en question.

Dans l’après-midi du 5 janvier 2021, le plaignant était au volant d’une camionnette Ford F 150 volée lorsque son véhicule a été forcé de quitter la route et entouré de voitures de police. Les agents sont sortis de leurs véhicules et ont convergé vers la camionnette. L’AI était l’un de ces agents. En quelques secondes, l’agent a utilisé son arme à feu pour tirer deux fois sur le plaignant.

Le plaignant avait été poursuivi à plusieurs reprises par des agents de plusieurs services de police dans les heures précédant la fusillade. Peu après 9 h, alors qu’il était garé et qu’il bloquait partiellement la voie de circulation d’un restaurant Tim Hortons à Hamilton, le plaignant a été réveillé par un agent du SPH qui avait été appelé à se rendre sur les lieux. Le plaignant était accompagné du TC n° 1 et d’un homme. Le plaignant a pris la fuite à bord de la camionnette à grande vitesse, en direction est sur l’autoroute 8. Le SPRN et la Police provinciale de l’Ontario ont été informés de l’affaire.

Vers 9 h 50, un automobiliste a communiqué avec le SPRN pour signaler qu’une camionnette - celle que conduisait le plaignant - était endommagée et roulait de façon irrégulière. Un agent du SPRN a retrouvé la camionnette et l’a poursuivie sur Canboro Road. La poursuite a été abandonnée alors que le plaignant, roulant à une vitesse de 130 km/h, se dirigeait vers le nord sur l’avenue Victoria.

À 11 h 30, un agent de la Police provinciale de l’Ontario se rendant à une adresse à Dunnville a repéré le véhicule, mais ne s’est pas lancé à sa poursuite. L’appelant, craignant que le véhicule soit volé et que ses occupants aient les facultés affaiblies, avait communiqué avec la police pour signaler la présence du véhicule endommagé. L’un des occupants était descendu de la camionnette avant que celle-ci ne quitte le secteur. Quelques instants plus tard, la Police provinciale de l’Ontario a poursuivi la camionnette pendant un court moment avant de mettre fin à la poursuite.

Le plaignant et son seul passager, le TC n° 1, se sont rendus dans un commerce situé sur Lundy’s Lane, à Niagara Falls, et se sont garés dans le stationnement et se sont endormis. Ils ont été réveillés par l’AT n° 11 et l’AT n° 10, des agents du SPRN dépêchés sur les lieux à la suite d’un appel à la police par un employé de l’entreprise. Son chemin étant bloqué par les agents à bord de leurs véhicules de police, le plaignant a fait marche arrière et a quitté le stationnement, se dirigeant vers Lundy’s Lane. Il a ensuite pris la fuite à grande vitesse vers l’est. Il était environ 13 h 40.

L’AI se dirigeait vers l’ouest sur Lundy’s Lane lorsqu’il a remarqué que la camionnette passait devant lui. Il a donc fait demi-tour et a brièvement poursuivi la camionnette en direction est jusqu’à la rue Ferry, puis l’a perdue de vue.

Le SPRN a de nouveau repéré la camionnette à l’est de York Road, roulant en direction de Queenston. L’AT n° 11, à la recherche de la camionnette dans le secteur de York Road et de l’intersection de Niagara Parkway a installé une herse en travers de la route. Il était accompagné d’un agent du NPPS - l’AT n° 23 - qui a fait de même. Le plaignant a roulé sur l’une des herses et a continué à traverser l’intersection en direction de Queenston. Il était environ 14 h 15.

Le pneu du côté passager avant de la camionnette a été endommagé par la herse et, avec le temps, s’est complètement détaché de la jante, mais le plaignant a continué à rouler. Il est retourné vers Niagara Parkway et s’est dirigé vers le nord à environ 60 km/h. Derrière lui se trouvait un convoi de véhicules du SPRN, du NPPS et de la Police provinciale de l’Ontario dont l’équipement d’urgence était activé. Parmi les agents présent se trouvait notamment l’AT n° 11.

La circulation sur Niagara Parkway était fluide et l’AT n° 11 a vu une occasion d’arrêter la camionnette. Il a demandé aux agents à bord des véhicules du SPRN de se placer devant le plaignant pour le ralentir. Le plan était d’encercler la camionnette avec des véhicules de police afin d’effectuer un barrage roulant.

Le plaignant semblait comprendre ce qui se passait et faisait ce qu’il pouvait pour éviter la situation. Il a conduit devant les véhicules de police qui tentaient de passer et, lorsque l’un d’eux l’a fait, il a pu le dépasser à nouveau. Un certain nombre d’automobilistes roulant vers le sud ont dû prendre certaines mesures pour éviter une collision.

Deux agents de la Police provinciale de l’Ontario et deux agents du SPRN, chacun dans son véhicule, se déplaçaient vers l’est sur la Line 3 Road en direction de Niagara Parkway alors que la poursuite à vitesse réduite se rapprochait de l’intersection. L’AI, au volant d’un Ford Explorer, était le premier. Alors que le plaignant s’approchait de l’intersection, l’agent a percuté le côté conducteur de la camionnette avec la partie avant de son véhicule. L’impact a poussé la camionnette dans le garde-fou d’une courte passerelle parallèle à Niagara Parkway du côté est, en face de Line 3 Road. Le plaignant a continué à avancer et la camionnette a été percutée de nouveau - du côté conducteur avant - par un véhicule de police que conduisait le second agent du SPRN, soit l’AT n° 7. Le plaignant a tout de même réussi à conduire lentement la camionnette au-delà du garde-fou du pont, et c’est à ce moment-là que le côté conducteur avant de la camionnette a été frappé une troisième fois - cette fois-ci, par le côté passager avant d’un Ford Explorer conduit par l’un des agents de la Police provinciale de l’Ontario, soit l’AT n° 3.

Au moment de la troisième collision, la camionnette se trouvait dans le fossé herbeux du côté est de la chaussée. Le plaignant a continué d’accélérer et a pu manœuvrer la camionnette et le Ford Explorer de l’AT n° 3 sur une certaine distance vers le nord avant que le véhicule ne puisse continuer à avancer et ne reste bloqué. Le plaignant a continué à faire tourner les roues du véhicule mais, à part le fait que l’arrière du véhicule se soit déplacé d’un côté à l’autre, cela n’a servi qu’à faire un nuage de fumée noire, du bruit et des sillons sur le sol. L’AT n° 4, soit le second agent de la Police provinciale de l’Ontario sur Line 3 Road, a placé le côté passager de sa Chevrolet Tahoe en travers de la partie avant de la camionnette. L’AT n° 10, au volant d’un VUS Chevrolet, s’est approché de l’arrière de la camionnette et s’est immobilisé. L’Explorer de l’AT n° 3 se trouvait à proximité du côté conducteur de la camionnette.

Le plaignant étant coincé, les agents sont sortis de leurs véhicules de police et se sont précipités vers la camionnette. Ils ont crié au plaignant d’arrêter la camionnette et de mettre ses mains en l’air. Ce dernier a ignoré leurs ordres et a continué à appuyer sur l’accélérateur. La porte avant du conducteur était fermée et les efforts pour l’ouvrir, y compris les tentatives de briser la vitre, se sont avérés vains. À un moment donné, les AT n° 7 et n° 23 ont pulvérisé de l’aérosol de OC dans la camionnette par la vitre arrière ouverte du côté conducteur.

Bien que gêné par l’aérosol, le plaignant ne s’est pas rendu. Il a tendu son bras droit vers le plancher des sièges arrière et a commencé à fouiller dans un sac de sport. L’AI, qui se tenait près de la vitre arrière ouverte côté conducteur, arme dégainée et pointée vers le plaignant, lui a demandé d’arrêter de fouiller dans le sac. Craignant que le plaignant ne cherche une arme, l’agent a visé l’épaule droite du plaignant et a tiré une fois. Alors que le plaignant continuait à fouiller dans le compartiment arrière et que sa main droite tenait ce que l’AI croyait être une arme, l’AI a tiré une deuxième fois. Cette fois-ci, il a visé l’arrière du siège du conducteur. Le plaignant est alors retombé sur le siège du conducteur et est resté immobile.

Se rendant compte que le plaignant avait été blessé par balle et avait besoin de soins médicaux, l’AT n° 11 a grimpé sur les sièges arrière de la camionnette et a tenté de le sortir du véhicule. Des agents de l’Unité d’intervention en cas d’urgence du SPRN qui étaient arrivés sur les lieux ont sorti le plaignant du véhicule et des soins médicaux d’urgence lui ont été prodigués en attendant l’arrivée des ambulanciers paramédicaux.

Le plaignant n’a pas pu être réanimé à l’hôpital et sa mort a été constatée.

Cause du décès

Le médecin légiste qui a pratiqué l’autopsie a conclu que le décès du plaignant était attribuable à une « blessure par balle dans le dos ». Le plaignant n’avait subi qu’une seule blessure par balle, soit une balle qui a pénétré dans le haut de son dos, du côté droit. La balle, extraite du sternum, avait traversé son corps de l’arrière vers l’avant et légèrement de droite à gauche.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  • a) soit à titre de particulier
  • b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  • c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  • d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

(2) Lorsqu’une personne est, par la loi, obligée ou autorisée à exécuter un acte judiciaire ou une sentence, cette personne ou toute personne qui l’assiste est, si elle agit de bonne foi, fondée à exécuter l’acte judiciaire ou la sentence, même si ceux-ci sont défectueux ou ont été délivrés sans juridiction ou au-delà de la juridiction.

(3) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), une personne n’est pas justifiée, pour l’application du paragraphe (1), d’employer la force avec l’intention de causer, ou de nature à causer la mort ou des lésions corporelles graves, à moins qu’elle n’estime, pour des motifs raisonnables, que cette force est nécessaire afin de se protéger elle-même ou de protéger toute autre personne sous sa protection, contre la mort ou contre des lésions corporelles graves.

(4) L’agent de la paix, ainsi que toute personne qui l’aide légalement, est fondé à employer contre une personne à arrêter une force qui est soit susceptible de causer la mort de celle-ci ou des lésions corporelles graves, soit employée dans l’intention de les causer, si les conditions suivantes sont réunies :

  • a) il procède légalement à l’arrestation avec ou sans mandat;
  • b) il s’agit d’une infraction pour laquelle cette personne peut être arrêtée sans mandat;
  • c) cette personne s’enfuit afin d’éviter l’arrestation;
  • d) lui-même ou la personne qui emploie la force estiment, pour des motifs raisonnables, cette force nécessaire pour leur propre protection ou celle de toute autre personne contre la mort ou des lésions corporelles graves — imminentes ou futures;
  • e) la fuite ne peut être empêchée par des moyens raisonnables d’une façon moins violente.
(5) L’agent de la paix est fondé à employer contre un détenu qui tente de s’évader d’un pénitencier — au sens du paragraphe 2 (1) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition — une force qui est soit susceptible de causer la mort de celui-ci ou des lésions corporelles graves, soit employée dans l’intention de les causer, si les conditions suivantes sont réunies :

  • a) il estime, pour des motifs raisonnables, que ce détenu ou tout autre détenu représente une menace de mort ou de lésions corporelles graves pour lui-même ou toute autre personne;
  • b) l’évasion ne peut être empêchée par des moyens raisonnables d’une façon moins violente.

Analyse et décision du directeur

Le 5 janvier 2021, le plaignant a été atteint par des projectiles tirés par un agent du SPRN et a succombé à ses blessures. L’AI a été identifié comme l’agent impliqué aux fins de l’enquête de l’UES qui a suivi. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des preuves, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement à la mort du plaignant.

En vertu de l’article 25 (1) du Code criminel, les agents de police sont exonérés de toute responsabilité criminelle pour la force utilisée dans l’exercice de leurs fonctions, à condition que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’exécution d’un acte qu’ils étaient tenus ou autorisés à faire par la loi. Dans le cas d’une force mortelle, le paragraphe 25 (3) prévoit en outre qu’une telle force n’est pas justifiée à moins que l’agent ne croie raisonnablement, au moment où il l’utilise, qu’elle est nécessaire à sa propre protection ou à celle d’une autre personne placée sous sa protection contre la mort ou contre des lésions corporelles graves. Dans le cas présent, je ne peux pas raisonnablement conclure que l’AI a agi en dehors du cadre de la protection reconnue par l’article 25 du Code criminel.

Au moment de la fusillade, les agents présents sur les lieux, y compris l’AI, avaient des motifs raisonnables de croire que le plaignant conduisait un véhicule volé et qu’il avait conduit le véhicule avec un manque de considération pour la vie et la sécurité des piétons et des véhicules qui l’entouraient. Dans ces circonstances, les agents avaient le droit de chercher à arrêter le plaignant.

Je suis également convaincu que l’AI, au moment de la fusillade, a déchargé son arme en croyant raisonnablement qu’il était nécessaire de le faire pour sa survie. C’est ce qu’il a dit à l’UES lors de son entrevue, et il n’y a pas suffisamment de preuves dans le dossier pour ne pas croire l’agent sur parole. L’AI a notamment cru que le plaignant était en train de chercher une arme à feu lorsqu’il a déchargé son arme la première fois, et que le plaignant avait récupéré une arme et était sur le point de tirer au moment du deuxième tir. Bien qu’il soit clair que les perceptions de l’AI étaient erronées - il n’y avait pas d’arme dans la camionnette et le plaignant n’avait pas d’arme à sa disposition pendant la fusillade - je ne suis pas convaincu que ses erreurs étaient déraisonnables dans les circonstances.

Considérez le contexte. Au moment où sa camionnette a été immobilisée sur le bord de la route, le plaignant avait entraîné des agents de quatre services de police dans un acte de violence qui a duré plusieurs heures dans les rues de plusieurs territoires. La vie de tiers a été directement mise en danger, carle plaignant a brûlé des panneaux d’arrêt et des feux rouges, a largement dépassé la limite de vitesse, a traversé des voies de circulation en sens inverse et a heurté des objets sur son passage. Aucune personne raisonnable n’aurait pu douter de la détermination du plaignant à échapper à tout prix à l’arrestation par la police.

Considérez également les circonstances immédiates qui prévalaient au moment de la fusillade. Bien qu’il soit entouré d’agents et de voitures de patrouille de tous les côtés, le plaignant a continué à essayer de se dégager du barrage de police. Il a fait tourner le moteur et s’est dirigé d’un côté à l’autre, créant de la fumée et projetant de la poussière dans l’air, et faisant raisonnablement craindre aux agents pour leur sécurité si la camionnette prenait de la vitesse et se mettait en mouvement. Dans ce contexte, je ne peux pas reprocher à l’AI de s’être approché de la vitre arrière ouverte du côté conducteur avec son arme dégainée et pointée vers le plaignant. Par la suite, lorsque le plaignant a tendu son bras droit vers l’arrière, vers un sac de sport situé dans le compartiment arrière du véhicule, l’AI avait des raisons de croire qu’il tentait d’accéder à une arme à feu. Dans ces circonstances, l’agent avait le droit de se défendre contre un danger imminent et raisonnablement envisagé pour sa vie et son intégrité physique. Par la suite, lorsque l’AI a cru voir une arme à feu dans la main du plaignant, il était également légitime de répondre à une attaque potentiellement mortelle par sa propre force mortelle.

À titre de rappel, le plaignant n’avait pas réellement d’arme à feu, ni accès à une arme à feu, au moment où l’AI a tiré. Cependant, il est important de prendre note de plusieurs éléments de preuve qui se prêtent au caractère raisonnable des impressions erronées de l’AI. Tout d’abord, il y avait un sac de sport dans le compartiment arrière de la camionnette que le plaignant était en train de fouiller, selon le poids évident des preuves, lorsqu’il a été blessé. Deuxièmement, la camionnette contenait des chalumeaux au butane que le plaignant avait utilisés ce jour-là pour vaporiser et inhaler de la méthamphétamine. Les torches, qui avaient la forme d’un tuyau d’arrosage, auraient pu être perçues à tort comme une arme à feu dans les circonstances tendues qui prévalaient à ce moment-là. Troisièmement, le passager avant du plaignant, le TC n° 1, a déclaré que le plaignant tenait en fait l’un de ces chalumeaux, essayant de consommer davantage de drogue, alors que la camionnette était entourée d’agents. Enfin, l’un de ces chalumeaux de butane a été retrouvé non loin de la main droite du plaignant après la fusillade.

Par conséquent, comme je suis convaincu que l’AI s’est comporté dans les limites du droit pénal lorsqu’il a tiré à deux reprises avec son arme sur le plaignant, il n’y a pas de motifs pour engager des poursuites pénales dans cette affaire.

Date : Le 22 décembre 2021

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.