Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OCI-285

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves qu’a subies un homme de 43 ans (le « plaignant ») alors qu’il était âgé de 31 ans.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 1er septembre 2021, à 11 h 30, un homme a informé l’UES d’une blessure que son frère, le plaignant, aurait subie alors qu’il était entre les mains de la police.

L’homme a expliqué qu’il avait un frère jumeau, le plaignant, qui était bipolaire et souffrait d’épisodes maniaques au cours de l’été de 2009. À la suite des épisodes maniaques du plaignant, ses parents ont communiqué avec la police pour déposer une plainte concernant une personne en détresse. Le Service de police de Hamilton (SPH) a dépêché sept agents de police à la résidence et le plaignant a été appréhendé. Selon l’homme, alors que le plaignant était allongé sur le sol, face contre terre et mains menottées derrière le dos, un agent du SPH lui a donné trois coups de pied à la tête avec une botte à embout d’acier.

L’homme a indiqué qu’à la suite de l’agression, le plaignant avait été admis à l’unité de soins intensifs de l’hôpital universitaire McMaster où il était resté deux semaines dans un coma artificiel en raison d’un traumatisme à la tête ayant été causé par un objet contondant.

Il a indiqué que son frère n’avait jamais fait face à des accusations pour quelque crime que ce soit.

Le plaignant n’a pas d’antécédents de blessures subies lors de la pratique de sports de contact ou de toute autre activité qui aurait pu entraîner un traumatisme crânien.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 2 septembre 2021 à 12 h 12

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 2 septembre 2021 à 14 h 42

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (« le plaignant »)

homme de 43 ans[1], a refusé de participer à une entrevue

Agent impliqué

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

L’AI a participé à une entrevue le 23 novembre 2021.

Agents témoins

AT n° 1 À participé à une entrevue.
AT n° 2 À participé à une entrevue.
AT n° 3 À participé à une entrevue.
AT n° 4 À participé à une entrevue.
AT n° 5 À participé à une entrevue.

Les agents témoins ont été interrogés entre le 21 octobre et le 30 novembre 2021.

Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est produit dans une résidence située près de l’intersection de Mohawk Road et de McNiven Road, à Ancaster. Il s’agissait d’une résidence unifamiliale à deux étages se trouvant dans un quartier résidentiel.

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ne se sont pas rendus sur les lieux et, par conséquent, aucun examen n’y a été effectué et aucun schéma n’a été dessiné.

Éléments de preuve médicolégaux

Téléchargement de l’arme à impulsions de l’AT n° 2

Les données associées à l’arme à impulsions de l’AT n° 2 indiquaient ce qui suit pour le 8 juillet 2009 :
  • L’arme à impulsions a été déchargée à 16 h 34 min 16 s[2] pendant six secondes.
  • L’arme à impulsions a été déchargée à 16 h 34 min 24 s pendant cinq secondes.
  • L’arme à impulsions a été déchargée à 16 h 34 min 27 s pendant trois secondes.
  • L’arme à impulsions a été déchargée à 16 h 34 min 46 s pendant sept secondes.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies

Enregistrements des appels au service 9-1-1 et des communications

Le SPH conserve les enregistrements des appels au service 9-1-1 et des communications dans son système de gestion des dossiers pendant trois ans. Une demande d’enregistrements plus anciens ne peut être satisfaite que si les enregistrements ont été sauvegardés dans un dossier au moment de l’incident ou peu de temps après.

Aucun enregistrement concernant cet incident n’est disponible.

Éléments obtenus auprès du service de police

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, le SPH entre le 8 septembre et le 15 décembre 2021 :
  • Chronologie des événements de la répartition assisté par ordinateur
  • Chronologie des événements
  • Formulaire de communication avec une personne souffrant de troubles émotionnels
  • Rapport NICHE (système de gestion des dossiers)
  • Notes - AT n° 4
  • Notes - AT n° 2
  • Notes - AT n° 5
  • Notes - AT n° 1
  • Politique du SPH - Arrestation
  • Politique du SPH - Recours à la force
  • Politique du SPH - Soins aux détenus
  • Rapport d’incident supplémentaire - AI (incident survenu en 2009)

Description de l’incident

Le scénario suivant se dégage des preuves recueillies par l’UES, qui a notamment interrogé l’AI et d’autres agents ayant participé à l’arrestation du plaignant.

Dans l’après-midi du 8 juillet 2009, des agents du SPH ont été dépêchés à une résidence située près de l’intersection de Mohawk Road et de McNiven Road, à Ancaster. Ils donnaient suite à un appel au service 9-1-1 provenant d’une personne se trouvant dans la résidence et indiquant qu’un homme sous l’influence de drogues tentait de s’introduire dans la maison. L’homme, soit le plaignant, donnait des coups de pied dans la porte du garage de la résidence et avait brisé une fenêtre.

L’AI était le premier agent à arriver à l’adresse. Il est sorti de son véhicule et a immédiatement été abordé par le plaignant qui marchait dans la voie d’accès pour autos de la résidence. L’agent s’est replié derrière sa voiture et a sorti sa matraque ASP en se préparant à se défendre. Le plaignant s’est approché à quelques mètres de l’agent avant de se retourner et de marcher vers la maison, menaçant l’agent de mort s’il le suivait.

L’AI a suivi le plaignant, qui a longé le garage jusqu’à la cour arrière de la maison, puis l’a traversée et a franchi une clôture pour arriver sur la chaussée. Il était très agité et ne voulait ou ne pouvait pas répondre à l’agent lorsque ce dernier lui demandait ce qui le contrariait. Le plaignant a continué de marcher sur la route en direction sud avant de s’asseoir sur le trottoir est. Il a continué à divaguer de manière incohérente pendant que l’AI lui posait des questions. Peu de temps après, le plaignant s’est levé et a foncé sur l’agent, passant à quelques mètres de lui avant de changer brusquement de cap et de courir vers le nord.

L’AT n° 2, qui avait également donné suite à l’appel au service 9-1-1 et se trouvait sur la propriété où le plaignant avait initialement abordé l’AI, a attiré l’attention du plaignant. Pendant que le plaignant se précipitait vers l’AT n° 2, l’AI le poursuivant. L’AT n° 2 a alors sorti son arme à impulsions et l’a déchargée sur le plaignant qui se trouvait à moins de trois mètres de lui. Les sondes ont trouvé leur cible, et le plaignant a été immobilisé, tombant la tête la première sur la pelouse, devant la maison. Une fois la décharge terminée, le plaignant a retiré les sondes de son corps, s’est relevé sur ses genoux et s’est élancé vers la taille de l’AT n° 2. Avant qu’il ne puisse atteindre ce dernier, l’AI a donné un coup de genou à la poitrine du plaignant, qui est retombé au sol. Le plaignant a reçu l’ordre de rester par terre mais a continué à essayer de se lever. Après avoir reçu plusieurs autres décharges d’arme à impulsions par l’AT n° 2 et quelques coups de pied dans le haut du bras par l’AI, le plaignant a été maîtrisé et menotté, les mains derrière le dos.

Des ambulanciers paramédicaux se sont rendus sur les lieux et ont placé le plaignant dans une ambulance. À ce moment-là, le plaignant a essayé de mordre l’AT n° 2, dont la réaction a été de lui donner un coup de poing sur le côté du visage.

Le plaignant était toujours dans un état de frénésie à l’hôpital et a dû être attaché à un lit. Il s’est avéré qu’il avait consommé une grande quantité de drogues illicites et a été plongé dans un coma artificiel.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 17 de la Loi sur la santé mentale -- Intervention de l’agent de police

17 Si un agent de police a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une personne agit ou a agi d’une façon désordonnée et qu’il a des motifs valables de croire que cette personne :
a) soit a menacé ou tenté de s’infliger des lésions corporelles ou menace ou tente de le faire
b) soit s’est comportée ou se comporte avec violence envers une autre personne ou de manière à lui faire craindre qu’elle lui causera des lésions corporelles
c) soit a fait ou fait preuve de son incapacité de prendre soin d’elle-même
et qu’en plus, il est d’avis que cette personne souffre, selon toute apparence, d’un trouble mental d’une nature ou d’un caractère qui aura probablement l’une des conséquences suivantes :
a) elle s’infligera des lésions corporelles graves
b) elle infligera des lésions corporelles graves à une autre personne
c) elle subira un affaiblissement physique grave
et qu’il serait dangereux d’agir selon les termes de l’article 16, il peut amener sous garde cette personne dans un lieu approprié afin qu’elle soit examinée par un médecin.

Analyse et décision du directeur

Le 1er septembre 2021, un homme a communiqué avec l’UES pour signaler que son frère, le plaignant, avait été grièvement blessé par des agents du SPH au cours de l’été 2009. L’UES a ouvert une enquête et a déterminé que l’incident avait eu lieu le 8 juillet 2009. À cette date, le plaignant avait été arrêté par plusieurs agents du SPH. L’un des agents ayant procédé à l’arrestation, soit l’AI, a été identifié comme l’agent impliqué aux fins de l’enquête de l’UES. D’après mon évaluation des preuves, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement à l’arrestation du plaignant.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont exonérés de toute responsabilité pénale pour la force utilisée dans l’exercice de leurs fonctions, à condition que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’exécution d’un acte qu’ils étaient tenus ou autorisés à faire par la loi. Le plaignant n’était manifestement pas sain d’esprit à ce moment-là, en raison, du moins en partie, de la consommation de drogues illicites. Il avait également menacé de faire du mal à l’AI et à lui-même, et avait essayé de s’introduire dans la résidence de ses parents, avant l’arrivée des agents. Dans ces circonstances, je suis convaincu qu’il a été appréhendé en vertu de l’article 17 de la Loi sur la santé mentale.

Je suis également convaincu que la force exercée par les agents contre le plaignant était légalement justifiée. Le plaignant courait tête baissée vers l’AT n° 2, dans ce qui ne pouvait être interprété que comme une agression en cours, lorsqu’il a tiré son arme à impulsions pour l’empêcher de continuer. Cette réaction semblait mesurée et proportionnelle à une attaque imminente. Comme le plaignant continuait à résister après la décharge initiale de l’arme à impulsions, notamment en s’agrippant à la taille de l’AT n° 2, qui craignait légitimement que le plaignant tentait de saisir son arme à feu, je ne peux pas raisonnablement conclure que les coups donnés par l’AI et les décharges additionnelles de l’arme à impulsions par l’AT n° 2 ont enfreint la limite de la force admissible prescrite par le droit pénal. Une fois le plaignant maîtrisé et menotté, aucune autre force notable n’a été utilisée, à l’exception du coup de poing que l’AT n° 2 lui a donné. Comme le plaignant venait d’essayer de la mordre, l’agent était en droit de réagir avec une certaine force pour se protéger et dissuader toute autre agression. Un seul coup de poing, dans les circonstances, n’a pas dépassé le cadre de la force autorisée.

En conclusion, que les agents aient joué ou non un rôle dans l’état de santé du plaignant à l’hôpital, il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’un d’entre eux ne se soit pas comporté de manière légale dans le cadre de l’incident. Par conséquent, il n’y a aucune raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire et le dossier est clos.

Date : Le 24 décembre 2021

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Il avait 31 ans au moment de l’incident en 2009. [Retour au texte]
  • 2) Les heures sont dérivées de l’horloge interne de l'arme et ne sont pas nécessairement synchronisées avec le temps réel. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.