Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OVI-276

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves qu’ont subies un homme de 58 ans (le « plaignant n° 1 ») et une femme de 62 ans (la « plaignante n° 2 »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 28 août 2021, à 18 h 30, le Service de police de London (SPL) a signalé ce qui suit.

À 16 h 9, un agent du SPL roulait en direction ouest sur l’avenue Queens. Il donnait suite à un appel. L’agent avait activé les gyrophares du véhicule de police qu’il conduisait, mais pas la sirène. Le policier n’a pas respecté le panneau d’arrêt à l’intersection de la rue Quebec et est entré en collision avec un véhicule au volant duquel se trouvait le plaignant n° 1.

Le plaignant n° 1 a été transporté au London Health Science Centre de l’hôpital Victoria. Il avait subi une blessure à la tête et attendait maintenant qu’on l’examine dans le cadre du protocole de l’hôpital relatif aux commotions cérébrales.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 28août 2021 à 19 h 30

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 28 août 2021 à 21 h 53

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Nombre de spécialistes de la reconstitution des collisions assignés : 1

Personnes concernées (« les plaignants »)

Plaignant n° 1 Homme de 58 ans, a participé à une entrevue

Plaignante n° 2 Femme de 62 ans, a participé à une entrevue

Les plaignants ont participé à une entrevue le 30 août 2021 et le 1er septembre 2021.


Agents impliqués

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 27 septembre 2021.


Agents témoins

AT A participé à une entrevue.

L’agent témoin a été interrogé le 10 septembre 2021.
 

Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est produit à l’intersection de l’avenue Queens et de la rue Quebec, à London.

La rue Quebec est orientée nord-sud et l’intersection avec l’avenue Queens est orientée est-ouest. De plus, l’avenue Queens est contrôlée par un panneau d’arrêt placé du côté est de l’intersection. Les deux chaussées comportent deux voies, sont pavées et portent des marquages routiers. Le panneau d’arrêt de l’avenue Queens à la hauteur de la rue Quebec était correctement installé et visible. L’avenue Queens est devenue une voie de circulation à sens unique à l’ouest de la rue Quebec.

Au total, deux véhicules à moteur ont été impliqués dans la collision délimitée par un périmètre de sécurité. Les véhicules sont les suivants :
 

Ford Focus (argenté)

Ce véhicule était orienté vers l’est et traversait deux voies de la rue Québec au sud de l’intersection. La partie arrière du véhicule était fortement endommagée en raison de la collision.


Figure 1 - Le Ford Focus du plaignant n °1 et de la plaignante n° 2

Ford Explorer (blanc)

Ce véhicule était un véhicule de police identifié affichant les graphiques du SPL. Il était orienté vers l’ouest sur l’avenue Queens, à l’ouest de l’intersection. La partie avant du véhicule présentait des dommages considérables en raison de la collision.


Figure 2 – Le Ford Explorer de l’AI

Schéma des lieux

Éléments de preuve matériels

Résumé : Système de positionnement global (GPS)/Système de localisation automatique de véhicules (SLAV)/Extraction de données sur les collisions (EDC)

Il y avait 91 points de données GPS pour le véhicule de police du SPL. Les points de données dataient du 28 août 2021, de 16 h et à 16 h 8. L’enquêteur a visualisé le trajet parcouru par l’AI pour se rendre à l’appel concernant la présence d’armes - en direction ouest sur la rue Dundas, en direction nord sur l’avenue Woodman, et en direction ouest sur l’avenue Queens jusqu’à la rue Quebec.

Selon les données GPS, après avoir tourné sur l’avenue Queens à partir de l’avenue Woodman, l’AI a parcouru environ 67 mètres en direction ouest, en accélérant d’environ 30 km/h à environ 60 km/h. [L’intersection de l’avenue Queens et de la rue Quebec était contrôlée par un panneau d’arrêt pour l’avenue Queens, qui faisait face à l’AI qui se dirigeait vers l’ouest].

Le point de données GPS immédiatement avant que la vitesse de l’AI n’affiche 0 km/h (après la collision) a été enregistré alors que l’AI s’engageait dans l’intersection de l’avenue Queens et de la rue Québec à environ 60 km/h.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]

L’UES a fait le tour du secteur et a obtenu les enregistrements audio pertinents suivants :
 

Transmissions radio du SPL – de 16 h 5 à 16 h 14

Un enregistrement sans horodatage a été reçu.

Le centre de communication du SPL a demandé une intervention de type « Code 1 » sur la rue King, signalant un incident concernant un homme armé. L’AI a donné suite à l’appel et a dit que l’AT allait également y donner suite. Le centre de communication du SPL a indiqué qu’une personne en fauteuil roulant pourrait également être armée.

L’AI a dit : « Je suis à l’angle de Queens et Quebec, je viens d’avoir une collision avec quelqu’un ».

L’AI a demandé une ambulance pour un homme qui saignait de la tête. L’AI a répondu : « Tout va bien ici, j’ai juste besoin d’une ambulance, « Code 2 », blessure à la tête, tout le monde est conscient, respire et parle. »

Éléments obtenus auprès du service de police

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, le SPL :
  • Captures d’écran du SLAV/GPS de Google Earth
  • Rapport de l’accident de véhicule
  • Données EDC de Bosch
  • Données GPS – l’AI
  • Données GPS – l’AT
  • Enregistrements des communications du SPL
  • Notes de l’AT et deux agents non désignés
  • Rapport d’incident de l’UES

Description de l’incident

Les événements en question sont clairs, grâce aux entrevues avec chacune des principales parties, et peuvent être résumés de façon succincte.

Dans l’après-midi du 28 août 2021, le plaignant n° 1 roulait en direction sud sur la rue Québec dans son véhicule Ford Focus. Il était accompagné de son épouse, la plaignante n° 2, qui prenait place sur le siège passager avant. Alors que leur véhicule s’engageait dans l’intersection avec l’avenue Queens, l’arrière côté conducteur de son véhicule a été percuté par un VUS de la police. La collision a fait tournoyer le Ford Focus vers une borne d’incendie située à l’angle sud-ouest de l’intersection, avec laquelle il est entré en collision, provoquant un arrêt brusque. L’agent de police a immobilisé son véhicule sur l’avenue Queens, juste à l’ouest de la rue Quebec.

L’AI était le conducteur du véhicule de police. Ses gyrophares et sa sirène étant activés, car il se dirigeait à ce moment-là vers le lieu d’un incident lié à des armes. Afin d’éviter la circulation sur la rue Dundas, l’agent de police a tourné vers le nord sur l’avenue Woodman avant de tourner à gauche pour continuer vers l’ouest sur l’avenue Queens, qui est parallèle à la rue Dundas. L’agent a dépassé sans s’arrêter le panneau d’arrêt en direction ouest à la hauteur de la rue Quebec et est entré en collision avec le Ford Focus. Il était environ 16 h 8.

À la suite de la collision, l’AI a demandé de l’aide par radio et a porté assistance au plaignant n° 1 et à la plaignante n° 2.

Le plaignant n° 1 a été transporté à l’hôpital où il a reçu des soins pour une lacération à la tête. La plaignante n° 2 a consulté un médecin plusieurs jours après la collision, et a reçu un diagnostic de fractures multiples des côtes du côté droit.

Dispositions législatives pertinentes

Article 320.13 du Code criminel - Conduite dangereuse causant des lésions corporelles

320.13(1) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances.

(2) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances.


Analyse et décision du directeur

Le 28 août 2021, la plaignante n° 2 a été gravement blessée lorsque le véhicule dans lequel elle était passagère a été percuté par un véhicule de police du SPL. Le conducteur du véhicule de police, soit l’AI, a été identifié comme l’agent impliqué aux fins de l’enquête de l’UES qui a suivi. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des preuves, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction pénale dans le cadre de la collision.

L’infraction à l’étude est la conduite dangereuse causant des lésions corporelles, en contravention du paragraphe 320.13(2) du Code criminel. L’infraction est fondée, en partie, sur une conduite qui constitue un écart marqué par rapport au niveau de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans les circonstances. Dans le cas présent, la question est de savoir s’il y a eu un manque de diligence de la part de l’AI qui a provoqué la collision ou y a contribué ou qui était suffisamment flagrant pour entraîner une sanction pénale. À mon avis, ce n’est pas le cas.

Je reconnais que l’AI était dans l’exercice de ses fonctions légales lorsqu’il se rendait sur le lieu de la collision. L’agent donnait suite à un appel prioritaire concernant la présence potentielle d’armes à feu.

Même si je reconnais que l’AI a agi dangereusement en omettant de s’arrêter au panneau d’arrêt de la rue Quebec, ce qui a directement causé la collision avec le Ford Focus, je ne peux pas raisonnablement conclure que l’erreur de l’agent était telle qu’elle justifiait une responsabilité criminelle. Rien n’indique que, lors de son déplacement vers le lieu de la collision, l’AI a conduit sans tenir compte de la sécurité publique. Il n’y a aucune preuve tangible, par exemple, qu’il n’a pas tenu compte des feux de circulation qu’il aurait rencontrés le long du chemin qu’il a emprunté. Il n’y a pas non plus de preuve d’une vitesse excessive. En fait, les preuves indiquent que l’AI roulait à environ 60 km/h au moment de la collision, ce qui est légèrement supérieur à la limite de vitesse de 50 km/h. De plus, les gyrophares et la sirène de l’agent étaient allumés, ce qui aurait pu éviter la collision s’il n’y avait pas eu d’arbres ni de buissons touffus à l’angle nord-est de l’intersection, créant un obstacle à la visibilité des conducteurs roulant en direction ouest et sud. Bien qu’il ne soit pas clair si l’AI s’est arrêté au panneau d’arrêt précédent situé non loin de là, les données GPS suggèrent qu’il a au moins ralenti lorsqu’il a tourné sur l’avenue Queens à partir de l’avenue Woodman. À la lumière de ces données, le manque de prudence de l’AI peut être considéré comme un manque d’attention momentané, ce qui, selon la jurisprudence, ne constitue généralement pas un écart marqué par rapport à un niveau de prudence raisonnable : R. c. Beatty, [2008] 1 RCS 49; R. c. Roy, [2012] 2 RCS 60.

Ainsi, bien que l’AI soit responsable de la collision et des blessures subies par le plaignant n° 1 et la plaignante n° 2, il n’existe aucun motif raisonnable de croire qu’il a transgressé les limites de la prudence prescrites par le droit pénal. Par conséquent, il n’y a pas lieu d’engager des poursuites pénales contre l’agent, et le dossier est clos.


Date : Le 20 décembre 2021

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.