Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OCI-240

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant les blessures graves subies par un homme de 35 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 1er août 2021, à 9 h 20, la Police régionale de York (PRY) a informé l’UES des blessures subies par le plaignant.

La PRY a indiqué que le 31 juillet 2021, à 23 h 7, elle a reçu un appel demandant son intervention à une résidence de la route Ravenshoe, à Keswick. Les agents de police de la PRY ont rencontré la TC no 1. Étant donné les renseignements qu’ils ont alors reçus, les agents avaient des motifs suffisants pour arrêter le plaignant.

Le plaignant s’était rendu au sous-sol de la résidence et s’était barricadé dans une pièce. Les agents ont ouvert, d’un coup de pied, la porte de la pièce. Le plaignant a ensuite demandé que les policiers lui tirent dessus. Une arme à impulsions a été pointée en direction du plaignant, mais n’a pas été déployée. Une bagarre a suivi et le plaignant a été porté au sol, puis menotté.

Le plaignant s’est débattu alors que les agents et lui montaient l’escalier du sous-sol. Le plaignant et les policiers sont ensuite tombés au sol.

Le plaignant a été placé dans un véhicule de police, puis transporté au Centre régional de santé Southlake afin d’être examiné. À 5 h 30, le personnel de l’hôpital a avisé les policiers qui étaient sur place que le plaignant avait subi deux fissures aux côtes, du côté gauche.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 1er août 2021, à 9 h 40

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 1er août 2021, à 9 h 45

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 35 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés.

Le plaignant a participé à une entrevue le 4 août 2021.


Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à des entrevues le 3 août 2021 et le 9 août 2021.

Agents impliqués (AI)

AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué
AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué
AI no 3 A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

L’AI no 3 a participé à une entrevue le 12 août 2021.


Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à des entrevues le 6 août 2021.

Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est déroulé dans une pièce du sous-sol d’une résidence unifamiliale située sur la route Ravenshoe, à Keswick. La TC no 1 est la propriétaire de la résidence.

Les services d’enquête judiciaire de l’UES ne se sont pas rendus sur les lieux de l’incident et, par conséquent, aucun diagramme n’a été produit.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]

Appel au 9-1-1

Le 31 juillet 2021, une femme a appelé le 9-1-1. L’enregistrement audio de l’appel n’est pas horodaté. L’appel a duré, en tout, 6 minutes et 40 secondes.

La femme a demandé à ce que la police se rende à une résidence à Keswick car il y avait une agression en cours. Elle a mentionné que trois personnes se battaient. Elle a indiqué au téléphoniste que le plaignant bousculait la TC no 1. Personne n’avait été blessé et aucune ambulance n’a été demandée. Aucune arme n’avait été utilisée, mais toutes les personnes concernées avaient consommé de l’alcool. La femme a fait savoir que le plaignant avait des problèmes de santé mentale, qu’il était peut-être bipolaire et qu’il ne prenait peut-être pas de médicaments. Elle a dit au répartiteur que le plaignant pouvait être agressif envers la police. Le plaignant et la TC no 1 étaient à l’intérieur de la maison. La femme a aussi indiqué que les choses s’étaient quelque peu calmées.


Enregistrements des communications

Les enregistrements ont été faits le 31 juillet 2021 et le 1er août 2021. Ils ne sont pas horodatés et on y entend ce qui suit :

À 0 minute, des unités de police sont dépêchées à une résidence de la route Ravenshoe, à Keswick, car une agression est en cours.

À 15 secondes, l’AT no 3 indique qu’il est le plus près des lieux et demande à ce qu’on l’ajoute parmi les agents qui vont intervenir.

À 20 secondes, le répartiteur fait savoir qu’il a compris ce qu’a dit l’AT no 3. Le répartiteur signale que la police s’est déjà rendue à cette résidence pour de nombreux incidents de violence familiale mettant en cause des personnes dont la présence n’était pas souhaitée et des personnes blessées, ainsi que pour des arrestations pour voies de fait et en vertu de la Loi sur la santé mentale. On indique que personne n’est blessé et qu’aucune arme n’a été utilisée. On ajoute qu’une alerte a été établie à l’égard de cette résidence indiquant qu’il faut faire preuve d’une extrême prudence lors d’interventions sur les lieux. On mentionne aussi que le plaignant est impliqué et qu’il déteste la police.

À 59 secondes, l’AT no 1 indique qu’elle peut se libérer et répondre à cet appel, au besoin.

À une minute et 7 secondes, l’AT no 3 demande si la bagarre se déroule à l’intérieur ou à l’extérieur de la maison. Le répartiteur indique que la bagarre semble se dérouler entre une mère, son fils et un cousin. On fait savoir que la présence d’une ambulance a été refusée et qu’on attend davantage d’information quant à l’endroit où se déroule la bagarre. On précise qu’il y a environ 6 personnes sur les lieux, que tout le monde est en état d’ébriété, que le plaignant a des problèmes de santé mentale, qu’il est peut-être bipolaire et qu’il ne prend peut-être pas de médicaments, qu’il n’y a pas de jeunes enfants sur les lieux et que le chien qui s’y trouve devra être déplacé ailleurs.

À une minute et 42 secondes, le répartiteur indique qu’il n’y a aucune autorisation d’acquisition d’armes à feu associée à l’adresse de la résidence et que tout le monde est au courant que la police est en route. Le plaignant est inscrit au Fichier judiciaire nominatif pour des incidents de violence, d’introduction par effraction, de vol et de fraude, des incidents en lien avec des drogues ainsi que d’autres infractions au Code criminel. Il est conseillé de faire preuve de prudence. On mentionne que le plaignant consomme de l’oxycodone et qu’il fait l’objet de 37 accusations, dont la plus récente est le défaut de comparaître en cour.

À 2 minutes et 27 secondes, l’AI no 1 indique qu’il est sur les lieux et que les policiers sont en mesure de faire leur travail comme il se doit pour le moment.

À 2 minutes et 32 secondes, l’AI no 1 demande au répartiteur de faire une recherche concernant le nom d’un homme.

À 6 minutes et 51 secondes, l’AT no 3 demande à ce que l’Unité d’intervention d’urgence (UIU) soit dépêchée sur les lieux, et indique qu’il y a des motifs pour arrêter le plaignant et qu’il s’est enfermé dans la chambre.

À 7 minutes et 4 secondes, l’UIU indique qu’elle écoute l’appel.

À 7 minutes et 10 secondes, l’AT no 3 indique qu’un homme sur place (le plaignant) peut être arrêté pour voies de fait, qu’il s’est barricadé dans la chambre et qu’il a verrouillé la porte.

À 7 minutes et 20 secondes, l’UIU demande par les ondes si le plaignant est armé. L’AT no 3 répond que les policiers sur les lieux ne savent pas si le plaignant est armé. L’UIE indique qu’elle est en route.

À 7 minutes et 47 secondes, l’AI no 1 signale que le plaignant est sous garde. Le répartiteur confirme que le plaignant est sous garde et demande si la présence de l’UIU est encore requise. L’AI no 1 dit au répartiteur que les policiers sur place ont la situation en main.


Vidéos captées par le système de caméra à bord des véhicules de police

Les vidéos tirées du système de caméra à bord des véhicules de police ont été captées le 31 juillet 2021 et le 1er août 2021.

Vidéo captée par le système de caméra à bord du véhicule de l’AI no 2
La vidéo ne montre aucune information pouvant servir d’élément de preuve.

Vidéo captée par le système de caméra à bord du véhicule de l’AT no 3
La vidéo ne montre aucune information pouvant servir d’élément de preuve.

Vidéo captée par le système de caméra à bord du véhicule de l’AI no 3
La vidéo débute le 31 juillet 2021, à 23 h 9. Le véhicule de l’AI no 3 est arrêté à un panneau d’arrêt; il est en route vers les lieux de l’incident. À 23 h 15, l’AI no 3 arrive sur les lieux dans son véhicule. La vidéo prend fin à 0 h 2, le 1er août 2021. À 0 h 13, la vidéo reprend; la caméra permet de voir par le pare-brise du véhicule. On peut entendre le plaignant, qui est sur le siège arrière du véhicule, demander des chaussures et un chandail et se plaindre de son arrestation. À 0 h 20, l’AI no 3 quitte la résidence à bord de son véhicule.

Le véhicule arrive au commissariat de police à 0 h 29 et se rend dans l’aire de stationnement D3.

À 3 h 8, le véhicule de l’AI no 3 est stationné dans l’aire de stationnement D3 du commissariat de police. Le plaignant est sur le siège arrière de la voiture. À 3 h 10, le véhicule de l’AI no 3 quitte l’aire de stationnement D3 et se dirige vers l’hôpital. À 3 h 20 l’AI no 3 passe par le service au volant d’un restaurant McDonald’s afin d’acheter de la nourriture pour le plaignant.

À 3 h 42, le véhicule de l’AI no 3 arrive au Centre régional de santé Southlake.



Documents obtenus du service de police

L’UES a obtenu les éléments suivants de la part de la PRY et les a examinés :
• résumé détaillé des appels;
• enregistrement de l’appel au 9-1-1;
• enregistrements des communications;
• vidéos captées par le système de caméra à bord des véhicules de police;
• copie papier du rapport d’incident général;
• rapport – agent blessé en service (AI no 3);
• information contextuelle sur le plaignant;
• notes des AT;
• procédure – usage de la force;
• procédure – personnes en crise;
• chronologie des événements de la PRY.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources et les a examinés :
• dossiers médicaux – Centre régional de santé Southlake.

Description de l’incident

Le scénario qui suit est fondé sur les éléments de preuve fiables recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec le plaignant, plusieurs personnes qui ont été témoins de parties des événements en question et quatre agents qui étaient présents au moment de l’arrestation du plaignant, y compris l’AI no 3. Comme la loi les y autorise, l’AI no 1 et l’AI no 2 ont choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES et de refuser qu’on communique leurs notes concernant l’incident.

Le 31 juillet 2021, peu après 23 h, la police a reçu, par l’intermédiaire du service 9-1-1, un appel d’une personne depuis une résidence située à Keswick concernant une querelle familiale. Selon la personne ayant fait l’appel, des hommes se disputaient sur les lieux, l’un d’eux (le plaignant) se querellant avec sa mère (la TC no 1). Des agents ont été dépêchés sur place.

Les agents ont commencé à arriver sur les lieux vers 23 h 15. La TC no 1 (la propriétaire de la résidence) a dit aux agents que son fils l’avait agrippée et poussée. Elle ne voulait pas que le plaignant soit arrêté, mais a insisté pour qu’il soit expulsé de la résidence et emmené en prison. Les agents ont jugé qu’il y avait des motifs suffisants pour procéder à l’arrestation du plaignant pour voies de fait.

Le plaignant, en état d’ébriété, se trouvait à l’intérieur de son appartement, au sous-sol de la résidence, lorsque les agents se sont présentés à la porte de l’appartement pour l’arrêter. Les agents ont frappé à plusieurs reprises à la porte et ont interpellé le plaignant, sans réponse. L’AI no 1 a donné des coups de pied dans la porte et a été en mesure de l’ouvrir de force à la troisième tentative.

L’AI no 2 et l’AI no 3 ont été les premiers à entrer dans l’appartement. Ils se sont retrouvés devant le plaignant, qui se dirigeait vers eux. L’AI no 3 a fait trébucher le plaignant, le portant ainsi au sol. Le plaignant est tombé sur le ventre. Il a lutté avec l’AI no 2 et l’AI no 3 pendant que les agents, de chaque côté de son corps, tentaient de maîtriser ses bras. Avec l’aide de l’AT no 1 et de l’AT no 3, les agents ont été en mesure de menotter le plaignant et de le remettre sur ses pieds.

L’AI no 2 et l’AT no 3 ont escorté le plaignant dans l’escalier menant au rez-de-chaussée de la résidence. Alors qu’ils atteignaient le haut de l’escalier, le plaignant a tendu la jambe, l’a appuyée contre le cadre de la porte et s’est poussé vers l’arrière. Les agents ont réagi en poussant vers l’avant, ce qui a entraîné la chute des trois personnes sur le plancher d’un petit solarium, à côté de l’escalier. Le plaignant a de nouveau été remis sur ses pieds, après quoi il a été emmené à l’extérieur et placé à l’intérieur du véhicule de police.

Le plaignant a été emmené au commissariat de police et de là, à l’hôpital. On a constaté qu’il avait une fracture non déplacée de la neuvième côte gauche.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 529(1) du Code criminel -- Entrée dans une maison d’habitation pour arrestation

529 (1) Le mandat d’arrestation délivré en vertu de la présente loi ou d’une autre loi fédérale peut, sous réserve du paragraphe (2) et si le juge ou le juge de paix qui le délivre est convaincu, sur la foi d’une dénonciation sous serment écrite, qu’il existe des motifs raisonnables de croire que la personne qui en fait l’objet se trouve ou se trouvera dans une maison d’habitation désignée, autoriser un agent de la paix à y pénétrer afin de procéder à l’arrestation.

(2) L’autorisation est délivrée sous réserve de la condition suivante : l’agent de la paix ne peut pénétrer dans la maison d’habitation que si, au moment de le faire, il a des motifs raisonnables de croire que la personne à arrêter s’y trouve.

529.1 Le juge ou le juge de paix peut délivrer un mandat, selon la formule 7.1, autorisant un agent de la paix à pénétrer dans une maison d’habitation désignée pour procéder à l’arrestation d’une personne que le mandat nomme ou permet d’identifier s’il est convaincu, sur la foi d’une dénonciation sous serment, qu’il existe des motifs raisonnables de croire que cette personne s’y trouve ou s’y trouvera et que, selon le cas :
a) elle fait déjà l’objet au Canada, en vertu de la présente loi ou d’une autre loi fédérale, d’un mandat d’arrestation;
b) il existe des motifs de l’arrêter sans mandat aux termes des alinéas 495(1)a) ou b) ou de l’article 672.91;
c) il existe des motifs pour l’arrêter sans mandat en vertu d’une autre loi fédérale.

Analyse et décision du directeur

Le 1er août 2021, le plaignant a subi une fracture à une côte lors de son arrestation à Keswick par des agents de la PRY. Trois des agents ayant participé à l’arrestation – l’AI no 1, l’AI no 2 et l’AI no 3 – ont été désignés comme agents impliqués aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que tout agent parmi les agents impliqués a commis une infraction criminelle relativement à l’arrestation et à la blessure du plaignant.

Aux termes du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit, sur la base d’un jugement raisonnable, nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire. Je suis convaincu que les agents avaient suffisamment d’information pour tenter de mettre le plaignant en état d’arrestation. Au moment où les policiers sont arrivés à la porte de l’appartement du plaignant dans l’intention de l’arrêter, ils avaient déjà parlé à la TC no 1 et à d’autres personnes à propos de l’agression qu’on disait que le plaignant avait commise envers sa mère.

Il y a bien lieu de se pencher sur l’entrée forcée dans l’appartement du plaignant au sous sol; cependant, à la lumière des éléments de preuve recueillis, je ne suis pas en mesure de conclure, sur la base d’un jugement raisonnable, que les agents ont agi autrement qu’en toute légalité lorsqu’ils ont défoncé la porte pour procéder à l’arrestation du plaignant. Habituellement, en l’absence d’une situation d’urgence ou de consentement, les agents de police ne sont pas autorisés à entrer de force dans une maison d’habitation sans une autorisation judiciaire préalable : voir R. c. Feeney, [1997] 2 RCS 13 et les articles 529 et 529.1 du Code criminel. Dans l’affaire qui nous concerne, la TC no 1 avait implicitement consenti à ce que les policiers entrent dans l’appartement du sous-sol lorsqu’elle a dit à la police qu’elle voulait que son fils quitte sa maison. La question est de savoir si la TC no 1 avait l’autorité nécessaire pour consentir à ce que les agents entrent dans l’appartement du sous-sol [2]. Quoi qu’il en soit, je suis convaincu que l’article 25 s’applique dans ce cas pour les agents, car ils croyaient, sur la base d’un jugement honnête et raisonnable, que la TC no 1 avait l’autorisation de consentir à ce qu’ils entrent dans l’appartement du sous sol [3]. Il est clair que les agents savaient que la TC no 1 était la propriétaire de la résidence, ce qui, normalement, donnerait lieu à une attente suffisante en matière de vie privée dans la résidence pour qu’elle puisse consentir à ce que les agents y pénètrent. De plus, rien n’indique que les agents étaient au courant que la TC no 1 entretenait une relation propriétaire/locataire avec son fils. On leur a dit qu’elle était la mère et la répondante du plaignant, mais on ne leur a pas dit qu’il lui versait un loyer. De même, rien n’indique qu’ils ont eu conscience que la chambre était un appartement avant d’avoir défoncé la porte.

Quant à la force utilisée à l’égard du plaignant, c’est-à-dire les deux fois où il a été porté au sol, je suis d’avis qu’elle était justifiée du point de vue de la loi. Une fois entrés dans la pièce par la porte du sous-sol, les agents ont dit au plaignant de se placer au sol. Le plaignant a plutôt avancé en direction de l’AI no 2 et de l’AI no 3; les agents avaient alors le droit de recourir à la force pour se protéger et pour procéder à l’arrestation. Dans cette situation, une mise au sol ne semble pas être une stratégie disproportionnée, d’autant plus que les agents avaient des raisons de croire que le plaignant pouvait être violent, étant donné l’agressivité dont il avait déjà fait preuve par le passé. Une fois au sol, le plaignant refusait de tendre volontairement ses bras pour se faire menotter, mais a rapidement été maîtrisé par les agents, qui étaient supérieurs en nombre – aucun coup n’a été donné. La deuxième mise en sol, en haut de l’escalier, était également justifiée. Le plaignant venait de tenter de pousser les agents qui l’escortaient, ainsi que lui-même, en bas de l’escalier et les agents avaient donc le droit de réagir immédiatement pour le placer dans une position désavantageuse en le portant au sol de force.

Il convient de noter qu’on a rapporté dans un témoignage que le plaignant n’a jamais résisté à son arrestation et qu’il avait les mains dans les airs pour se rendre lorsque les agents sont entrés dans son appartement par la porte du sous-sol. Cependant, il ne serait ni sage ni prudent d’accorder de la crédibilité à ces propos, étant donné que la personne les ayant tenus était en état d’ébriété avancé à ce moment, ce qui pourrait expliquer pourquoi cette personne n’a pas fait référence à la chute en haut de l’escalier.

En conclusion, même si je reconnais que le plaignant a subi sa blessure pendant l’une ou l’autre des deux altercations physiques avec la police survenues au moment de son arrestation, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que quiconque parmi les agents impliqués a agi autrement qu’en toute légalité tout au long de l’intervention. Donc, il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire, et le dossier est clos.


Date : 29 novembre 2021


Approuvé par voie électronique par


Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les enregistrements en question contiennent des renseignements personnels de nature délicate et ne sont donc pas divulgués, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces enregistrements sont résumées ci-dessous. [Retour au texte]
  • 2) Si la Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation, qui régit les ententes de location en Ontario, s’applique, alors la TC no 1 n’avait pas l’autorité requise pour consentir à ce que la police entre dans l’appartement, même s’il y avait des éléments de preuve indiquant que le plaignant avait omis de payer son loyer. D’autre part, la Loi ne s’applique pas lorsqu’un locataire partage une salle de bains avec le propriétaire de l’habitation, et rien n’indique qu’il y avait une salle de bains dans l’appartement du sous-sol. Aucun témoin n’a mentionné qu’il y avait une salle de bains dans cet appartement et l’AT no 1 a indiqué qu’elle ne se rappelait pas en avoir vu une; précisons toutefois que l’éclairage était faible. Si la Loi ne s’applique pas, l’entente de location est alors régie par la common law, qui ne prévoit pas de protection semblable pour les locataires qui omettent de payer leur loyer. [Retour au texte]
  • 3) Voir Tymkin v. Ewatski et al., 2014 MBCA 4, au paragraphe 123 (appel rejeté par la Cour suprême du Canada). Dans cette affaire, un invité avait autorisé la police à entrer dans une résidence pour arrêter le propriétaire. Le juge a reconnu que l’invité n’avait pas l’autorisation nécessaire pour consentir à ce que la police entre sur les lieux, mais a néanmoins jugé que l’article 25 s’appliquait, car les agents croyaient réellement, bien qu’à tort, qu’ils avaient obtenu un consentement adéquat. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.