Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-PCI-311

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Le rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 37 ans (plaignant).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 18 novembre 2020, à 0 h 36, la Police provinciale de l’Ontario a avisé l’UES de ce qui suit.

La Police provinciale a rapporté que, le 17 novembre 2020, le plaignant avait été arrêté pour non-respect des conditions de sa probation lorsque s’est produit un incident de violence familiale à une résidence où lui avait été interdit d’aller.

Le plaignant a alors été conduit au poste du détachement de la Police provinciale du comté de Lennox and Addington et placé dans une cellule. Pendant qu’il était à l’intérieur, on l’a vu à la caméra consommer de la drogue. Des agents ont pénétré dans la cellule pour intervenir et, pendant qu’ils plaquaient le plaignant au sol, sa tête a cogné le banc de la cellule.

Le plaignant a été conduit à l’Hôpital général du comté de Lennox and Addington, où une fracture de la mâchoire a été diagnostiquée.

Le plaignant a été ramené à sa cellule en attendant une audience vidéo sur la libération sous caution devant avoir lieu à 14 h.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 18 novembre 2020 à 7 h 16

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 18 novembre 2020 à 9 h 6



Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
 
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Plaignant :

Homme de 37 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a été interrogé le 18 novembre 2020.


Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont été interrogés le 23 novembre 2020.



Témoin employé de la police

TEP A participé à une entrevue

Le témoin employé de la police a été interrogé le 23 novembre 2020.


Agent impliqué

AI A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

L’agent impliqué a été interrogé le 22 janvier 2021.



Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est déroulé dans une cellule du bloc cellulaire du poste du détachement de la Police provinciale du comté de Lennox and Addington.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou photographiques


Résumé des enregistrements des communications

Le 26 novembre 2020, la Police provinciale a fourni à l’UES les enregistrements de ses communications et des appels au 911 en relation avec la blessure subie par le plaignant.

Appel du 17 novembre 2020 au 911

À 20 h 56 min 10 s, une femme a appelé au centre de communication de la Police provinciale et a indiqué qu’elle se trouvait à une résidence de Deseronto. Le plaignant était chez elle alors qu’il lui était interdit d’y être. Il n’avait le droit d’avoir de contacts avec aucun membre de la famille. Le plaignant se trouvait alors sur la terrasse arrière et toutes les portes de la maison étaient verrouillées. Il s’est ensuite enfui de la maison en courant dans une rue à proximité. Il s’était déjà introduit par effraction dans la maison à deux reprises par le passé. Le centre de répartition de la Police provinciale a indiqué que des agents avaient été dépêchés et qu’ils étaient en route. L’appel a alors pris fin et le centre de répartition de la Police provinciale a rappelé au numéro de la résidence plusieurs fois, mais personne n’a répondu.

Enregistrements des communications du 17 novembre 2020
À 20 h 56 min 50 s, le centre de communication de la Police provinciale a envoyé l’AT no 2 et l’AI à la résidence de Deseronto. Le plaignant était sur les lieux et refusait de partir. Il aurait ensuite pris la fuite en courant et son adresse a été donnée aux agents.

L’AT no 1 est arrivé à la maison et a confirmé que le plaignant était parti et qu’il marchait dans une rue avoisinante.

L’AI a dit au centre de répartition de la Police provinciale qu’il avait le plaignant sous garde pour non-respect de conditions et qu’il se dirigeait vers le poste du détachement.

L’AT no 2, qui se trouvait au poste près des cellules, a envoyé un message radio pour demander aux autres agents de revenir parce que le plaignant avait en sa possession de la poudre blanche. Peu après, l’AT no 1 a demandé qu’une ambulance se rende au poste du détachement.

Le plaignant était dans une ambulance en route vers l’hôpital, et l’AI ainsi que l’AT no 3 étaient dans l’ambulance avec lui, tandis que l’AT no 2 suivait l’ambulance dans une voiture de police.


Résumé de l’enregistrement vidéo du plaignant pendant qu’il était sous garde

Le 18 novembre 2020, la Police provinciale a transmis à l’UES un enregistrement vidéo relatif à l’incident du 17 novembre 2020, mais il n’y avait pas de son.

Aire de transfert
21 h 27 min 56 s
Une voiture pleinement identifiée de la Police provinciale de marque Dodge Charger est entrée dans l’aire de transfert. L’AI conduisait. L’AT no 1 et l’AT no 2 étaient à pied dans l’aire de transfert. L’AI est sorti de la voiture pour rejoindre les AT nos 1 et 2, à la portière arrière du côté passager. L’AT no 2 a ouvert la portière arrière du côté passager.

21 h 29 min 17 s
Le plaignant est sorti par la portière arrière du côté passager. Il était menotté les mains derrière le dos. Il est sorti de la voiture sans assistance, mais il semblait instable sur ses jambes, et il a suivi l’AT no 2 dans la salle d’enregistrement. L’AI et l’AT no 1 les ont aussi suivis. Le plaignant portait un chandail à capuchon, un jean et des chaussures de course. Il ne semblait avoir aucune blessure.

Salle d’enregistrement

Dans ce poste de détachement, les prisonniers ne sont pas amenés devant un agent de mise en détention. Les agents ayant procédé à l’arrestation ont effectué eux-mêmes l’enregistrement et la fouille dans la salle d’enregistrement, après quoi le prisonnier a été escorté jusqu’à l’aire des cellules.

21 h 29 min 37 s
L’AI et les AT nos 1 et 2 étaient dans la salle d’enregistrement avec le plaignant. Les agents n’avaient jusque-là eu aucun contact physique avec le plaignant. L’AT no 2 s’est approché d’un comptoir pour préparer des documents, tandis que le plaignant était assis (toujours les mains menottées derrière le dos) sur une chaise à proximité. Le plaignant a agité les pieds pour enlever ses chaussures.

21 h 31 min 20 s
L’AI et l’AT no 1 ont aidé le plaignant à se remettre debout, ils ont procédé à une fouille sommaire, puis ils ont enlevé sa ceinture et l’ont remise à l’AT no 2, qui l’a rangée dans un casier à proximité.

21 h 31 min 49 s
L’AI a retourné le plaignant et l’a tenu contre un mur tout près pendant que l’AT no 1 lui retirait les menottes et procédait à une fouille plus poussée en se tenant derrière le plaignant.

21 h 32 min 29 s
L’AI et l’AT no 1 ont enlevé le chandail à capuchon du plaignant et l’autre chandail qu’il portait dessous en lui passant par-dessus la tête. Le plaignant était alors en T-shirt.

21 h 32 min 43 s
Le plaignant a été sorti de la salle d’enregistrement, avec l’AI, qui lui tenait le bras gauche, et l’AT no 1, qui tenait son bras droit.

Cellule
21 h 32 min 51 s
Le plaignant est entré dans une cellule par lui-même. L’AI et l’AT no 1 ne sont pas entrés avec lui. L’AI a fait glisser la porte de la cellule pour la fermer derrière le plaignant. La porte coulissante était constituée de barreaux de haut en bas.

21 h 33 min 10 s
Le plaignant était assis sur le banc de la cellule, les pieds au sol, en face de la porte.

21 h 35 min 7 s
Toujours assis sur le banc, le plaignant s’est incliné vers l’arrière, puis il a enfoncé sa main droite profondément dans la poche avant de son pantalon du côté droit et en a ressorti un petit paquet blanc ou gris. Il a déballé le paquet et a déposé l’emballage et le contenu, une substance blanchâtre (vraisemblablement poudreuse), à sa droite sur le banc.

21 h 36 min 35 s
Le plaignant s’est levé, il s’est incliné vers l’avant devant le banc et, avec sa main droite, il a tracé des lignes avec la substance blanche sur le banc. Il s’est alors penché plus bas, puis avec la main droite refermée près de sa narine droite, il a aspiré la poudre blanche avec sa narine gauche.

21 h 37 min 14 s
Le plaignant s’est redressé et s’est dirigé vers la porte de la cellule, où un gardien en civil, soit le TEP, était debout et le regardait. Le TEP et le plaignant ont semblé échanger quelques mots et le TEP a quitté l’aire des cellules pour retourner dans la salle d’enregistrement.

21 h 37 min 21 s
Le TEP est retourné dans le couloir près de la cellule du plaignant avec l’AT no 2, qui se tenait derrière lui. Le plaignant était près du banc et lui tournait le dos en faisant face à la porte de la cellule. Il se tenait devant le coin avant du banc où la substance blanche était toujours étalée, et il était placé de manière à bloquer la vue du TEP et de l’AT no 2 sur cette partie du banc.

21 h 37 min 32 s
Le TEP et l’AT no 2 sont alors partis du couloir hors de la cellule pour retourner dans la salle d’enregistrement. Le plaignant s’est alors rapproché du banc et, avec sa main droite, il a balayé le reste de la substance blanche, pour l’envoyer par terre, puis il s’est léché la main droite.

21 h 38 min 5 s
L’AI a ouvert la porte de la cellule et est entré. Pendant ce temps, l’AT no 1 est resté debout près de la porte ouverte.

21 h 38 min 15 s
L’AI s’est approché du plaignant à l’intérieur de la cellule. Celui-ci était debout. Il s’est retourné vers la gauche pour faire face à l’AI.

L’AI a parlé au plaignant en s’approchant de lui et en pointant avec son index droit la poche avant du pantalon du plaignant du côté droit.

Le plaignant a alors enfoncé la main droite dans cette poche et l’AI lui a immédiatement attrapé les deux poignets avec ses deux mains et a sorti la main droite du plaignant de sa poche.

Le plaignant a tenté de se dégager de l’AI en reculant, mais sans succès.

À ce stade, l’AT no 1, qui était jusque-là resté près de la porte à l’intérieur de la cellule, s’est rapproché de l’AI pour lui prêter assistance.

Pendant qu’il tenait toujours les poignets du plaignant, l’AI l’a fait reculer jusqu’au mur de la cellule. L’AT no 1 était alors toujours derrière l’AI. Le plaignant a levé les bras, pour essayer d’échapper à l’AI, qui continuait de lui tenir les poignets.

21 h 38 min 18 s
L’AT no 1 est arrivé par derrière et du côté gauche de l’AI, à la droite du plaignant, et il a attrapé le bras droit du plaignant, à la hauteur du biceps, pendant que l’AI tenait toujours les deux poignets du plaignant.

Le plaignant s’est éloigné du mur et s’est mis à marcher en direction du mur opposé de la cellule. Pendant ce temps, l’AI et l’AT no 1 continuaient de le tenir.

L’AT no 1 a continué de tenir le bras droit du plaignant. L’AI avait quant à lui le poignet gauche du plaignant dans sa main gauche et il tenait le bras gauche du plaignant, à la hauteur de l’aisselle, avec sa main droite, poussant et tirant le plaignant à la fois pendant que les trois hommes avançaient vers le mur opposé de la cellule.

La lutte s’est intensifiée pendant que l’AI poussait et tirait le plaignant vers le mur opposé.

Juste avant de parvenir au mur opposé, avec l’AI à la gauche et légèrement derrière le plaignant, et entraînant celui-ci en direction du mur, le plaignant s’est libéré de l’AT no 1, qui se trouvait à sa droite.

Avec l’AI qui continuait de tenir le plaignant, celui-ci s’est cogné le côté droit du visage contre le mur.

L’AT no 1 est alors allé du côté droit du plaignant et lui a, encore une fois, attrapé le bras droit.

21 h 38 min 20 s
Tenant le poignet gauche du plaignant avec sa main gauche et le haut du bras gauche, juste sous l’aisselle, avec sa main droite, l’AI a poussé le plaignant vers le bas et vers la gauche, en l’éloignant du mur, en direction de la bordure avant du banc, qui était à proximité. Cela a eu pour effet d’éloigner légèrement le plaignant de l’AT no 1, qui se trouvait à sa droite. À ce stade, l’AT no 1 tenait toujours le bras droit du plaignant, mais pas très fermement. Le plaignant n’avait donc plus de main de libre pour éviter de se cogner le visage sur le banc.

Le plaignant s’est alors cogné le visage sur la bordure avant du banc. Il est tombé à genoux sur le sol, avec le haut du corps à plat ventre sur le banc.

L’AI était à la gauche du plaignant, penché au-dessus de lui, et il lui tenait toujours le poignet gauche avec sa main gauche et le haut du bras gauche sous l’aisselle avec sa main droite. L’AT no 1 était du côté droit du plaignant, incliné au-dessus de lui, avec la main gauche dans le dos du plaignant et la main droite lui tenant le poignet droit.

Le plaignant a alors réussi à dégager sa main droite de la prise de l’AT no 1 et à la porter à son visage. Il y avait du sang sur le banc sous son visage.

21 h 38 min 23 s
L’AI a placé la main et le bras gauches du plaignant derrière son dos et a continué de lui tenir le poignet gauche.

Le plaignant s’est retrouvé le visage contre le banc et s’est mis à se tortiller pour tenter de se relever du banc et échapper à l’AI.

L’AT no 1 s’est écarté un instant. L’AI s’est relevé, il s’est appuyé un genou sur le banc et a placé son genou gauche sur l’omoplate du plaignant pour le maintenir en place tout en lui tenant le poignet gauche derrière le dos.

Le plaignant gigotait les jambes et se contorsionnait pour essayer de se relever du banc.

21 h 38 min 31 s
L’AT no 1 s’est approché pour attraper les jambes du plaignant pendant que l’AI était toujours du côté gauche du plaignant, le genou droit sur le dos de celui-ci. L’AT no 1 a mis la main dans la poche avant du plaignant, du côté droit, et en a sorti une substance blanche. Le plaignant semble alors s’être calmé.

21 h 39 min 4 s
L’AI et l’AT no 1 sont sortis de la cellule. Le plaignant s’est mis debout devant le banc et il saignait abondamment au visage. Il y avait beaucoup de sang sur le banc, sur le sol et sur les vêtements du plaignant. Ce dernier a essuyé le sang du banc en le faisant gicler dans la direction de l’AI et de l’AT no 1, qui étaient derrière la porte close de la cellule dans le couloir. Les agents ont alors quitté le couloir pour retourner dans la salle d’enregistrement.

21 h 43 min 45 s
Le plaignant est retourné à la substance blanche toujours répandue sur le banc, l’a balayée de la main droite et s’est léché la main et les doigts encore une fois. Il l’a fait deux fois. Il a porté la main gauche au côté gauche de sa mâchoire. Il s’est ensuite assis sur le banc tout en gardant la main gauche sur le côté gauche de sa mâchoire.

21 h 50 min 27 s
Deux ambulanciers portant une blouse sont arrivés à la porte fermée de la cellule et ont parlé au plaignant, qui s’est approché de la porte. L’AI et l’AT no 1 étaient avec les ambulanciers. Le plaignant a passé les mains au travers des barreaux et l’AI l’a menotté, puis a ouvert la porte de la cellule. Le plaignant est sorti de la cellule en marchant et s’est installé sur une civière dans le couloir, puis il a été sorti de l’aire des cellules par les ambulanciers.


Éléments obtenus auprès du Service de police

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, la Police provinciale de l’Ontario :
• les détails de l’événement;
• les enregistrements des communications;
• les enregistrements vidéo de la salle d’enregistrement et de la cellule;
• le rapport d’incident général;
• les notes de l’AI;
• les notes de l’AT no 1;
• les notes du TEP;
• les notes de l’AT no 2;
• les notes de l’AT no 3;
• le relevé de notes de l’AI de l’Académie de la Police provinciale de l’Ontario;
• le rapport de garde de personne en détention (registre des personnes en détention);
• le registre de formation sur le recours à la force de l’AI.


Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants d’autres sources :
• le rapport d’appel d’ambulance;
• le dossier médical de l’Hôpital général du comté de Lennox and Addington.

Description de l’incident

Le déroulement des événements pertinents ressort clairement des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec le plaignant et l’AI, en plus de l’examen de l’enregistrement vidéo de l’incident survenu pendant que le plaignant était sous garde.

Juste avant 21 h, la Police provinciale de l’Ontario a reçu un appel d’une femme. Celle-ci signalait que le plaignant se trouvait à sa résidence à Deseronto, ce qui contrevenait aux conditions de sa probation. Des agents de la Police provinciale ont donc été dépêchés à la résidence en question.

À l’arrivée de la police, le plaignant avait quitté la résidence de la femme, mais il a été rapidement retrouvé dans une rue à proximité et arrêté par l’AI et l’AT no 1. Le plaignant était en état d’ébriété et instable sur ses jambes. Il a été menotté et a fait l’objet d’une fouille sommaire, puis il a été placé à l’arrière de la voiture de police de l’AI et conduit au poste du détachement de la Police provinciale du comté de Lennox and Addington, à Napanee.

Au poste du détachement, le plaignant a été fouillé une fois de plus. On lui a enlevé une partie de ses vêtements et il a été placé dans une cellule à environ 21 h 32. Un gardien en civil, soit le TEP, a été chargé de surveiller le plaignant.

Vers 21 h 35, le plaignant a mis la main dans la poche avant droite de son pantalon et en a sorti un petit paquet, qu’il a développé. Il a ensuite déposé la substance blanche du paquet sur le banc de la cellule et a fait des lignes avec cette substance poudreuse qu’il s’est mis à renifler.

Ayant observé le plaignant, le TEP lui a demandé ce qu’il faisait et il est allé mettre l’AT no 2 au courant. Celle-ci a alerté l’AI et l’AT no 1, qui se sont alors rendus à la cellule.

Ayant été prévenu que le plaignant avait consommé quelque chose qui se trouvait dans une poche de son pantalon, l’AI a crié au plaignant de ne pas approcher les mains de son pantalon. Le plaignant a alors enfoncé sa main droite dans la poche avant de son pantalon, du côté droit, à peu près au même moment où l’agent a pénétré dans la cellule. L’AI a immédiatement attrapé les poignets du plaignant et a sorti son poignet droit de sa poche. Une bagarre s’est ensuivie entre les parties, et l’AT no 1 s’est rapidement jeté dans la mêlée. Il est entré dans la cellule et a attrapé le bras droit du plaignant.

Dans les secondes qui ont suivi le moment où il a attrapé le plaignant, l’AI, tenant toujours le bras gauche du plaignant, lui a fait traverser la cellule jusqu’au mur du côté opposé. Le plaignant s’est alors cogné le côté droit du visage sur le mur. Juste après l’impact, l’AI a poussé le plaignant vers le bas jusque sur le banc de la cellule. Durant le placage, le visage du plaignant a heurté le banc. Le plaignant s’est retrouvé le haut du corps couché sur le banc, les genoux par terre sur le bord du banc.

Après le placage, l’AT no 1 a fouillé le plaignant et a trouvé un sac de plastique gris dans la poche droite du devant de son pantalon. Le contenu semblait être de la cocaïne. Les agents sont sortis de la cellule vers 21 h 39. Le plaignant saignait alors du visage et il a signalé aux agents qu’il croyait avoir la mâchoire fracturée.

Les ambulanciers ont été appelés sur les lieux et sont arrivés vers 21 h 50. Ils ont conduit le plaignant à l’hôpital, où une fracture a été diagnostiquée du côté gauche du visage.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 17 novembre 2020, le plaignant a subi une blessure grave pendant qu’il était sous la garde de la Police provinciale de l’Ontario. L’AI, qui avait arrêté le plaignant, a été désigné comme agent impliqué pour les besoins de l’enquête de l’UES. D’après mon évaluation des éléments de preuve, j’ai la conviction qu’il n’existe aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en relation avec l’arrestation du plaignant et sa blessure.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents ne peuvent être tenus responsables sur le plan criminel d’avoir employé la force dans l’exécution de leurs fonctions, à condition que l’usage de la force ait été raisonnablement nécessaire pour des actes qu’ils étaient obligés ou autorisés à poser en vertu de la loi. Le plaignant avait enfreint les conditions de sa probation le 17 novembre 2020. Son arrestation était donc légitime. Une fois le plaignant arrêté, les agents chargés de le surveiller et de le garder étaient aussi autorisés à faire le nécessaire pour assurer sa sécurité et recueillir des éléments de preuve sur sa personne.

Pour ce qui est de la nature et du niveau de la force exercée par l’AI à l’intérieur de la cellule, il ne m’est pas possible de conclure qu’ils étaient supérieurs à ce qui était nécessaire dans les circonstances. Même s’il avait déjà été fouillé à deux reprises auparavant, le plaignant avait toujours sur lui des produits de contrebande et les agents avaient de bonnes raisons de croire qu’il s’agissait de cocaïne. On l’avait vu sortir un paquet de la poche avant droite de son pantalon, le vider de son contenu sur le banc de la cellule et absorber une substance poudreuse blanche par le nez. L’AI et les autres agents avaient des motifs de craindre une surdose possible et ils avaient le droit de tenter une intervention rapide pour empêcher le plaignant de consommer une plus grande quantité. Dans les circonstances, l’AI avait des motifs valables de recourir à une certaine force lorsque le plaignant a refusé d’obéir à son ordre d’éloigner les mains de ses poches. Même si le degré de force employé a été considérable, j’ai la conviction que l’intention était d’empêcher immédiatement le plaignant de consommer plus de drogue et il n’était donc pas démesuré pour atteindre ce but. Par exemple, le placage, bien que vigoureux et vraisemblablement à l’origine de la fracture au visage, a servi à placer le plaignant dans une position de désavantage permettant de mieux contrer toute autre résistance de sa part. En effet, ce n’est que quelques instants après le placage que l’AI a réussi, avec l’assistance de l’AT no 1, à maîtriser le plaignant, après quoi ce dernier a été fouillé encore une fois et un paquet qui, d’après ce que les agents soupçonnaient, contenait de la drogue, a été sorti de la poche avant droite de son pantalon.

Pour les raisons qui précèdent, les éléments de preuve sont insuffisants pour conclure hors de tout doute raisonnable que l’AI a exercé une force excessive durant son interaction avec le plaignant à l’intérieur de la cellule. Si la force employée était considérable, il n’en reste pas moins que le risque que le plaignant se fasse du mal et puisse même mourir d’une surdose de drogue était bel et bien réel. Tout compte fait, j’ai la conviction que l’agent n’a pas dépassé ce qui peut être considéré comme une force justifiable dans les circonstances. Par conséquent, il n’y a aucun motif de porter des accusations dans cette affaire, et le dossier est clos.


Date : 23 novembre 2021

Signature électronique

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.