Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-TCI-230

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne. 

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves subies par un homme de 34 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 26 juillet 2021, à 17 h 25, le plaignant a communiqué avec l’UES et donné le rapport suivant :

Le 12 janvier 2020, dans la matinée, le plaignant était chez lui, avenue Mabelle, lorsque des membres du Service de police de Toronto (SPT) l’ont arrêté pour avoir agressé sa femme avec une arme. Il a admis qu’il était fortement sous l’influence de plusieurs drogues à ce moment-là. Les policiers l’ont ensuite emmené à la division 11 et placé en cellule. Au cours de sa garde au poste de police, il a commencé à avoir des hallucinations et à se comporter de manière erratique. Il a notamment mis sa tête dans la toilette, crié et finalement essayé de se pendre avec des morceaux de sa chemise. Des agents l’ont fait sortir de la cellule et une fois dans le corridor, l’ont battu. Apparemment, un agent lui aurait fait un contrôle par l’encolure. Le plaignant a été menotté et l’un des agents a appuyé son genou sur ses poignets menottés. Il a ressenti une douleur immédiate dans les deux poignets, mais la douleur dans le poignet gauche était nettement pire.

Des ambulanciers paramédicaux sont arrivés dans l’aire des cellules, lui ont administré un sédatif et l’ont emmené au Centre de santé St. Joseph (CSSJ). On lui a radiographié les poignets. Aucune fracture n’a été détectée, mais il y avait des lésions apparentes des tendons et des tissus mous.

Le plaignant a été conduit au tribunal et finalement libéré sur engagement.

Le plaignant a par la suite vu son médecin de famille. Elle a ordonné des radiographies qui n’ont révélé aucune fracture. Un test de conduction nerveuse a été prescrit, mais a été reporté en raison de la COVID-19.

Le plaignant a été orienté vers la clinique des fractures de l’Hôpital général d’Etobicoke (HGE). On l’a informé qu’il avait besoin d’une intervention chirurgicale en raison de dommages à la gaine du tendon dans la région du pouce et du poignet gauches. Le médecin ne pouvait pas dire avec certitude que la blessure avait été causée par les menottes ou par une autre force.

Le plaignant avait besoin d’une intervention chirurgicale aux deux poignets, en commençant par le poignet gauche. Le poignet droit serait opéré plus tard.

Le plaignant ne connaissait pas les noms des agents en cause, mais il pourrait les identifier. Le plaignant a expliqué que son avocat l’avait dissuadé de communiquer avec l’UES plus tôt et lui avait suggéré qu’il était préférable que l’accusation portée contre lui soit traitée en premier. L’accusation en question a été retirée le 1er juin 2021. Le procureur de la Couronne avait apparemment omis de divulguer toutes les vidéos des cellules comme l’avait demandé l’avocat.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 27 juillet 2021 à 11 h 24

Date et heure de l’intervention de l’UES : 28 juillet 2021 à 12 h 45

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 35 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 28 juillet 2021.


Agents impliqués

AI A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 8 octobre 2021.


Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue entre le 16 août et le 31 août 2021.


Témoins employés du service (TES)

TES A participé à une entrevue

Le témoin employé du service a participé à une entrevue le 1er septembre 2021.



Éléments de preuve

Les lieux

En raison du temps qui s’est écoulé depuis l’incident, l’UES ne s’est pas rendue sur les lieux.

L’incident s’est produit à l’intérieur et à proximité d’une cellule de la division 11 du SPT – une cellule de détention standard surveillée par le système vidéo du poste de police.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]

L’UES a recherché des photographies et des enregistrements audio et vidéo pertinents et obtenu ce qui suit.


Vidéo de Facebook Live

Le 28 juillet 2021, le SPT a remis à l’UES a reçu une copie d’une vidéo pertinente de Facebook Live. La vidéo n’avait ni date ni heure. En voici un résumé :

Le plaignant tient un grand couteau de cuisine dans la main gauche. Il pointe la lame vers le haut, en direction opposée à sa femme qui est debout derrière lui, sur sa gauche. Le couple semble être debout dans un placard. Le plaignant dit à sa femme [2]: « Dis bonjour, maman » et abaisse le couteau vers le bas et hors du champ de vision de la caméra. L’épouse du plaignant semble inhaler à contrecœur et détourne le regard. Le plaignant dit : « Les gars, regardez ce que vous avez fait. Quelle honte! ». Il lève le couteau, la lame pointée vers le plafond, puis le rabaisse, hors du champ de vision de la caméra.


Vidéos de la division 11

Le 28 juillet 2021, l’UES a reçu une copie de la vidéo de la cellule et de la salle d’enregistrement de la Division 11. Les vidéos sont horodatées; celle de l’enregistrement a une fonction audio. Par courriel, à la même date, l’agent de liaison avec l’UES a indiqué que les vidéos du hall et du corridor sont conservées pendant un an et un jour. De ce fait, le SPT ne pouvait pas remettre à l’UES des vidéos de ces endroits.

Première vidéo de la salle d’enregistrement
Le 12 janvier 2020, entre 8 h 59 min 47 s et 8 h 59 min 57 s, le plaignant est escorté dans la salle d’enregistrement par deux agents en uniforme. Il est menotté dans le dos. Un agent, debout à droite du plaignant, lit l’avis indiquant que la salle d’enregistrement est sous surveillance audio et vidéo. Le plaignant crie : « Tuez-moi ! ».

À 9 h 02 min 04 s, le plaignant déclare : « Ça prend beaucoup agent. » Le plaignant dit qu’il ne sait pas pourquoi on l’a arrêté. Il déclare aussi qu’il ne peut pas entendre parce qu’il est malade. Il ne sait pas pourquoi il est malade. Le plaignant déclare qu’il ne veut téléphoner à personne et refuse de parler à l’avocat de service. Le plaignant déclare qu’il ne sait pas s’il a des maladies. Il ne répond pas quand on lui demande s’il s’est fait du mal dans le passé. Le plaignant nie avoir été soigné par un médecin pour une maladie mentale. Il nie aussi avoir consommé des stupéfiants et être un consommateur de drogue. Il admet prendre des médicaments sur ordonnance, mais sans préciser lesquels. Le plaignant demande une cigarette lorsque le sergent de l’enregistrement lui demande comment il se sent.

Les agents de police qui ont arrêté le plaignant commencent à le fouiller par palpation devant une caméra. Le plaignant dit au sergent de l’enregistrement : « Mec, je ne vais pas bien », lorsqu’on lui demande s’il veut qu’on lui enlève les menottes. « Je ne vais pas bien, point final. Tuez-moi. »

À 9 h 05 min 52 s, le processus d’enregistrement du plaignant au poste prend fin.

Deuxième vidéo de la salle d’enregistrement.
À 20 h 42 min 53 s, des ambulanciers arrivent dans la salle d’enregistrement avec une civière et du matériel médical. On entend le plaignant crier en arrière-plan, « Arrêtez, ça fait mal ».

Entre 20 h 45 min 08 s et 20 h 47 min 25 s, le plaignant crie : « Putain, ça fait mal », « Arrêtez! » « Ma main, arrêtez ! » Un homme dit en arrière-plan : « Arrête de te cogner la tête! Arrête de bouger! »

À 20 h 48 min 27 s, une ambulancière paramédicale arrive dans la salle d’enregistrement. Elle porte un sac à dos rouge. Une voix masculine en arrière-plan dit : « Arrête de bouger ! »

À 20 h 54 min 52 s, le plaignant dit : « Vous appuyez sur mon putain de dos ! »

Entre 20 h 58 min 11 s et 20 h 59 min 31 s, un homme dit en arrière-plan : « Ne te cogne pas la tête. Tend ton bras droit en avant. » Le plaignant dit : « Vous êtes sur mon épaule ».

À 21 h 00 min 51 s, le TES dit à l’un des agents qu’il est blessé.

À 21 h 03 min 35 s, les agents attachent les menottes à la tête et au pied de la civière en attendant que le sédatif fasse effet.

Entre 21 h 08 min 51 s et 21 h 13 min 43 s, le plaignant dit : « Aidez-moi. Aidez-moi s’il-vous-plaît, mon poignet. » On sort le plaignant sur une civière.

Vidéo de la cellule
La vidéo de la cellule, qui ne contenait pas de fonction audio, documente environ douze heures de garde du plaignant en cellule. En voici un résumé :

Le 12 janvier 2020, à 9 h 06 min 05 s, le plaignant est placé en cellule; on lui retire les menottes.

Entre 9 h 46 min 47 s et 11 h 58 min 0 s, le plaignant frappe et donne des coups dans la porte de la cellule environ neuf fois avec le dos et les articulations de la main droite, puis se tient la main gauche. Il semble souffrir.

Entre 12 h 07 min 58 s et 12 h 11 min 58 s, le plaignant sort de la cellule et puis est replacé de force dans la cellule. Il est menotté dans le dos.

Entre 12 h 43 min 04 s et 13 h 05 min 45 s, le plaignant place sa tête dans la cuvette de la toilette dont il semble boire l’eau.

À 14 h 00 min 37 s, un agent spécial et deux agents entrent dans la cellule et tentent de lui retirer les menottes. Le plaignant leur résiste.

À 14 h 01 min 56 s, les menottes du plaignant sont retirées et les agents sortent de la cellule. Le plaignant est entre la toilette et le banc.

À 18 h 55 min 09 s, le plaignant sort de la cellule.

À 19 h 13 min 24 s, le plaignant retourne dans la cellule en compagnie de trois sergents, un agent et un agent spécial. Il est menotté sur le devant du corps et a une attache aux jambes.

Entre 19 h 13 min 35 s et 19 h 14 min 35 s, des agents tiennent le dos et les mains du plaignant pour le maintenir en place sur le banc tandis qu’un autre agent tente de lui retirer l’attache aux jambes. Les menottes du plaignant sont retirées. Les agents de police sortent de la cellule en fermant la porte derrière eux.

À 19 h 33 min 22 s, le plaignant utilise une serviette humide pour retirer des matières fécales de la toilette au lavabo. Il tire ensuite la chasse d’eau.

Entre 20 h 07 min 00 s et 20 h 07 min 58 s, le plaignant déchire le bas de son t-shirt et l’enroule autour de son cou. Il tire ensuite dessus jusqu’à ce qu’il tombe, atterrissant sur le banc sur sa droite. Le plaignant continue à tirer sur son t-shirt jusqu’à ce que son visage rougisse.

Entre 20 h 09 min 10 s et 20 h 09 min 20s, un agent spécial et deux autres agents entrent dans la cellule et tentent de retirer le t-shirt du cou du plaignant. Pour ce faire, ils lui poussent le dos contre le banc. Le plaignant repousse les agents quand l’un d’entre eux tente de lui placer un dispositif de retenue sur les jambes.

Entre 20 h 10 min 23 s et 20 h 10 min 39 s, les agents parviennent à attacher le dispositif de retenue aux jambes du plaignant. Un quatrième agent arrive avec une chaîne et des étriers et tentent d’attacher les jambes du plaignant.

Entre 20 h 11 min 26 s et 20 h 14 min 22 s, un des agents donne plusieurs coups de poing au plaignant au niveau du mollet. Un policier en civil arrive pour aider à attacher la chaîne et les étriers aux chevilles du plaignant. Tous les agents sortent ensuite de la cellule. Le plaignant est allongé sur le dos, les mains menottées sur devant et les jambes enchaînées. Ses mains semblent rouges.

À 20 h 24 min 36 s, le plaignant se relève et tente de tomber en arrière vers la toilette.

Entre 20 h 24 min 41 s et 20 h 24 min 59 s, le plaignant tombe en arrière, atterrissant d’abord sur les fesses, puis se frappe huit fois l’arrière de la tête contre la cuvette de la toilette. Le plaignant est trainé de la cellule par les chaînes attachées à ses jambes et disparaît du champ de vision de la caméra.


Photographies

Le 28 juillet 2021, le plaignant a remis des photos de ses blessures à l’UES.

Éléments obtenus auprès du service de police

L’UES examiné les dossiers suivants que lui a remis le SPT :
• Dossier d’admission au poste du plaignant;
• Enregistrement d’alarme de cellule;
• Courriel du SPT relatif à la rétention des vidéos;
• Rapport général d’incident;
• Liste des agents concernés;
• Notes de l’AI, des ATs et du TES;
• Vidéo de la garde;
• Vidéo de Facebook Live;
• Politique du SPT – Arrestation;
• Politique du SPT – Personnes sous garde;
• Politique du SPT – Recours à la force.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments suivants obtenus auprès d’autres sources :
• Rapport d’appel d’ambulance (2x);
• Lettre d’un médecin de l’HGE;
• Dossier médical – Chirurgie HGE ;
• Dossier médical – CSSJ;
• Dossier médical – William Osler (HGE);
• Dossiers médicaux remis par le plaignant;
• Dossiers médicaux – médecin;
• Lien et résultats d’IRM transmis par le plaignant.

Description de l’incident

La séquence d’événements suivante découle des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec le plaignant, avec l’AI et avec d’autres agents qui ont interagi avec le plaignant le jour en question. L’enquête a également bénéficié de vidéos de caméras du poste de police qui ont capturé certaines parties de l’incident.

Dans la soirée du 12 janvier 2020, le plaignant s’est retrouvé dans une cellule de la Division 11 du SPT. Il avait été arrêté plus tôt dans la journée à la suite d’un appel à la police d’une amie de son épouse. Cette amie avait vu une vidéo en direct sur Facebook dans laquelle le plaignant était en possession d’un couteau, agissait étrangement et semblait menacer sa partenaire.

Le plaignant avait ingéré un cocktail de drogues et n’était pas sain d’esprit au moment des événements en question. Le comportement du plaignant dans la cellule était symptomatique de son état d’esprit paranoïaque et désordonné – il était très belliqueux et volatil, et buvait de l’eau de la toilette. Vers 20 h 07, le plaignant a utilisé son t-shirt pour confectionner une ligature qu’il a fixée autour de son cou puis a serrée en tirant dessus, jusqu’à ce qu’il tombe sur le banc de la cellule.

Le TES a vu les agissements du plaignant sur l’écran de surveillance vidéo et s’est précipité dans sa cellule, accompagné de l’AI et de son partenaire, l’AT no 2. Les agents sont entrés dans la cellule et ont commencé par maintenir le plaignant à plat ventre contre le banc tout en luttant avec lui pour lui retirer la ligature du cou. Le plaignant a fait preuve d’une force incroyable et a vigoureusement résisté quand les agents ont tenté de lui attacher les bras et les jambes. Au cours de cette lutte, le plaignant a donné un coup de pied à la tête à l’AT no 2, cassant ses lunettes. L’AI faisait partie des agents qui tentaient de maîtriser les jambes du plaignant. À un moment donné, dans ses efforts, l’AI a donné une demi-douzaine de coups de poing sur une jambe du plaignant. Finalement, avec l’aide d’autres agents, dont l’AT no 1 et l’AT no 4, les agents sont parvenus à menotter le plaignant et à lui enchaîner les jambes, puis sont sortis de la cellule.

Peu après, vers 20 h 25, les agents ont vu le plaignant sur des moniteurs vidéo essayer de nouveau de se blesser. Il était tombé en arrière dans un effort délibéré de se frapper la tête contre la toilette derrière lui. Une fois par terre, le plaignant s’est cogné la tête à plusieurs reprises contre la toilette. L’AI et d’autres agents se sont de nouveau précipités dans la cellule.

L’AT no 1 était parmi les premiers agents à entrer. La porte de la cellule a été ouverte et l’agent a saisi le plaignant par ses pieds enchaînés et l’a traîné jusqu’au corridor à l’extérieur de la cellule. Une autre lutte acharnée s’est ensuivie, quand les agents – jusqu’à sept d’entre eux – ont tenté de maîtriser le plaignant. Le plaignant a tenté de mordre un agent, a crié, s’est plaint de douleur et a prononcé des propos absurdes. L’AT no 2 a tenu la tête du plaignant pour éviter qu’il se cogne par terre. On a fait appel à des ambulanciers paramédicaux.

Ces derniers sont arrivés sur les lieux vers 20 h 40 et ont administré deux sédatifs au plaignant. Il a alors été placé sur une civière puis conduit en ambulance à l’hôpital.

Des mois plus tard, en juillet 2021, le plaignant a reçu un diagnostic de blessures du muscle extenseur ulnaire du carpe aux deux bras. Il a ensuite subi une intervention chirurgicale au poignet gauche.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 12 janvier 2020, le plaignant aurait été grièvement blessé pendant qu’il était dans l’aire des cellules de la Division 11 du SPT. Ses blessures ont été diagnostiquées après sa remise en liberté. L’un des agents qui a eu affaire à lui au poste de police a été désigné comme étant l’agent impliqué (AI) aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec les blessures du plaignant.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police sont exonérés de toute responsabilité criminelle lorsqu’ils ont recours à la force dans l’exécution de leurs fonctions, pour autant que cette force n’excède pas ce qui est raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire en vertu de la loi. Le plaignant était légalement sous la garde de la police. Le dossier de preuve établit qu’il avait été vu sur une vidéo en direct sur Facebook Live menaçant apparemment sa partenaire avec un couteau. Une fois sous leur garde, les agents étaient tenus d’empêcher le plaignant de se faire du mal. Ils agissaient donc légalement en intervenant pour empêcher le plaignant de se blesser – ce qu’il faisait manifestement en se frappant la tête contre la toilette – et en prenant les dispositions nécessaires pour qu’on le conduise à l’hôpital en vue d’une évaluation psychiatrique en vertu de la Loi sur la santé mentale.

Il ne fait aucun doute que les agents, y compris l’AI, ont lutté vigoureusement pour empêcher le plaignant de se faire du mal, mais je suis convaincu qu’ils l’ont fait en ayant recours à une force légalement justifiable dans les deux cas. Le plaignant s’est avéré d’une force incroyable, et les agents n’avaient aucun autre moyen de surmonter sa résistance et de le maintenir sous contrôle. Malgré cela, et malgré les trois coups de poing assénés par l’AI lors de la première altercation, il semble que la force utilisée par les agents se soit limitée en grande partie à lutter avec le plaignant. Quant aux coups de poing assénés par l’AI, je suis convaincu qu’ils demeuraient dans les limites de la force raisonnablement nécessaire étant donné la difficulté qu’avaient les agents à attacher les jambes du plaignant. Il n’était pas non plus déraisonnable d’attacher les bras et les jambes du plaignant, étant donné la violence et la tendance à se faire du mal dont il faisait preuve. Quant aux blessures du plaignant, je reconnais qu’elles peuvent avoir été subies au cours de l’une ou des deux altercations, mais sans pour autant résulter d’une force excessive de la part de l’agent. Le dossier de preuve suggère plutôt que ces blessures pourraient avoir résulté des mouvements du plaignant avec ses bras et ses mains pendant qu’il était menotté.

En conséquence, même si les blessures du plaignant ont été causées par les agents quand ils luttaient pour l’empêcher de se faire du mal, je ne suis pas convaincu que les agents, y compris l’AI, se soient comportés illégalement. Il n’y a pas donc lieu de déposer des accusations criminelles dans cette affaire, et le dossier est clos.


Date : 22 novembre 2021



Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les éléments importants des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
  • 2) Toutes les citations entre guillemets dans la version française de ce rapport sont des traductions. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.