Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OCI-121

Attention :

Cette page affiche un contenu graphique pouvant choquer, offenser et déranger.

Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant la blessure grave subie par un adolescent de 14 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 15 avril 2021, à 13 h 24, le Service de police régional de Niagara (SPRN) a avisé l’UES de la blessure du plaignant. Selon le SPRN, le 5 avril 2021, vers 14 h 40, le plaignant a été mis sous garde par deux agents de son service, puis libéré. Le plaignant a ressenti une vive douleur à la main droite à ce moment-là, mais n’a pas cherché à se faire examiner.

Le 15 avril 2021, à 7 h 30, le plaignant s’est présenté à l’Hôpital général du grand Niagara, où l’on a constaté qu’il avait des fractures aux doigts. Le plaignant et sa mère se sont ensuite rendus au commissariat de police pour déposer une plainte.

Au moment de l’avis, le lien entre les actions des agents et les blessures n’était pas clair.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 15 avril 2021, à 14 h 33

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 15 avril 2021, à 17 h

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4
 
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (« plaignant ») :

Adolescent de 14 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés.

Le plaignant a participé à une entrevue le 16 avril 2021.


Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 N’a pas participé à une entrevue – aucune information
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à des entrevues entre le 16 avril 2021 et le 21 juin 2021.

Agent impliqué (AI)

AI A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 18 août 2021.


Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 3 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

L’agent témoin a participé à une entrevue le 10 août 2021.


Éléments de preuve

Les lieux

L’incident se serait produit au parc A.J. McKinley de Niagara Falls et près de celui-ci.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]

Enregistrements audio des communications du SPRN

Les enregistrements consistent en deux appels au 9 1 1. Le premier appel a été effectué à partir d’un magasin par un homme qui a appelé pour la TC no 3, qui était agitée et venait de subir des méfaits perpétrés par le plaignant et l’ami de ce dernier. L’auteur de l’appel n’a pas été témoin de l’incident; il a simplement appelé la police pour la TC no 3 et a demandé à ce que des agents se présentent sur les lieux.

Le deuxième appel au 9 1 1 provenait du TC no 2, qui a avisé la police que deux personnes venaient de commettre un vol dans son magasin. Il a ensuite dit que certains de ses biens, dont son ordinateur, avaient été endommagés. Le TC no 2 a signalé que la TC no 3 connaissait le plaignant et son ami et que ceux-ci étaient partis.

Dans le reste de l’enregistrement audio, on entend seulement le répartiteur de la police qui envoie l’AI au magasin.


Vidéo captée par le système de télévision en circuit fermé du magasin

La date et l’heure affichées à l’écran dans la vidéo sont le 5 avril 2021, 12 h 59.

Deux personnes s’approchent du magasin. La première personne [on sait maintenant qu’il s’agissait du plaignant] porte un chandail foncé, dont le capuchon est sur sa tête, ainsi qu’un masque. Elle tient une bouteille d’eau dans sa main droite.

La deuxième personne [on sait maintenant qu’il s’agissait de l’ami du plaignant] porte également un chandail dont le capuchon est sur sa tête. Elle a dans la main droite un objet ressemblant à une bouteille de Coke.

Ni le visage du plaignant ni celui de son ami ne sont visibles.

Le plaignant ouvre la porte et entre dans le magasin. La TC no 3 se trouve derrière le comptoir de la caisse. L’ami du plaignant entre dans le magasin et se place derrière le plaignant, à sa droite. Le plaignant lance avec force sa bouteille d’eau vers la caisse. La bouteille frappe deux écrans qui se trouvent sur le comptoir, à droite de la TC no 3, poussant l’un des écrans sur l’autre, faisant tomber ce dernier sur le plancher, et poussant aussi une calculatrice sur un comptoir inférieur. Le plaignant agrippe ensuite un présentoir qui se trouve directement devant la porte et le fait tomber sur le plancher.

Ensuite, l’ami du plaignant lance la bouteille de Coke, mais avec moins de force que le plaignant lorsqu’il a lancé sa propre bouteille. La bouteille de Coke heurte un objet (peut être un autre écran) qui se trouve juste au-dessus de la caméra, derrière la TC no 3 et par-dessus son épaule.

Le plaignant et son ami sortent du magasin et prennent la fuite à pied, sortant du champ de la caméra. Ils ont été à l’intérieur du magasin pendant quatre ou cinq secondes. La TC no 3 prend alors le téléphone.

Documents obtenus du service de police

Sur demande, l’UES a reçu les éléments suivants de la part du SPRN entre le 22 avril 2021 et le 12 août 2021 :
• notes de l’AI;
• notes de l’AT no 1;
• notes de l’AT no 2;
• notes de l’AT no 3;
• rapport du système de répartition assistée par ordinateur;
• sommaire du système de répartition assistée par ordinateur;
• enregistrements des communications;
• sommaire du dossier de la Couronne;
• rapport d’incident général comprenant des photos des lieux prises par les agents;
• politique sur le recours à la force (menottes);
• politique relative aux jeunes;
• politique sur les pouvoirs en matière d’arrestation.



Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a reçu les éléments suivants d’autres sources :
• dossiers médicaux du plaignant;
• photos du plaignant prises par la TC no 1;
• vidéo captée par le système de télévision en circuit fermé du magasin;
• photos du magasin;
• photo des mains du plaignant datées du 5 avril 2021;
• photo du plaignant datée du 15 avril 2021.

Description de l’incident

Le scénario qui suit est fondé sur les éléments de preuve recueillis par l’UES, dont des entrevues avec le plaignant et l’AI.

Tôt dans l’après-midi du 5 avril 2021, l’AI a repéré le plaignant, qui jouait au basketball au parc A.J. McKinley, et a procédé à son arrestation. Quelques minutes plus tôt, l’agent s’était rendu dans un magasin situé près du parc pour donner suite à des allégations d’agression et de méfait. Une employée du magasin qui se trouvait derrière le comptoir avait été la cible de bouteilles d’eau et de Coke que deux adolescents avaient lancées dans sa direction. Le plaignant était l’un de ces adolescents.

L’AI a menotté le plaignant, a placé celui-ci et son ami (l’autre adolescent impliqué dans l’incident qui s’était produit au magasin) dans son véhicule et les a emmenés à la résidence du plaignant. Lorsque la mère du plaignant, la TC no 1, a ouvert la porte, l’AI lui a expliqué ce qui s’était produit, puis lui a confié le plaignant. Aucune accusation n’a été portée.

Après sa libération, le plaignant a dit à sa mère que l’agent l’avait blessé à la main droite lorsqu’il l’avait menotté.

Le 15 avril 2021, le plaignant s’est rendu à l’hôpital avec sa mère, où l’on a constaté qu’il avait une fracture à la main droite.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 15 avril 2021, on a constaté que le plaignant avait subi une blessure grave. Le même jour, accompagné de sa mère, le plaignant s’est rendu au commissariat de police et a indiqué qu’il avait subi sa blessure lorsqu’il avait été arrêté par un agent du SPRN le 5 avril 2021. L’UES a lancé une enquête et a désigné l’agent ayant procédé à l’arrestation – l’AI – comme agent impliqué. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement à l’arrestation et à la blessure du plaignant.

Aux termes du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit, sur la base d’un jugement raisonnable, nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire. Le plaignant a été filmé par la caméra du magasin en train de lancer avec force une bouteille d’eau en direction de la caissière, ce qui s’est aussi traduit par des dommages à des biens. Il est évident que son arrestation pour agression et méfait était fondée.

Même s’il y a des divergences dans les divers témoignages recueillis en ce qui concerne la nature et l’ampleur de la force utilisée par l’AI pour arrêter le plaignant, ces témoignages ne permettent pas d’établir, sur la base d’un jugement raisonnable, que l’agent a usé d’une force excessive. Selon la version des faits la plus incriminante, l’AI aurait pris les mains du plaignant et les aurait placées derrière le dos de celui-ci pour le menotter « d’une manière agressive ». À mon avis, ce témoignage, à lui seul, ne montre pas que l’agent aurait commis une agression justifiant des accusations criminelles.

L’AI, quant à lui, affirme qu’il a arrêté et menotté le plaignant sans incident, qu’aucune force autre que celle qui était nécessaire pour saisir les bras et les mains du plaignant et menotter celui-ci n’a été appliquée. Il nie avoir été brusque ou agressif dans son interaction avec le plaignant.

Pour les raisons qui précèdent, que le plaignant ait ou non subi sa fracture à la main droite pendant son arrestation par l’AI, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’agent s’est comporté autrement qu’en toute légalité tout au long de son intervention. Donc, il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire, et le dossier est clos.


Date : 8 novembre 2021

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les enregistrements en question contiennent des renseignements personnels de nature délicate et ne sont donc pas divulgués, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces enregistrements sont résumées ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.