Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-POD-224

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 42 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 17 juillet 2021, à 21 h 54, la Police provinciale de l’Ontario a avisé l’UES qu’à 19 h, ce jour-là, des membres de la famille du plaignant avaient signalé qu’il avait pris de la drogue et qu’on l’avait vu marcher sur un sentier en agitant un bâton près des étangs Waterford, dans le comté de Norfolk. Lorsque des agents de la Police provinciale sont arrivés sur les lieux, le plaignant est entré dans l’eau, a nagé jusqu’au milieu de l’étang et a disparu sous l’eau. L’Unité de la sécurité nautique de la Police provinciale s’est lancée à sa recherche.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 18 juillet 2021 à 8 h 22

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 18 juillet 2021 à 10 h 28

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 42 ans, décédé


Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue entre le 18 et le 20 juillet 2021.


Agents impliqués

AI A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 28 juillet 2021.


Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 23 juillet 2021.
 

Éléments de preuve

Les lieux

La scène est un petit plan d’eau appelé les étangs Waterford.


Figure 1 - Vue sur les étangs Waterford.

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES sont arrivés aux étangs Waterford à 13 h 10, le 18 juillet 2021, où ils ont rencontré un agent de l’Unité de recherche et de récupération sous-marines de la Police provinciale. Ce dernier les a avisés qu’ils avaient récupéré le corps du plaignant dans l’étang vers 12 h 14 et l’avaient emmené sur la rive nord, derrière une résidence de la rue Mechanic Ouest. Ils avaient trouvé le corps du plaignant au centre de l’étang, à une profondeur d’environ 1,8 mètre (6 pieds).

À 13 h 20, les enquêteurs de l’UES ont noté que le plaignant avait déjà été placé dans un sac mortuaire en attendant l’arrivée du coroner. À 14 h 05, le coroner a examiné le corps et constaté le décès. La dépouille du plaignant a été emmenée à l’Unité de médecine légale de Toronto (UMLT).


Éléments obtenus auprès du service de police

L’UES a examiné les dossiers suivants que lui a remis le détachement du comté de Norfolk de la Police provinciale entre le 21 et le 27 juillet 2021 :
• Empreintes digitales du plaignant;
• Résumé des détails de l’événement;
• Enregistrements des communications;
• Rapport général;
• Enregistrements de connexion du comté de Norfolk;
• Notes de l’AI et des ATs;


Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments suivants obtenus auprès d’autres sources :
• Documents de pathologie de l’UMLT.

Description de l’incident

Dans la soirée du 17 juillet 2021, le plaignant était en détresse mentale et se comportait de manière erratique, errant sans but sur un chemin et agitant un gros bâton. Le plaignant s’est dirigé vers le nord où un de ses proches l’a aperçu et a appelé la police.

L’AI, l’AT no 1, l’AT 2 et l’AT no 3 ont été envoyés sur les lieux pour localiser et arrêter le plaignant en vertu d’un mandat non exécuté. Ils l’ont repéré sur la piste cyclable au nord de la rue Alice. Alors que les agents approchaient, le plaignant est entré dans les étangs Waterford vers 19 h 22 et a commencé à nager vers le nord, en direction d’une maison de la rue Mechanic Ouest, sur la rive opposée du plan d’eau. L’AT no 2 a parlé au plaignant depuis la rive, l’implorant de sortir de l’eau pendant que les autres agents se dirigeaient vers la rue Mechanic Ouest.

À peu près à mi-chemin entre les rives sud et nord, le plaignant a commencé à se débattre dans l’eau et à appeler à l’aide. Deux civils sont entrés dans l’eau pour tenter de le sauver. De son côté, l’AI a retiré son uniforme, est entré dans l’eau et a nagé jusqu’au milieu de l’étang. Le plaignant avait disparu sous la surface. Malgré leurs efforts, l’agent et les deux civils ne sont pas parvenus à localiser le plaignant. Au bout de quelques minutes, comme ils commençaient à s’essouffler, l’AT no 2 leur a donné l’ordre de sortir de l’eau. Ils sont retournés sur la berge.

Peu après, l’AT no 1 et l’AT no 3 ont trouvé une petite chaloupe et ont ramé jusqu’à l’endroit où le plaignant avait été vu pour la dernière fois. Ils ont tenté de le retrouver pendant plus de deux heures, sans succès.

Le corps du plaignant a été récupéré dans les étangs Waterford le 18 juillet 2021 vers 12 h 14.


Cause du décès

Le pathologiste chargé de l’autopsie était d’avis préliminaire que le décès du plaignant était attribuable à la noyade.

Dispositions législatives pertinentes

Articles 220 du Code criminel -- Négligence criminelle

220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :
a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;
b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

Article 221 du Code criminel -- Causer des lésions corporelles par négligence

221 Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui.

Analyse et décision du directeur

Le 17 juillet 2021, le plaignant est décédé par noyade dans les étangs Waterford, à Waterford. Comme la police le recherchait à ce moment-là et, en fait, avait tenté une opération de sauvetage, l’UES a été avisée et a ouvert une enquête. L’un des agents qui avaient tenté de le sauver a été identifié étant l’agent impliqué. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec le décès du plaignant.

L’infraction à prendre en considération en l’espèce est la négligence criminelle causant la mort, une infraction visée par l’article 220 du Code criminel. Cette infraction correspond aux cas graves de comportement négligent, à savoir les cas de mépris déréglé ou téméraire pour la vie ou la sécurité d’autrui. La culpabilité serait fondée, en partie, sur la conclusion que la conduite constituait un écart marqué et important par rapport au niveau de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans les circonstances. En l’espèce, il faut déterminer si les agents, notamment l’AI, ont fait preuve d’un manque de diligence qui a contribué au décès du plaignant et qui était suffisamment flagrant pour justifier une sanction pénale. À mon avis, ce n’est pas le cas.

La présence des agents était légale, et ils exerçaient leurs fonctions légitimes en tentant de repérer le plaignant, d’abord pour l’arrêter puis, par la suite, pour le sauver quand il est entré dans l’eau et à commencer se débattre dans les étangs Waterford. Au départ, les agents étaient en droit de chercher à mettre le plaignant sous garde puisqu’il faisait l’objet d’un mandat non exécuté. Les agents étaient également tenus, en vertu de leur devoir primordial de protéger et de préserver la vie, de faire ce qu’ils pouvaient raisonnablement pour tenter de secourir le plaignant une fois ce dernier dans l’eau.

Je suis également convaincu que les agents se sont comportés avec diligence et respect pour la santé et le bien-être du plaignant tout au long de leur intervention. Ils venaient tout juste de le repérer quand le plaignant est entré dans l’eau et a commencé à s’éloigner à la nage. L’AT no 2 a tenté de le convaincre de retourner à terre et les autres agents sont entrés dans l’eau lorsqu’il a commencé à se débattre pour éviter de couler. Au péril de sa propre vie, l’AI a nagé jusqu’au milieu de l’étang où il a rejoint deux civils qui tentaient de trouver et de secourir le plaignant dans des conditions difficiles et de faible visibilité. Après plusieurs minutes, ils ont tous commencé à se fatiguer et ont reçu l’ordre, raisonnablement à mon avis, de mettre fin à leurs efforts parce que le risque pour leur sécurité personnelle augmentait. Peu après, alors qu’ils attendaient l’intervention du service d’incendie et de l’Unité de la sécurité nautique de la police, l’AT no 1 et l’AT no 3 ont eux-mêmes procédé à de longues recherches à l’aide d’une chaloupe. Au vu de ce qui précède, il est évident que les agents n’ont rien fait qui ait contribué à la mort du plaignant, et ont fait leur possible pour le secourir.

Je ne trouve donc aucun motif raisonnable de croire que les agents en cause, y compris l’AI, aient enfreint les limites de diligence prescrites par le droit criminel en lien avec le décès du plaignant. Il n’y a donc pas lieu de déposer des accusations criminelles dans cette affaire, et le dossier est clos.


Date : 8 novembre 2021


Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.