Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OCD-204

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

'Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 22 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 1er juillet 2021, à 18 h 11, la Police régionale de Peel (PRP) a avisé l’UES d’une blessure subie par le plaignant et donné le rapport suivant :

À 16 h 10, des agents de police de la PRP ont répondu à un appel au 9-1-1 de la mère du plaignant, la témoin civile (TC) no 1, qui appelait pour signaler avoir entendu des coups de feu. À leur arrivée dans le hall d’entrée de l’immeuble, les agents témoins (AT) no 4, no 1 et no 2 ont vu le plaignant et l’ont confronté. Le plaignant a perdu les signes vitaux dans les moments qui ont suivi. Aucune contrainte physique n’a apparemment été utilisée. Lorsque l’AT no 3 et l’AT no 5 sont arrivés sur les lieux, ils ont commencé la réanimation cardio-pulmonaire (RCR) et sont parvenus à obtenir un pouls. Le plaignant a été transporté à l’Hôpital Civic de Brampton (HCB), où il a été admis et dans un état stable pour une possible surdose.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 1er juillet 2021 à 19 h 39.

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 1er juillet 2021 à 20 h 48.

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Les enquêteurs de l’UES ont interrogé des témoins civils et de la police.

Ils ont demandé et obtenu des enregistrements de caméras de surveillance de l’immeuble d’appartements.

Ils ont photographié et examiné les zones pertinentes de l’immeuble.

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 22 ans, décédé


Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue les 5 et 8 juillet 2021.

Agents impliqués

AI A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 26 août 2021.



Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue entre le 2 et le 7 juillet 2021.



Éléments de preuve

Les lieux

Les enquêteurs de l’UES sont arrivés sur les lieux le 1er juillet 2021, à 20 h 48.

Il s’agissait d’une tour d’habitation, dans le secteur de l’avenue Steeles Ouest et de la rue Hurontario, à Brampton. Plusieurs véhicules de police étaient garés devant et sur le côté de l’immeuble. L’entrée principale était sécurisée par une banderole de police, et il y avait trois caméras de vidéosurveillance sur la façade de l’immeuble, près de l’entrée.

L’entrée principale comprend deux jeux de portes, la porte intérieure étant à contrôle d’accès. Le panneau vitré inférieur de la porte intérieure, qui avait été brisé, était sorti de son cadre et des petits éclats de verre étaient éparpillés par terre à l’intérieur. Au-delà de la porte intérieure, il y avait une autre caméra de vidéosurveillance dirigée vers le hall d’entrée. Il n’y avait aucun signe de violence ou de perturbation dans le hall autre que le bris du panneau vitré de la porte.

Les trois endroits suivants étaient gardés par des membres de la PRP : a) le corridor ouest où les agents avaient trouvé le plaignant; b) la cage d’escalier ouest entre le deuxième et le cinquième étage où se trouvaient divers objets; et, c) à l’extérieur de l’appartement d’où la TC no 1 avait appelé le 9-1-1.

À l’extérieur du hall, dans le corridor ouest, il y avait un sac de preuves de la police contenant des débris médicaux, une carte de débit sans nom et une carte de transfert de transport en commun. Sur le palier du deuxième étage, un plat de pâtes à emporter avait été laissé par terre. Entre le deuxième et le troisième étage, il y avait un trou circulaire dans la cloison sèche, comme si quelqu’un avait donné un coup de pied à cet endroit. Il y avait de la poussière fraîche sur le sol sous le trou. Entre le cinquième et le sixième étage, il y avait des morceaux éparpillés d’un stylo bleu qui avait été démonté. La tige du stylo créait un tube qui pouvait être utilisé pour sniffer des stupéfiants. Un morceau de film plastique qui aurait pu contenir des stupéfiants se trouvait sur le sol, à côté d’un téléphone cellulaire cassé. Les articles ci-dessus ont été photographiés, mais n’ont pas été obtenus par l’UES, car il n’y avait aucun lien entre ces articles et le plaignant à l’époque.

Éléments de preuve matériels

Le 5 juillet 2021, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES s’est rendu à la Division 22 de la PRP pour obtenir les effets du plaignant que les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de la PRP avait saisis à l’hôpital (HCB). Ces effets étaient les suivants :
• une montre analogique avec bracelet bleu. La montre était maculée d’une petite quantité de sang;
• un pantalon (blue-jean), avec des coupures sur les deux jambes – aucun signe de taches de sang;
• un briquet BIC rouge, dans la poche droite du pantalon;
• un débardeur noir avec un motif doré sur le devant. Les épaules et les bretelles avaient été coupées sur le devant;
• un short de sport noir, avec des marques dorées;
• un chandail à capuchon vert, rose et blanc, avec les manches et le devant coupés.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies

Le 7 juillet 2021, la PRP a remis à l’UES les enregistrements des communications pertinentes. Un résumé des éléments importants de leur contenu est donné ci-après.


Communications téléphoniques de la PRP

À 16 h 10 min 38 s, une femme [maintenant connue comme étant la TC no 1] appelle le 9-1-1 pour signaler avoir entendu ce qui semblait des coups de feu dans la cage d’escalier à côté de son appartement. Elle a ensuite entendu un homme crier et gémir, comme s’il était blessé, puis trois fortes détonations consécutives. Elle a entendu quelqu’un monter ou descendre l’escalier en courant, et elle est retournée dans son appartement où elle s’est enfermée dans la salle de bain.

La TC no 1 a dit à l’opérateur du 9-1-1 qu’elle avait peur parce que son fils [maintenant connu pour être le plaignant], qui souffrait de maladie mentale, faisait des allers-retours entre l’appartement et l’escalier. Elle l’avait vu pour la dernière fois environ 30 minutes avant d’entendre les détonations.

À 16 h 12 min 14 s, on demande aux services médicaux d’urgence (SMU) d’attendre dans un commerce voisin parce que quelqu’un avait signalé des coups de feu dans la cage d’escalier.

A 16 h 14 min 43 s, l’unité d’intervention tactique est sollicitée.

À 16 h 18 min 36 s, un superviseur des communications informe l’inspecteur-détective qu’un sergent a « tasé » quelqu’un dans la cage d’escalier.

À 16 h 21 min 12 s, un superviseur des communications informe l’inspecteur-détective que le plaignant est sans réaction, mais qu’il respire. Le plaignant avait des blessures au couteau antérieures et on a demandé aux SMU d’intervenir d’urgence pour une possible crise épileptique.


Communications radio de la PRP

À 16 h 11 min 31 s, l’AT no 2 et l’AT no 1 sont dépêchés pour un incident dangereux lié à des armes, à la suite de rapports faisant état de coups de feu tirés dans la cage d’escalier.

À 16 h 13 min 5 s, le répartiteur donne le numéro d’appartement de la personne qui a appelé le 9-1-1 [maintenant connue comme étant la TC no 1]. La TC no 1 a dit avoir entendu deux coups de feu puis quelqu’un crier. Les SMU sont en route et attendront dans un commerce voisin. L’AT no 1 arrive sur les lieux. L’AT no 4 demande aux unités concernées de se rendre sur les lieux pour des raisons de sécurité publique et demande que des unités supplémentaires établissent un périmètre de sécurité.

À 16 h 14 min 19 s, l’AT no 4 est sur les lieux avec deux autres unités [maintenant connues pour être l’AT no 1 et l’AT no 2]. Il demande que l’unité d’intervention tactique vienne en renfort.

À 16 h 16 min 4 s, l’AT no 4 dit qu’ils doivent briser la porte pour assurer la sécurité publique. Il a vu un homme [maintenant connu comme étant le plaignant] passer devant eux. L’AT no 4 demande qu’on suspende les transmissions radio.

À 16 h 17 min 7 s, un policier crie [traduction] : « Les mains en l’air! Les mains en l’air! ». L’AT no 4 demande que des ambulanciers paramédicaux viennent d’urgence pour une personne qui fait une crise d’épilepsie.

À 16 h 18 min 35 s, l’AT no 4 demande de maintenir la suspension des transmissions radio et réitère la demande d’urgence des SMU. D’autres agents commencent à fouiller le bâtiment.

À 16 h 19 min 17 s, l’AT no 4 demande de nouveau que les SMU viennent rapidement à l’entrée de l’immeuble pour une personne en crise. Des agents de police continuent la vérification de la cage d’escalier.

À 16 h 20 min 32 s, l’AT no 4 dit que le plaignant a des blessures superficielles au couteau; il ne sait pas s’il a subi des blessures par balle. Le plaignant ne réagit pas, mais a un pouls.

À 16 h 22 min 14 s a, les SMU sont sur les lieux. Une fois la cage d’escalier ouest vérifiée, l’AT no 2 dit qu’il a trouvé une pipe à crack, des sandales et un téléphone cellulaire au cinquième étage.

À 16 h 25 min 59 s, l’AT no 4 ordonne à l’AT no 1 de maintenir sa position.

À 16 h 28 min 31 s, deux agents de police disent qu’ils ont terminé la vérification de la cage d’escalier est. Ils n’ont trouvé aucune victime.

A 16 h 36 min 7 s, un inspecteur-détective arrive sur les lieux. L’AT no 4 dit que le plaignant n’a plus de signes vitaux. L’AT no 4 a demandé à des agents de sécuriser la cage d’escalier ouest au cinquième étage ainsi que l’endroit où le plaignant a été trouvé.

À 16 h 37 min 26 s, l’AT no 1 trouve des sachets vides au cinquième étage.

À 16 h 45 min 42 s, l’inspecteur-détective demande qu’un autre sergent vienne sur les lieux.

À 16 h 49 min 24 s, un deuxième inspecteur-détective demande à être placé sur l’appel.

À 16 h 54 min 3 s, un agent de police est à bord de l’ambulance avec le plaignant pour le transport à l’hôpital.

À 17 h 06 min 42 s, le deuxième inspecteur-détective demande qu’un sergent gradé d’une autre division vienne sur les lieux.


Caméra corporelle – AT no 1

Le 2 juillet 2021, l’UES a reçu une copie des images de la caméra corporelle de l’AT no 1. La vidéo était horodatée, en couleur et avait une fonction audio. Un résumé des éléments importants de son contenu est donné ci-après.

À 16 h 15, l’AT no 1 se dirige vers l’entrée principale de l’immeuble. Le champ de vision de la caméra est obstrué par le bouclier de l’agent. L’AT no 1 secoue les portes verrouillées du hall d’entrée et frappe à la porte vitrée pour attirer l’attention de personnes qui pourraient se trouver à l’intérieur. Un agent de police crie en direction de quelqu’un qui est à l’intérieur.

Sous l’effet d’autres coups, la vitre de la porte se brise. Les agents entrent dans le hall de l’immeuble et commencent immédiatement à crier [traduction] : « Les mains en l’air! Les mains en l’air! Les mains en l’air! » suivi de « Sors tes bras, mets tes bras sur le côté. Maintenant! ». Un agent crie : « Les mains, maintenant ! ».

À 16 h 16, un agent crie [traduction] : « Les mains en l’air! À plat ventre et les mains sur le côté immédiatement ! Un agent de police demande : « Ton Taser est prêt? », suivi d’autres ordres de mettre les mains sur le côté.

À 16 h 17, un agent demande une ambulance pour une personne en crise d’épilepsie. L’AT no 1 dit qu’il va vérifier l’escalier avec l’AT no 2 puis redescendre dans le hall. On voit alors sur la vidéo les deux agents munis de boucliers monter l’escalier jusqu’au dernier étage puis redescendre.


Vidéo de caméras de surveillance de l’immeuble d’appartements

Le 2 juillet 2021, les enquêteurs de l’UES se sont rendus dans l’immeuble à la recherche d’images de vidéosurveillance. Il y avait deux caméras sur l’auvent de l’entrée principale, une caméra dans l’entrée et une caméra tournée vers l’entrée principale. Il y avait aussi des caméras dans les trois ascenseurs et dans la cage d’escalier ouest, montrant l’escalier, mais pas le corridor. Les vidéos ont été téléchargées et une copie en a été fournie aux enquêteurs sur une clé USB. Les vidéos étaient horodatées, en couleur, mais sans fonction audio. Un résumé des éléments importants de leur contenu est donné ci-après.

À 16 h 09, un véhicule de police de la PRP [maintenant connu pour être celui conduit par l’AT no 1] arrive en premier sur les lieux. L’agent passe devant l’entrée principale, sort de son véhicule de police et récupère un grand gilet pare-balles, un casque, un bouclier et une carabine C8 dans le coffre.

À 16 h 10, un deuxième véhicule de police de la PRP [maintenant connu pour être celui conduit par l’AT no 2] arrive sur les lieux. L’agent se garde dans l’allée devant l’entrée principale de l’immeuble, sort de son véhicule et se dirige vers l’AT no 1, qui lui remet le bouclier balistique. L’AT no 1 et l’AT no 2 entrent dans le vestibule de l’entrée principale.

À 16 h 11, un troisième véhicule de police de la PRP [maintenant connu pour être celui conduit par l’AT no 4] arrive sur les lieux. L’AT no 4 rejoint l’AT no 1 et l’AT no 2 dans le vestibule de l’immeuble pour tenter d’attirer l’attention de quelqu’un à l’intérieur. Pendant que l’AT no 1 frappe et donne des coups de pied dans la porte vitrée, un homme [maintenant connu comme étant le plaignant] passe devant les ascenseurs d’est en ouest. Il ne regarde pas en direction des agents qui tentent d’entrer dans l’immeuble et disparaît du champ de vision de la caméra. Le plaignant porte une veste rouge, blanche et verte et un pantalon foncé. Il est pieds nus.

L’AT no 1 utilise sa matraque pour briser le verre, puis entre dans le hall, suivi par l’AT no 2 et l’AT no 4. Les agents se dirigent vers les ascenseurs et voient le plaignant dans le corridor ouest. On ne peut pas voir le plaignant parce qu’il n’est pas dans le champ de vision de la caméra.

À 16 h 13, deux autres agents [maintenant connus pour être l’AT no 3 et l’AT no 5] arrivent sur les lieux, entrent par l’entrée principale et rejoignent l’AT no 1, l’AT no 2 et l’AT no 4. L’AT no 4 est dans le corridor est, tandis que l’AT no 1 et l’AT no 2 se dirigent vers la cage d’escalier ouest et montent l’escalier.

À 16 h 26, deux véhicules des SMU de Peel arrivent et plusieurs ambulanciers paramédicaux entrent dans l’immeuble avec une civière. Plusieurs d’entre eux donnent des soins au plaignant et l’allongent sur la civière.

À 16 h 39, on sort le plaignant par l’entrée principale pour le placer dans une ambulance.


Éléments obtenus auprès du service de police

L’UES examiné les dossiers suivants que lui a remis la PRP :
• Enregistrements de caméra corporelle;
• Enregistrements des communications;
• Chronologie de l’incident sur le système de répartition assistée par ordinateur;
• Notes des ATs et de l’AI;
• Rapport d’incident;
• Liste des agents concernés;
• Rapport sur les détails d’une personne;
• Directive de la PRP – Intervention en cas d’incident;
• Directive de la PRP – Soins et contrôle des détenus;
• Directive de ka PRP – Premiers soins;
• Directive de la PRP –Tireur actif – déploiement rapide immédiat;
• Directive de la PRP – Pulvérisateur nasal de naloxone;
• Incident de la PRP;
• Dossiers de formation pour six agents en cause;
• Formation – Annexe A : Guide de poche sur la manipulation des substances hautement toxiques;
• Formation – Menace directe – Plan de leçon;
• Formation – Menace indirecte – Plan de leçon;
• Formation – Administration de naloxone par pulvérisation nasale;
• Formation –Respiration artificielle et défibrillateur externe automatisé.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments suivants obtenus auprès d’autres sources :
• Images de vidéosurveillance d’un immeuble d’appartements;
• Rapport d’appel d’ambulance – SMU de Peel.

Description de l’incident

La séquence d’événements suivante découle des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec l’agent impliqué et avec d’autres agents qui ont eu affaire au plaignant le jour en question. L’enquête a également bénéficié des vidéos enregistrées par des caméras de sécurité et par la caméra corporelle d’un agent de police qui ont capturé certaines parties de l’incident.

Dans l’après-midi du 1er juillet 2021, la TC no 1 a appelé la police pour signaler ce qu’elle croyait être de possibles coups de feu dans la cage d’escalier du cinquième étage de son immeuble, à Brampton. La TC no 1 était la mère du plaignant. Des agents ont été envoyés sur les lieux.

L’AT no 1 et l’AT no 2 sont arrivés en premier, suivis de près par l’AT no 4. Après avoir essayé en vain d’attirer l’attention de résidents pour déverrouiller et ouvrir la porte vitrée intérieure du vestibule de l’immeuble, l’AT no 1 a utilisé sa matraque pour briser la vitre et entrer. L’agent était armé d’une carabine C8; son partenaire avait un bouclier balistique en main.

Juste avant l’entrée en force des agents, le plaignant était passé devant la porte en marchant de l’est vers le corridor ouest, apparemment sans remarquer les coups frappés à la porte par les agents. Que ce soit en raison d’un trouble physique, d’une maladie mentale ou de l’ingestion de drogues, ou d’une combinaison des trois, le plaignant n’était pas sain d’esprit. Après avoir marché vers l’ouest dans le corridor, il s’est arrêté quand les agents qui le suivaient lui ont crié de se mettre à terre et de montrer ses mains. Les mouvements physiques du plaignant sont devenus erratiques et instables. Il a fini par s’assoir par terre dans le corridor, puis s’est allongé sur le dos, la tête en direction des agents qui étaient à l’est de l’endroit où il se trouvait.

L’AT no 3 et l’AT no 5 sont alors arrivés sur les lieux. Ils sont entrés dans le corridor à peu près au moment où le plaignant s’allongeait par terre. Ils ont rejoint l’AT no 1 et l’AT no 2 qui se dirigeaient vers le plaignant, lequel avait alors de l’écume sortant de la bouche et des convulsions. L’AT no 3 et l’AT no 5 ont menotté le plaignant sur le devant du corps. L’AT no 1 et l’AT no 2 se sont éloignés dans le corridor et sont entrés dans la cage d’escalier. Pour autant que les agents le savaient à ce moment-là, il y avait peut-être un individu armé dans l’immeuble.

Vers 16 h 20, environ cinq minutes après que le plaignant a été menotté, l’AI est arrivé dans l’immeuble. L’AT no 3 s’occupait du plaignant, qui semblait avoir une crise d’épilepsie. L’AT no 3 a dit à l’AI que le plaignant était conscient et respirait, mais qu’il ne répondait pas aux questions qu’on lui posait. Il a ajouté qu’il avait trouvé sur le plaignant un sac en plastique transparent contenant ce qui semblait de la cocaïne.

Les ambulanciers paramédicaux ont été appelés, sont entrés dans l’immeuble vers 16 h 33 et ont pris en charge les soins du plaignant. À ce moment-là, le plaignant était visiblement en état de détresse respiratoire. Le plaignant a été placé sur une civière pour être transporté jusqu’à l’ambulance; il a perdu ses signes vitaux. Les ambulanciers paramédicaux ont commencé la RCR.

Le plaignant a retrouvé son pouls à l’hôpital. Il est décédé le lendemain.


Cause du décès

À l’autopsie, la pathologiste a trouvé des signes d’hémorragie sous-endocardique. À part des signes de réanimation, elle n’a trouvé aucune blessure traumatique.

La cause du décès du plaignant demeure incertaine pour le moment, en attendant les résultats de l’analyse toxicologique.

Dispositions législatives pertinentes

Article 215, paragraphes 1 et 2, Code criminel -- Devoir de fournir les choses nécessaires à l’existence

215 (1) Toute personne est légalement tenue :
a) en qualité de père ou mère, de parent nourricier, de tuteur ou de chef de famille, de fournir les choses nécessaires à l’existence d’un enfant de moins de seize ans;
b) de fournir les choses nécessaires à l’existence de son époux ou conjoint de fait;
c) de fournir les choses nécessaires à l’existence d’une personne à sa charge, si cette personne est incapable, à la fois :
i. par suite de détention, d’âge, de maladie, de troubles mentaux, ou pour une autre cause, de se soustraire à cette charge,
ii. de pourvoir aux choses nécessaires à sa propre existence.

(2) Commet une infraction quiconque, ayant une obligation légale au sens du paragraphe (1), omet, sans excuse légitime, dont la preuve lui incombe, de remplir cette obligation, si :
a) à l’égard d’une obligation imposée par l’alinéa (1)a) ou b) :
i. ou bien la personne envers laquelle l’obligation doit être remplie se trouve dans le dénuement ou dans le besoin,
ii. ou bien l’omission de remplir l’obligation met en danger la vie de la personne envers laquelle cette obligation doit être remplie, ou expose, ou est de nature à exposer, à un péril permanent la santé de cette personne;
b) à l’égard d’une obligation imposée par l’alinéa (1)c), l’omission de remplir l’obligation met en danger la vie de la personne envers laquelle cette obligation doit être remplie, ou cause, ou est de nature à causer, un tort permanent à la santé de cette personne

Articles 219 du Code criminel -- Négligence criminelle

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

Articles 220 du Code criminel -- Négligence criminelle

220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :
a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;
b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant est décédé le 2 juillet 2021 à l’hôpital. La veille, il avait sombré dans une détresse médicale aiguë au cours d’une confrontation avec des agents de la PRP. L’UES a été avisée de l’incident, a ouvert une enquête et a identifié l’agent impliqué (AI). L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec le décès du plaignant.

Les infractions à prendre en considération en l’espèce sont le défaut de fournir les choses nécessaires à l’existence et la négligence criminelle causant la mort, en contravention des articles 215 et 220 du Code criminel, respectivement. Pour la première infraction, la culpabilité serait fondée, en partie, sur la conclusion que la conduite constituait un écart marqué par rapport au niveau de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans les circonstances. La deuxième est une infraction plus grave de conduite négligente, à savoir les cas démontrant un mépris déréglé ou téméraire pour la vie ou la sécurité d’autrui. Pour que cette infraction soit établie, il faut notamment que la négligence en question constitue un écart à la fois marqué et important par rapport à un niveau de diligence raisonnable. En l’espèce, il faut donc déterminer si l’AI a fait preuve d’un manque de diligence qui a causé, directement ou indirectement, le décès du plaignant et qui était suffisamment flagrant pour entraîner une sanction pénale. À mon avis, ce n’est pas le cas.

La présence des agents dans l’immeuble était légale tout au long de leur intervention. Ils étaient là en réponse à un appel signalant la présence d’un possible tireur et devaient enquêter sur la situation avec diligence pour préserver la sécurité publique. Dans les circonstances, je suis convaincu que les agents ¬– face à un individu qui se trouvait près de l’endroit où des coups de feu avaient été signalés, ignorait leurs ordres et, du fait de son comportement, pourrait être blessé – avaient une base légale pour mettre le plaignant sous garde jusqu’à ce qu’ils puissent déterminer le rôle que le plaignant avait peut-être joué dans l’incident sur lequel ils enquêtaient.

Une fois le plaignant sous leur garde, les agents avaient le devoir de protéger sa santé et sa sécurité. Je suis convaincu qu’ils se sont acquittés de ce devoir dans les limites de diligence prescrites par le droit criminel. L’AT no 3 et l’AT no 5, après avoir menotté le plaignant, se sont rapidement rendu compte qu’ils avaient affaire à une urgence médicale et l’ont placé en position de récupération pendant que plusieurs appels étaient passés pour obtenir d’urgence une ambulance. Pendant qu’ils attendaient, l’AI et l’AT no 3 ont envisagé l’utilisation de naloxone étant donné la possibilité que le plaignant ait fait une surdose de drogues illicites, en particulier à la lumière du sachet trouvé sur lui. Ils n’ont toutefois pas donné suite à cette idée car le plaignant respirait toujours et était conscient. Avec du recul, il aurait peut-être été préférable d’administrer de la naloxone – un antagoniste des opioïdes – par surcroit de prudence, d’autant plus que la respiration du plaignant n’était pas sans difficulté et que les agents ne savaient pas s’il avait effectivement consommé des drogues et dans l’affirmative, lesquelles. Cela dit, les deux agents, dans leurs entrevues avec l’UES, ont mentionné que dans la formation qu’ils avaient suivie, on leur avait dit qu’il ne fallait pas administrer de la naloxone à une personne qui respirait encore. En effet, l’UES a obtenu la formation en ligne donnée aux agents, qui stipule que la naloxone doit être administrée lorsque la respiration de la victime de surdose est lente ou irrégulière, ou s’est arrêtée. Bien que la formation n’exclue pas l’utilisation de ce médicament en l’absence de détresse respiratoire si d’autres signes de surdose sont présents, l’AI n’était pas le seul à avoir retenu de la formation qu’il ne fallait pas administrer de la naloxone si la victime respirait. Par exemple, l’AT no 5 était du même avis. Il est également à noter que les ambulanciers paramédicaux n’ont pas non plus administré de naloxone en se fondant sur des renseignements qui ont amené au moins l’un d’entre eux à conclure que le plaignant souffrait d’une surdose de cocaïne, une substance non opioïde pour laquelle la naloxone ne serait d’aucune utilité. Ainsi, même si les agents – dont l’AI – ont commis une erreur en omettant d’administrer de la naloxone, ce manquement ne constituait pas un écart marqué par rapport à un niveau de diligence raisonnable.

En conséquence, bien que la cause de la mort tragique du plaignant demeure inconnue pour le moment, je ne peux raisonnablement conclure que les agents qui sont intervenus auprès de lui se soient comportés illégalement. Il n’y a pas donc lieu de déposer des accusations criminelles dans cette affaire, et le dossier est clos.


Date : 29 octobre 2021

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

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