Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-PVI-203

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 33 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 1er juillet 2021, à 16 h 12, la Police provinciale de l’Ontario a avisé l’UES d’une blessure subie par le plaignant et de l’admission de ce dernier à l’hôpital.

Selon le rapport de la Police provinciale, le 1er juillet 2021, à 6 h 04, le plaignant a volé un véhicule de la résidence de son ex-épouse, à Pembroke. Après une très brève poursuite, le plaignant a perdu le contrôle du véhicule qui s’est écrasé dans un fossé, sur Kelly Road. Le plaignant a été conduit au poste de police où il s’est plaint d’avoir mal à la tête.

On l’a alors emmené à l’Hôpital régional de Pembroke (HRP) puis transféré de là à l’Hôpital Victoria de Renfrew pour une tomodensitométrie, qui a révélé une possible hémorragie cérébrale. Le plaignant a ensuite été ramené à HRP où on l’a admis pour un nouvel examen dans la matinée.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 2 juillet 2021 à 6 h 49

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 2 juillet 2021 à 15 h 11.

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 1

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 33 ans, a participé à une entrevue

Le plaignant a participé à une entrevue le 30 juillet 2021.


Agent impliqué (AI)

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué. Ses notes ont été reçues et examinées.


Agents témoins (AT)

AT no 1 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 2 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.




Éléments de preuve

Les lieux

Le 31 août 2021, à 15 h, l’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES s’est rendu sur le lieu de la collision, à l’intersection de Round Cake Road (Renfrew County Road 58) et de Kelly Lake Road. Round Lake Road est orienté à peu près est-ouest, et Kelly Lake Road s’étend vers le sud depuis l’intersection.

L’enquêteur a photographié les lieux, y compris des traces sur l’accotement, au coin sud-ouest, où il semblait qu’un véhicule avait glissé dans le fossé. D’après ces traces, un véhicule qui roulait vers l’ouest sur Round Lake semble avoir voulu poursuivre sa route vers le sud (autrement dit, tourner à gauche sur Kelly Lake Road). Il y avait deux traces de pneus en ligne droite, suivant un angle sud-ouest de Round Lake Road à Kelly Lake Road. Il y avait une légère marque noire (dérapage) sur la chaussée goudronnée jusqu’à l’accotement de gravier, indiquant que le véhicule avait freiné. Ces marques commençaient sur la chaussée goudronnée et traversaient l’accotement de gravier pour se terminer dans le fossé, où le véhicule semblait s’être immobilisé. Le fossé était peu profond. Un panneau routier était renversé le long de la chaussée (Kelly Lake Road). L’avant du véhicule l’avait vraisemblablement heurté pendant son trajet vers le fossé. Un petit morceau de la plaque d’immatriculation avant du véhicule était incrusté dans le poteau.



Figure 1 – Traces de pneus et panneau routier renversé.

Éléments de preuve matériels

Le 31 août 2021, à 12 h 30, l’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a examiné la camionnette Mazda que le plaignant conduisait lors de cet incident, pour déceler tout dommage qui révélerait un contact avec un autre véhicule. Le véhicule a été photographié.

Le véhicule était en très mauvais état, avec de nombreuses bosses, éraflures, traces de rouille et pièces remplacées. Le pare-chocs arrière était plié vers le bas.

À l’arrière de la caisse du véhicule, côté conducteur, il y avait une bosse d’environ 4 cm de haut sur 8 cm de large, à une hauteur de 67 cm (soit à 66 à 70 cm du sol). Il y avait une éraflure de couleur claire sur le bord supérieur de la bosse.

À 13 h 21, l’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES s’est rendu au détachement de la Police provinciale situé au 77 International Drive, à Pembroke. Il a examiné et photographié le véhicule de police que conduisait l’AI le jour de l’incident. Ce véhicule ne présentait aucun signe visible de dommages ou de traces de contact sur le devant qui était équipé d’une barre de poussée. La traverse de la barre de poussée a été mesurée; elle était à une hauteur de 62,5 cm à 67 cm du sol. Elle n’était pas endommagée.

La camionnette Mazda et le véhicule de police ont été juxtaposés et il semblait que la hauteur de la bosse sur la camionnette ne correspondait pas à celle de la traverse de la barre de poussée du véhicule de police : la traverse était plus basse que la bosse de la camionnette.

Éléments de preuves médicolégaux

Résumé des données du système de positionnement global (GPS)

Selon les données GPS de la Police provinciale, à 6 h 09 min 15 s, l’AI a immobilisé son véhicule de police à proximité du 10884 Round Lake Road, à Pembroke. À 6 h 09 min 36 s, l’AI a commencé à poursuivre le plaignant. Pendant environ les cinq minutes suivantes et sur une distance d’environ 11,6 kilomètres, l’AI a poursuivi le plaignant vers l’ouest sur Round Lake Road, où la limite de vitesse affichée est de 80 km/h.

À 6 h 10 min 5 s, le véhicule de police de l’AI roulait à 142 km/h à l’approche de l’intersection de Round Lake Road et de Doran Road, une intersection non contrôlée par des panneaux d’arrêt ou des feux de circulation pour les véhicules circulant vers l’est ou l’ouest sur Round Lake Road. La distance parcourue depuis l’emplacement du contrôle routier (« le point de départ ») était de 914 mètres.

À 6 h 10 min 19 s, l’AI a atteint sa vitesse maximale de 149 km/h, à 1,4 kilomètre du point de départ et à 500 mètres à l’ouest de Doran Road.

À 6 h 10 min 55 s, l’AI s’est engagé dans l’intersection de Rahns Road à environ 138 km/h. L’intersection n’est pas contrôlée pour les véhicules circulant vers l’est et l’ouest sur Round Lake Road et se trouve à 2,9 kilomètres du point de départ.

À 6 h 11 min 41 s, l’AI roulait à 139 km/h au moment où il s’est engagé dans l’intersection de Borne Road North. L’intersection n’est pas contrôlée pour les véhicules circulant vers l’est et l’ouest sur Round Lake Road et se trouve à 4,6 kilomètres du point de départ.

À 6 h 11 min 52 s, l’AI a franchi l’intersection de German Road à 137 km/h. L’intersection n’est pas contrôlée pour les véhicules circulant vers l’est et l’ouest sur Round Lake Road et se trouve à 4,9 kilomètres du point de départ.

À 6 h 12 min 49 s, l’AI roulait à 141 km/h à l’approche de l’intersection de Borne Road North. Cette intersection n’est pas contrôlée pour les véhicules circulant vers l’est et l’ouest sur Round Lake Road et se trouve à 7,2 kilomètres du point de départ.

À 6 h 13 min 41 s, l’AI roulait à 140 km/h à l’approche de l’intersection de Round Lake Road et Stencells Road. Cette intersection n’est pas contrôlée pour les véhicules circulant vers l’est et l’ouest sur Round Lake Road et se trouve à 9,3 kilomètres du point de départ.

À 6 h 14 min 35 s, l’AI était à 300 mètres à l’est de Kelly Lake Road et roulait à 148 km/h. Cet endroit est à 11,3 kilomètres du point de départ.

À 6 h 14 min 48 s, l’AI s’est arrêté à l’intersection de Round Lake et de Kelly Lake Road, où le véhicule du plaignant avait fait une sortie de route. L’intersection n’est pas contrôlée pour les véhicules circulant vers l’est et l’ouest sur Round Lake Road et se trouve à 11,6 kilomètres du point de départ.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[1]

Enregistrements des communications

Le 1er juillet 2021, à 5 h 46 min 28 s, le Centre de communications de la Police provinciale de Smiths Falls (CCPP) signale à toutes les unités de police du détachement de la Vallée supérieure de l’Outaouais (UOV) un incident domestique à une résidence de Pembroke. Voici les parties importantes de cet enregistrement : [traduction]

AI J’ai un véhicule arrêté devant le 10912.
CCPP 10-4. Signale aux autres unités que l’AI est arrêté au sud de la route 17, au sud de Henan Road.
AI Je me dirige vers le sud sur Round Lake Road, à environ 100 km/h.
CCPP 10-4. As-tu allumé les gyrophares et la sirène de ton véhicule? L’homme refuse de s’arrêter?
AI C’est correct; gyrophares et sirènes. Il s’est arrêté, mais quand je suis sorti de mon véhicule, il s’est enfui.
CCPP 10-4
CCCP Quelle est la raison de la poursuite ?
AI Possible 253 avec les autres motifs raisonnables et probables.
CCPP 10-4, et quelles sont tes vitesses ?
AI 132
Sgt (séc. rout.) Il fait 16 degrés, le temps est clair, les routes sont sèches.
CCPP Avons-nous quelqu’un devant qui peut se mettre en position avec un tapis clouté?
Sgt du CCPP Comment le suspect conduit-il?
AI Le suspect reste dans sa voie, à une vitesse constante de 135, 140; il vient de passer Borne Road.
Sgt CCPP Puis-je obtenir une mise à jour sur les vitesses et la circulation?
AI La vitesse est 138, toujours en direction sud, vient de dépasser un semi-remorque arrêté, passe Stencells Road, 140 km/h.
AI Véhicule a tourné sur Kelly Lake; il est dans le fossé; je vais sortir et m’approcher à pied
AI J’ai un 10-92.
CCPP 10-4 Veux-tu qu’un 10-52[2] vienne sur les lieux?
AI Homme demande 52; déclare qu’il a mal partout, mais il est conscient. Je parle avec lui maintenant.
AI Commencez le kilométrage vers le détachement UOV lorsque vous êtes prêt – [kilométrage fourni].
AI Les 52, peuvent-ils nous rencontrer au poste d’essence Leenartz sur Round Lake Road?
AI Les ambulanciers paramédicaux ont examiné l’homme et ont trouvé qu’il n’avait pas besoin de soins médicaux, mais il veut aller à HRP. Donc, je le place sous ma garde, le remets sous ma garde et je vais à PRH. Prévenez-les si possible.
CCPP Juste pour clarifier, tu vas avec lui à HRP. C’est pour la santé mentale ou a-t’il besoin d’être examiné de plus près par le personnel médical?
AI Examen supplémentaire par le personnel médical.
AI En route vers HRP avec ce 10-92.
AI Kilométrage final à HRP lorsque vous êtes prêt – [kilométrage fourni], et avant d’entrer dans HRP, juste à cause de la réception, je vais contacter l’avocat de service, donc je vous dirai quand nous entrerons.
AI Je vous informe simplement que nous entrons dans HRP maintenant.
AI J’ai terminé à HRP. Direction 10-19, deux agents resteront à HRP avec le 92.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, la Police provinciale a remis à l’UES les éléments et documents suivants entre le 6 juillet et le 10 septembre 2021 :
• Enregistrements des communications;
• Centre d’assistance technique – demande de suivi GPS de véhicules de police;
• Chronologie des événements – système de répartition assistée par ordinateur;
• Données GPS pour le véhicule que conduisait l’AI le 1er juillet 2021;
• Liste des agents concernés;
• Déclaration écrite – AT no 2;
• Notes de l’AT no 1;
• Notes de l’AT no 2;
• Notes de l’AI;
• Sommaire de déclaration concernant les données GPS;
• Instructions d’utilisation de Google Earth pour afficher les fichiers KMZ.

Description de l’incident

Les événements importants en question ressortent clairement des éléments de preuve recueillis par l’UES, qui comprenaient une entrevue avec le plaignant, une analyse des données GPS associées aux vitesses et au parcours de la voiture de police de l’AI et un examen des enregistrements des communications de la police. L’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES, comme il en avait le droit, mais a autorisé la communication de ses notes sur l’incident.

Dans la matinée du 1er juillet 2021, la Police provinciale de l’Ontario a reçu un appel au 9-1-1 d’une femme, la compagne du plaignant à l’époque. Elle appelait pour dire qu’elle venait d’être agressée à son domicile par le plaignant qui était ensuite parti de chez elle au volant de son véhicule sans sa permission. Des agents ont été dépêchés sur les lieux pour rechercher le plaignant.

L’AI, au volant d’une voiture de patrouille aux couleurs de la Police provinciale, se dirigeait vers l’est sur Round Lake Road, quand le plaignant, au volant de la camionnette de la femme qui avait appelé le 9-1-1, l’a croisé en sens inverse. L’agent a activé ses gyrophares, a fait demi-tour et a commencé à suivre le plaignant.

Quand il a vu la voiture de police derrière lui, le plaignant s’est arrêté à proximité du 10884 Round Lake Road. L’AI s’est arrêté derrière la camionnette et sortait de sa voiture de police quand le plaignant s’est éloigné en accélérant. L’agent est retourné dans sa voiture de police et s’est lancé à la poursuite du plaignant vers l’ouest sur Round Lake Road.

Les deux véhicules ont continué vers l’ouest sur Round Lake Road, sur une distance de 11,5 kilomètres, à des vitesses supérieures à 130 km/h.

Le plaignant n’a pas réussi à négocier un virage à gauche sur Kelly Lake Road, a perdu le contrôle de la camionnette et s’est écrasé dans le fossé au coin sud-ouest de l’intersection. L’agent a vu l’accident, a immobilisé sa voiture de police et est sorti à pied pour porter secours au plaignant.

Des ambulanciers paramédicaux se sont rendus sur les lieux, ont évalué le plaignant et ont conclu qu’il n’avait pas besoin de soins médicaux. Le plaignant a par la suite été conduit à l’hôpital où on lui aurait diagnostiqué un traumatisme crânien.

Dispositions législatives pertinentes

Article 320.13, Code criminel – Conduite dangereuse de véhicules à moteur, d’un bateau ou d’un aéronef

320.13 (1) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport  d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances.

(2) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne.

(3) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, et cause ainsi la mort d’une autre personne.
 

Paragraphe 128(13), Code de la route – Vitesse d’un véhicule de pompiers ou de police

128(13) Les limites de vitesse prescrites aux termes du présent article, d’un règlement ou d’un règlement municipal adopté en application du présent article ne s’appliquent pas aux véhicules suivants :

(b) au véhicule de police utilisé par un agent de police dans l’exercice légitime de ses fonctions.


Analyse et décision du directeur

Le 1er juillet 2021, le plaignant a été grièvement blessé dans un accident de la route. Comme son véhicule était poursuivi par un agent de la Police provinciale au moment de l’accident, l’UES a été avisée et a ouvert une enquête. L’agent en question a été identifié comme étant l’agent impliqué (AI) aux fins de l’enquête de l’UES. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec la poursuite et la blessure du plaignant.

L’infraction à prendre en considération est la conduite dangereuse causant des lésions corporelles, une infraction visée par le paragraphe 320.13 (2) du Code criminel. La culpabilité serait fondée, en partie, sur la conclusion que la conduite constituait un écart marqué par rapport au niveau de prudence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans les circonstances. En l’espèce, il faut déterminer si l’AI a fait preuve d’un manque de prudence qui a causé l’accident ou y a contribué ou qui était suffisamment flagrant pour entraîner une sanction pénale. À mon avis, ce n’est pas le cas.

D’après ce que le service de répartition avait annoncé à propos de l’appel au 9-1-1, je suis convaincu que l’AI avait des motifs légitimes de croire que le plaignant avait agressé sa partenaire et conduisait une camionnette volée. Dans les circonstances, l’agent avait le droit de lancer une poursuite pour arrêter la camionnette et appréhender le plaignant.

Hormis les vitesses atteintes lors de la poursuite, le dossier de preuve ne contient aucun élément qui indiquerait une conduite dangereuse. Le temps était clair et la chaussée, quoique peut-être légèrement humide, était en bon état. Aucune des intersections – sept au total – n’était contrôlée par des panneaux d’arrêt ou des feux de circulation. Le plaignant semblait avoir le contrôle de la camionnette jusqu’à ce qu’il l’écrase dans le fossé. À aucun moment d’autres usagers de la route – en nombre minime compte tenu de l’heure matinale – n’ont été mis en danger imminent par la poursuite. Enfin, aucun élément de preuve criminalistique ne suggère que le véhicule de l’AI est entré en contact avec la camionnette.

Les vitesses atteintes par l’agent sont préoccupantes. D’après les données GPS, l’AI a roulé à plus de 130 km/h tout au long de la poursuite, atteignant régulièrement plus de 140 km/h, jusqu’à un maximum de 149 km/h. À ces vitesses, qui dépassent largement la limite de 80 km/h, je suis convaincu que la conduite de l’AI présentait un danger pour la sécurité publique.

Néanmoins, je ne suis pas en mesure de conclure raisonnablement que la vitesse de l’AI constituait un écart marqué par rapport à un niveau de prudence raisonnable. En vertu de l’alinéa 128 (13) b) du Code de la route, les agents de police ne sont pas tenus de respecter les limites de vitesse dans l’exercice légitime de leurs fonctions. Même si cet alinéa ne donne pas aux agents le droit de rouler aussi vite qu’ils le souhaitent, sans égard pour la sécurité publique, il offre un certain degré d’atténuation dans l’analyse du caractère raisonnable compte tenu du rôle des agents de police. Les dangers inhérents à la vitesse de l’AI étaient aussi atténués par le fait qu’il avait activé ses gyrophares et sa sirène (prévenant les autres automobilistes de la poursuite), par les conditions environnementales et les niveaux de circulation susmentionnés ainsi que par les informations qu’il diffusait concernant sa vitesse et la façon dont le plaignant conduisait. Ces informations permettaient aux officiers supérieurs qui surveillaient la poursuite de décider si on pouvait la continuer ou non. Il convient de noter qu’aucune des personnes qui surveillaient la poursuite n’a ordonné d’y mettre fin.

Pour les motifs qui précèdent, il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait transgressé les limites de prudence prescrites par le droit criminel dans la manière dont il a poursuivi le plaignant. Il n’y a pas donc lieu de déposer des accusations criminelles dans cette affaire, et le dossier est clos.


Date : 28 octobre 2021

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.