Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OCI-187

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves subies par un homme de 55 ans (le « plaignant »). Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves subies par un homme de 55 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 20 juin 2021, à 22 h 27, le Service de police d’Ottawa (SPO) a informé l’UES d’une blessure subie par le plaignant et donné le rapport suivant :

Le 20 juin 2021, vers 18 h 03, des agents du SPO ont été envoyés à un appartement, au 3e étage d’un immeuble de la rue Cooper, au sujet d’un incident de type domestique. Appartement, le plaignant harcelait une famille dans cet appartement. Quand une femme en fauteuil roulant est sortie dans le corridor pour voir ce qui se passait, le plaignant est entré dans l’appartement de la femme et a verrouillé la porte. Le plaignant était seul dans l’appartement avec une jeune fille de 12 ans, qui a sauté du balcon du 3e étage pour échapper au plaignant. Les agents sont arrivés sur les lieux et ont constaté que le plaignant avait également sauté du balcon du 3e étage. Il semblait avoir subi une blessure à la colonne vertébrale. Il a été conduit à l’hôpital.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 21 juin 2021 à 10 h 25

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 21 juin 2021 à 11 h 42

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 55 ans; a participé à une entrevue

Le plaignant a participé à une entrevue le 12 juillet 2021.


Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue entre le 25 et le 29 juin 2021.

Agents impliqués (AI)

AI no 1 A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.
AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

L’AI no 1 A participé à une entrevue le 27 juillet 2021.


Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue
AT no 6 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.

Les agents témoins ont participé à une entrevue entre le 28 juin et le 27 juillet 2021.



Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est déroulé dans un immeuble d’appartements de la rue Cooper, à Ottawa.

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ne se sont pas rendus sur les lieux et, par conséquent, n’ont pas procédé à l’examen des lieux ni dessiné de schéma.


Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]

Appels au 9-1-1

Le premier appel, à 18 h 08 min 31 s, est du plaignant. Il demande que la police vienne à une adresse de la rue Cooper. Il affirme que des gens le poursuivent et essaient de le tuer. Il dit qu’il est chez une femme, rue Cooper, et qu’elle va lui tirer dessus. Il affirme que cette femme est sa petite amie. On peut entendre le plaignant parler à une femme. La femme supplie le plaignant de la laisser entrer chez elle. On peut entendre la femme crier à l’aide en arrière-plan. Le plaignant s’éloigne du téléphone et ne répond pas aux questions du répartiteur.

Le deuxième appel est à 18 h 17 min 17 s. L’appelante habite dans un appartement de l’immeuble de la rue Cooper. Elle a dit qu’un homme [maintenant déterminé comme étant le plaignant] s’est introduit par effraction dans un appartement du 3e étage et a enlevé un enfant. Elle ajoute que le plaignant est maintenant dans cet appartement du 3e étage avec l’enfant.

Le troisième appel est à 18 h 17 min 44 s. Une personne non identifiée demande que la police vienne à un appartement, au 3e étage d’un immeuble de la rue Cooper, et donne le nom de la jeune fille dans l’appartement.

Le quatrième appel est à 18 h 17 min 45 s. On entend une femme non identifiée en train de crier. Un homme [que l’on croit maintenant être l’AI no 1] demande à la femme de se calmer et d’aller dehors. La personne raccroche.

Le cinquième appel est à 18 h 18 min 59 s. Il provient du plaignant. Le plaignant demande que la police vienne à l’arrière de l’immeuble, rue Cooper. Il dit qu’il a sauté du balcon du 3e étage. Il pense s’être cassé le dos et il est incapable de marcher. Le plaignant demande une ambulance, puis raccroche.


Enregistrements des communications du SPO

Il s’agit des communications du 20 juin 2021 à partir de 18 h 08 min 7 s.

À 18 h 08 min 17 s, le répartiteur avise les unités de police d’un appel relevant de la Loi sur la santé mentale (LSM) et concernant des personnes suspectes à une adresse de la rue Cooper. L’appelant [maintenant déterminé comme étant le plaignant] est dans le hall d’entrée et affirme que des gens veulent le tuer.

À 18 h 09 min 46 s, le répartiteur dit sur le réseau radio de la police que le plaignant frappe aux portes des appartements en disant que des gens vont lui tirer dessus.

À 18 h 10 min 30 s, le répartiteur dit que le plaignant semble aller d’un étage à l’autre dans l’immeuble. Selon le répartiteur, le plaignant est maintenant au 3e étage.

À 18 h 13 min 5 s, le répartiteur dit que le plaignant est toujours au 3e étage, dans un appartement.

À 18 h 15 min 50 s, le répartiteur dit que le SPO a reçu un appel au 9-1-1 et que le plaignant est apparemment entré de force dans un appartement du 3e étage.

À 18 h 16 min 24 s, le répartiteur demande aux unités de police de confirmer la dernière transmission.

À 18 h 16 min 27 s, l’AI no 1 ou l’AI no 2 dit qu’ils sont sur les lieux et que la porte de l’appartement ne semble pas avoir été ouverte de force.

À 18 h 17 min 6 s, le répartiteur dit que le plaignant a apparemment sauté du balcon du 3e étage et qu’il se trouve à l’arrière de l’immeuble.

À 18 h 17 min 34 s, l’AI no 1 ou l’AI no 2 dit sur le réseau radio de la police qu’une jeune fille de 12 ans est dans l’appartement du 3e étage et qu’il semble qu’un homme inconnu (le plaignant), qui est entré sans autorisation dans l’appartement, est avec elle.

À 18 h 17 min 54 s, l’AI no 1 ou l’AI no 2 demande que le gérant de l’immeuble les rejoigne.

À 18 h 18 min 24 s, l’AI no 1 ou l’AI no 2 dit que le plaignant a probablement pris la jeune fille en otage et que les agents vont enfoncer la porte de l’appartement du 3e étage.

À 18 h 18 min 58 s, l’AT no 4 demande à être placé sur l’appel.

À 18 h 19 min 2 s, l’AI no 1 ou l’AI no 2 dit que la porte de l’appartement du 3e étage est difficile à défoncer parce que le cadre est en acier. Ils demandent où est le gérant de l’immeuble.

À 18 h 19 min 17 s, l’AI no 1 ou l’AI no 2 demande que le gérant de l’immeuble les rejoigne.

À 18 h 20 min 1 s, l’AI no 1 ou l’AI no 2 demande que les agents qui viennent en renfort se rendent à l’arrière de l’immeuble et surveillent le balcon.

À 18 h 20 min 10 s, le répartiteur dit avoir reçu un autre appel l’informant que le plaignant a sauté du balcon.

A 18 h 20 min 19 s, une unité de police demande s’il est confirmé qu’il y a une prise d’otages. Le répartiteur répond qu’on ne peut pas le confirmer et qu’aucun agent n’a réussi à entrer dans l’appartement du 3e étage.

À 18 h 20 min 55 s, l’AI no 1 ou l’AI no 2 dit qu’ils défoncent la porte de l’appartement. Le plaignant s’est peut-être échappé du côté nord de l’immeuble.

À 18 h 21 min 15 s, l’AI no 1 ou l’AI no 2 dit qu’ils ne sont pas encore dans l’appartement, mais qu’ils donnent des coups de pied dans la porte.

À 18 h 22 min 28 s, l’AT no 1 dit par radio que des agents ont le plaignant en joue du côté nord de l’immeuble.

À 18 h 23 min 25 s, l’AI no 1 ou l’AI no 2 dit qu’ils sont entrés dans l’appartement du 3e étage et qu’il est vide – il n’y a personne à l’intérieur.

À 18 h 24 min 12 s, un agent dont on ignore l’identité dit que la police est entrée dans l’appartement du 3e étage. L’appartement a été vérifié. Le plaignant est sous garde à l’extérieur de l’immeuble. La situation est sous contrôle.

À 18 h 25 min 27 s, le répartiteur demande qu’un agent se rende à un autre appartement –apparemment, une fille de 12 ans qui était dans cet appartement a aussi sauté du balcon. L’ambulance est en route.

À 18 h 26 min 11 s, l’AT no 2 ou l’AT no 1 demande une ambulance pour le plaignant du côté nord de l’immeuble.

À 18 h 26 min 35 s, l’AT no 2 ou l’AT no 1 dit que le plaignant leur a dit qu’il était blessé à la colonne vertébrale.

À 18 h 30 min 3 s, l’AI no 1 ou l’AI no 2 dit qu’ils sécurisent les lieux à l’étage et en bas jusqu’à nouvel ordre.


Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, le SPO a remis à l’UES les éléments et documents suivants entre le 23 juin et le 22 septembre 2021 :
• Enregistrement des appels au 9-1-1;
• Enregistrements des communications;
• Notes et rapport d’enquête – AT no 4;
• Notes et rapport d’enquête – AT no 2;
• Notes et rapport d’enquête – AT no 3;
• Notes et rapport d’enquête – AT no 5;
• Notes et rapport d’enquête – AT no 1;
• Rapport d’enquête – AI no 2 ;
• Notes - AT no 6;
• Déclaration de témoin – TC no 3;
• Déclaration de témoin – TC no 2;
• Politique – Incidents liés à la santé mentale;
• Politique – Arrestation;
• Politique – Libération de personnes;
• Politique – Libération d’adultes sur les lieux;
• Politique – Otages et personnes barricadées;
• Photographies des lieux.


Description de l’incident

Les événements importants en question ressortent clairement des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec le plaignant, avec l’un des agents impliqués (l’AI no 1) et avec deux témoins oculaires civils. Comme c’était son droit légal, l’autre agent impliqué – l’AI no 2 – n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES.

Dans la soirée du 20 juin 2021, le plaignant, dans un état de paranoïa induite par la drogue et l’alcool, est tombé du balcon d’un appartement du 3e étage d’un immeuble de la rue Cooper, à Ottawa. Sous l’effet de l’impact avec le sol, le plaignant a subi une fracture du dos et d’un de ses pieds. Quelques minutes après sa chute, des agents du SPO se sont approchés du plaignant et l’ont placé en état d’arrestation. Le plaignant a ensuite été conduit à l’hôpital où ses blessures ont été diagnostiquées.

Au moment de la chute du plaignant, l’AI no 1 et l’AI no 2 étaient devant la porte verrouillée de l’appartement et tentaient d’entrer. On leur avait dit que plaignant était entré par effraction dans l’appartement et qu’il tenait une jeune fille de 12 ans en otage. Les agents avaient été envoyés à cet immeuble quelques minutes auparavant à la suite d’un appel au 9-1-1 du plaignant qui affirmait que des personnes le poursuivaient dans l’immeuble et tentaient de le tuer.

Le plaignant n’était pas sain d’esprit à ce moment-là. Il avait passé les deux jours précédents à consommer des quantités excessives d’alcool et de cocaïne en compagnie d’une résidente de l’immeuble. Après avoir quitté l’appartement de cette dernière, le plaignant a erré d’étage en étage, provoquant des troubles et demandant de l’aide pour se protéger d’agresseurs imaginaires, et est finalement entré dans un appartement du 3e étage où se trouvait une jeune fille de 12 ans. Craignant que les coups à la porte proviennent de personnes qui lui voulaient du mal, le plaignant s’est enfui sur le balcon de l’appartement, où il a escaladé la balustrade, a perdu prise et est tombé sur le sol en contrebas.

Inquiets pour la jeune fille de 12 ans, les AI no 1 et AI no 2 ont décidé de forcer la porte de l’appartement. Au bout de quelques minutes, ils ont réussi à défoncer la porte et à entrer dans l’appartement. Il n’y avait personne à l’intérieur. Le plaignant était déjà tombé du balcon, tout comme la jeune fille. Paniquée par la présence de l’intrus chez elle, la jeune fille avait également sauté du balcon pour lui échapper avant que le plaignant ne tombe lui-même. Malgré une fracture au pied, la jeune fille était parvenue à se relever et à s’enfuir. Les blessures du plaignant ont empêché ce dernier de faire de même. Les agents ont regardé par-dessus la balustrade du balcon et ont vu le plaignant en contrebas.

Entre-temps, l’AT no 2 et l’AT no 1, en entendant l’annonce au sujet de la prise d’otages, avaient décidé de se rendre sur les lieux. À leur arrivée, ils ont appris que le suspect – le plaignant – avait sauté du balcon. Ils se sont dirigés vers l’arrière de l’immeuble où ils ont trouvé le plaignant. Ce dernier était allongé à côté d’un bac à plantes et leur a dit qu’il était incapable de bouger à cause de ses blessures. Les agents, que l’AT no 3 avait alors rejoints, se sont approchés du plaignant qui s’était mis à genoux. L’AT no 2 et l’AT no 3 ont saisi le plaignant, respectivement par le bras gauche et le bras droit, et l’ont mis à plat ventre par terre. Quand le plaignant a refusé de dégager son bras gauche de sous son torse, l’AT no 2 lui a donné trois coups de poing sur le côté gauche, après quoi les agents l’ont menotté dans le dos.

Dispositions législatives pertinentes

Articles 219 du Code criminel -- Négligence criminelle

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

Article 221 du Code criminel -- Causer des lésions corporelles par négligence

221 Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui.

Analyse et décision du directeur

Le 20 juin 2021, le plaignant a subi des blessures graves en tombant du balcon d’un appartement du 3e étage d’un immeuble, à Ottawa. Comme des agents du SPO étaient présents dans cet immeuble à ce moment-là, l’UES a été avisée et a ouvert une enquête. Deux des agents ont été désignés en tant qu’agents impliqués (AI no 1 et AI no 2) aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’un ou l’autre de ces agents ait commis une infraction criminelle en lien les blessures du plaignant.

L’infraction à prendre en considération en l’espèce est la négligence criminelle causant des lésions corporelles, une infraction visée par l’article 221 du Code criminel. Cette infraction correspond aux cas graves de négligence qui démontrent un mépris déréglé ou téméraire pour la vie ou la sécurité d’autrui. La culpabilité serait fondée, notamment, sur la conclusion que la conduite en question constituait un écart marqué par rapport et important par rapport à la norme de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercée dans les circonstances. En l’espèce, il faut déterminer si, dans leur comportement, les agents impliqués ont fait preuve d’un manque de diligence qui a contribué aux blessures du plaignant d’une façon suffisamment flagrante pour justifier une sanction pénale. À mon avis, ce n’est pas le cas.

La présence de l’AI no 1 et de l’AI no 2 était légale tout au long de leur intervention et ils se sont conduits avec la diligence et le respect nécessaires pour le bien-être du plaignant. Les agents avaient été envoyés sur les lieux à la suite d’appels au sujet de troubles dans l’immeuble et ils ont par la suite appris que le plaignant avait peut-être pris en otage une jeune fille de 12 ans. Dans les circonstances, les agents avaient des raisons d’entrer de force dans l’appartement du 3e étage, compte tenu des exigences du moment, pour faire tout leur possible pour protéger la jeune fille. On ne peut donc pas leur reprocher les efforts légitimes et raisonnables qu’ils ont déployés pour entrer dans l’appartement, même si ces efforts semblent avoir été le catalyseur de la décision du plaignant de sauter.

Même si ce n’est pas le principal objet de l’enquête de l’UES, j’ajouterais que la force utilisée par l’AT no 2 pour arrêter le plaignant, à savoir trois coups de poing au côté gauche, semble aussi avoir été légalement justifiée. Les agents avaient clairement le droit d’arrêter le plaignant à ce moment-là puisque, d’après les renseignements qu’on leur avait communiqués, le plaignant était entré sans autorisation dans un appartement du 3e étage où il avait pris une jeune fille en otage. L’AT no 2 avait donc des raisons de croire qu’il avait affaire à un individu possiblement violent qui venait de commettre une infraction très grave. Dans les circonstances, je ne peux pas raisonnablement conclure que les trois coups de poing assénés au plaignant, qui ont permis de dégager son bras gauche de sous son torse, excédaient la force raisonnablement nécessaire pour surmonter la résistance du plaignant et le placer sous garde.

Pour les raisons qui précèdent, il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’un ou l’autre des agents en cause a transgressé les limites de diligence ou utilisé une force excessive à l’égard du plaignant. Il n’y a pas donc lieu de déposer des accusations criminelles dans cette affaire, et le dossier est clos.


Date : 15 octobre 2021

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les éléments importants des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.