Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OCI-182

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 59 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 9 juin 2021, à 19 h 35, le service de police de Kingston (SPK) a informé l’UES de la blessure du plaignant.

Selon le SPK, le 7 juin 2021, à 23 h 57, le plaignant était en état de détresse mentale. Des policiers l’ont trouvé près de l’intersection des rues Princess et Alfred. Ils lui ont dit qu’on allait le conduire à l’hôpital. Le plaignant a refusé et les agents l’ont appréhendé en vertu de la Loi sur la santé mentale. Le plaignant a ensuite été placé dans une voiture de police et transporté à l’Hôpital général de Kingston (HGK) où on lui a diagnostiqué une fracture en spirale au bras droit.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 11 juin 2021 à 10 h

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 11 juin 2021 à 10 h 14

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 59 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 17 juin 2021.


Agents impliqués (AI)

AI no 1 A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.
AI no 2 A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Les agents impliqués ont participé à une entrevue le 22 juillet 2021.



Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 22 juin 2021.



Éléments de preuve

Les lieux

L’arrestation du plaignant a eu lieu au 522, rue Princess, ou à proximité. Il s’agit de l’adresse des services de toxicomanie et de santé mentale de Kingston/Frontenac (AMHS-K/F), un organisme à but non lucratif qui offre aux particuliers des services communautaires en santé mentale, toxicomanie et logement. Cet endroit est dans un secteur urbain, avec des commerces sur les côtés nord et sud de la rue Princess. L’immeuble en question est délimité par la rue Frontenac à l’ouest et par la rue Alfred à l’est.


Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]


Vidéo de caméra de surveillance de l’Hôpital général de Kingston

Il s’agit d’une vidéo du 8 juin 2021. Elle commence à 0 h 40 min 17 s et se termine à 0 h 59 min 17 s. La caméra fait face à la rue et on voit sur la vidéo la circulation des véhicules. L’objectif de la caméra était embué. Cette vidéo n’avait pas de valeur probante pour l’enquête.


Enregistrements des communications de la police

Il s’agit d’enregistrements des 7 et 8 juin 2021 qui ont capturé ce qui suit.

À 23 h 57 min 29 s, quelqu’un appelle le 9-1-1 pour signaler qu’un homme [maintenant déterminé comme étant le plaignant] est en train de cogner dans les fenêtres de AMHS-K/F au coin de la rue Princess et de la rue Albert;

À 23 h 59 min 24 s, l’AI no 1 est envoyé sur les lieux;

À 23 h 59 min 30 s, l’AI no 1 dit qu’il est en route;

À 00 h 03 min 37 s, l’AI no 1 dit qu’il est arrivé sur les lieux;

À 0 h 06 min 59 s, l’AT no 2 est envoyé sur les lieux;

À 0 h 08 min 44 s, l’AT no 1 et l’AI no 2 sont envoyés sur les lieux;

À 0 h 09 min 47 s, l’AT no 2 arrive sur les lieux;

À 0 h 11 min 38 s, l’AI no 1 et l’AT no 2 disent qu’ils ont le plaignant sous garde. Le plaignant est appréhendé en vertu de la LSM;

À 0 h 15 min 31 s, des agents sur place demandent qu’on envoie une ambulance;

À 0 h 16 min 1 s, la demande d’ambulance est annulée;

À 0 h 16 min 59 s, l’AT no 3 et l’AT no 4 sont envoyés sur les lieux; Ils ont un véhicule de police avec un compartiment de détention;

À 0 h 22 min 31 s, le répartiteur avise l’hôpital que la police est en route avec le plaignant.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, le SPK a remis à l’UES les éléments et documents suivants entre le 21 juin et le 2 juillet 2021 :
• Appel de service ;
• Rapport d’incident;
• Enregistrements des communications;
• Notes de l’AT no 4;
• Notes de l’AT no 3;
• Notes de l’AT no 1;
• Notes de l’AT no 2;
• Directive générale – Procédures d’arrestation;
• Directive générale – Intervention de la police en présence de personnes qui sont perturbées sur le plan émotionnel ou qui ont une maladie mentale ou une déficience intellectuelle.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments suivants obtenus auprès d’autres sources :
• Vidéo de la caméra de surveillance à l’extérieur de l’hôpital;
• Photographies du plaignant;
• Dossier médical – Hôpital général de Kingston.

Description de l’incident

La séquence d’événements suivante découle des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec le plaignant, avec les deux agents impliqués et avec d’autres agents qui étaient présents sur les lieux au moment de l’incident en question.

Vers 23 h 57, le 7 juin 2021, le SPK a reçu un appel au 9-1-1 signalant qu’un homme – le plaignant – donnait des coups sur les fenêtres de l’immeuble des services de toxicomanie et de santé mentale de Kingston, Frontenac, Lennox et Addington au 522, rue Princess, à Kingston.

L’AI no 1 a été chargé d’intervenir et est arrivé sur les lieux vers 0 h 03, le 8 juin 2021. Il a parlé au plaignant et a déterminé qu’il fallait l’appréhender en vertu de la Loi sur la santé mentale (LSM) pour sa propre sécurité. Initialement, le plaignant a accepté son appréhension, mais quand l’AI no 1 lui a dit qu’on allait le conduire à l’hôpital, il s’y est opposé. À la demande de l’AI no 1, d’autres agents ont été envoyés en renfort.

L’AI no 2, l’AT no 1 et l’AT no 2 sont arrivés sur les lieux juste avant 0 h 10 min Ils ont aidé l’AI no 1 à arrêter plaignant et ont réussi à le faire s’assoir sur le siège arrière de la voiture de patrouille de l’AI no 1, malgré la résistance qu’il leur opposait. Estimant prudent de transporter le plaignant dans un véhicule de police équipé d’un compartiment complet pour le transport des prisonniers (sa voiture de patrouille n’avait qu’une simple cloison), l’AI no 1 a demandé qu’on envoie un tel véhicule sur les lieux.

L’AT no 3 et l’AT no 4 sont arrivés sur les lieux vers 0 h 20 dans un véhicule du type demandé. Le plaignant, qu’on avait fait sortir de la voiture de patrouille de l’AI no 1, a été escorté jusqu’au véhicule de l’AT no 3 et de l’AT no 4 et placé à l’arrière.

Le plaignant a alors été conduit à l’Hôpital général de Kingston, où il a été admis pour un examen psychiatrique. À l’hôpital, on a constaté que le plaignant avait une fracture au bras droit.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 17 de la Loi sur la santé mentale -- Intervention de l’agent de police

17 Si un agent de police a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une personne agit ou a agi d’une façon désordonnée et qu’il a des motifs valables de croire que cette personne :
a) soit a menacé ou tenté de s’infliger des lésions corporelles ou menace ou tente de le faire
b) soit s’est comportée ou se comporte avec violence envers une autre personne ou de manière à lui faire craindre qu’elle lui causera des lésions corporelles
c) soit a fait ou fait preuve de son incapacité de prendre soin d’elle-même

et qu’en plus, il est d’avis que cette personne souffre, selon toute apparence, d’un trouble mental d’une nature ou d’un caractère qui aura probablement l’une des conséquences suivantes :
a) elle s’infligera des lésions corporelles graves
b) elle infligera des lésions corporelles graves à une autre personne
c) elle subira un affaiblissement physique grave

et qu’il serait dangereux d’agir selon les termes de l’article 16, il peut amener sous garde cette personne dans un lieu approprié afin qu’elle soit examinée par un médecin.

Analyse et décision du directeur

Le 8 juin 2021, le plaignant a reçu un diagnostic de blessure grave à la suite de son arrestation par des agents du SPK, à Kingston. Deux des agents qui ont procédé à l’arrestation – l’AI no 1 et l’AI no 2 – ont été désignés en tant qu’agents impliqués aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’un ou l’autre de ces agents ait commis une infraction criminelle en lien avec l’arrestation et la blessure du plaignant.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police sont exonérés de toute responsabilité criminelle lorsqu’ils ont recours à la force dans l’exécution de leurs fonctions, pour autant que cette force n’excède pas ce qui est raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire en vertu de la loi. Le plaignant était manifestement en état de détresse mentale vers minuit le 8 juin 2021. De plus, sa conduite était une cause manifeste de préoccupation. Dans les circonstances, je suis convaincu que son arrestation a été autorisée en vertu de l’article 17 de la Loi sur la santé mentale.

Par la suite, même s’il se peut fort bien que le plaignant ait subi sa fracture au bras au cours de ses interactions avec un ou plusieurs des agents qui procédaient à son arrestation, il n’y a pas suffisamment de preuves pour conclure raisonnablement qu’il a été victime d’une force injustifiée. Tout au plus, la preuve indique que les agents ont lutté avec le plaignant pour surmonter sa résistance quand ils essayaient de le faire s’assoir sur le siège arrière d’une voiture de police pour le conduire à l’hôpital. [2] Rien n’indique que les agents aient inutilement malmené le plaignant ou qu’ils lui aient infligé des coups de quelque nature que ce soit.

Au bout du compte, comme il n’y a aucun motif raisonnable de croire que les agents impliqués se soient comportés autrement que légalement tout au long de leur interaction avec le plaignant, il n’y a aucun motif de porter des accusations au criminel dans cette affaire. Le dossier est donc clos.


Date : 7 octobre 2021

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les éléments importants des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
  • 2) Il convient de noter qu’il y avait des éléments de preuves contradictoires quant à savoir si les agents ont lutté avec le plaignant quand ils l’ont placé dans le premier véhicule de police, dans le deuxième véhicule de police, ou dans les deux. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.