Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OVI-166

Attention :

Cette page affiche un contenu graphique pouvant choquer, offenser et déranger.

Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 63 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 27 mai 2021, à 19 h 19, le Service de police régional de Waterloo (SPRW) a signalé une blessure grave impliquant un véhicule du Service de police de Guelph (SPG) et un véhicule civil.

Le SPRW a indiqué qu’une équipe antidrogue du SPG arrêtait un homme dans le secteur du SPRW. Après l’arrestation, vers 18 h 30, ils retournaient à Guelph sur Kossuth Road, près de Beaverdale Road, à bord de deux véhicules. Le premier était une camionnette aux couleurs du SPG où se trouvait le prisonnier et le deuxième était un véhicule qui n’était pas de la police et où se trouvait un agent de police du SPG. Un véhicule civil venant en sens inverse a franchi la ligne médiane et a heurté la camionnette du SPG, puis a frappé de plein fouet le véhicule de l’autre agent du SPG.

Le conducteur du véhicule civil a été transporté en ambulance aérienne par Ornge et l’agent du deuxième véhicule a subi des fractures aux deux jambes.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 27 mai 2021 à 20 h 14

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 27 mai 2021 à 21 h 10

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Nombre de spécialistes de la reconstitution des collisions assignés : 1

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 63 ans, a participé à une entrevue

Le plaignant a participé à une entrevue le 18 juin 2021.


Témoins civils (TC)

TC no 1 N’a pas participé à une entrevue [1]
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue le 1er juin 2021.

Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est déroulé sur la chaussée à la hauteur du 857, Kossuth Road. Kossuth Road est une route est-ouest à deux voies qui est fréquemment utilisée comme itinéraire secondaire entre Kitchener et Cambridge.

Il s’agit d’un secteur rural et la vitesse est limitée à 80 km/h. La route est goudronnée avec des accotements en gravier. Au moment de la collision, la chaussée était sèche et le temps était clair.

Les enquêteurs de l’UES et les agents de police du SPRW ont mené une enquête sur place, notamment par des photographies, une couverture vidéo aérienne par drone et une reconstitution de collision.

La chaussée est divisée par une double ligne jaune, avec une ligne continue pour la circulation vers l’est et une ligne discontinue pour la circulation vers l’ouest. Elle est délimitée par des lignes blanches des deux côtés, suivies d’un accotement pavé, puis d’un accotement de gravier et enfin d’une zone herbeuse légèrement inclinée.

Trois véhicules étaient impliqués dans cette collision.

La scène a été photographiée pour montrer la route, les traces de pneus et les conditions d’éclairage, ainsi que la position des véhicules et les dommages. La scène a été documentée au moyen d’une station totalisatrice.



Figure 1 - La Nissan du plaignant

Schéma des lieux

Témoignage d’expert

Résumé du rapport du spécialiste de la reconstitution des collisions de l’UES

L’UES a été aidée sur les lieux par une équipe d’enquêteurs spécialistes des collisions du SPRW.

La collision impliquait trois véhicules : le véhicule n° 3 – une Nissan conduite par le plaignant en direction est, le véhicule n° 1 – une Honda du SPG, conduite par l’agent no 1 du SPG qui roulait vers l’ouest, et le véhicule n° 2 - une Volkswagen conduite par l’agent no 2 du SPG qui roulait vers l’ouest, derrière le véhicule du premier agent.

La collision a été constituée de deux impacts, dans les deux cas sur le côté nord de la voie en direction ouest.

La première zone d’impact était celle de la collision entre la Nissan et la Honda. Elle était à 2,8 mètres au nord de la ligne médiane séparant les voies est et ouest, sur presque toute la largeur de la voie ouest depuis la ligne médiane.

La deuxième zone d’impact était celle de la collision entre la Nissan et la Volkswagen.

Elle était sous l’endroit où la Nissan s’est finalement immobilisée et n’a été découverte que lorsque la Nissan a été déplacée de cet endroit par une dépanneuse.

Cette zone était à environ 3 mètres au nord de la ligne médiane séparant les voies est et ouest, et, là aussi, sur presque toute la largeur de la voie ouest depuis la ligne médiane.

Les deux zones d’impact étaient distantes d’environ 14,6 mètres l’une de l’autre.

Entre la première et la deuxième zone d’impact, il y avait une marque révélant la glissade d’un pneu bloqué. On sait maintenant que c’était la trace laissée par le pneu avant, côté conducteur, de la Nissan, quand celle-ci a continué vers l’est dans la voie ouest, entre l’impact avec la Honda et l’impact avec la Volkswagen.

De multiples coussins gonflables ont été déployés dans la Volkswagen sous l’effet de la collision avec la Nissan; cependant, le véhicule n’était pas compatible avec le système d’extraction de données d’accident Bosch.

De multiples coussins gonflables ont été déployés dans la Nissan sous l’effet des collisions avec la Honda et la Volkswagen; cependant, ce véhicule n’était pas non plus compatible avec un système d’extraction des données.

Des agents du SPRW ont organisé la récupération des données du module de sac gonflable par l’intermédiaire d’un contact chez Nissan. Un rapport a été remis à l’UES, qui l’a examiné. Le rapport indiquait que des coussins gonflables avaient été déployés; cependant, aucune donnée de collision n’avait été enregistrée dans le module, peut-être en raison d’une perte de courant instantanée et catastrophique pendant les collisions. Il n’y avait donc aucune donnée relative à la vitesse, au freinage ou à la direction de la Nissan ou de la Volkswagen.

De multiples sacs gonflables ont été déployés dans la Honda sous l’effet de la collision avec la Nissan. Sur les lieux, l’UES a téléchargé les données du module de commande des coussins gonflables de la Honda à l’aide du système de récupération des données. On a déterminé que les données récupérées provenaient de la collision faisant l’objet de l’enquête.

Ce rapport indiquait ce qui suit :
• Le conducteur n’avait pas bouclé sa ceinture de sécurité;
• Le passager avant n’avait pas bouclé sa ceinture de sécurité;
• Entre 5 et 1 s avant la collision, la Honda roulait à une vitesse constante d’environ 80 km/h;
• Une seconde avant la collision, la pédale d’accélérateur a été relâchée, les freins ont été appliqués et il y a eu une action brusque sur la direction;
• Entre une seconde avant la collision et le moment où les coussins gonflables ont reçu le signal de se déployer, les freins sont restés serrés et la Honda a décéléré à environ 68 km/h.

Les indices matériels indiquaient ce qui suit et concordaient avec les renseignements que l’UES a obtenu en interrogeant les témoins civils et en examinant les documents qui lui ont été fournis :
• La collision s’est produite sur Kossuth Road, entre Beaverdale Road et Chilligo Road;
• La Nissan roulait vers l’est;
• La Honda roulait vers l’ouest;
• La Volkswagen roulait vers l’ouest, directement derrière la Honda;
• La Nissan a franchi la double ligne médiane (ligne continue pour la circulation vers l’est et discontinue pour la circulation vers l’ouest) et a roulé dans le mauvais sens dans la voie en direction ouest;
• La Honda a fait un écart sur la droite, vers l’accotement, apparemment pour tenter d’éviter d’être frappée par la Nissan;
• Le coin avant gauche de la Nissan a frappé la roue arrière gauche et le coin gauche de la Honda;
• La Honda a viré vers la gauche en continuant vers l’ouest, est entrée dans le fossé du côté nord de la route, a pivoté de 180 degrés et s’est immobilisée face à l’est dans le fossé, près des arbres;
• La Nissan a continué vers l’est dans la voie en direction ouest;
• La Volkswagen a fait un écart vers la droite;
• L’avant de la Nissan a heurté violemment, presque de front, l’avant de la Volkswagen de sorte que le coin, côté conducteur, de chaque véhicule était presque aligné avec l’axe central de l’autre véhicule;
• Après l’impact, la Nissan a viré vers la gauche et s’est immobilisée face à l’ouest dans la voie en direction ouest;
• Après l’impact, la Volkswagen a été poussée tout droit vers l’arrière et s’est immobilisée en direction ouest sur l’accotement nord.

Les blessures subies par le plaignant étaient compatibles avec la dynamique de la collision.

Selon les preuves matérielles et conclusions de la reconstitution de la collision, la Honda et la Volkswagen étaient conduites correctement.

Ces preuves matérielles et conclusions concordaient avec le fait que la Nissan, conduite par le plaignant, avait franchi la ligne médiane et s’était retrouvée dans la trajectoire de la Honda, puis de la Volkswagen.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, le SPG et le SPRW ont remis à l’UES les éléments et documents suivants entre le 28 mai et le 7 juin 2021 :
• Déclarations manuscrites de témoins civils (TC no 1, TC no 3, TC no 4 et TC no 2);
• Liste des agents de police concernés;
• Données téléchargées de l’ordinateur de bord de la Nissan.

Description de l’incident

Les événements importants en question sont clairs et peuvent être brièvement résumés comme suit.

Le 27 mai 2021, vers 18 h 30, l’agent no 1 conduisait un véhicule de police banalisé – une Honda – vers l’ouest, sur Kossuth Road, en direction de Beaverdale Road. L’agent exerçait des fonctions légitimes dans un secteur relevant du SPRW. L’agent no 2, qui assistait l’agent no 1 ce jour-là, roulait aussi vers l’ouest, juste derrière lui, dans sa Volkswagen personnelle.

Au même moment, une Nissan conduite par le plaignant roulait vers l’est sur Kossuth Road, à l’est de Beaverdale Road. Au moment où il approchait de la Honda, le véhicule du plaignant a franchi la ligne médiane et a commencé à rouler dans la voie ouest.

L’agent no 1 a remarqué la Nissan qui arrivait droit vers lui dans sa voie et a fait une embardée vers la droite pour tenter d’éviter une collision. La Nissan a frappé l’arrière gauche de la Honda, la faisant vriller dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. La Honda s’est immobilisée au nord de la voie ouest, face à l’est.

Après l’impact avec la Honda, la Nissan a continué et a frappé la Volkswagen de plein fouet. L’agent no 2 a subi une fracture du fémur.

Le plaignant a été transporté par ambulance aérienne à l’hôpital où on lui a diagnostiqué de multiples fractures, un traumatisme crânien et une hémorragie interne.

Analyse et décision du directeur

Le 27 mai 2021, le plaignant a subi des blessures graves lorsque son véhicule est entré en collision avec des véhicules conduits par des agents du SPG. L’UES a ouvert une enquête. Après avoir évalué les éléments de preuve recueillis dans le cadre de l’enquête, je suis convaincu qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’un ou l’autre des agents du SPG aient commis une infraction criminelle en lien avec l’arrestation et les blessures du plaignant.

L’agent no 1 et l’agent no 2 étaient des agents de police en service et exerçaient des fonctions légitimes lorsque leurs véhicules ont été heurtés par la Nissan du plaignant sur Kossuth Road. Rien n’indique que l’un ou l’autre des agents aient conduit de manière imprudente ou dangereuse. Ils roulaient à la limite de vitesse et sans sortir de leur propre voie lorsque, pour des raisons inconnues, la Nissan du plaignant a traversé leur voie et a heurté leurs véhicules. Ils ont fait ce qu’ils pouvaient pour tenter d’éviter une collision, mais n’avaient tout simplement ni le temps ni l’espace pour le faire.

Sur le dossier susmentionné, il est évident que les agents n’ont rien fait pour causer l’accident ou y contribuer. Il n’y a pas donc lieu de déposer des accusations criminelles dans cette affaire, et le dossier est clos.



Date : 23 septembre 2021

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Le TC no 1 a participé à une entrevue avec le SPRW sur les lieux. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.